La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Suite de la discussion d'un projet de loi
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 157 à l'article 2.
En commission des lois, les débats s'étaient longuement portés sur l'élément intentionnel de l'infraction d'intoxication volontaire créée par l'article 2. Avec plusieurs collègues, j'avais alors proposé de supprimer la nécessité de prouver que l'auteur des faits avait conscience que l'usage de produits psychoactifs pouvait avoir pour effet de le conduire à commettre des atteintes à la vie ou à l'intégrité d'autrui. En effet, cette condition est bien trop restrictive pour que l'infraction que vous proposez de créer soit véritablement efficace.
En commission, vous nous aviez répondu que la suppression de cette condition revenait à supprimer l'élément intentionnel de l'infraction sans lequel la sanction ne pourrait être conforme à la Constitution. Mais je le répète, tel qu'il est rédigé, l'article est bien trop restrictif. Vous partagez d'ailleurs cet avis, madame la rapporteure, puisque vous aviez proposé de présenter en séance un amendement visant à mieux caractériser l'élément intentionnel – c'est l'amendement qui sera discuté juste après.
Néanmoins, ma proposition a une portée plus large et s'appliquerait à un plus grand nombre de cas. En effet, je pense qu'il suffit d'avoir conscience que la consommation de produits psychoactifs peut entraîner une altération du comportement pour que l'élément intentionnel de l'intoxication involontaire soit constitué. Cela n'aurait rien d'exagéré dans la mesure où il est régulièrement et clairement dit que la consommation de produits stupéfiants ou l'abus d'alcool sont dangereux, pour soi comme pour les autres. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'usage de stupéfiants et l'ivresse publique sont non seulement interdits, mais aussi réprimés.
Ces amendements résultent en effet des discussions que nous avons eues en commission des lois. Or si le vôtre va dans la bonne direction, il est trop général : en effet, à peu près tout ce qui peut être ingéré peut avoir pour conséquence d'altérer le comportement, qu'il s'agisse d'un verre de vin ou même d'une dose de sucre ! Nous sommes donc loin de la volonté de prévenir les bouffées délirantes.
Par conséquent, je vous demande de retirer l'amendement n° 157 au profit de mon amendement n° 393 . À défaut, avis défavorable.
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement.
Même position que celle qui vient d'être brillamment défendue par Mme la rapporteure.
L'amendement n° 157 n'est pas adopté.
L'amendement n° 393 est adopté.
Très simple, il propose d'affiner les peines correspondant aux infractions commises sous l'emprise de substances psychoactives et de les différencier en fonction du caractère licite ou non de ces substances. Comme je le disais hier, la consommation d'alcool ou de médicaments en trop grande quantité, ou leur association – qui peut en effet poser problème – doivent être distinguées de la prise de drogues illicites.
L'amendement n° 191 de M. Nicolas Meizonnet est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
J'apporterai la même réponse qu'en commission : la consommation de toxiques étant un élément constitutif de l'infraction, elle ne peut en être également une circonstance aggravante. Avis défavorable.
Même avis.
En cohérence avec son amendement n° 74 , qui proposait de porter à quinze ans de réclusion la peine encourue, notre collègue Yves Hemedinger propose de supprimer l'alinéa 6, c'est-à-dire le mécanisme complexe élaboré par le Gouvernement pour prévoir les cas de récidive.
Je trouve au contraire que la proposition du Gouvernement est subtile. En retenant la circonstance aggravante plutôt que les règles de droit commun de la récidive, le dispositif permet de couvrir tous les cas dans lesquels un individu, ayant tué après s'être intoxiqué, se voit reconnaître comme irresponsable au moment des faits. Jusqu'à présent, de tels individus n'encourraient aucune peine, en l'absence de l'infraction que nous sommes en train de créer.
Pour ces raisons, avis défavorable.
Monsieur le député, je pense que vous confondez récidive et réitération. Si nous avons choisi la réitération, c'est précisément parce qu'une personne ayant déjà connu ce type d'affaire et qui a été sanctionnée pour cela connaît évidemment les dangers d'une intoxication volontaire. La récidive, pour sa part, est contrainte par des délais et des règles plus stricts. Je suis donc défavorable à l'amendement que vous défendez.
L'amendement n° 75 n'est pas adopté.
Il vise à rendre les dispositions de l'alinéa 6 applicables à toute personne ayant déjà été précédemment déclarée pénalement irresponsable à la suite d'une consommation de substances psychoactives, et donc à alourdir la sanction dans ce cas, même si la première infraction commise sous l'emprise de ces substances n'était pas un homicide volontaire.
Évidemment, les sanctions proposées ici ne conviennent pas, car elles ont été fixées en référence à celles prévues à l'amendement n° 272 , qui n'a finalement pas été adopté. J'aimerais néanmoins savoir s'il est possible d'appliquer les dispositions de l'alinéa 6 lorsque la première infraction n'était pas un homicide volontaire.
Comme vous le savez, je ne suis pas favorable à la diminution des quanta de peines prévus par le projet de loi, qui me semblent adaptées et proportionnées aux infractions visées. Vous l'avez dit, l'Assemblée ayant rejeté la diminution du quantum de l'infraction simple, votre proposition n'a plus de sens, puisqu'elle reviendrait à punir de la même peine, soit dix ans de réclusion, l'infraction simple et l'infraction aggravée. Par conséquent, avis défavorable.
Même avis.
Je sais que la partie de l'amendement relative au quantum de peine n'est plus pertinente, mais pourrait-on imaginer qu'un individu reconnu pénalement irresponsable pour une autre infraction qu'un homicide volontaire soit puni d'une peine plus lourde dans le cas où il commettrait ensuite un homicide volontaire ? La rédaction actuelle de l'alinéa 6 ne le permet pas.
L'amendement n° 273 n'est pas adopté.
Il se situe dans la suite logique de ce que je défends depuis le début de la discussion des articles.
L'article L. 221-2 du code pénal punit l'homicide par récidive de la réclusion criminelle à perpétuité. Or l'alinéa 6 de l'article 2, qui vise lui aussi la récidive en cas d'homicide volontaire, suite à la prise de substances psychoactives, ne prévoit qu'une peine de quinze ans de réclusion soit, en pratique, la moitié de ce qui est prévu lorsque la personne est en pleine possession de ses moyens.
Je n'ai pas réussi à vous convaincre hier, et je doute d'y parvenir aujourd'hui, mais si on peut comprendre, intellectuellement, qu'une personne ayant commis un meurtre sous l'emprise d'une substance altérant le discernement n'est pas dans le même cas de figure que celle ayant commis un meurtre de sang-froid, il n'en reste pas moins que l'alinéa 6 vise l'auteur d'un crime qui a volontairement et intentionnellement consommé une substance altérant son discernement. Il me semble qu'en raison de ce caractère intentionnel, on pourrait donc renforcer la peine de prison encourue.
L'amendement n° 192 de M. Nicolas Meizonnet est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Attention au glissement : il ne s'agit pas ici de sanctionner l'homicide.
Je ne vois pas l'intérêt de passer de quinze à vingt ans de prison : quinze ans, c'est déjà une peine significative. En outre, comme l'a souligné le Conseil d'État dans son avis, il s'agit d'une peine proportionnée, qui correspond à l'échelle des peines. Avis défavorable.
Même avis.
La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l'amendement n° 93 .
Je peine à comprendre la raison pour laquelle il ne serait pas possible de proposer une disposition dérogeant au principe d'irresponsabilité pénale pour les personnes ayant déjà été condamnées pour des actes graves, notamment de barbarie.
En commission des lois, j'avais rappelé l'événement dramatique qui avait affecté, à Noël 2016, ma circonscription du Vaucluse et le département de la Drôme : l'assassinat de quatre personnes par M. Fissenou Sacko, qui avait déjà souvent consommé du crack et en connaissait donc les risques. Même si ce dernier a été déclaré irresponsable au moment des faits, toute son attitude laissait augurer qu'il allait commettre l'irréparable. En effet, le prévenu avait déjà été condamné plusieurs fois avant de commettre ces actes de barbarie.
Il ne s'agit pas ici de faire appel à l'émotion, mais au bon sens d'un système judiciaire équitable. Mon amendement vise à priver de présomption d'irresponsabilité pénale les personnes déjà condamnées pour des actes de barbarie : c'est une mesure de justice pour les familles des victimes.
C'est un débat que nous avons déjà eu en commission : le dispositif que vous proposez n'est pas adapté. Avis défavorable.
Ce que nous punissons, madame la députée, ce n'est pas le crime – on ne le peut pas dès lors que le discernement de son auteur était aboli –, mais la prise de produits psychotropes qui l'a rendu possible. Or il n'est pas imaginable une seule seconde de punir la prise de psychotropes comme le crime lui-même : cela serait totalement excessif.
Je suis donc tout à fait défavorable à votre amendement.
L'amendement n° 93 n'est pas adopté.
Il vise à simplifier la rédaction de l'alinéa 12 en supprimant la condition relative à la connaissance des effets des substances psychoactives, dont la formulation me paraît floue, et à étendre aux viols et agressions sexuelles la portée de ses dispositions. L'amendement propose également de réduire le quantum de la peine, suivant la logique exposée par M. le garde des sceaux. Puisque l'on punit la prise de substances psychoactives et non le crime lui-même, il semble logique que les peines ne soient pas trop lourdes, surtout si elles sont prononcées contre des personnes n'ayant pas eu connaissance du fait qu'en prenant des substances psychoactives, elles pourraient devenir violentes – ce qui me paraît tout de même étonnant.
Vous évoquez un sujet important. Plusieurs amendements demandent de prendre en compte les viols commis à la suite d'intoxications délibérées, et j'avais dit en commission qu'ils devaient être retravaillés.
