Commission des affaires européennes

Réunion du mardi 8 décembre 2020 à 18h15

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • erasmus
  • erasmus+
  • minimum

La réunion

Source

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mardi 8 décembre 2020

Présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 18 heures 15.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avant d'entendre la communication de notre collègue Carole Grandjean sur le projet de directive relative aux salaires minimaux adéquats dans l'Union européenne, j'aimerais exprimer au nom de notre commission nos condoléances à la famille de Valéry Giscard d'Estaing, et lui exprimer notre reconnaissance pour son action en faveur de la construction européenne. Je garde en mémoire les images du président Giscard d'Estaing et du chancelier Helmut Schmidt. Ils avaient une relation particulière alors que tout les séparait. Ils ont marqué les débuts de ce que l'on a appelé le "couple franco-allemand". Nous profitons encore aujourd'hui de l'impulsion qu'ils ont donnée à la construction européenne.

I. Communication de Mme Carole Grandjean sur le projet de directive relative aux salaires minimaux adéquats dans l'Union européenne

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous allons maintenant entendre la communication de Carole Grandjean, référente pour la commission des affaires sociales, sur le sujet très important des salaires minimaux dans l'Union européenne.

La Commission européenne a présenté une proposition de directive relative, je cite, aux « salaires minimaux adéquats » dans l'Union européenne. Cette proposition suscite en France peu de remous à la fois parce qu'elle se situe dans le prolongement du socle européen des droits sociaux auquel notre pays est très attaché et parce que ce texte européen aurait peu d'impact, voire aucun, sur notre législation nationale.

Il n'en est pas de même chez certains de nos partenaires, qu'ils soient de l'Europe du nord – où les salaires minimums découlent de conventions collectives non obligatoires – ou de l'Europe centrale ou orientale – où les salaires minimums, lorsqu'ils existent, sont d'un montant très inférieur aux nôtres.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Depuis plusieurs années, un modèle social européen se construit peu à peu. Ce chantier ne pourra faire l'économie d'un travail sur le salaire minimum. Au sein de l'Union européenne, celui-ci varie fortement. Ainsi, en 2020, il oscille entre 312 euros bruts par mois en Bulgarie et 2 142 euros au Luxembourg.

Au-delà de ces écarts, près de 70 % des travailleurs européens qui touchent un salaire minimum considèrent que leurs fins de mois sont un peu, voire très difficiles. Partant du constat que « pour trop de personnes, le travail ne paie plus », Mme Ursula von der Leyen a défendu en septembre, lors de son discours sur l'état de l'Union, la mise en œuvre de salaires minimums adéquats dans l'Union européenne. Ainsi, la Commission européenne a présenté le 28 octobre dernier une proposition de directive visant à permettre l'accès aux travailleurs de l'Union européenne à un salaire minimum adéquat et un niveau de vie décent.

La Commission européenne dès l'année dernière, et plus récemment la présidence allemande, ont fait de cette initiative une priorité. La future présidence portugaise a déjà fait part de sa volonté de poursuivre ce chantier essentiel à la construction d'une véritable Europe sociale. La crise que nous vivons rend ce sujet d'autant plus prioritaire ; il deviendra l'une des conditions d'une reprise économiques juste.

Depuis plusieurs décennies, les bas salaires ne progressent plus au même rythme que les autres. Dans le même temps, nos sociétés continuent d'être impactées par les effets de la mondialisation et de la numérisation, ce qui accentue la transformation du marché du travail tout en le polarisant. En d'autres termes, nous voyons augmenter le nombre de travailleurs pauvres ainsi que les inégalités salariales. La proportion de personnes en situation de pauvreté alors qu'elles travaillent était en 2018 de 9,4 % du total des actifs à l'échelle de l'Union européenne. En parallèle, 60 % des travailleurs qui touchent un salaire minimum sont des femmes. Il y a donc aussi un enjeu évident d'égalité salariale entre les femmes et les hommes.

Tous les travailleurs de l'Union ne sont pas protégés face à ces situations. Les États membres n'ayant pas un cadre juridique homogène, nous pouvons distinguer deux cas de figure.

Dans les vingt-et-un pays qui ont fait le choix de fixer des salaires minimums légaux, ceux-ci sont inférieurs à 60 % du salaire médian brut ou à 50 % du salaire moyen brut dans presque tous les États concernés. Comme le relève la proposition de directive, « en 2018, dans neuf États membres, le salaire minimum légal prévu pour un célibataire était inférieur au seuil de risque de pauvreté ».

Dans six autres États, dans lesquels la protection du salaire minimum est assurée exclusivement par les conventions collectives, la situation n'est pas plus favorable. On estime que dans quatre d'entre eux, la part des travailleurs exclus est comprise entre 10 % et 20 %, et qu'elle atteint même 55 % dans un autre État membre.

Ces constats démontrent l'impérieuse nécessité de mettre en place des mesures de protection communes.

La crise actuelle nous le démontre, les secteurs les plus impactés sont ceux emploient principalement des travailleurs à bas salaires. Elle fragilise encore davantage les catégories sociales les plus défavorisées. Cette initiative peut et doit participer à une relance durable et inclusive de l'Union.

Lorsqu'ils sont fixés à des niveaux adéquats, les salaires minimums emportent de multiples effets bénéfiques. Au-delà de leurs effets sociaux, ils bénéficient à nos économies en soutenant la demande intérieure et en renforçant les incitations au travail. Ils contribuent à réduire les inégalités salariales, notamment les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.

Pour intervenir dans ce domaine, la Commission européenne a dû prendre en considération deux contraintes : la compétence strictement délimitée de l'Union en matière sociale, et la diversité de modèles sociaux présents au sein de l'Union.

Au titre X du traité sur le fonctionnement de l'Union (TFUE), qui porte sur les politiques sociales, l'article 153 détaille les domaines où l'Union soutient et complète l'action des États membres. Or, le paragraphe 5 exclut les rémunérations du champ d'intervention de l'Union. De plus, en 2008, en réponse à une question préjudicielle, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a précisé qu'instaurer un salaire minimum communautaire constituerait une ingérence directe du droit européen dans la détermination des rémunérations. Consciente de cette limite, la Commission ne propose pas, à travers cette directive, de mesure ayant un effet direct sur le niveau des rémunérations.

Elle a en outre tenu compte des différences entre les modèles sociaux existant dans les États membres, liées principalement au mode d'encadrement des salaires minimums, par la loi ou la convention collective. Dans les pays ayant fondé leur modèle social sur la négociation collective, l'encadrement des salaires minimums fonctionne particulièrement bien.

Face à ces différents modèles sociaux, la Commission a précisé que sa proposition de directive ne cherchait pas à les harmoniser. Elle n'interfère pas avec la liberté des États membres de fixer des salaires minimaux par la loi ou par la négociation collective. Plus encore, il est souligné que la directive n'impose aucune obligation d'introduire un salaire minimum légal là où il n'existerait pas, ni de rendre les négociations collectives d'application générale. De même, la Commission ne fixe pas le niveau des salaires.

Concrètement, à travers cette directive, la Commission propose un cadre pour rendre les salaires minimums plus adéquats et améliorer l'accès à la protection qu'ils garantissent, ainsi qu'un renforcement du recours à la négociation collective. Cette proposition contient des dispositions générales et horizontales, ainsi que des dispositions qui s'appliquent seulement aux États membres ayant des salaires minimums légaux.

Concernant les dispositions générales et horizontales, la Commission propose un champ d'application qui permette d'inclure les travailleurs exerçant des formes d'emploi atypiques comme les travailleurs domestiques, les intermittents ou encore les travailleurs des plateformes (article 2).

Elle demande aux États membres de prendre des mesures afin que les partenaires sociaux puissent s'engager pleinement dans les négociations collectives sur les salaires minimums (article 4).

Lors de l'exécution des marchés publics et contrats de concession, les opérateurs économiques doivent respecter les salaires minimums lorsqu'ils existent (article 9).

En cas d'irrespect de la directive, des sanctions doivent être prévues (article 12).

