Intervention de Ugo Bernalicis

Séance en hémicycle du mardi 21 septembre 2021 à 21h30
Responsabilité pénale et sécurité intérieure — Article 2

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Après nous être opposés à l'article 1er , nous nous opposons à l'article 2. En effet, il crée une distinction entre la commission du délit et les éléments qui la précèdent. Nous ne sommes plus à l'article 1er , donc il n'est plus question de consommation de substances dans l'intention de commettre un délit, mais d'une consommation qui conduit à commettre un délit ou un crime. Ainsi, vous cherchez à distinguer la consommation de substances psychoactives des actes que l'individu accomplira sous leur emprise, tout en souffrant d'une pathologie ou de troubles psychiatriques qui préexistent ou non aux faits. En gros, on appliquera certes l'article 122-1 du code pénal en déclarant l'irresponsabilité pénale en raison d'une abolition du discernement, mais on cherchera à savoir si avant de commettre les faits, leur auteur n'aurait pas bien cherché à se placer dans cette situation, en consommant des substances psychoactives alors qu'il savait peut-être que cela pouvait éventuellement le conduire à commettre le crime dont il est accusé.

Je formulerai deux objections. D'abord, ce dispositif risque d'être difficile à appliquer ; les victimes et les parties civiles auront du mal à faire valoir qu'un tel délit a été commis. Vous risquez donc de susciter chez elles encore plus de désarroi et de défiance vis-à-vis de l'institution judiciaire.

Ensuite, cet article concernerait des cas très marginaux, selon l'étude d'impact et l'avis du Conseil d'État. Il s'appliquerait donc très rarement. Néanmoins, son adoption amènerait à pénaliser et à condamner des gens dont on considère aujourd'hui qu'ils souffraient d'une abolition totale du discernement au moment des faits. Vous modifiez donc la structure du droit en matière d'abolition du discernement, sans toutefois l'assumer complètement – vous l'assumez un petit peu, mais pas complètement.

Or vous l'avez dit vous-mêmes, vous l'avez répété lors de l'examen en commission, et encore à la tribune cet après-midi, ce dispositif n'aurait rien changé au verdict qui a été rendu dans l'affaire de Mme Sarah Halimi, puisque M. Traoré, qui a commis ce meurtre odieux, n'avait pas conscience que la consommation de produits psychoactifs pouvait l'entraîner à commettre un meurtre. Il n'y avait pas d'intention de consommer des substances psychoactives pour passer à l'acte. Vous ne comblez donc pas la faille à laquelle vous déclarez vouloir remédier. Dans le meilleur des cas, vous créerez de la défiance vis-à-vis de l'institution judiciaire ; dans le pire des cas, vous pénaliserez des gens qui relèveraient d'un suivi médical et non judiciaire.

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