Je préfère les amendements qui seront proposés par les groupes La République en marche, Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés et Agir ensemble : la logique est la même, mais le quantum est différent. En effet, les deux ans de prison que vous proposez représentent une durée excessivement faible : la peine de droit commun est de quinze à vingt ans de réclusion ; si nous voulons rester dans des proportions cohérentes avec ce que nous proposons en cas d'homicide, il faudrait rester au moins à la moitié de cette durée. Avis défavorable.
Nous sommes d'accord s'agissant de la prise en compte de l'infraction de viol ; elle sera envisagée dans les amendements à venir. Pour le reste, je ne partage pas votre avis sur la connaissance du risque, notion qui a d'ores et déjà été atténuée par Mme la rapporteure, et pas davantage sur les peines proposées. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 274 est retiré.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l'amendement n° 106 .
Il concerne l'alinéa 12. Par souci de cohérence avec l'amendement que j'ai défendu hier soir sur l'alinéa 5, il vise à retirer du texte la notion très floue que représente la nécessaire connaissance par le criminel des conséquences de l'ingestion de substances psychoactives. Je ne pense pas que nous soyons capables de démontrer ce genre de chose.
Je ne reviendrai pas sur le long débat que nous avons eu concernant la notion de connaissance. La nécessité de simplifier et d'assouplir le dispositif est réelle ; c'est l'objet de l'amendement que j'ai présenté tout à l'heure et que nous avons adopté. Avis défavorable.
Monsieur Di Filippo, je regrette que vous n'ayez pas assisté à l'époustouflante démonstration qui nous a été faite hier par quelqu'un de chez vous, le député Savignat : il nous a donné un exemple si évident que tout le monde s'est accordé à en reconnaître la justesse.
Dans un procès, la charge probatoire incombe toujours au magistrat. Il est des situations dans lesquelles la démonstration sera facile ; dans d'autres cas, la preuve ne pourra être apportée, et l'on en tirera les conséquences qui s'imposent. Mais cela vaut quelle que soit l'infraction jugée : dans le cas d'un homicide volontaire, il faut également démontrer l'intentionnalité, que ce soit par un élément matériel ou par un élément moral. C'est vrai pour toutes les infractions, et celle-ci n'échappe pas à la règle.
J'ai bien assisté hier à la démonstration d'Antoine Savignat, mais je ne mets pas la démonstration de la connaissance sur le même plan que la preuve matérielle. Bien sûr, s'il y a un crime, il faut des preuves.
C'est mieux !
Ce avec quoi je suis en désaccord, c'est la rédaction du texte. Sur la première partie de mon amendement, celle qui concerne l'aspect volontaire de l'ingestion, nous pouvons nous entendre – quand quelqu'un est drogué à son insu, il n'a pas à s'inquiéter des conséquences –, mais j'ai peur que la rédaction proposée n'offre une échappatoire à des personnes d'une totale mauvaise foi et ne finisse par rendre le texte inopérant.
Sur cette partie, je continue de nourrir des craintes sérieuses : nul n'est censé ignorer la loi, et l'on pourrait ignorer les conséquences de la prise de substances que l'on ingère volontairement, en toute responsabilité ? Ce principe me paraît, même philosophiquement, tout à fait discutable.
Sur la première partie, rejoignez-nous, il n'est pas trop tard !
Je tiens à réagir à ce que vient de dire notre collègue. Lorsqu'on est accro à l'alcool ou à une drogue quelconque, c'est une addiction, cela se soigne ; on est malade, il n'y a pas de volonté de consommer de l'alcool ou une autre substance pour commettre un délit.
Pardon, mais…
Je prends l'exemple des violences faites aux femmes : lorsqu'un mari, qui boit depuis des années, commence, au bout de dix ou quinze ans, à être violent, la question est de savoir comment soigner l'addiction et comment condamner la violence faite à la femme, mais je ne vois pas pourquoi il faudrait ajouter quoi que ce soit concernant l'intention. Nous sommes face à des addictions.
Cher collègue, j'entends ce que vous dites, mais l'objet du texte est précisément de refuser le déni conscient de ceux qui disent : « J'avais pris des produits, mais je n'avais pas réalisé les conséquences. »
Cela, nous le refusons. Le texte est là pour leur dire : « Quand vous prenez volontairement, consciemment, certaines substances, vous êtes tenu responsable de leurs effets s'ils vous font perdre le contrôle et commettre le crime. » Cessons de faire croire que, dans notre société, lorsqu'on prend des produits à l'âge adulte, on n'est pas au courant des conséquences qu'ils peuvent entraîner. En France, au XXI
Je voudrais répondre brièvement à Mme Buffet. La perte totale du discernement liée à la prise de psychotropes représente une affaire tous les quarante ans ; les ivresses pathologiques, c'est encore plus rare. L'homme qui s'alcoolise et qui frappe sa femme, ce n'est pas la situation qui nous intéresse. Ce qui nous intéresse, c'est celui qui, parce qu'il a bu, entre dans une folie au sens psychiatrique du terme et à qui l'on dit : « À cause de cette folie générée par un comportement positif de votre part, vous échappez à la justice. » C'est cela dont nous ne voulons plus.
D'ailleurs, ceux qui se retranchent derrière l'alcool ou la prise de produits stupéfiants comme excuse ou comme circonstance atténuante ne parviennent jamais à convaincre les juges. Je me place délibérément sur le terrain que vous avez choisi, et où il n'est pas question d'abolition du discernement. Si quelqu'un comparaît aux assises et dit : « J'ai tué ma femme, mais j'avais bu », on lui répond : « Pardon, mais c'est pire encore. » Et cela devient une circonstance aggravante, même si l'expression a disparu du code de procédure pénale. On sait bien que l'alcool et la cocaïne génèrent de nombreux meurtres, mais les auteurs ne sont pas pour autant considérés par les experts comme ayant perdu leur discernement.
Même si les situations dans lesquelles la prise volontaire d'alcool ou de psychotropes entraîne la folie et provoque des drames considérables sont extrêmement rares, nous ne pouvons pas considérer la consommation de produits stupéfiants comme une simple consommation de produits stupéfiants, car elle a généré la folie qui a entraîné la mort. C'est là l'équilibre qu'il convient de trouver.
C'est d'ailleurs le sens de la jurisprudence de la Cour de cassation, laquelle n'est pas, contrairement à ce que j'ai entendu hier, un fiasco judiciaire, mais une justice qui dit : « Nous n'avons pas les textes. » Il nous appartient de produire ces textes et de refermer cette béance qui n'a pas permis qu'un homme soit jugé dans des conditions raisonnables, et cela, je le répète, sans remettre en cause le fait qu'on ne juge pas et, en ce qui nous concerne, que nous ne voulons pas juger les fous. Ce serait une régression sociétale absolument insupportable.
L'amendement n° 106 n'est pas adopté.
L'amendement n° 420 de Mme la rapporteure est un amendement de cohérence.
L'amendement n° 420 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Je suis saisi de trois amendements, n° 379 rectifié , 405 et 339 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 379 rectifié et 405 sont identiques et font l'objet d'un sous-amendement n° 424 .
La parole est à Mme Blandine Brocard, pour soutenir l'amendement n° 379 rectifié .
Il est issu des discussions que nous avons eues en commission la semaine dernière. L'alinéa 12 de l'article 2 mentionne « des faits qualifiés de violences sur autrui ». L'amendement du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés propose de remplacer l'expression par « tortures, actes de barbarie ou violences », qui sont des infractions juridiquement différentes. Il s'agit d'étendre la répression de la consommation volontaire de produits psychoactifs provoquant une abolition temporaire du discernement menant à des violences, ces dernières étant étendues aux tortures et actes de barbarie. L'amendement est complété par un sous-amendement de cohérence rédactionnelle.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La parole est à Mme Coralie Dubost, pour soutenir l'amendement n° 405 .
Cet amendement a été déposé par l'ensemble du groupe La République en marche à l'initiative de nos collègues Laetitia Avia et Stéphane Mazars, ici présent, qui l'avait déjà défendu en commission, dans une rédaction différente, avant de le retirer pour le retravailler. C'est un engagement qui tenait au cœur de nos deux collègues. Je pense tout particulièrement à Mme Avia, dont la circonscription a été le théâtre d'affaires touchant ce domaine et qui tenait à ajouter dans le texte, en parfaite cohérence avec l'intention du Gouvernement, les actes de torture et de barbarie. Le groupe La République en marche le votera avec dignité.
Cet amendement du groupe UDI-I propose une acception plus large que les amendements qui viennent d'être présentés par nos collègues, car il couvre tout le champ du chapitre II du titre II du livre II du code pénal, c'est-à-dire toutes les violences aux personnes, quelles qu'elles soient, y compris les violences sexuelles. Je crois qu'il est conforme à l'esprit du projet de loi, qui est de pénaliser la prise volontaire de psychotropes entraînant un comportement criminel, même si ce comportement criminel ne donne pas lieu à une condamnation en raison d'une altération du discernement.
Je vous remercie de ces propositions qui font suite à nos réflexions de commission. Ces améliorations permettent d'expliciter le dispositif sur des faits graves et constituent des modifications ponctuelles. Je suis donc favorable aux amendements n° 379 rectifié et 405 .
Je demande le retrait de l'amendement n° 339 de M. Brindeau au profit des amendements identiques sous-amendés.
Je ne comprends pas bien votre demande de retrait. Mon amendement s'inscrit dans le même esprit que les autres, tout en couvrant un champ plus large, celui des violences et des atteintes physiques aux personnes. Comptez-vous donc exclure les atteintes sexuelles du champ de cette nouvelle infraction pénale ?
On ne va pas étendre la disposition à tout le code pénal !