Dans les États membres où les salaires minimums sont fixés par la loi, la directive propose la création de critères définis de manière claire et stable pour déterminer le caractère adéquat des salaires minimums. Elle propose les critères suivants : le pouvoir d'achat des salaires minimums par exemple, ou encore le niveau général des salaires bruts et leur répartition, et enfin le taux de croissance des salaires bruts et l'évolution de la productivité du travail (article 5).

Elle défend également une participation effective des partenaires sociaux aux discussions sur le sujet, qu'elle voit comme un élément de bonne gouvernance (article 7).

Elle impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour garantir un accès effectif des travailleurs aux protections qu'offrent les salaires minimums légaux (article 8).

La proposition de directive se fonde sur plusieurs dispositions juridiques. Tout d'abord, sur l'article 153, paragraphe 1, point b) du TFUE. Ce dernier prévoit que l'Union soutient et complète l'action des États membres dans le domaine des conditions de travail tout en respectant les principes de proportionnalité et de subsidiarité.

La proposition de directive se présente également comme une mise en œuvre du socle européen des droits sociaux, sur lequel, j'avais eu l'occasion de présenter un rapport avec Marguerite Deprez-Audebert. Le principe n° 6 du socle européen des droits sociaux proclamait que « les travailleurs ont le droit à un salaire juste permettant un niveau de vie décent ». Dans notre rapport, nous faisions quarante propositions pour une Europe sociale, parmi lesquelles nous recommandions de réfléchir à l'introduction du principe d'un salaire minimum dans l'Union, fondé sur une proportion du salaire médian dans chaque État membre. Cette proposition de directive s'inscrit donc dans la continuité de ces travaux et matérialise une des principales propositions du rapport.

Concernant la procédure de vote, cette initiative sera soumise à la procédure législative ordinaire, elle sera donc examinée au Parlement européen et au Conseil, qui se prononcera à la majorité qualifiée. Une fois la directive adoptée, les États membres disposeront de deux ans pour la transposer en droit national.

Néanmoins, à ce stade, l'adoption de cette directive est encore loin. Dès les phases de consultation, cette proposition a suscité de nombreuses craintes de la part des partenaires sociaux et des États membres.

Pour finaliser cette proposition, la Commission européenne a procédé en plusieurs étapes. Elle a d'abord effectué deux phases de consultation avec les partenaires sociaux. La première a été lancée en janvier pour recueillir leur point de vue et déterminer si l'Union devait agir sur ces questions, et la deuxième en juin pour recueillir leurs positions sur le contenu et l'instrument législatif proposé. Au vu de leurs résultats, les partenaires semblent divisés sur la question. Les organisations patronales dans leur vaste majorité se sont vivement opposées à une initiative contraignante, en estimant qu'une interférence de l'Union pourrait avoir des conséquences néfastes sur le dialogue social et la négociation collective. A contrario, les organisations syndicales ont demandé une initiative contraignante, avec deux objectifs principaux : pérenniser et promouvoir la négociation collective et, augmenter les salaires minimums légaux pour qu'ils garantissent des conditions de vie décentes.

Quant aux États membres, des lignes de fracture se dessinent également, en lien avec leurs différents modèles sociaux. La France fait partie de ceux qui se sont montrés très favorables à cette initiative, qui présente le mérite de concrétiser le socle européen des droits sociaux et de poursuivre l'harmonisation des conditions de travail. Le Portugal, l'Italie, l'Espagne, entre autres, soutiennent également la proposition de directive.

À l'inverse, certains États membres se sont prononcés en défaveur de cette proposition, notamment la Suède, l'Autriche, le Danemark, qui ont des modèles sociaux basés sur la négociation collective, ainsi que l'Estonie ou encore Malte. Certains États membres du groupe de Višegrad qui semblent s'y opposer, notamment la Pologne, seront amenés à jouer un rôle central dans ce dossier.

Le principal grief mis en avant par ces pays, et sans doute le plus fort, est la remise en question de la compétence juridique de l'Union pour entreprendre une initiative législative sur le sujet. Ces États estiment que cette proposition va au-delà des compétences de la Commission et évoquent des dispositions du paragraphe 5 de l'article 153 TFUE, sur lequel se fonde la Commission pour intervenir et pour préciser que les dispositions de cet article ne s'appliquent pas aux rémunérations. Pour s'en assurer, le Conseil de l'UE a commandé une expertise juridique qui ne sera pas rendue publique, mais qui permettra sans doute de clarifier ou affermir les positions des États membres.

En outre, les détracteurs de la proposition s'inquiètent également du caractère contraignant de la directive alors que les négociations collectives sont un pilier du marché du travail notamment dans les pays scandinaves. Nous savons donc déjà que les négociations seront difficiles, et pourront prendre plusieurs années. Pour autant, les négociations sont lancées et devront être poursuivies résolument dans le respect du dialogue social et du corpus juridique de chaque État.

Je tiens à souligner l'importance de cette directive, tant sur le plan social et pour le marché du travail, que dans sa dimension politique. En effet, si elle est adoptée, elle représenterait une concrétisation à grande échelle du projet d'Europe sociale qui a besoin de marques d'engagements.

Je vous propose donc, chers collègues, de continuer à suivre activement l'avancée des négociations. Nous aurons l'occasion d'entendre prochainement ici Mme Élisabeth Borne, ministre du Travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Je souhaiterais que nous saisissions cette opportunité pour aborder ce sujet d'une importance fondamentale.

Je pense que cette proposition est déterminante à de nombreux égards pour l'avenir de l'Union. En premier lieu, elle nous montre les limites de nos traités puisque nous savons tous que la marge de manœuvre de la Commission sur ce sujet est étroite et que ses remises en cause juridiques, alors que nous avançons sur un terrain inexploré jusque-là, sont grandes. De plus, les vives réactions et oppositions qu'a suscité la proposition dans certains États membres mettent en lumière nos sensibilités et la différence de nos modèles sociaux auxquels nous sommes profondément attachés. Cela démontre les difficultés mais aussi la vivacité de la construction européenne à laquelle nous sommes tous résolument attachés. Charge à nous de réussir à nous mettre d'accord pour faire avancer l'Europe sociale et mettre effectivement en œuvre le socle européen des droits sociaux sur lequel nous avons réussi à nous entendre il y a quelques années. Je vous remercie et je remercie également l'équipe des administrateurs de l'Assemblée nationale qui suivent ces travaux avec constance et engagement.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci pour cette communication aussi précise qu'argumentée. Nous voyons que les choses bougent. Cependant, beaucoup de questions restent en suspens, notamment la définition de la notion de salaire adéquat selon les situations. Nos différences interculturelles posent aussi question lorsque certains Etats privilégient la négociation collective. Il s'agit donc se monter créatifs et de trouver des voies de complémentarité. Je pense que nos deux collègues députés européens vont pouvoir nous éclairer de leur point de vue, et je les remercie d'être présents aujourd'hui ici.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il y a un an et demi, nos collègues au Parlement européen prenaient leur fonction suite aux dernières élections européennes. Dans la Tribune du Président de la République, publiée début 2019, « Pour une Renaissance européenne », Emmanuel Macron faisait état de son projet pour l'Europe sociale de l'avenir et évoquait notamment, je note, « un bouclier social garantissant la même rémunération sur le même lieu de travail et un salaire minimum européen adapté à chaque pays et discuté chaque année collectivement ». Le Traité de Lisbonne indique que les mesures sociales de l'Union servent à renforcer la coopération entre États membres, et c'est dans cet esprit que la liste « Renaissance » disait vouloir créer un salaire minimum adapté à chaque pays européen.

Les choses avancent. Je ne peux m'empêcher de repenser au cynisme et à la désillusion de certains face à ce programme ambitieux de la France, à la fois au Conseil et au Parlement l'an dernier. À cet effet, pourriez-vous nous indiquer le rôle qu'a joué la France dans ce projet de directive européenne ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le rapport qui vient de nous être présenté est excellent. Néanmoins, nous touchons là à des sujets qui soulignent les ambiguïtés fondamentales de l'Union européenne et qui expliquent assez largement pourquoi les meilleures intentions de l'Europe n'arrivent pas à remporter l'adhésion des concitoyens européens.

