Intervention de éric Dupond-Moretti

Séance en hémicycle du mercredi 22 septembre 2021 à 15h00
Responsabilité pénale et sécurité intérieure — Article 2

éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice :

Je voudrais répondre brièvement à Mme Buffet. La perte totale du discernement liée à la prise de psychotropes représente une affaire tous les quarante ans ; les ivresses pathologiques, c'est encore plus rare. L'homme qui s'alcoolise et qui frappe sa femme, ce n'est pas la situation qui nous intéresse. Ce qui nous intéresse, c'est celui qui, parce qu'il a bu, entre dans une folie au sens psychiatrique du terme et à qui l'on dit : « À cause de cette folie générée par un comportement positif de votre part, vous échappez à la justice. » C'est cela dont nous ne voulons plus.

D'ailleurs, ceux qui se retranchent derrière l'alcool ou la prise de produits stupéfiants comme excuse ou comme circonstance atténuante ne parviennent jamais à convaincre les juges. Je me place délibérément sur le terrain que vous avez choisi, et où il n'est pas question d'abolition du discernement. Si quelqu'un comparaît aux assises et dit : « J'ai tué ma femme, mais j'avais bu », on lui répond : « Pardon, mais c'est pire encore. » Et cela devient une circonstance aggravante, même si l'expression a disparu du code de procédure pénale. On sait bien que l'alcool et la cocaïne génèrent de nombreux meurtres, mais les auteurs ne sont pas pour autant considérés par les experts comme ayant perdu leur discernement.

Même si les situations dans lesquelles la prise volontaire d'alcool ou de psychotropes entraîne la folie et provoque des drames considérables sont extrêmement rares, nous ne pouvons pas considérer la consommation de produits stupéfiants comme une simple consommation de produits stupéfiants, car elle a généré la folie qui a entraîné la mort. C'est là l'équilibre qu'il convient de trouver.

C'est d'ailleurs le sens de la jurisprudence de la Cour de cassation, laquelle n'est pas, contrairement à ce que j'ai entendu hier, un fiasco judiciaire, mais une justice qui dit : « Nous n'avons pas les textes. » Il nous appartient de produire ces textes et de refermer cette béance qui n'a pas permis qu'un homme soit jugé dans des conditions raisonnables, et cela, je le répète, sans remettre en cause le fait qu'on ne juge pas et, en ce qui nous concerne, que nous ne voulons pas juger les fous. Ce serait une régression sociétale absolument insupportable.

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