Monsieur Brindeau, votre amendement est beaucoup trop large, au point d'être inopérant. Avec votre rédaction, puisque vous citez un chapitre entier du code pénal, les appels malveillants, les menaces non concrétisées et l'exhibition sexuelle seraient inclus parmi les éléments constitutifs de l'infraction, les rendant passibles de peines bien plus lourdes que celles commises en pleine responsabilité et en disposant de tous ses moyens.
Le sous-amendement n° 424 est adopté.
Il vise lui aussi à durcir les peines. Monsieur le garde des sceaux, tout à l'heure, vous avez argué de l'impossibilité de punir de la même peine des situations différentes. Pourtant, c'est bien ce que prévoit le droit dans le cas d'un vol, par exemple : le complice par fourniture de moyens ou le receleur sont passibles des mêmes peines que l'auteur principal, sans pour autant participer directement au vol.
Dans le cas qui nous intéresse, nous pourrions tout à fait envisager que l'auteur qui commet le crime en pleine lucidité, à froid, soit passible de la même peine que celui qui commet le même acte dans des circonstances différentes.
La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l'amendement n° 94 .
Si les violences infligées conduisent à la mort d'une personne, il semble légitime de les rendre passibles de la même peine de prison qu'un homicide. C'est l'objet de mon amendement ; l'amende resterait inchangée, de manière à distinguer les peines.
Nous avons déjà eu ce débat. J'ai longuement expliqué que je m'opposais à toute modification des peines, notamment à leur durcissement, quels que soient les arguments invoqués – qu'ils soient sincères ou d'affichage.
Le projet de loi est adapté ; il correspond à l'échelle de peine prévue pour les autres infractions du code pénal. J'insiste : on ne peut prévoir la même peine pour des coups mortels portés dans une bousculade désordonnée et pour un homicide, qu'il résulte de l'emploi d'une arme ou de coups portés délibérément. Il est indispensable de faire la différence. Avis défavorable sur les amendements.
Madame Ménard, le recel et le vol ont été qualifiés par certains auteurs d'infractions jumelles, tant est vraie l'expression populaire selon laquelle « il n'y a pas de vol sans recel, ni de recel sans vol ». Or on ne trouve pas le même lien entre consommation de psychotrope et assassinat ! Il est normal que l'assassinat soit puni de la réclusion criminelle à perpétuité et que la consommation de produits stupéfiants soit passible d'une autre peine. Cela s'appelle l'équilibre. Je constate d'ailleurs que chaque fois qu'il est question de peine, quel que soit le domaine, vous voulez en rajouter.
Ce sont toujours les mêmes qui signent ce type d'amendements – vous, madame Ménard, ou M. Ciotti –, avec désormais un souffle nouveau.
Peut-être. En tout cas, depuis que l'on entend parler de peines rétroactives de cinquante ans de réclusion criminelle, certains se prennent à espérer, d'autres se sentent pousser des ailes. Quant à nous, nous souhaitons conserver certains équilibres : le droit pénal est équilibré, car c'est le fruit d'une très longue réflexion. On nous raconte qu'il suffit de réprimer pour endiguer la délinquance. Mais si c'était vrai, nous le saurions depuis des siècles !
Ce n'est pas plus compliqué que cela : c'est un discours esthétique, philosophique, qui nous distingue, ici.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
C'est extraordinaire d'entendre cela de votre part, monsieur le garde des sceaux, car les mêmes propos, exactement, pourraient être utilisés contre votre texte ! De fait, avec celui-ci, vous alourdissez les peines pour des délits existants et créez de nouveaux délits autonomes, comme si, pour reprendre vos propos, créer une peine permettait d'éteindre le problème et de mettre fin à la délinquance et aux infractions ! Bien sûr nous, nous savons que cela ne fonctionne pas comme cela ! Et pourtant, vous déposez ce genre de textes sécuritaires,…
En l'occurrence, il n'y avait jusqu'ici pas de couche, pas de délit. C'est bien le problème !
…si bien que ceux qui siègent de l'autre côté de l'hémicycle s'engouffrent dans ce qu'ils appellent un « appel d'air », et proposent de porter les peines de sept ans à huit, neuf ou dix ans. Mais c'est vous et votre gouvernement, monsieur le garde des sceaux, qui ouvrez la brèche et permettez que ce débat nauséabond ait lieu !
Protestations sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
C'est le premier mot gentil !
Monsieur le garde des sceaux, vous parlez de discours esthétique, mais c'est vous qui faites preuve « d'esthétisme » dans cette affaire ! Nous, nous sommes dans la réalité, car nous prenons en compte la constante augmentation, en France, depuis des années, des violences, de la délinquance et des crimes. Puisque votre politique pénale, qui consiste à conserver les mêmes peines,…
Mais non !
…ne fonctionne pas, nous proposons de les durcir, pour l'exemple. Vous dites qu'un vent nouveau souffle dans l'hémicycle, mais accordez-moi au moins le crédit de faire preuve de constance ! J'y siège depuis 2017 et je n'ai cessé de demander l'alourdissement des peines pour différents crimes et délits.
Même si cela ne vous plaît pas, nous avons le droit d'avoir des opinions différentes ; je défends les miennes. Et tout à l'heure, je citais simplement des exemples en contradiction avec vos propos, par cohérence.
L'amendement n° 193 n'est pas adopté.
Il relève exactement de la même logique que les précédents ; vous m'avez donc déjà répondu une fois, deux fois, trois fois ! Je désespère de vous convaincre qu'il faut aggraver les peines que vous avez prévues, car j'ai bien entendu que vous le refusiez. Je me contenterai donc de défendre d'un mot les amendements de ce type, pour que nous cessions de perdre notre temps.
Très bien !
L'amendement n° 418 de M. Éric Ciotti est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?
Madame Ménard, nous sommes partis d'une absence de sanction pour en arriver aux peines prévues dans ce projet de loi. C'est amplement suffisant, il n'y a pas de raison de les durcir. Avis défavorable sur ces amendements et ceux qui suivront.
Sur les amendements n° 378 et 377 , je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Sur l'article 2, je suis saisi par les groupes La République en marche et Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Les amendements n° 295 de M. Éric Ciotti et 18 de Mme Emmanuelle Ménard sont défendus.
Ces cinq alinéas que nous souhaitons insérer à l'article 2 font suite à nos discussions en commission. Ce dernier vise à créer deux nouvelles infractions pour réprimer la personne qui commet un meurtre ou des violences après avoir consommé des substances psychoactives qui ont aboli son discernement. Toutefois, dans la rédaction actuelle, il oublie de mentionner les cas de viols – notre proposition rejoint donc pour partie celle de M. Brindeau, en la précisant. La volonté de lutter de façon efficace contre les crimes sexuels impose donc la création d'une infraction correspondant à cette hypothèse.
Il arrive fréquemment que des auteurs de viols soient déclarés pénalement irresponsables en raison d'un trouble mental – cela correspond à environ 8 % des décisions d'irresponsabilité pénale. Or, et c'est tout l'objet de nos débats, cette impunité n'est pas acceptable lorsque le trouble mental résulte d'une intoxication volontaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La parole est à Mme Alexandra Louis, pour soutenir l'amendement n° 380 .
Je tiens d'abord à souligner l'équilibre trouvé à l'article 2 ; la création de ces nouvelles infractions permettra d'incriminer la personne qui, parce qu'elle a consommé des stupéfiants ou de l'alcool à outrance, alors qu'elle sait que cela peut lui faire perdre la raison, commet l'irréparable et provoque l'infirmité ou la mort d'autrui par ses violences.
En commission des lois, lors de l'examen d'un amendement de ma collègue Laetitia Avia, nous avions discuté de la possibilité d'étendre le champ des comportements visés pour inclure le viol, notamment. Il importe de rappeler que dans notre pays, trop de victimes de viol ont encore peur de porter plainte, car elles craignent l'impunité de l'auteur. Nous avons beaucoup œuvré, au sein de cet hémicycle, avec le Gouvernement pour mieux les protéger. Or, dans 43 % des cas, les victimes de viol expliquent que l'auteur était sous l'emprise de l'alcool ou de stupéfiants. Je précise, à la suite de M. le garde des sceaux, que la consommation de ces substances ne constitue pas une circonstance atténuante et qu'elle n'abolit pas nécessairement le discernement.
Toutefois, une telle abolition peut se produire dans certains cas exceptionnels. Dans de telles circonstances, nous devons faire en sorte qu'il n'y ait pas d'impunité et que les auteurs soient sanctionnés à la hauteur de la gravité de leur comportement. C'est la raison pour laquelle nous voulons inclure le viol dans les infractions concernées.
Puisque nous arrivons à la fin des débats sur l'article 2, je voudrais saluer l'importance du dispositif que nous nous apprêtons à voter. Nous allons inscrire dans notre droit que l'on ne peut échapper à toute responsabilité lorsque l'on porte atteinte à l'intégrité d'autrui en étant sous l'emprise de substances psychoactives. Dans l'affaire Sarah Halimi, il s'agissait de cannabis, mais aujourd'hui, nous légiférons également – et même surtout – pour l'avenir.
Le dispositif proposé par le Gouvernement visait uniquement les cas d'homicide et de violences sur autrui. Par un amendement voté en commission, nous en avons élargi le champ aux actes de torture et de barbarie, dont nous savons – l'Histoire l'a malheureusement rappelé il y a quelques années – à quel point ils peuvent marquer notre pays.
Cette dernière pierre que nous voulons ajouter à l'édifice concerne un acte tout aussi important : le viol. Non, on ne peut violer quelqu'un et échapper à toute responsabilité au prétexte que la prise de psychotropes a pu altérer son discernement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je partage totalement votre volonté de mieux réprimer ces actes insupportables que sont les viols. Il y a du sens à considérer spécifiquement cette hypothèse dans le cadre de cet article sachant que beaucoup a déjà été fait, au cours de cette législature, pour lutter contre les violences sexuelles. Soit dit en passant, les quanta proposés me semblent cohérents avec les peines prévues pour ces infractions. Avis très favorable.