En réalité, comme la rapporteure l'a très excellemment expliqué, il s'agit de faire quelque chose que l'Union européenne n'a pas les moyens juridiques de mener à bien. On ne peut pas créer un salaire minimum européen pour deux raisons principales, l'une juridique, l'autre socio-économique. La première vient du fait que l'Union européenne n'a pas les compétences requises. Tout ce qui est contenu dans la proposition de la Commission vise en fait à créer un cadre, à encourager, à dire du bien, à saluer ce qui est fait, à en demander un peu plus, mais en réalité, tout ceci se fait sur un fond d'impuissance. Il faut dire que nous avons besoin d'une compétence claire concernant l'intervention de l'Union européenne en matière de politique salariale. Cette compétence pourrait être de plusieurs sortes, et pourrait notamment porter uniquement sur le fait d'éviter des écarts à la baisse par rapport aux bas salaires. Cela n'existe pas par faute de moyen juridique et le résultat final ne peut être que décevant.

Les raisons socio-économiques sont claires et ont été expliquées par la rapporteure. Nous avons d'un côté des États où il y a une compétence publique, comme le nôtre par exemple, où le salaire minimum est fixé par l'État, et d'autres où les salaires minimaux sont déterminés par convention collective et ne peuvent donc donner lieu à aucune préemption par une autorité publique, qu'elle soit nationale ou européenne. Tout ceci fait que nous sommes dans une situation très délicate au sujet de cette proposition de directive.

Personnellement, j'estime qu'un salaire minimum doit avoir pour objectif d'éviter des « trous dans la raquette », c'est-à-dire que par rapport à des gens normalement payés, il y ait des secteurs dans lesquels les gens ne soient pas défendus et se retrouvent avec des salaires de misère. La fixation d'un salaire minimum constitue donc une sorte de « voiture balai » qui évite qu'un certain nombre de catégories soient trop mal payées. Ce qu'il faut évidemment éviter, c'est un salaire minimum obligatoire qui soit d'un montant identique dans l'ensemble des pays. Compte tenu des avantages comparatifs et des coûts de production des uns et des autres, en augmentant massivement les salaires dans des pays dont l'économie serait en retard, on arriverait à des résultats absolument catastrophiques. Le salaire minimum doit être d'un montant différent selon les pays selon un écart satisfaisant avec le salaire médian.

Concrètement, quel est l'objectif visé par cette proposition, certes bien intentionnée, mais dont je n'arrive pas à très bien à comprendre en quoi elle va fondamentalement modifier la situation ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, Madame la Présidente. La Commission a communiqué, le 28 octobre, sur sa proposition de directive cadre relative aux salaires minimaux adéquats. Je ne suis pas certain que la « renaissance » porte ses fruits et que les choses avancent, sinon en faisant du sur place.

Manifestement, le contenu ne prévoit aucune référence, vous l'avez dit, au niveau d'un salaire minimum adéquat, avançant seulement des valeurs de référence indicatives sans même imposer d'indicateurs de référence communs. Ensuite, elle ne comprend aucune contrainte réglementaire pour les 21États membres disposant déjà dans leur législation de salaire minimum légal, mais seulement des mécanismes de remontées d'informations sur les démarches qu'engageront les États membres pour respecter les objectifs de la directive. Il n'y a aucune contrainte réglementaire européenne pour imposer, vous l'avez dit Madame la rapporteure, un salaire minimum légal dans les 6 États membres qui ne disposent pas de salaires minimums légaux : Danemark, Italie, Chypre, Autriche, Finlande et Suède. La proposition de directive les invite à, je cite, « étendre la couverture par des négociations collectives ». Il n'y a non plus aucune sanction réelle au niveau européen puisqu'elle prévoit des sanctions effectives proportionnées dissuasives qu'en cas de non-respect des dispositions nationales relatives à la protection offerte par le salaire minimum, ni aucun dispositif de convergence européen sur le niveau des salaires minimums. Le texte de la Commission semble même prendre les travailleurs pour des « imbéciles » en autorisant les États membres à aller au-delà des normes minimales énoncées dans la directive.

Sur le fond, je le dis, brutalement peut-être, il s'agit d'une directive « fantôme » puisqu'elle ne comporte aucun levier pour l'augmentation des bas salaires, renvoyant habillement au principe de subsidiarité et de proportionnalité. Dans la droite ligne de la politique néoconservatrice de la Commission, il s'agit en fait d'un affichage, alors que la crise plonge des millions d'Européens dans le chômage et la pauvreté, que le nombre de travailleurs pauvres, l'évasion fiscale et les dumpings sociaux et environnementaux n'ont jamais été aussi importants, que l'activité à temps partiel discontinu a explosé ses 6 dernières années et que les écarts salariaux des rémunérations sont scandaleux au sein des États membres et entre États membres.

Pour terminer, je ferais pas 4 propositions. La première serait de définir un SMIC européen à hauteur de 60 % du salaire net moyen dans chaque État. Pour le France, cela ferait 1 421 euros nets mensuels contre 1 219 euros nets au 1er janvier 2020. Deuxième proposition : un mécanisme obligatoire de convergence progressive des salaires minimaux et des sanctions européennes envers les États membres ne respectant pas, ou se détournant, de ces obligations. Troisième proposition : une couverture sociale publique, étendue et harmonisée, pour tous les risques de la vie et du travail au niveau européen. Quatrième proposition : une clause de non-régression sociale pour les États membres leur permettant de refuser toute dégradation des conditions de vie et de travail au niveau communautaire : règles sociales, droit du travail, sécurité au travail, sécurité environnementale. Je sais que tout cela, c'est très utopique, mais dans le monde d'aujourd'hui, si on ne peut pas avoir quelques moments d'utopie avec des propositions, je ne vois pas trop où nous allons finir.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous examinons cette proposition de directive en notre qualité de parlementaires nationaux, et ceci dans un contexte très particulier quand on sait que les suites du Conseil européen de Göteborg en ce qui concerne le socle européen des droits sociaux ont été relativement déceptives.

Au vu de la sensibilité de la présente directive, ne craignez-vous pas que certains pays notamment dans l'Europe de l'Est, concernés par des SMIC particulièrement bas, s'opposent à ce projet au nom du principe de subsidiarité ?

Nous avons tous conscience des contraintes politiques aujourd'hui à l'œuvre avec les pays d'Europe de l'Est en ce qui concerne le futur Cadre Financier Pluriannuel (CFP). N'est‑ce pas, selon vous, risquer de relancer le débat sur la concurrence sociale déloyale via cette directive en ce moment précis ou au contraire estimez-vous qu'il s'agit de l'instrument le plus adapté pour répondre à l'objectif, que nous partageons tous, d'une convergence sociale mais aussi fiscale et environnementale en Europe ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci Madame la Présidente, merci chers collègues de vos réactions, qui au fond viennent interpeller le système européen tel que nous le connaissons et sur des enjeux qui nous sont chers et qui sont la progression des droits sociaux pour l'ensemble des concitoyens européens et le souhait que nous portons tous politiquement de pouvoir mieux protéger les Européens, notamment dans leur travail.

Madame Janvier, vous avez abordé la question de la position française par rapport aux enjeux sociaux, et plus spécifiquement sur la question du travail détaché. Sylvie Brunet, députée européenne ici présente, a suivi ces discussions au travers des travaux du CESE. Je crois que c'est une vraie avancée que nous avons eue là par cet accord, qui est aujourd'hui tangible pour tous les travailleurs détachés en Europe. Il faut poursuivre cet effort en s'attachant maintenant à la question des salaires minimum et du pouvoir d'achat que nous souhaitons porter au niveau européen.

