Intervention de André Chassaigne

Réunion du mardi 8 décembre 2020 à 18h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Merci, Madame la Présidente. La Commission a communiqué, le 28 octobre, sur sa proposition de directive cadre relative aux salaires minimaux adéquats. Je ne suis pas certain que la « renaissance » porte ses fruits et que les choses avancent, sinon en faisant du sur place.

Manifestement, le contenu ne prévoit aucune référence, vous l'avez dit, au niveau d'un salaire minimum adéquat, avançant seulement des valeurs de référence indicatives sans même imposer d'indicateurs de référence communs. Ensuite, elle ne comprend aucune contrainte réglementaire pour les 21États membres disposant déjà dans leur législation de salaire minimum légal, mais seulement des mécanismes de remontées d'informations sur les démarches qu'engageront les États membres pour respecter les objectifs de la directive. Il n'y a aucune contrainte réglementaire européenne pour imposer, vous l'avez dit Madame la rapporteure, un salaire minimum légal dans les 6 États membres qui ne disposent pas de salaires minimums légaux : Danemark, Italie, Chypre, Autriche, Finlande et Suède. La proposition de directive les invite à, je cite, « étendre la couverture par des négociations collectives ». Il n'y a non plus aucune sanction réelle au niveau européen puisqu'elle prévoit des sanctions effectives proportionnées dissuasives qu'en cas de non-respect des dispositions nationales relatives à la protection offerte par le salaire minimum, ni aucun dispositif de convergence européen sur le niveau des salaires minimums. Le texte de la Commission semble même prendre les travailleurs pour des « imbéciles » en autorisant les États membres à aller au-delà des normes minimales énoncées dans la directive.

Sur le fond, je le dis, brutalement peut-être, il s'agit d'une directive « fantôme » puisqu'elle ne comporte aucun levier pour l'augmentation des bas salaires, renvoyant habillement au principe de subsidiarité et de proportionnalité. Dans la droite ligne de la politique néoconservatrice de la Commission, il s'agit en fait d'un affichage, alors que la crise plonge des millions d'Européens dans le chômage et la pauvreté, que le nombre de travailleurs pauvres, l'évasion fiscale et les dumpings sociaux et environnementaux n'ont jamais été aussi importants, que l'activité à temps partiel discontinu a explosé ses 6 dernières années et que les écarts salariaux des rémunérations sont scandaleux au sein des États membres et entre États membres.

Pour terminer, je ferais pas 4 propositions. La première serait de définir un SMIC européen à hauteur de 60 % du salaire net moyen dans chaque État. Pour le France, cela ferait 1 421 euros nets mensuels contre 1 219 euros nets au 1er janvier 2020. Deuxième proposition : un mécanisme obligatoire de convergence progressive des salaires minimaux et des sanctions européennes envers les États membres ne respectant pas, ou se détournant, de ces obligations. Troisième proposition : une couverture sociale publique, étendue et harmonisée, pour tous les risques de la vie et du travail au niveau européen. Quatrième proposition : une clause de non-régression sociale pour les États membres leur permettant de refuser toute dégradation des conditions de vie et de travail au niveau communautaire : règles sociales, droit du travail, sécurité au travail, sécurité environnementale. Je sais que tout cela, c'est très utopique, mais dans le monde d'aujourd'hui, si on ne peut pas avoir quelques moments d'utopie avec des propositions, je ne vois pas trop où nous allons finir.

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