Ces amendements sont le fruit d'une coconstruction, d'une discussion ouverte entre le ministre de la justice et les parlementaires. Moi, j'aime la coconstruction, je déteste le nihilisme, le dogmatisme, le « y'a qu'à, faut qu'on ».
M. Ugo Bernalicis rit.
La méthode adoptée produit des résultats intéressants. Grâce à vous, nous allons combler des lacunes du texte, et je voulais vous en remercier. J'accueille chaleureusement ce que vous proposez, car cela me semble tout simplement juste.
Nous venons d'entendre l'affirmation selon laquelle le projet de loi est équilibré. Du côté de l'opposition, au contraire, on nous dit qu'il ne vaut rien, qu'il a été mal ficelé. C'est normal, c'est le jeu démocratique. Pourtant, il me semble totalement contradictoire que ce texte que vous dénigrez tant vous serve de fondement pour réclamer toujours plus d'augmentations de peines !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
C'est peut-être pour vous faire mentir, monsieur le ministre, concernant l'opposition : les amendements proposés sont plutôt bons, puisqu'ils permettront de sanctionner ce qui constitue une atteinte inadmissible à l'intégrité de la personne humaine. Nous y sommes donc très favorables.
Je reste cependant dubitatif s'agissant de la circonstance aggravante prévue par l'avant-dernier alinéa de l'article. Il est fait mention d'une personne « précédemment déclarée pénalement irresponsable d'un homicide volontaire », mais pour que l'on puisse parler d'homicide volontaire, il faut que la personne ait été jugée et qu'on ait prouvé son intention. L'application de cette disposition risque donc de poser problème.
Monsieur le ministre, vous accusez l'opposition de ne pas être constructive, de dire « y'a qu'à, faut qu'on »,…
…de n'avoir qu'une obsession, celle d'aggraver les peines.
Or l'opposition propose d'améliorer le texte ; elle ne s'y oppose pas bêtement ! Je ne sais pas ce que feront mes collègues du groupe Les Républicains – chacun se prononcera en son âme et conscience –, mais moi, je voterai pour ces amendements. Je voterai aussi pour l'article 2, convaincue par les propos que M. Savignat a tenus hier.
Mais je ne caricature pas !
Je trouve cela dommage s'agissant d'un texte pour lequel nous pourrions trouver des points d'accord. Nous avons certes également des désaccords, mais de toute façon, fort de votre majorité, vous restez totalement libre de définir le contenu du texte.
Nous voulons simplement améliorer le texte. Votre point de vue est différent, vous refusez nos idées : soit ! C'est le jeu, dans cet hémicycle. Mais nous n'avons pas vocation à demeurer sur nos bancs en acceptant toutes vos propositions sans exprimer notre avis. C'est ça, la démocratie.
Applaudissements parmi les députés non inscrits – Mme Nathalie Serre applaudit également.
Pardonnez-moi madame, mais quand on parle de code pénal, on parle forcément de libertés individuelles. Vous démolissez le texte – pas vous personnellement, l'opposition –, vous dites qu'il est mal ficelé, inutile, superfétatoire, qu'il ne résout pas les problèmes, vous en rejetez les fondements. Mais il y a un truc qui vous intéresse : quand on propose cinq ans, vous en voulez dix ; quand on en propose dix, vous demandez quinze ; quand on propose vingt, vous réclamez trente. Le texte ne vaut rien, mais il faudrait quand même augmenter les peines. Franchement, il fallait le faire !
Quant au reste, madame Ménard, je ne suis jamais insensible aux idées, d'où qu'elles viennent. Vous en savez d'ailleurs personnellement quelque chose en tant que membre de la commission des lois. Je respecte votre travail, même si je n'ai pas vos idées et vous n'avez pas les miennes – c'est bien normal. Je recherche la construction, je n'aime pas le nihilisme. Nous créons ces infractions – cela m'est d'ailleurs reproché – parce que la Cour de cassation affirme que de telles dispositions manquaient dans le droit français. Vous dites que tout cela ne vaut rien, mais vous prenez tout de même le risque de doubler les pénalités envisagées. C'est faire preuve d'un état d'esprit particulier !
En tant que représentant de l'opposition qui ne dénigre pas systématiquement le texte mais entend l'améliorer,…
…je souhaite verser une réflexion au débat : il faudrait ajouter, après les mots « d'avoir consommé volontairement, de façon illicite ou manifestement excessive », les mots : « ou de s'être abstenu de la prise de médicaments visant à stabiliser une situation pathologique liée à une tendance au viol ». Se pose en effet la question de la récidive, dont nous avons tous des exemples en tête.
Lorsqu'une personne est reconnue pénalement irresponsable d'un viol, elle suit un protocole de soins. Quand les psychiatres considèrent que son état est stabilisé, son hospitalisation d'office est levée, et elle retourne, si j'ose dire, à la vie civile, où l'accompagnement social requis n'est pas toujours au rendez-vous. Or on sait que de nombreuses personnes souffrant de maladies psychiques décident de renoncer à prendre les médicaments qui les stabilisent. Elles retombent alors dans la pathologie qui a mené à la première infraction. Il me semble que nous devrions tenter de résoudre le problème par un sous-amendement ou, à tout le moins, y revenir en seconde lecture.
Qu'on soit bien d'accord, monsieur Brindeau : en l'état, je ne suis pas saisi d'un quelconque sous-amendement. La solution d'une seconde lecture, que vous avez évoquée, est peut-être plus pertinente.
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
Je laisserai ceux qui sont bébêtes s'opposer bêtement et je vais tâcher de m'opposer intelligemment.
Exclamations sur les bancs du groupe Dem.
Lorsqu'elle n'est pas d'accord avec une proposition, le rôle de l'opposition n'est pas de faire semblant de l'approuver afin de tenter de l'améliorer, mais bien de s'y opposer : d'où les amendements de suppression et les votes défavorables. Monsieur le ministre, si un jour vous êtes député – si vous vous faites élire
Mêmes mouvements
– et que vous siégez dans l'opposition, vous vous retrouverez vous aussi dans la même position. J'espère alors avoir le plaisir de manier la contradiction avec vous – et non pas dans la caricature et l'invective permanentes, comme vous savez si bien faire.
Les amendements sont symptomatiques du phénomène décrit tout à l'heure par le ministre. Nous sommes dans de la pure communication politique : imaginons le cas de figure dans lequel quelqu'un prendrait volontairement des substances toxiques en vue de commettre un viol, puis serait jugé pénalement irresponsable, etc. S'appliquera alors le nouveau délit que nous sommes en train de créer.
Le ministre et notre collègue Savignat l'ont dit : nous évoquons des cas d'école. En réalité, de telles situations sont tellement rares que nous ne pouvons pas en trouver d'exemples. Mais tant pis, prenons-les tout de même en considération : on prétendra ainsi avoir fait quelque chose pour défendre et protéger les femmes. C'est d'un cynisme, d'un machiavélisme politique !
Je ne trouve même pas les mots… Le dernier qui a essayé de jouer avec l'irresponsabilité pénale, c'est Nicolas Sarkozy. Mais qu'a-t-il fait, finalement ? Il n'a pas fait modifier la loi, mais a juste prévu une audience pour les victimes. Or, d'après le témoignage des magistrats, dans bien des cas les victimes ne se rendent pas aux audiences au cours desquelles est prononcée l'irresponsabilité pénale – ce qui est d'ailleurs bien dommage.
En réalité, ce n'est pas sur ce champ qu'il faudrait se placer. Nous sommes dans la surenchère. N'y a-t-il pas d'autres infractions auxquelles vous n'avez pas encore pensé, pour lesquelles l'auteur aurait pu prendre volontairement des substances toxiques en vue de commettre l'irréparable et en espérant, au moment du jugement, obtenir une expertise concluant à l'abolition totale du discernement ? On croit rêver !
Oui, monsieur le ministre, nous nous opposons au texte intelligemment – ne vous en déplaise – et de manière tout à fait argumentée. Que vous ne soyez pas d'accord, c'est votre problème.
Mon cher collègue, puisque vous voulez voter intelligemment sur ces amendements qui tendent à étendre aux viols le champ de ce nouveau délit aggravé, je vous suggère, avant d'appuyer sur le bouton « contre », de relire intelligemment le texte de l'article. Vous parlez de consommation volontaire de substances toxiques « en vue de » ; mais ces termes ne figurent pas dans le texte !
Pas du tout !
C'est précisément ce que nous expliquons depuis hier soir : nous sommes là pour responsabiliser…
…les consommateurs de substances toxiques, illicites ou ingérées de manière manifestement excessive, et qui peuvent conduire à une perte de contrôle conduisant au meurtre, à la torture, à des actes de barbarie et – si ces amendements sont adoptés – aux viols, et vous nous dites que c'est machiavélique ?
Mme Danièle Obono proteste.
Est-ce machiavélique de dire à la société que non, il n'y a pas de viol seul ou organisé, festif, avec des produits ? Vous vous rendez compte de ce que vous dites aux femmes qui l'ont vécu ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Revenons à l'objet des amendements, par respect pour toutes celles et tous ceux qui ont vécu l'un de ces drames dans leur vie, et parce qu'ils permettront peut-être, demain, d'empêcher un, deux, dix, cent actes de cette nature. Ne soyons pas dans une logique reposant sur l'appartenance ou non à la majorité ; pensons à ceux qui vivent ce drame et à ceux qui pourraient le vivre. Je vous invite à faire preuve d'humanité et d'intelligence lors du scrutin. Nous, nous voterons ces amendements avec fierté.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et quelques bancs du groupe Dem.