Je crois que nous sommes tous convaincus que l'Europe passe par un mécanisme d'amélioration des droits sociaux, et la France est un acteur majeur pour poursuivre ces travaux. Oui la France est impliquée et motrice pour cela.

La question des salaires minimums rencontre certes des limites, juridiques, socio-économiques avec des États qui ont un modèle et une conception différentes des obligations en matière de salaire minimum. Nous avons la volonté de respecter les différents modèles sociaux, et je crois que c'est en cela aussi que l'Europe se construit durablement dans le respect des différences ; il faut trouver des mécanismes qui respectent la pluralité et la diversité des modèles sociaux.

L'Union doit également mieux intégrer les nouvelles formes de travail. Nous travaillons actuellement avec ma collègue, Danièle Obono, sur les orientations qui sont en train d'être prises en matière de conditions de travail, de rémunération pour les travailleurs des plateformes numériques.

La proposition de directive se fonde sur les compétences de l'Union en matière de conditions de travail, et en cela, il est intéressant qu'elle ait choisi cette voie d'action pour ouvrir des discussions en matière de salaire minimum.

Le socle européen des droits sociaux avait ouvert un certain nombre d'orientations intéressantes, il nous faut maintenant prendre des mesures concrètes, en respectant les principes de proportionnalité et de subsidiarité. Un tel équilibre est difficile à trouver, je vous l'accorde.

Monsieur Bourlanges, vous avez évoqué les écarts de salaires et les différences de niveau de vie. J'insisterai aussi sur les nouvelles formes de travail et de précarité, qui peuvent être facteur d'écarts de plus en plus profonds entre les travailleurs et d'une dégradation des conditions de travail. À nous donc d'être vigilants collectivement autour de la mise en oeuvre d'une proposition. Le sens de notre projet européen est d'avoir un partage sur nos modèles sociaux respectifs et de trouver l'occasion d'un certain nombre d'échanges et d'évolutions.

On peut regretter l'aspect non contraignant des dispositions de cette proposition de directive.

Monsieur Chassaigne, vous avez voulu savoir si nous faisions du surplace ou si la présentation de ce texte constituait un triomphe : ni l'un ni l'autre, j'ai envie de dire. Je crois qu'il nous faut prendre ces discussions avec humilité, avec l'idée qu'elles viennent replacer au centre du débat certains enjeux, notamment en termes de justice sociale. Certes, il manque des valeurs de référence indicatives, je vous rejoins : les mécanismes de remontée d'information qui ne sont pas contraignants, l'extension de la couverture par négociation collective qui est uniquement faite par incitation, tous ces éléments sont insuffisants. Néanmoins, je ne crois pas que ce soit une directive « fantoche », je crois au contraire, qu'elle est la preuve de la détermination des acteurs à remettre ce sujet au centre du débat.

Vous avez fait des propositions, qui pour certaines rejoignent celles que nous avions faites avec Marguerite Deprez-Audebert. Ces propositions feraient évoluer l'Europe sociale dans un sens qui serait juste pour l'ensemble des concitoyens.

Monsieur Paluszkiewicz, vous avez évoqué le socle européen des droits sociaux au travers du sommet de Göteborg et de la convention signée à sa suite. Je suis convaincue que le débat fait avancer et progresser les discussions, ouvre sur un certain nombre de sujets, qui viennent faire écho à des questions pas si anciennes comme par exemple les travailleurs détachés. Bien sûr, les principes de proportionnalité et de subsidiarité seront respectés. Il n'y aura pas forcément de lien direct avec le cadre financier pluriannuel, mais il vient répondre, à mon sens aux débats sur la concurrence sociale, aux efforts que nous pourrions faire pour continuer à progresser collectivement et à l'intérêt commun que nous avons à porter les enjeux de justice sociale et l'amélioration des conditions de travail et de rémunération des citoyens européens.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je cède la parole à Mme Sylvie Brunet, députée européenne, qui va suivre de près le sujet des salaires minimaux au sein de la commission Emploi au Parlement européen.

Permalien
Sylvie Brunet

Je voulais simplement faire quelques remarques, puisque nous avons commencé à aborder le sujet en commission emploi et affaires sociales du Parlement européen. La situation et les enjeux en cause ont bien été décrits. L'on se doute que le chemin sera long, pour toutes les raisons précédemment évoquées. J'aimerais souligner quelques points qui me semblent majeurs.

Tout d'abord, pour moi, l'argument de fond qui justifie cette directive est le sujet de l'amélioration de la convergence sociale. La raison d'être de l'Union européenne, c'est un marché intérieur. Or, tant que l'on continue à avoir autant de disparités, cela apparaît compliqué. Il y a d'autres exemples de textes difficiles, comme le paquet mobilité dans le domaine du transport pour les chauffeurs routiers qui a pris quelques années à voir le jour, mais qui a vraiment fait évoluer les choses. Le sujet des travailleurs détachés a beaucoup évolué comment en témoigne la création d'une Autorité européenne du travail.

Le deuxième point que je voudrais souligner est qu'il s'agit uniquement d'un cadre européen. Il ne faut surtout pas laisser penser qu'il s'agit de fixer un salaire minimum dans tous les États membres, car c'est à la fois impensable et impossible à mettre en place. L'objectif est d'obtenir un cadre d'incitation à avoir une couverture collective en termes de négociation collective et de convention collective sur les salaires à hauteur de 60 %. Cela est important, car même dans les pays où les salaires minimums sont fixés par voie de convention collective, très souvent ce niveau de couverture n'est pas atteint. Or, on sait que partout cela permet de faire progresser le niveau de salaire.

Le troisième point que je voulais aborder est celui des travailleurs en première ligne, notamment des secteurs de la santé ou de la grande distribution. En France, nous avons déjà un certain niveau de salaire et de protection sociale, mais ce n'est pas le cas partout en Europe. Certains États membres font face à des problèmes de mobilité et de fuites des cerveaux, du fait même de salaires minimums non fixés ou insuffisants. Les pays de l'est ne sont pas en faveur de salaires minimums obligatoires mais ils sont bien obligés de constater la fuite de certains travailleurs de leurs pays.

Une évaluation va être mise en place dans le cadre du semestre européen. Chaque État membre devra publier des indicateurs salariaux. Il s'agit d'un aspect sur lequel le commissaire Schmit insiste beaucoup.

Enfin, s'agissant du périmètre de la directive, je ne suis pas certaine que les travailleurs des plateformes en fassent partie.

Permalien
Dominique Bilde

En pleine crise du Covid-19, alors que l'on apprend que notre PIB va reculer de 9 % cette année, laissant sur le carreau de nombreux Français, je m'étonne de l'énergie déployée sur ce sujet du salaire minimum européen. Le Rassemblement national avait, pendant la campagne européenne, qualifié cette mesure d'antisociale. On s'était alors mis à parler de convergence vers le haut, alors qu'en réalité, cela ne peut être qu'un nivellement par le bas.

Il y a peu, le commissaire Nicolas Schmit est venu nous présenter, en commission emploi et affaires sociales du Parlement européen, des avancées en la matière. Nous n'avons rien appris de nouveau, si ce n'est que nous allions harmoniser en ne touchant à rien, et défendre un salaire minimum sans fixer de montant.

C'est en plus un projet qui ne correspond pas à la complexité des modèles sociaux de chacun des États. Des pays dont les modèles sont tant mis en avant, comme le Danemark, l'Autriche ou la Suède, s'en passent largement. Comment peut-on croire que nous allons proposer un montant fixe, alors que le salaire bulgare n'est que de 300 € par mois ? De même, en Albanie, Etat avec lequel l'on s'apprête à ouvrir des négociations d'adhésion, le salaire minimum a été généreusement augmenté pour atteindre 240 €.

Pendant le confinement, l'Union européenne a signé deux traités commerciaux avec le Vietnam et le Mexique. N'est-il quand même pas étrange que ceux qui s'inquiètent des différences entre pays européens acceptent de mettre des Français en concurrence avec des Vietnamiens, payés moins de cent dollars par mois, ou des Mexicains dont le salaire minimum ne dépasse pas les 150 dollars ? C'est sans compter aussi, au sein de l'Union européenne, le dumping opéré par le détachement des travailleurs et le cabotage dans l'indifférence générale.

