Je voudrais alerter les rapporteurs sur « l'urgence d'accueillir ». Alors qu'aux portes de l'Union européenne se joue un bras de fer politique entre la Pologne et la Biélorussie, dans un froid glacial située dans une zone de non-droit, quatre mille personnes venant principalement de Syrie ou d'Irak sont livrées à elles-mêmes et subissent la violence des forces militaires et policières des deux côtés. On compte déjà plus de quinze morts de froid et de soif, sans compter une dizaine de disparus. Ne pensez-vous pas qu'il faut assumer notre devoir d'accueillir sans attendre et venir en aide à plusieurs milliers de personnes poussées par le désespoir et instrumentalisées par des pouvoirs autoritaires ? Combien de temps pouvons-nous encore regarder cette tragédie macabre sans intervenir ? Ces quelques milliers de personnes ne menacent pas la sécurité européenne. Quelle est cette Union européenne instrumentalisée par les pouvoirs autoritaires ? L'urgence humanitaire doit nous animer.
Dans le même temps, vingt-sept personnes sont mortes la semaine dernière au large de Calais. Ce drame meurtrier n'est pas le fruit de la fatalité. Il résulte d'une politique inhumaine qui pousse les personnes exilées à prendre le risque de la mer : évacuations forcées, confiscations et destructions des effets personnels, violences physiques et verbales. La défenseure des droits, la Cour européenne des droits de l'homme, le Conseil de l'Europe, des ONG ont dénoncé de nombreuses violations des droits fondamentaux aux frontières françaises et pointe du doigt les conditions d'accueil des migrants. L'extrême sécurisation de la frontière franco-britannique a conduit à des tentatives désespérées de traverser la Manche et au développement des réseaux de passeurs.
Le non-accueil en France et en Europe n'est-il pas la première cause de ce désastre ? Le droit d'asile est un droit constitutionnel, inscrit dans le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. C'est aussi une obligation internationale qui repose sur la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés. A l'opposé, la loi sur l'immigration votée en 2018 a déshumanisé le traitement des dossiers des demandeurs d'asile. Le nombre de migrants va augmenter sans cesse du fait du réchauffement climatique : il faut donc cesser les hypocrisies sur le sujet et de discuter collectivement au niveau européen de la manière d'accueillir ces populations.
C'est aussi ce que demande votre rapport, même si cela s'accompagne, et je le regrette, de préconisations qui ne vont pas dans le sens de mes propos, s'agissant de la fermeté aux frontières et sur les priorités de la France en matière de migrations, priorités qui selon moi ne sont pas un exemple.