Le groupe Agir ensemble votera en faveur de l'amendement, pour une raison simple : s'il ne permettait d'appréhender qu'un seul auteur, il faudrait déjà le voter. Mais en réalité, il ne s'agit pas d'un simple cas d'école : des situations dans lesquelles l'abolition du discernement est reconnue, il y en a en matière de violences sexuelles. Les dispositions proposées permettront de les couvrir.
Au-delà, elles portent un message. La loi pénale n'est pas là que pour réprimer, elle exprime quelque chose : elle a une vertu expressive. Quand on consomme des drogues tout en sachant qu'on peut perdre le contrôle, perdre la raison et commettre l'irréparable – notamment un viol –, on doit être rendu responsable de cet acte-là et sanctionné à sa hauteur.
L'objectif est de lutter contre l'impunité : je ne constate ni intention machiavélique, ni stratégie de communication. Je crois à la vertu expressive de l'article 2 mais, je suis aussi convaincue de son efficacité sur le terrain.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens. et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Depuis plus de quatre ans, monsieur Bernalicis, votre groupe comprend mal les projets de loi que nous présentons.
Rires et applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Peut-être faut-il vous expliquer le français, si vous ne le comprenez pas ! L'article 2 dispose que les peines concernent « le fait pour une personne d'avoir consommé volontairement, de façon illicite ou manifestement excessive, des substances psychoactives en ayant connaissance du fait que cette consommation est susceptible de la conduire à commettre des atteintes à la vie ou à l'intégrité d'autrui ». Qu'est-ce que vous ne comprenez pas dans cette phrase ?
Vous vous apprêtez à voter contre des amendements qui protègent les femmes contre les viols commis sous l'emprise de substances psychoactives ! Vous savez quoi ? Nous allons faire comme vous : signaler sur tous les réseaux sociaux que vous vous y êtes opposés !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 83
Nombre de suffrages exprimés 79
Majorité absolue 40
Pour l'adoption 76
Contre 3
Ce n'est pas évident, c'est votre interprétation !
M. Millienne est d'ailleurs coutumier de ce type d'attaques ad hominem !
Ne vous inquiétez pas, monsieur Millienne, je sais parfaitement lire ! Les personnes qui regardent nos débats et les juristes sauront d'ailleurs faire la part des choses…
…entre les attaques caricaturales et les réponses de fond apportées à cette question éminemment importante que j'aurais aimé voir traitée différemment.
Monsieur le président, fort de la délégation de pouvoir donnée par mon président de groupe, je vous demande une interruption de séance – elle est de droit – pour que M. Millienne s'accorde le temps d'une respiration et que nos débats puissent ensuite reprendre calmement et en toute sérénité.
Pas de chance, monsieur Bernalicis : à ce stade, je ne dispose pas d'une telle délégation.
Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Lorsque vous l'aurez, je pourrais accéder à votre demande. Dans l'immédiat, nous poursuivons nos débats.
J'en suis désolée pour vous, monsieur Bernalicis, mais cet amendement vise à nouveau à étendre le champ de l'article 2. Il ne s'agit pas d'un exercice de communication, comme vous le prétendez, mais, comme l'a signalé M. le garde des sceaux, d'un exemple de coconstruction fructueuse entre le Gouvernement et le Parlement.
Les précédents amendements tendaient à étendre le champ de l'article aux cas de viol ; celui-ci vise à prendre en considération les cas d'incendie criminel. Les incendies sont en effet souvent commis par des personnes susceptibles d'être déclarées pénalement irresponsables en raison de l'abolition totale de leur discernement au moment des faits : si cette dernière résulte d'une intoxication volontaire, il convient également de pouvoir réprimer les auteurs de ces faits par une incrimination spécifique.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La parole est à M. Stéphane Mazars, pour soutenir l'amendement n° 407 .
Dans le droit fil des amendements qui viennent d'être adoptés, cet amendement, identique à celui qui vient d'être défendu par notre collègue Brocard, vise à étendre le champ d'application de l'article 2 aux incendies volontaires criminels ayant entraîné la mort ou des blessures d'une exceptionnelle gravité – des faits actuellement passibles d'une peine de prison à perpétuité ou de peines d'emprisonnement allant de vingt ans à trente ans.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Même avis.
Nous ne nous prononcerons pas en faveur de ces deux amendements identiques, qui sont à nos yeux emblématiques de ce que nous dénonçons depuis le début de l'examen du présent texte : le détricotage du principe de l'irresponsabilité pénale.
En vérité, s'il existe effectivement des crimes odieux de toutes sortes, ils font l'objet de sanctions prévues par le code pénal.
Nous avons beaucoup travaillé, au sein de cette assemblée, sur la problématique des violences faites aux femmes, nous avons déposé des amendements visant à lutter contre elles, aussi épargnez-nous les mises en cause insinuant que nous ne nous intéresserions pas à ces questions, voire que nous pourrions nous satisfaire que des femmes soient violées. Le sujet dont nous débattons est grave, aussi évitons, s'il vous plaît, ce type de propos !
Nous assumons notre opposition à ce qu'un principe fondamental, celui de la responsabilité pénale, soit remis en cause. C'est la raison pour laquelle nous nous opposons à toutes les exceptions que vous proposez. Vous cherchez à justifier de multiples façons la véritable course à l'échalote à laquelle vous vous prêtez, mais il n'en demeure pas moins que cet article constitue une régression dans l'histoire du droit, non seulement en France, mais également au niveau international.
Tel est le sens de notre opposition, qui est assumée et argumentée.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 81
Nombre de suffrages exprimés 77
Majorité absolue 39
Pour l'adoption 72
Contre 5
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 80
Nombre de suffrages exprimés 77
Majorité absolue 39
Pour l'adoption 73
Contre 4
L'article 2, amendé, est adopté.
Il est inspiré par le cas, réel, d'une personne qui terrorise un quartier au point de pousser certains résidents à déménager. Elle reçoit des soins, mais arrête de prendre des médicaments dès qu'elle se sent mieux, si bien qu'elle recommence ses agissements. Cet amendement vise donc à étendre la responsabilité pénale des personnes ayant volontairement cessé le traitement qui leur est prescrit pour traiter leurs troubles psychiques et mentaux, si ces derniers les ont conduits à porter atteinte à la vie ou à l'intégrité d'autrui.
Certes, nous ne devons pas juger les fous pour les infractions qu'ils commettent. Mais il est nécessaire de créer une infraction spécifique à l'encontre de ceux qui cessent volontairement leur traitement. Il existe en effet deux façons, pour une personne fragile, de voir son discernement aboli et de faire preuve de dangerosité : en consommant des substances psychoactives – un comportement que ce texte prévoit déjà de pénaliser –, ou en cessant volontairement son traitement en ayant conscience des conséquences. Or aucune peine n'est prévue dans ce dernier cas.
L'élément intentionnel de l'infraction survient au moment où la personne, en toute lucidité, cesse de prendre son traitement en sachant quelles conséquences cette décision pourrait avoir sur son comportement. Ainsi, ces personnes ne seraient pas jugées pour les violences commises en état de folie, mais pour avoir volontairement et en toute conscience cessé leur traitement, attitude qui aura eu pour effet de les placer à nouveau dans cet état.
Nous en avons déjà débattu hier, en séance, et en commission. Le sujet de l'arrêt des traitements pose plus de questions qu'il n'apporte de réponses… Nous sommes là sur un terrain pathologique, et la solution ne saurait résider dans la création d'infractions autonomes. Avis défavorable.
Totalement défavorable. Nous avons déjà longuement discuté de cette question hier : on ne peut pas comparer l'acte, positif, qui consiste à prendre des substances psychoactives avec un acte d'omission. Que fait-on de la personne qui arrête son traitement parce qu'elle n'en supporte plus les effets secondaires ? Telle est l'une des innombrables questions que pose cet amendement.
Mais vous n'apportez aucune réponse à la situation problématique et réelle que j'ai évoquée, qui m'a été rapportée par un commandant de gendarmerie et qui n'est sans doute pas un cas isolé : celle d'une personne suivie par un psychiatre, mais qui cesse régulièrement de prendre ses médicaments quand elle se sent bien, et recommence dès lors à terroriser son entourage.
L'amendement de notre collègue Éric Diard a le mérite de rappeler une réalité que vivent tous les élus locaux, en particulier les maires. Il souligne une faiblesse, sinon du projet de loi, car cette question dépasse son objet initial, du moins de la politique psychiatrique, laquelle est en totale déconnexion avec la réalité du terrain. Outre la question des soins eux-mêmes se pose celle de l'accompagnement social, qui la plupart du temps fait totalement défaut. De plus, il arrive que des malades aient suffisamment de lucidité pour arrêter leur traitement au risque de retomber dans un comportement criminogène. Si l'on s'abstient de traiter un tel sujet, cela ne manquera pas d'exaspérer nos concitoyens, et nous n'aurons pas fait œuvre utile.
Il arrive en effet que des personnes souffrant de troubles psychiques, surtout si elles sont insuffisamment accompagnées, arrêtent provisoirement leur traitement. C'est le cas lorsqu'elles n'en supportent plus les effets secondaires, pour reprendre l'exemple donné par M. le ministre.
En effet !
Il ne s'agit pas de les condamner, mais de mieux les suivre ! Ce qui pose la question des moyens consacrés à la psychiatrie dans notre pays et du nombre de psychologues.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – Mmes Caroline Abadie et Blandine Brocard applaudissent également.