Ne pensez-vous pas qu'il serait temps de laisser les États décider souverainement de leur modèle social, tout en protégeant nos concitoyens du dumping salarial ? Au vu de ces éléments, que proposez-vous concrètement pour améliorer la situation des Français qui expriment chaque jour leur colère face à la crise sociale dans laquelle notre pays s'enfonce peu à peu ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La rapporteure a expliqué de façon complète, satisfaisante et avec beaucoup d'honnêteté ce qui était possible de faire. Je comprends que le cadre fixé par cette proposition de directive puisse être utile, mais c'est tellement marginal par rapport à ce que l'on entend d'une Europe sociale, que cela provoque deux types de réactions. D'un côté, la mienne qui dit qu'on ne peut pas faire suffisamment parce que l'Union européenne n'a pas les compétences. D'un autre côté, celle d'André Chassaigne qui dit que la Commission européenne ne fait pas son travail. Je crois que c'est là que le risque se trouve, car en réalité ni la Commission européenne, ni l'Union européenne, ni le Parlement ne sont coupables.

Comme la compétence n'existe pas, on est forcément dans le risque de donner aux gens le sentiment que l'on parle mais que l'on n'agit pas. Si l'on veut avancer, il faut penser à la Conférence sur l'avenir de l'Europe, et essayer d'introduire dans le traité des compétences qui, effectivement, nous permettent de bâtir sur de solides bases.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'est à mon avis dans cette recherche d'équilibre qu'il faut comprendre cette proposition de directive. Il ne faut pas minimiser les progrès sociaux qui ont été faits ces dernières années, et qui sont souvent le fruit de discussions longues, comme sur le pack mobilité dont parlait Sylvie Brunet.

Il ne faut évidemment pas accueillir démesurément cette proposition de directive, qui va rencontrer de nombreux freins et réactions hostiles. Mais c'est aussi la force de l'Union européenne que de pouvoir lancer le débat sur un certain nombre de sujets difficiles qui sont de la compétence des États membres. L'Union dispose d'un mécanisme d'incitations en matière de conditions de travail. C'est par cette voie de l'amélioration des conditions de travail qu'est abordée la question des rémunérations.

Mettre en place un dispositif d'incitation à l'extension de la couverture et à la conclusion de conventions collectives peut être un moyen de faire avancer les discussions. A Commission propose un certain nombre de critères, que l'Union ne peut, du fait des principes de proportionnalité et de subsidiarité, imposer. Il est impossible pour l'Union européenne d'intervenir plus directement. Les États sont pleinement compétents en matière sociale : c'était un choix fait dès le lancement de la construction communautaire.

II. Examen du rapport d'information et de la proposition de résolution européenne sur le bilan et les perspectives d'Erasmus+ (Mmes Aude Bono-Vandorme et Marguerite Deprez-Audebert, rapporteures)

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Notre deuxième point à notre ordre du jour est l'examen du rapport d'information sur le bilan et les perspectives d'Erasmus+. Les rapporteures ont produit un rapport qui dresse un bilan complet des résultats de ce programme si emblématique de l'Union européenne. On peut parler d'un véritable succès, car Erasmus est vraiment bien connu du grand public, mais nous pouvons encore faire mieux.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

. Nous avons l'honneur de vous présenter aujourd'hui nos travaux portant sur l'une des politiques les plus populaires de l'Union européenne. Il nous a fallu dépasser l'image très connue, héritée des débuts d'Erasmus : celle de l'étudiant qui s'émancipe par un séjour à l'étranger, pour explorer les multiples ramifications d'un programme riche et passionnant, qui porte désormais le nom d'Erasmus+.

Ce programme de financement couvre un champ très large, puisqu'il soutient des actions dans les domaines de l'éducation, la formation, la jeunesse et le sport. Il poursuit deux principaux objectifs, l'un ancré dans les idéaux et les valeurs de la construction européenne, l'autre dans sa réalisation concrète.

Quels sont les objectifs de ce programme ? Il s'agit d'abord de former à la citoyenneté européenne. Le parti pris du programme est que rien ne remplace le fait d'aller à la rencontre des autres pour cultiver l'ouverture, les compétences interculturelles et l'ouverture à la diversité des modes de pensée. Ainsi, tous les États membres de l'Union participent au programme, mais aussi d'autres pays européens comme la Serbie, la Norvège et la Turquie. Au-delà, il y a des pays partenaires d'Erasmus+ sur tous les continents.

L'autre grand objectif du programme est de faire de la mobilité un atout pour la croissance et l'emploi. Un séjour à l'étranger ouvre l'esprit mais aussi des opportunités. Un stage Erasmus+ débouche, dans un tiers des cas, sur une proposition d'embauche, et le fait de découvrir un autre pays dans le cadre d'une formation peut permettre de dépasser les inhibitions lorsqu'il s'agit d'y postuler pour un emploi. La liberté de circulation des travailleurs ne peut effectivement se réaliser que si les Européens osent réellement passer les frontières des marchés de l'emploi.

Puisqu'il nous faut dresser un bilan, ma co-rapporteure et moi-même sommes heureuses de vous parler d'Erasmus+, car c'est une politique qui fonctionne. La réussite est d'abord dans son ampleur : 10 millions de personnes ont bénéficié du programme depuis sa création en 1987, avec des profils de plus en plus variés. Ces personnes ne partent pas seules, car tout projet doit être porté par une organisation, le plus souvent un établissement scolaire ou d'enseignement supérieur. Il nous faut saluer ici les nombreux porteurs de projet qui s'investissent avec beaucoup d'inventivité et de conviction pour mettre de l'Europe dans les parcours individuels.

Les organisations participantes sont en lien direct avec les agences chargées de la gestion des crédits et de la mise en œuvre décentralisée du programme au niveau national. En France, ce sont deux agences qui assurent ce travail : l'une, située à Bordeaux, est en charge du volet éducation et formation ; l'autre, à Paris, du volet plus modeste de la jeunesse et du sport.

Le pilotage français d'Erasmus est salué pour son efficacité, qui permet à la France d'être le premier pays d'envoi des mobilités étudiantes en Europe. Chaque année, 100 000 personnes participent au programme depuis la France.

Pour autant, beaucoup reste à faire. Il faut d'abord souligner l'ambition très forte affichée par le Président de la République à l'occasion de son discours de la Sorbonne en 2017. Son objectif, que nous partageons, est que la moitié d'une classe d'âge ait passé au moins six mois à l'étranger avant ses vingt-cinq ans d'ici 2025. Ce délai est très court, si l'on considère que cela impliquerait de tripler les mobilités sortantes chez nos jeunes. Toutefois, c'est cette direction qui doit nous inspirer, même s'il faut en faire une interprétation souple au vu des nouvelles contraintes induites par la crise sanitaire.

Les propositions que nous avons formulées s'articulent autour de convictions fortes. D'abord, nous pensons que l'inclusivité doit animer le prochain programme. Ce concept d'inclusivité, qui peut dérouter, découle d'une vérité simple : tout le monde peut tirer bénéfice d'une mobilité. Pas seulement les étudiants de l'enseignement supérieur, mais aussi les apprenants de la formation professionnelle, qui sont encore trop souvent réticents au départ ; les enseignants, les personnels administratifs, les personnes en reprise d'études peuvent également en tirer profit.

Dans cette démarche, une attention particulière doit être portée aux plus fragiles, notamment aux personnes en situation de handicap, quel qu'il soit, pour lesquelles un accompagnement adapté est indispensable.

Le verdissement du programme, porté par la commissaire Mariya Gabriel que nous avons auditionnée il y a peu, nous semble être un axe de travail très intéressant. Il passe par le fait d'encourager les modes de transport les moins polluants afin de partir à l'étranger, à travers des incitations financières. À ce titre, j'en profite pour saluer l'ouverture, annoncée aujourd'hui par les ministres des transports français, allemand, suisse et autrichien, d'une ligne de train de nuit entre Paris et Vienne qui sera mise en service à partir de 2021 : c'est une excellente nouvelle qui va dans le bon sens.

C'est aussi le contenu du séjour qui peut être « verdi », en encourageant les candidats à la mobilité à s'engager dans des projets à vocation environnementale. C'est ainsi qu'une réelle conscience européenne des enjeux écologiques peut émerger, pour que la défense du bien commun qu'est l'environnement soit la priorité de demain.

Nous souhaitons aussi que le programme vise plus spécifiquement les publics les plus jeunes, sans attendre le lycée ou le supérieur, car il n'y a pas d'âge pour se former une conscience européenne. C'est aussi en confrontant les publics scolaires, par l'immersion, à la nécessaire maîtrise des langues étrangères, que nous pourrons améliorer nos performances en la matière.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

. Je souhaite compléter le propos de ma corapporteure en insistant notamment sur ce dernier point. La nécessaire maîtrise des langues, qui nous tient à cœur, doit être remise au cœur des priorités du programme Erasmus+. Trop souvent, les mobilités sont consacrées à l'apprentissage de l'anglais, au détriment de la langue du pays d'accueil. À l'heure du Brexit, nous souhaitons que le plurilinguisme soit réaffirmé comme une valeur cardinale de l'Union des 27.

Erasmus+ doit renforcer l'accompagnement des jeunes au départ et au retour des mobilités dans le sens de « l'objectif de Barcelone » affiché par la Commission européenne. Cet objectif vise à ce que chaque Européen maîtrise deux langues européennes en plus de sa langue maternelle – ce qui est loin de correspondre à la réalité. Nous pensons que cet objectif ne doit pas être réservé à une petite élite des universités ou des grandes écoles, mais étendu, en y mettant les moyens, à tous les publics.

Pour répondre à ces nouvelles priorités, le prochain programme, concomitant au cadre financier pluriannuel pour 2021-2027, devra être ambitieux. Erasmus+ fonctionne par l'attribution de financements, son budget global est donc directement lié au nombre de projets et de mobilités qui peuvent effectivement se réaliser.

Lorsque nous avons auditionné les représentants de la Commission européenne, il était question d'un doublement des crédits pour le programme, dont le budget était d'un peu moins de 15 milliards d'euros courants pour la période 2014-2020. Le Parlement européen plaidait pour un triplement, qui semblait un peu ambitieux. Entre-temps, la pandémie a frappé durement le continent européen, et de nouvelles priorités sont apparues pour le budget de l'Union.

Le dernier accord politique sur le CFP s'est arrêté à une augmentation d'environ 80 % du budget de la période précédente pour Erasmus+, ce qui le porte à 23,4 milliards en euros constants. Il faut saluer cette progression, bien qu'elle soit en-deçà des espoirs que nous avions au début du printemps. Nous souhaitons que la France se maintienne parmi les principaux soutiens du programme dans la poursuite des négociations budgétaires afin que cette avancée ne soit pas menacée.

Une augmentation ambitieuse du budget est nécessaire pour porter une hausse du nombre de mobilités en chiffres absolus : cela implique de limiter le taux de refus des projets parce que les enveloppes de crédits sont épuisées. Aujourd'hui, cela arrive trop souvent, en particulier pour les apprenants de la formation professionnelle : plus d'un sur deux doit renoncer à une mobilité.

Il nous importe aussi de faire en sorte que les conditions socio-économiques ne soient jamais un frein au départ. Beaucoup de dispositifs de financement existent, dont la bien connue bourse Erasmus, mais ils sont souvent méconnus. Ce sont les jeunes les moins susceptibles de partir à l'étranger dans le cadre familial qui s'autocensurent, alors qu'ils pourraient bénéficier pleinement des opportunités offertes par le programme. Partir signifie toujours sortir de sa zone de confort, et crainte et découragement peuvent rapidement gagner ceux qui sont éloignés des grandes métropoles et qui ne suivent pas des cursus par nature internationalisés, comme ceux des écoles de commerce.

Nous souhaitons que les bourses puissent être plus généreuses pour les publics les plus fragiles, sous conditions de ressources ou parce qu'ils viennent de territoires au départ desquels le taux de mobilité est très faible. Cela implique d'augmenter, mais aussi de recentrer les crédits sur ces objectifs.

Enfin, je souhaite rappeler que l'éducation est une voie privilégiée pour toucher à la construction de la citoyenneté. C'est pour cette raison que nous proposons, entre autres, un rapprochement de l'enseignement de l'histoire dans les établissements scolaires, comme cela a déjà été amorcé entre la France et l'Allemagne.

Le renforcement de l'espace européen de l'éducation et la création des universités européennes, dans lesquelles la France joue un rôle moteur, doivent donner un nouvel élan à l'harmonisation des systèmes de formation. En allant à la rencontre d'universités françaises et italiennes, nous avons constaté que les enseignants et personnels sont très enthousiastes à l'idée de nouveau processus de rapprochement de l'enseignement supérieur.

À l'heure où l'Union européenne cherche à se relever de la crise, nous formons le vœu que la jeunesse soit pleinement intégrée aux réflexions sur l'avenir. Ce sont ces jeunes générations qui subiront de plein fouet les conséquences économiques et sociales de la pandémie que nous vivons, tout comme les crises environnementales et politiques qui se dessinent si nous ne réagissons pas. L'Union européenne doit encourager sa jeunesse à faire toujours le choix de l'ouverture et du dépassement de soi. Le programme Erasmus+ en sera l'instrument privilégié.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous mentionnez l'écrivain Stefan Zweig, qui préconisait dès 1932 de favoriser le plurilinguisme et le départ vers d'autres pays. Toutefois, Zweig parlait plutôt d'une élite intellectuelle de la jeunesse et je pense que nous devons aller dans une autre direction, plus liée à l'inclusivité. Nous devons donner cette possibilité à un public qui manque souvent des moyens pour avoir cette expérience.

Comment mobiliser ce public ? Je suis intervenue avec M. Jean Arthuis devant la Chambre des métiers d'Indre-et-Loire, devant des apprentis, qui pour certains ne voyaient pas du tout l'intérêt de partir. Ils avaient peur de perdre du temps avant de pouvoir s'installer. Il y a un volet pédagogique pour faciliter la démarche et d'aller à l'encontre de la peur de l'autre.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

. Au nom du groupe La République en Marche, je veux souligner l'importance de votre travail car Erasmus+ est un programme qui mérite toute notre attention. Le volet pédagogique et la levée des tabous permettraient de mesurer par la suite un plus grand épanouissement au quotidien. Il s'agit d'un programme pour « faire » des Européens et permettre une ouverture sur le monde, rendue possible et presque facile, alors que pour ma génération, l'Europe était lointaine et à tarif élevé. Demain, nos enfants pourront avoir des tarifs beaucoup moins prohibitifs.

Erasmus+ ne concerne plus seulement la mobilité : c'est la culture et l'institutionnalisation de l'échange. Comme au collège il est obligatoire d'apprendre une deuxième langue, à l'université il faut désormais passer du temps dans un autre pays. C'est un programme concret qui représente l'Europe.

Mais quelle Europe ? Dans le cadre de son Pacte vert, la Commission européenne a donné pour objectif de disposer d'un cadre durable pour tous les instruments utilisés pour la mise en œuvre des politiques publiques européennes. La Commission a notamment cité l'éducation comme exemple. Comment le programme Erasmus+ doit-il devenir « vert » ? Est‑ce que la question climatique peut s'envisager comme la colonne vertébrale du nouveau programme Erasmus+ ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

. Le programme Erasmus a plus de trente ans et a été très défendu par Alain Lamassoure. J'ai moi-même été responsable du programme Erasmus dans ma faculté pour les étudiants en droit. Vous avez rappelé que ce programme a concerné plus de 10 millions d'Européens depuis 30 ans et a un impact considérable pour mettre en place un espace académique commun. Il a également permis d'encourager les bénéficiaires du programme à s'ouvrir aux cultures des différents États membres. C'est dans les résultats directs sur l'employabilité des jeunes que l'on observe des bénéfices de ce dispositif : 71 % des étudiants en retour de mobilité affirment en avoir tiré une vision plus précise de leur projet professionnel.