Certaines personnes, que l'on devrait interner pour les protéger contre elles-mêmes ou pour protéger la société, ne le sont pas faute de places en hôpital. Au lieu d'inventer une nouvelle incrimination, consacrons plus de moyens à la psychiatrie ! Telle est l'urgence, surtout après deux années de pandémie qui ont provoqué des dégâts psychologiques chez beaucoup de gens.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Il y a des gens qui nous regardent, et je voudrais dire deux ou trois choses à propos de l'exemple que vous donnez, monsieur Diard, car en vous entendant ces gens vont s'indigner du fait que les autorités ne fassent rien contre cette personne qui a arrêté ses traitements et qui ennuie ses concitoyens.
Votre présentation est un peu caricaturale.
D'abord, la personne concernée ne respecte pas un suivi sociojudiciaire, des sanctions sont prévues.
Ensuite, je ne sais pas ce que font les gendarmes dont vous nous parlez, mais si l'homme en question arrête son traitement et n'est pas sous l'empire de la folie, si son discernement n'est pas aboli, alors il peut être arrêté et traduit devant un tribunal correctionnel. On ne peut pas faire croire aux gens que vous décrivez une réalité !
Enfin, s'il n'est pas en état de comparaître parce que son discernement est aboli, alors on peut envisager une hospitalisation d'office.
Madame Buffet, votre intervention était très juste ; mais les problèmes que vous évoquez ne relèvent pas du ministère de la justice.
Nous manquons de places d'hospitalisation, de psychiatres, et notamment d'experts judiciaires. C'est pourquoi j'ai souhaité une revalorisation de 17 % à 18 % des interventions des psychiatres, mais aussi une revalorisation des expertises « hors norme ». Ces mesures étaient urgentes, car c'est l'attractivité de ces professions qui est en jeu.
Je me suis rendu la semaine dernière à Montpellier, où un partenariat a été noué entre la juridiction et l'université qui forme les psychiatres, afin que les internes aient un contact beaucoup plus rapide avec le monde de la justice : nous pourrons ainsi les attraire vers ces tâches de plus en plus indispensables.
Mais alors présenter les choses comme vous le faites, le type qui arrête de prendre son truc, qui sort, qui met la zizanie dans sa résidence pendant que les gendarmes contemplent la scène goguenards et les bras ballants… Ce n'est pas vrai !
Je ne comprends pas pourquoi vous tombez dans la caricature, monsieur le ministre. Vous ne connaissez pas l'histoire ! Je vous assure que c'est d'un cas concret que je vous entretiens. Cette personne a été condamnée plusieurs fois…
Eh bien voilà !
On ne peut pas garder tout le monde à vie !
Le problème que soulève mon amendement, c'est celui du suivi.
Je ne vous dis pas que les gendarmes ne font rien ! Quand cela a été possible, la justice l'a condamnée ; mais dès qu'elle est sortie, elle a recommencé !
L'amendement n° 158 n'est pas adopté.
Monsieur le président, je souhaite une courte suspension de séance.
Oui. Ainsi, nous ferons plaisir à M. Bernalicis !
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures vingt-cinq.
Nous abordons l'article 3, ce qui me donne l'occasion de faire un point d'étape sur la partie du texte qui porte sur l'irresponsabilité pénale. Le dernier qui a voulu modifier ces aspects de la procédure, c'est Nicolas Sarkozy en 2007-2008, après l'affaire Romain Dupuy, qui avait tué deux infirmières en 2004. Finalement, l'état du droit avait paru satisfaisant : ce n'est pas en réformant le droit que l'on répondra mieux aux victimes.
Un article paru le 17 septembre dans Le Monde décrit très bien l'histoire de la prise en considération de la psychiatrie par la procédure pénale. Nous avons maintenant adopté une approche criminologique, liée à la dangerosité des individus : ce concept irrigue maintenant tout le droit pénal, jusqu'aux faits de terrorisme.
Politiquement, le seul moyen qu'a trouvé ce gouvernement de gérer la dangerosité des malades psychiatriques, c'est la judiciarisation. Et on constate aujourd'hui un accroissement du nombre de personnes souffrant de problèmes psychiatriques et pourtant bel et bien condamnées et détenues, malgré les dispositions concernant l'altération du discernement, qui entraîne une diminution d'un tiers de la peine encourue. L'abolition et l'altération du discernement sont de moins en moins souvent prononcées, et de plus en plus de malades psychiatriques sont incarcérés. Or la prise en charge en prison n'est pas satisfaisante, même si elle s'est améliorée au fil des années – on partait de très bas, reconnaissons-le. Elle reste bien en deçà des besoins.
Quant à la prise en charge des personnes qui présentent des troubles psychiatriques une fois sorties de prison, c'est un no man's land : il faut un mois, deux mois, trois mois parfois pour obtenir un rendez-vous avec un médecin. Et à la fin, on a de nouveau ce débat sur un fait divers…
Mettons un coup d'arrêt à ces éternels recommencements. Le meilleur moyen pour cela, ce n'est pas de créer de nouvelles infractions, mais de donner des moyens à la psychiatrie.
Il s'inscrit dans le prolongement des amendements de suppression des articles 1er et 2. Je suis préoccupée par l'avis rendu par le Conseil d'État sur la difficulté d'application pratique de ces trois articles. Il souligne que « l'exception introduite par le projet de loi […] a une portée plus que limitée, la réunion des conditions de l'exclusion de l'irresponsabilité pénale paraissant très théorique et la preuve de l'élément intentionnel extrêmement difficile à apporter en pratique. »
Les différents amendements qui ont été déposés à l'article 2 montrent qu'il faut prendre garde à ne pas ouvrir une brèche telle que l'irresponsabilité pénale en tant que telle soit mise en cause, d'où notre amendement tendant à supprimer l'article 3.
Cet amendement de suppression est cohérent avec notre opposition aux deux précédents articles. Nous avons par ailleurs déposé de nombreux autres amendements, et j'imagine que le garde des sceaux sera à l'écoute de nos propositions puisqu'il en est friand.
Je voulais revenir sur un point que nous avons déjà soulevé lors de l'examen en commission et de la discussion générale en séance. Le texte ne répond absolument pas aux problèmes très concrets et urgents qui se posent concernant le traitement psychiatrique en général et plus encore au sein de l'institution judiciaire.
Pour donner la mesure de la situation, je rappelle qu'entre 1976 et 2016, le nombre de lits en psychiatrie a diminué de 60 %. Ce gouvernement est lui-même responsable de très récentes suppressions de lits : début octobre a été annoncée la suppression d'au moins quatre-vingts lits au centre hospitalier du Rouvray – c'est dans cet hôpital qu'en 2018, des soignants avaient fait une grève de la faim durant deux semaines pour réclamer des moyens supplémentaires ; en 2020, soixante-quinze places ont été fermées au centre hospitalier Le Vinatier à Lyon ; il a été décidé de fermer vingt lits au centre hospitalier Guillaume Régnier à Rennes ; j'en passe et des pires.
Mais, me direz-vous, il ne s'agit pas d'une question liée à la justice. Toutefois, ce gouvernement a une responsabilité en la matière car, comme l'a rappelé notre collègue Bernalicis, la psychiatrie en milieu carcéral est dans un état tout aussi catastrophique. Je vous renvoie à l'avis relatif à la prise en charge des personnes détenues atteintes de troubles mentaux publié par la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté en 2019, et surtout aux propos relatifs à l'expertise psychiatrique que nous avons tenus au cours de l'examen de ce projet de loi.
Alors que le garde des sceaux se prévaut d'une revalorisation des tarifs de l'expertise, les spécialistes eux-mêmes parlent d'un pur redressement, qui plus est inégalitaire entre le privé et le public. Notre institution judiciaire ne dispose pas des moyens nécessaires pour identifier les pathologies mentales ; le personnel pénitentiaire n'est pas formé pour appréhender et gérer le problème ; la prise en charge des personnes détenues atteintes de pathologies mentales est complètement inégale et incomplète.
Voilà les questions sur lesquelles nous aurions pu et dû nous pencher, pas seulement en fin de législature mais dès le début. Vous ne l'avez pas fait : vous faites tout le contraire en créant des dispositifs qui remettent en cause des principes fondamentaux, détricotent le droit et pousseront au placement en détention plutôt qu'en hôpital psychiatrique de personnes qui ne recevront pas les soins nécessaires. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de l'article 3 et des deux précédents.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement n° 371 .
Je défends l'amendement de suppression de l'article 3 de notre collègue Jean-Michel Clément, qui est cohérent avec les amendements de suppression des articles 1er et 2.
L'article 3 prévoit que lorsqu'est posée la question de l'application de la cause d'irresponsabilité pénale, le président de cour pose la question subsidiaire si l'abolition du discernement de la personne ou du contrôle de ses actes était susceptible de résulter d'une consommation volontaire de substances psychoactives.
Aux yeux des rédacteurs de l'amendement, l'article 3 n'a plus lieu d'être puisqu'ils proposent de supprimer les articles 1er et 2 et de ne pas modifier la rédaction actuelle du code pénal concernant le régime de l'irresponsabilité pénale. La demande de suppression des trois articles est donc cohérente.
Nous n'ouvrons aucune brèche, nous réglons des cas très particuliers. Chaque mot de chaque article a été soupesé. Nous avons pris toutes les précautions – d'ailleurs, cela nous est reproché. Enfin, nous avons besoin de l'article 3, qui établit une coordination nécessaire pour que les infractions autonomes fonctionnent. Avis défavorable.
Même avis, pour exactement les mêmes raisons.
Je voudrais ajouter deux éléments sur ce qu'il conviendrait de faire, de notre point de vue, en ce qui concerne les troubles psychiatriques pouvant conduire à commettre des infractions. S'agissant de la psychiatrie, il faudrait voir comment fonctionne la prise en charge administrative, notamment des hospitalisations sous contrainte ou à la demande du préfet.