Pourtant, des limites viennent freiner l'essor d'Erasmus+, notamment la sous-représentation de certains publics comme les élèves du secondaire, les personnes en cours de formation professionnelle ou en apprentissage, mais aussi et surtout les personnes en situation de handicap.

Certaines disciplines, par exemple dans le domaine de la santé, sont largement sous-représentées. À cet égard, le texte qui nous est soumis invite à faire d'Erasmus + un instrument d'inclusivité, en permettant à ces publics sous-représentés d'accéder plus facilement à ces dispositifs. Il faut faire plus d'efforts de communication, avec notamment l'utilisation de toutes les possibilités offertes par internet.

Le texte vise également à créer un espace européen de l'éducation, en proposant l'accélération de la mise en place d'un système d'équivalence de crédits, le renforcement des baccalauréats européens et le développement des universités européennes.

Pourtant, le défi d'Erasmus + résulte de l'augmentation moins ambitieuse que prévu des crédits du cadre financier pluriannuel 2021-2027. On avait pensé à un doublement ; cela ne serait qu'une augmentation de 80 %, ce qui est relativement confortable malgré tout. Il faut souhaiter que cette hausse du budget facilite l'augmentation du nombre de départs.

Le texte se fait aussi l'écho d'un souci légitime d'écologie, avec une « éco‑conditionnalité » des fonds alloués et qui soutient l'utilisation de transports plus verts. Reste l'interrogation liée au Brexit, alors que le Royaume-Uni est l'une des principales destinations de nos étudiants et de nos apprentis. Je partage le souhait des rapporteurs de maintenir le Royaume-Uni dans ce programme.

À travers ces propositions, la résolution appelle les institutions européennes et le gouvernement à adapter le dispositif actuel pour le rendre plus efficace. C'est pourquoi nous sommes favorables sans réserve à cette proposition de résolution européenne.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

. En 2018, dans le cadre du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, j'avais été un rapporteur pour avis sur les enjeux d'accès à la mobilité internationale pour les jeunes issus des filières techniques ; malgré les améliorations apportées, on ne peut que déplorer que ces jeunes restent les enfants pauvres du programme Erasmus+ par rapport aux étudiants des filières universitaires classiques.

Vous évoquez le programme ECVET accélérant la mise en place du système d'équivalence de crédits d'apprentissage pour l'enseignement et la formation professionnelle : pouvez-vous nous en dire plus sur l'avancée sa mise en œuvre ?

Ne pensez-vous pas, par ailleurs, que le programme Erasmus+ pourrait davantage se saisir des atouts transfrontaliers ? Je pense notamment à nos voisins allemands, très performants dans la formation professionnelle et l'apprentissage. Dans la ville de Fribourg-en-Brisgau, de l'autre côté du Rhin, 489 offres d'apprentissage sont toujours non pourvues aujourd'hui. Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, vient de donner les instructions nécessaires pour autoriser la prise en charge des contrats d'apprentissage transfrontaliers à titre dérogatoire pour la rentrée 2020. Quel dispositif similaire pour être encouragé à l'échelle européenne ?

Enfin, seuls 0,17 % des bénéficiaires d'une mobilité internationale étaient des personnes en situation de handicap. Comment renforcer le programme de manière à accompagner ce public fragile qui pourrait bénéficier tout autant que nos jeunes du programme Erasmus+ ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Erasmus+ reste effectivement un moyen efficace de partager les valeurs européennes et le sentiment d'appartenance à l'Union européenne, comme nous l'avions souligné dans le rapport que nous avions rédigé avec Marguerite Deprez-Audebert. Les jeunes générations la comprennent mieux quand elles ont pu partager avec des pairs l'expérience de son fonctionnement de manière quotidienne, pratique, vivante.

Dans la présentation du rapport que vous faites, vous avez éclairé les difficultés que peuvent aussi rencontrer certaines catégories socioprofessionnelles, certains jeunes dans des dispositifs de formation moins universitaires, avec un niveau de formation moins élevé, et que vous souhaitez que ces jeunes puissent bénéficier d'une attention accrue. Comment ces apprenants de la formation professionnelle, les plus jeunes, les catégories socioprofessionnelles moins habituées aux voyages peuvent être mieux sensibilités aux enjeux européens ? Pourrait-on mobiliser d'autres dispositifs comme le service civique, ou d'autres dispositifs soutenus par Erasmus sans être uniquement axés sur la formation ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il faudra certainement maintenir le Royaume-Uni dans le dispositif, car il a un poids prépondérant en tant que pays de destination. C'est quand même dommage car le Royaume-Uni ne sera plus un vecteur de diffusion de la construction européenne. Comment peut-on renforcer l'attractivité des États membres de plus petite taille ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

. Est-ce qu'il existe suffisamment de leviers pour dynamiser Erasmus ? Je pense que certains établissements scolaires ne sont pas forcément actifs, surtout les lycées situés en territoires ruraux. Or ce sont dans ces territoires qu'il est besoin que les jeunes sortent, qu'ils aillent voir ailleurs pour éviter certaines tendances au repli sur soi. Il est de plus en plus difficile de financer des voyages scolaires comme ça se faisait traditionnellement auparavant, à l'époque où j'étais principal d'un petit collège rural et que nous organisions chaque année une sortie d'une semaine avec les élèves.

Deuxième question : n'y a-t-il pas un levier du côté des missions locales, qui sont en contact direct certes avec des jeunes qui ont quitté le milieu scolaire ? Ces missions ont sans doute un rôle à jouer, car elles ont pour rôle l'accompagnement individuel des jeunes.

Permalien
Dominique Bilde, députée européenne

. Nous sommes tous d'accord pour saluer Erasmus. J'ai d'ailleurs soutenu au Parlement européen l'intérêt de la langue du pays d'accueil. Toutefois, vous plaidez dans votre rapport vous plaidez pour une augmentation du budget d'Erasmus – j'estime pour ma part que des économies sont envisageables.

Tout d'abord je suis sceptique quant au volet sport du programme qui soutient trop souvent des actions dites « d'inclusion » : par exemple l'inclusion des migrants par le sport ou un projet censé lutter contre la radicalisation. Ces actions dont l'efficacité est sujette à caution ont-elles vraiment leur place dans Erasmus compte tenu des restrictions budgétaires que l'on connaît par ailleurs ?

Par ailleurs, il existe à l'université de Lille – où vous vous êtes rendues en octobre –, un master en migrations transnationales, organisé notamment avec l'université Babel-Bolyai en Roumanie et subventionné par l'Union européenne à hauteur de 3 500 000 euros. Est-ce qu'il ne faudrait pas recentrer ces masters européens sur des matières dont la valeur ajoutée est démontrée, par exemple dans les sciences dures ?

Ne faudrait-il pas, enfin, publier les statistiques d'emploi des diplômés de ces masters européens ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

. Vous avez beaucoup parlé de la difficulté de mobiliser les jeunes, en particulier les jeunes de milieux plus défavorisés qui n'ont pas de relations avec l'international. Pour ces jeunes, la mobilité est déjà faible à l'intérieur du territoire national. En fait, il faudrait encourager encore plus tôt l'appétence à la mobilité, inciter les jeunes à bouger dès l'école primaire. Dans le rapport, nous préconisons le renforcement des jumelages (on dit à présent « appariements »), c'est-à-dire les correspondances entre les établissements scolaires pour pouvoir établir des liens. Avec internet, il va être beaucoup plus facile d'avoir des cours en duplex entre l'école allemande et l'école française. Il y a aussi le rôle des anciens, de ceux qui ont vécu des expériences internationales enrichissantes et qui en sont à présent les ambassadeurs.

En réponse à la question de Nicole Le Peih : comment donner une dimension durable à l'Europe par l'éducation ? Il y a le verdissement des pratiques des agences, le verdissement des transports (train, autobus, etc.). Il y avait auparavant un tour d'Europe de cinquante jours en train, c'était quelque chose de formidable qu'il faudrait réhabiliter. Et puis il y a le verdissement des contenus éducatifs, avec le développement de cursus consacrés à l'environnement. Les chaires Jean Monnet permettent justement de cibler des sujets de recherche axés par exemple sur le « Green deal ».

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

. Vous avez raison en ce qui concerne la difficulté de la mobilité dans certains territoires, mais je pense que justement il faut communiquer et leur faire prendre conscience de l'intérêt de ce type de programme.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

À l'image des crédits ECTS, qui fonctionnent très bien, les crédits ECVET constituent une recommandation, et non une obligation pour les États. Cela prendra du temps, car il y a une réelle difficulté à transposer toutes les formations dans ce système. L'expérience de la mise en place des crédits ECTS, m'incite à penser qu'il faudra un peu de temps mais que ces crédits verront le jour.

Pour apparier les candidatures et les offres, il existe des partenariats entre les centres de formation des apprentis (CFA). La difficulté réside dans la nécessité d'avoir une connaissance fine du tissu industriel propre à chaque territoire.

Pour ce qui concerne le Brexit, toutes les personnes que nous avons auditionnées sont convaincues que le Royaume-Uni continuera à participer à Erasmus+, ne serait-ce que pour les laboratoires de recherche. Pour avoir fait des recherches avec des laboratoires britanniques, je sais qu'ils ne peuvent pas se passer de l'Union européenne. C'est une chance que le Brexit n'affecte pas ce partenariat.

Il faut améliorer l'approche des apprenants de la formation professionnelle, notamment grâce au volet « Jeunesse et Sport ». Les thématiques qui les intéressent le plus, comme les manifestations sportives, doivent être mises en avant pour capter ces publics.

Le corps européen de solidarité permet de s'engager dans d'autres pays européens, mais il ne fait pas partie d'Erasmus+.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous n'avons pas approfondi la question des missions locales, mais elles ne sont probablement pas impliquées. Elles interviennent déjà trop tard. Il faut donner le goût du voyage plus jeune. Dans le rapport que nous avions fait il y a deux ans, nous avions fait des propositions pour permettre aux jeunes NEET, ni en emploi ni en stage ni en formation de partir à l'étranger.

Il existe actuellement 1 532 établissements « chartés » Erasmus, un nombre qui devrait sensiblement augmenter avec le nouveau programme. Chaque établissement est doté d'un référent Erasmus, ce qui constitue un réseau important.

Certains publics sont effectivement surreprésentés. Il faut faire davantage en matière de communication. Les initiatives des universités et des collectivités territoriales se multiplient. Elles complètent la communication plus traditionnelle organisée chaque année avec les « Erasmus days ». Le réseau des alumni a également un rôle important à jouer.

Les crédits du volet « Sport » ne sont pas uniquement concentrés sur l'inclusion des migrants. Nous mettons par exemple en avant une initiative qui consiste en un financement de 500 000 € pour le sport en salle à destination des personnes handicapées. Des missions pour les jeunes dans les zones rurales sont également financées. Quant à l'étude des migrations, il s'agit d'une discipline universitaire.

Je voudrais par ailleurs souligner qu'Erasmus ne représente que 1,6 % du budget de l'Union, pour un retour sur investissement significatif.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'ai été un peu choquée par les propos de Mme Bilde. Notre visite à l'Université de Lille nous a montré tout l'intérêt du programme et des projets mis en place.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pour faire un lien avec la communication de Carole Grandjean, je pense que la multiplication des stages à l'étranger – je ne parle pas des lycéens de Louis-le-Grand mais des apprentis – peut être l'occasion d'un dialogue pouvant aboutir à des pressions sur les États pour obtenir des augmentations de salaire pour les jeunes qui gagnent très peu.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il est vrai que l'augmentation des crédits du programme de 80 % est inférieure au doublement, voire au triplement, que l'on espérait, mais dans le contexte actuel, elle témoigne tout de même de l'attention portée à ce beau programme.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous passons à l'examen de l'article unique de la proposition de résolution. Nous sommes saisis de deux amendements pouvant faire l'objet d'une présentation commune.

La commission examine l'amendement n° 1 de Mme Caroline Janvier et l'amendement n° 2 des rapporteures.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'amendement n° 1 propose d'ajouter un alinéa spécifique pour insister sur la question de l'inclusion des publics en situation de handicap et sur la question de l'accessibilité du programme à ces derniers. Il invite les acteurs du programme Erasmus + à communiquer davantage auprès des personnes en situation de handicap, dont on sait que 80 % sont en situation de handicap invisible. Il faut une communication formalisée et régulière pour que chacun connaisse les dispositifs à la fois financiers et logistiques qui permettent d'accéder au programme.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La question de l'accessibilité du programme aux personnes en situation de handicap nous a fortement mobilisées. L'alinéa 16 préconise déjà une vraie communication. Ajouter un alinéa spécifique pour les personnes en situation de handicap nous gêne un peu, car ce serait les mettre à part. Erasmus+ est un programme pour tous. Avec l'amendement n° 2, nous vous proposons d'intégrer la communication envers les personnes en situation de handicap au sein de notre alinéa sur la communication, en insérant après les mots : « éloignés de la mobilité » les mots : « y compris les personnes en situation de handicap ».

L'amendement n° 1 est retiré.

L'amendement n° 2 est adopté.

La commission examine l'amendement n° 3 des rapporteures.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il s'agit d'un amendement rédactionnel consistant à remplacer les mots : « organisations permanentes » par les mots : « organisations participantes ».

L'amendement n° 3 est adopté.

Puis la commission adopte l'article unique modifié.

La proposition de résolution est donc ainsi adoptée modifiée.

La commission a autorisé la publication du présent rapport.

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport de la Présidente Sabine Thillaye, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Textes actés

Aucune observation n'ayant été formulée, la Commission a pris acte des textes suivants :

 Environnement dont santé environnementale

- Décision de la Commission établissant les critères d'attribution du label écologique de l'Union aux revêtements durs (D067546/03 - E 15330).

 Institutions

- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le niveau minimal de formation des gens de mer (codification) (COM(2020) 739 final - E 15328).

 Politique agricole commune

- Règlement (UE) de la Commission modifiant les annexes II et III du règlement (CE) nº 396/2005 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les limites maximales applicables aux résidus de fluxapyroxad, d'hymexazol, de métamitron, de penflufène et de spirotétramate présents dans ou sur certains produits (13169/20 - E 15326).

 Transports, politique spatiale

- Proposition de décision du Conseil concernant la position à prendre, au nom de l'Union, au sein du comité mixte institué par l'accord sur la création d'un espace aérien commun européen entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la Géorgie, d'autre part (COM(2020) 757 final - E 15333).

Textes actés de manière tacite

La Commission a également pris acte de la levée tacite de la réserve parlementaire, du fait du calendrier des travaux du Conseil, pour les textes suivants :

 Espace de liberté de sécurité et de justice

- Décision d'Exécution du Conseil relative à la mise en œuvre des dispositions de l'acquis de Schengen dans le domaine de la protection des données et à la mise en œuvre à titre provisoire de certaines dispositions de l'acquis de Schengen en Irlande ( 11319/20 - E 15265).

La séance est levée à 20 heures.

Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Aude Bono-Vandorme, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Vincent Bru, M. André Chassaigne, Mme Yolaine de Courson, M. Bernard Deflesselles, Mme Marguerite Deprez-Audebert, Mme Carole Grandjean, Mme Caroline Janvier, Mme Chantal Jourdan, Mme Nicole Le Peih, M. Thierry Michels, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Didier Quentin, Mme Sabine Thillaye

Excusée. – Mme Frédérique Dumas

Assistaient également à la réunion. – Mmes Dominique Bilde et Sylvie Brunet, membres du Parlement européen