Ces dernières années, nous avons progressé : au terme de douze jours d'hospitalisation, la mesure est contrôlée par le juge des libertés et de la détention – JLD. Ce n'est pas encore satisfaisant et le sujet aurait mérité une discussion de portée générale sur les problèmes concrets auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui, et pas seulement sur des cas d'école comme nous y invitent ces articles.
En ce qui concerne les victimes, il y a une prise en considération, à tout le moins dans le débat public – dans le cadre de la procédure, cela laisse parfois à désirer. Le seul aboutissement de la procédure pénale ne permet pas forcément à une victime d'obtenir satisfaction. Je ne parle pas seulement des cas où il y a abolition du discernement, mais de manière générale. Des tas de gens vont au terme de la procédure pénale ; la personne en face est condamnée et ce n'est pas pour autant qu'ils sont plus apaisés qu'avant l'engagement de la procédure. Parfois cela fonctionne, parfois cela ne fonctionne pas.
Les dispositifs de justice restaurative, encore en cours d'expérimentation dans notre pays, mériteraient d'être déployés. Ils permettent d'avoir un regard sur la procédure, sur le crime ou le délit qui vient de se produire, sans pour autant faire partie du débat judiciaire ; ils sont en marge. Nous ferions œuvre utile en permettant aux victimes d'y accéder plus facilement. Mais pour ce faire, évidemment, il faudrait les développer.
Eh oui, « y' a qu'à, faut qu'on » !
Je suis saisi de deux amendements identiques, n° 408 rectifié et 409 rectifié .
La parole est à M. Jean Terlier, pour soutenir l'amendement n° 408 rectifié .
Il vise à réécrire l'article 3 pour prendre en considération les éléments complémentaires que nous avons votés à l'article 2.
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 409 rectifié .
Il vise à prendre en considération les éléments que nous avons entendus au cours des auditions pour clarifier la déclaration d'irresponsabilité, qui est préalable et nécessaire. Cette réécriture prévoit les règles de renvoi devant la juridiction de jugement pour les infractions nouvellement créées. Nous imposons désormais au juge d'instruction saisi d'une information sur le fondement des nouvelles infractions d'intoxication volontaire de déclarer la personne irresponsable du meurtre ou des violences commises, ce qui évitera d'avoir deux procédures distinctes. On aurait pu imaginer la saisine de la chambre de l'instruction si les parties conviennent de la qualification.
Les amendements identiques n° 408 rectifié et 409 rectifié , acceptés par le Gouvernement, sont adoptés ; en conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé et les amendements n° 255 et 95 tombent.
L'amendement n° 254 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 3 bis, amendé, est adopté.
La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l'amendement n° 336 rectifié .
Il reprend une disposition de la proposition de loi du Sénat relative aux causes de l'irresponsabilité pénale et aux conditions de réalisation de l'expertise en matière pénale afin d'apporter une réponse au traumatisme des victimes – nous l'avons évoqué au cours de la discussion générale. En effet, la déclaration d'irresponsabilité pénale tombe comme un couperet dans le cadre d'une procédure qui, finalement, s'arrête en l'état. À aucun moment il ne revient au juge de la prononcer, on en reste au stade de l'instruction.
L'amendement propose que lorsque l'irresponsabilité pénale est retenue en vertu de l'article 122-1, elle soit prononcée par un juge du fond et non pas par le juge d'instruction.
Il s'agit effectivement d'une proposition de loi présentée par notre collègue sénatrice Nathalie Goulet, que nous avions auditionnée avec Antoine Savignat dans le cadre de notre mission flash.
Elle vise à donner le pouvoir de trancher à la juridiction de jugement. Nous l'avons étudiée mais écartée, car elle présente plusieurs inconvénients. Il n'est pas sûr qu'elle soit bénéfique pour les proches des victimes : il est en effet difficile de vivre un procès entier pour le voir immanquablement s'achever en déclaration d'irresponsabilité.
Ce n'est pas forcément non plus un cadeau à faire aux jurys populaires, car comme le soulignait Cécile Untermaier en commission, la folie fait peur. C'est un élément à prendre en considération.
Enfin et surtout, ce n'est pas un cadeau à faire à la société, car si l'auteur des faits n'a pas toute sa raison, personne n'a rien à gagner à le voir subir un procès durant plusieurs jours. Avis défavorable.
Même position, pour exactement les mêmes raisons.
J'entends bien qu'il existe des inconvénients à ce qu'un procès se déroule alors qu'on sait que l'issue sera la déclaration d'irresponsabilité pénale. Malgré tout, cela peut avoir une vertu pour les victimes : bien comprendre les causes qui conduisent à la déclaration d'irresponsabilité pénale et mieux accepter que l'auteur d'un crime ne soit pas, in fine, jugé ni même condamné, précisément parce qu'il est malade et reconnu en état de folie. On peut avoir du mal à le concevoir.
Pardon de revenir sur l'affaire Sarah Halimi. Des éléments de compréhension supplémentaires auraient sans doute permis d'amoindrir le sentiment d'injustice ressenti par les victimes et même l'opinion publique. En outre, on sait aujourd'hui encadrer et limiter dans le temps ce type de procédure pour qu'elle ne soit pas traumatisante pour l'auteur des faits. Cela étant, il n'y a pas de raison que le traumatisme ne soit ressenti que d'un côté.
J'ajouterai que votre amendement est un peu contre-productif. Vous souhaitez donner un peu plus de solennité à la déclaration d'irresponsabilité, mais ce serait encore plus décevant pour la victime. Elle est accompagnée d'un avocat et de nombreuses autres personnes qui sont en mesure de lui expliquer afin qu'elle comprenne la décision. Renforcer la solennité de celle-ci n'est pas forcément une bonne solution pour la victime.
L'apaisement des victimes ne passe pas nécessairement par une audience publique devant la cour d'assises, qui s'accompagne, qu'on le veuille ou non, d'une forme de voyeurisme de mauvais aloi. L'audience devant la chambre de l'instruction, qui n'est pas publique, me paraît un meilleur endroit.
Voir dans le box des accusés, quand bien même il serait irresponsable au sens psychiatrique du terme, un prévenu incapable de comprendre, la lippe pendante, les yeux hagards et perdus, n'est pas nécessairement un spectacle conforme à l'idée que nous nous faisons de la dignité. Au contraire de la chambre de l'instruction, la cour d'assises peut susciter une curiosité malsaine. Or le voyeurisme n'est pas compatible avec ce que nous voulons faire pour les victimes et pour celui qui, malheureusement pour ces victimes et pour lui-même, a basculé dans la déraison.
Il faut raison garder. Exposer un fou aux regards – et l'expression, dans ma bouche, n'a rien de péjoratif – est indécent.
Pour avoir vécu ce type de situation lorsque j'étais avocat, je ne peux pas souscrire aux propositions que vous faites, même si j'en comprends évidemment le sens et ne vous soupçonne en aucun cas de vouloir favoriser le voyeurisme que je dénonce. Je vous le dis avec beaucoup d'humanité : faisons attention.
Les choses sont différentes dans le cas de quelqu'un qui, ayant été déclaré irresponsable, aurait postérieurement recouvré la raison, car il serait à même de répondre à un certain nombre de questions. Mais on ne peut pas distinguer dans le texte entre celui qui a recouvré la raison et le malade psychiatrique, qu'il serait inutile et indécent d'exposer.
Cela me paraît une raison suffisante pour être défavorable à cet amendement.
L'amendement n° 336 rectifié n'est pas adopté.
Cet amendement de procédure, déjà présenté en commission des lois, a pour objet de donner aux chambres de l'instruction la possibilité d'ordonner des investigations complémentaires tendant à actualiser ou à compléter des expertises psychiatriques, à l'instar du pouvoir discrétionnaire conféré en la matière avant l'audience au président de la cour d'assises.
Cet amendement reprend la recommandation n° 2 du rapport sur l'irresponsabilité pénale, lequel rappelle que la comparution devant la chambre de l'instruction de la personne mise en cause doit être ordonnée par son président, si son état le permet.
Le rapport souligne cependant que les pouvoirs donnés à ce magistrat dans la période précédant l'audience et qui résultent des dispositions réglementaires du code de procédure pénale devraient être accrus, compte tenu de la nécessité de disposer, d'une part, d'un constat objectif de la capacité à comparaître, et, d'autre part, d'avis experts actualisés et complets, si ces avis sont nécessaires pour que la chambre puisse se prononcer sur d'éventuelles mesures d'hospitalisation complète ou des mesures de sûreté relevant de l'article 706-136.
Les chambres de l'instruction regrettent que les textes ne leur accordent pas le pouvoir d'ordonner des investigations complémentaires telles que l'actualisation ou le complément des expertises psychiatriques, dans l'esprit du pouvoir discrétionnaire conféré avant l'audience aux présidents de cours d'assises.
Directement inspirés d'un rapport qui a le même objet que ce projet de loi, ces amendements et ceux qui suivent nous semblent de nature à faciliter une meilleure prise en compte des questions liées à la santé mentale et aux troubles psychiatriques. Leur adoption serait fort utile à la justice.
Le ministre s'étant penché sur cette question de l'actualisation des expertises, je le laisse répondre et m'alignerai sur son avis.
Cette précision que préconise le rapport Raimbourg-Houillon est évidemment justifiée. Toutefois, elle ne relève pas de la loi, mais du règlement. J'ai donc demandé à mes services de préparer un décret. Celui-ci est presque finalisé, et sera publié après la présente loi. Il répond aux questions légitimes que soulèvent ces amendements. Je suggère donc le retrait de ces derniers, faute de quoi j'y serai évidemment défavorable.
Je savais la portée réglementaire de ces dispositions, mais souhaitais obtenir confirmation que le ministre en tiendrait compte.
L'amendement n° 129 est retiré.
L'annonce du ministre est encourageante, mais ayant entendu dans cet hémicycle beaucoup d'annonces semblables non suivies d'effet, nous maintenons notre amendement.
Ma parole m'engage ! Je vous dis que j'ai demandé à mes services de préparer un décret, mais vous doutez de tout ! Vous êtes contre tout, vous ne proposez jamais rien, vous êtes dans le nihilisme total !
Exclamations sur les bancs du groupe Dem.
Ce décret est là. Il mérite simplement d'être légèrement retravaillé et sa publication interviendra après le vote de la présente loi.
Avez-vous l'habitude qu'on vous trompe, qu'on ne vous dise pas la vérité, qu'on vous mente, comme vous le laissez entendre ? Il y a dans notre droit un grand principe général, madame Obono, qui est que la mauvaise foi ne se présume pas.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Exclamations sur les bancs du groupe Dem.
Si certains veulent participer au débat, qu'ils le fassent en demandant la parole plutôt qu'en manifestant de cette manière leur opposition à nos amendements.
Monsieur le ministre, lorsque nous défendons des amendements qui formulent des propositions et qu'ils sont recevables, ce n'est pas contre vous que nous les maintenons, mais pour nous assurer qu'il est bien noté que nous les avons défendus.
Ensuite, que cela vous plaise ou non, nous ne sommes pas là pour vous croire sur parole.
Mme Blandine Brocard proteste.
Vous n'avez pas à vous mettre en colère ou à adresser des remontrances à un député qui choisit, comme je le fais en l'occurrence, de maintenir des amendements. Ce ne sont pas des manières de faire !
L'amendements n° 282 n'est pas adopté.
Je défends cet amendement qui concerne l'expertise au nom de tous ses cosignataires. Comme le précédent, ce qu'il propose doit être de nature réglementaire, mais je souhaiterais qu'ici encore vous nous annonciez la prise d'un décret.
Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et Dem
je vais défendre toute cette série d'amendements et demanderai la parole pour répondre non pas aux remontrances, mais aux avis du ministre et de la rapporteure. Nous avons travaillé et prenons ce texte au sérieux.
En l'espèce, il s'agit de reprendre la recommandation n° 3 de la mission sur l'irresponsabilité pénale, dont les rapporteurs ont été auditionnés par la mission flash sur le même sujet, ce qui leur a permis d'insister sur les mesures à adopter si nous voulons traiter correctement cette question.
Dans leur rapport, les deux anciens présidents de la commission des lois de l'Assemblée nationale rappellent que le président de la formation doit ordonner la comparution de la personne mise en examen, si son état le permet. Mais les pouvoirs dont il dispose pour apprécier cette compatibilité posent problème. En effet, la partie réglementaire du code de procédure pénale prévoit uniquement la transmission par le directeur de l'établissement hospitalier d'un certificat médical circonstancié, établi par un ou une des psychiatres de l'établissement, déclarant si l'état de l'intéressé lui permet ou non d'assister, en tout ou partie, à l'audience. Il n'autorise pas la réquisition d'un ou d'une experte à cette fin, et le rapport note que des magistrats font état d'échanges parfois difficiles avec le personnel hospitalier.
Voilà pourquoi nous pensons qu'il faudrait conférer au président ou à la présidente de la chambre de l'instruction le pouvoir de commettre un ou une experte pour pouvoir décider des conditions de la comparution personnelle de l'intéressé.
Ces dispositions sont, je le confirme, de nature réglementaire.
Par ailleurs, je ne suis pas favorable à cette recommandation du rapport Houillon-Raimbourg. Par principe, l'accusé qui comparaît devant la chambre de l'instruction doit être en possession de ses moyens. S'il est hospitalisé, nul n'est mieux placé que les médecins de l'hôpital pour apprécier son état.
Certes, des tensions se font parfois jour entre les magistrats et les personnels soignants, et certains juges préfèrent s'adresser à leurs experts plutôt qu'à l'hôpital. C'est à mes yeux incompréhensible.
Dans le cas d'un accusé qui n'est pas hospitalisé, écrire que le président commet un expert revient à systématiser leur présence, ce qui est d'autant moins souhaitable que nous en manquons. C'est donc un avis défavorable.
Même avis.
Je sais, madame la rapporteure, qu'il n'est pas de votre ressort d'engager des investissements pour pouvoir recruter et revaloriser l'expertise judiciaire. Mais peut-être le ministre pourrait-il le faire, lui, autrement que par le biais des annonces qu'il a déjà faites et qui ne satisfont pas les experts.
Si vous venez de nous expliquer que vous n'êtes pas favorable à une mesure pourtant demandée par la profession, en vérité, ce n'est pas parce que vous considérez que cela n'améliorerait pas la situation, mais simplement parce que rien n'a été fait pour que nous disposions de suffisamment d'experts.
C'est assez révélateur de l'échec d'une politique qui prétend régler des problèmes qui n'existent pas mais refuse de traiter ceux qui existent. Après cet aveu de votre part, j'espère que la discussion budgétaire nous permettra de revenir sur cette question et d'obtenir des annonces autrement plus conséquentes que celles que nous avons entendues, afin qu'il y ait suffisamment d'experts pour pouvoir mettre en place ce type de dispositif, je le répète, demandé par la profession.
Il porte sur une question d'une tout autre nature qui, selon moi, requiert une intervention législative. Il vise à inclure la notification à la personne mise en examen de son droit au silence lors de l'audience devant la chambre de l'instruction. En commission, il nous avait été dit que cet amendement devrait être retravaillé en vue de la séance ; j'ai tendu des perches, mais je n'ai rien vu venir. Je l'ai donc redéposé tel quel, considérant qu'il était tout à fait convenable.
L'amendement identique n° 285 de Mme Danièle Obono est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Très favorable.
La parole est à M. Ugo Bernalicis. Je rappelle que votre amendement a reçu un avis favorable, cher collègue.
Sourires
Je m'en réjouis et il faut en effet le rappeler, mais je souhaite simplement compléter le propos de Mme Obono, car nos amendements n'ont hélas pas tous reçu un avis favorable. Plusieurs propositions ont été versées au débat public grâce au rapport Houillon-Raimbourg, mais on nous dit qu'elles seraient toutes caduques…
Personne n'a dit ça !
…au seul motif que le rapport en question a été publié avant que la Cour de cassation ne rende son arrêt ; je ne le crois pas – d'où les propositions qui vous sont faites, et qui sont l'occasion de saluer le travail accompli en la matière.
Nous parlions des experts psychiatres. Les experts, quels qu'ils soient, qui travaillent avec le ministère de la justice se plaignent non seulement du niveau de leur rémunération – une légère revalorisation est prévue et j'en prends acte –, mais surtout des délais de paiement. De ce point de vue, le ministère de la justice est un mauvais payeur, comme en témoignent les reports de charges qui, chaque année, sont considérables – au point que les experts, ayant déjà fait l'expérience d'attendre un paiement pendant six mois, neuf mois ou davantage, renoncent à revenir travailler avec le ministère ! Voilà la réalité d'un dysfonctionnement qu'il faut résorber.
Je le dis non seulement parce que des propositions vous sont faites par amendement sur ce point, mais aussi parce que le ministre pourrait régler lui-même la question, lui qui aime tant invoquer les « bonnes pratiques ». Voilà justement une bonne pratique, qui relève de ses prérogatives et qui permettrait de régler de nombreux problèmes que rencontrent les experts travaillant avec le ministère de la justice.
L'amendement n° 290 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La majorité des chambres de l'instruction ont exprimé d'importantes réserves sur le contentieux de l'indemnisation des victimes qui leur a été confié par la loi du 3 juin 2016. L'amendement, issu lui aussi du fameux rapport précité, vise à ce qu'elles se prononcent sur une indemnisation ne portant que sur les préjudices qu'elles sont en mesure de chiffrer rapidement, et à renvoyer l'évaluation des préjudices plus complexes à la juridiction spécialisée du premier degré.
Cet amendement identique, dont Mme Untermaier a dit l'essentiel, vise à résoudre l'une de ces difficultés techniques auxquelles les praticiens du droit se heurtent au quotidien et que le rapport Houillon-Raimbourg a mises en lumière ; le fonctionnement de la justice s'en trouvera amélioré.
Je me suis amusée à rechercher l'origine de cette disposition donnant compétence aux chambres de l'instruction pour trancher l'action civile : il s'avère qu'elle a été adoptée à l'initiative de M. Raimbourg ! Il semble donc qu'il ait changé d'avis depuis. C'est intéressant : on peut certes réfléchir à la question. D'emblée, cependant, j'ai beaucoup de mal à admettre qu'une chambre de l'instruction, composée de magistrats capés, ne dispose pas des compétences techniques suffisantes pour chiffrer un préjudice civil.
Exactement !
Que la tâche soit fastidieuse, cela peut s'entendre ; néanmoins, il faut bien que quelqu'un s'y attelle. Or l'accélération de la clôture des procédures correspondait à une demande forte des familles de victimes, dans la perspective de leur reconstruction. Avis défavorable.
Même avis.
L'amendement n° 131 est retiré.
L'amendement n° 288 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement n° 134 rectifié .
Cet amendement qui, cette fois-ci, n'est pas issu des recommandations du rapport Raimbourg-Houillon, vise à redonner à la chambre de l'instruction la main sur le suivi de la décision d'irresponsabilité pénale. J'ai bien conscience qu'il s'agirait d'un changement majeur et qu'il vous est proposé aujourd'hui sans étude d'impact ni avis du Conseil d'État, mais il me semble important d'y réfléchir.
Nous étions ensemble, monsieur le ministre, à la célébration du quarantième anniversaire de l'abolition de la peine de mort, en présence de Robert Badinter qui, comme toujours, a élevé le débat en dépassant la seule question de l'abolition pour évoquer la nécessité de s'interroger sur le devenir d'une personne ayant échappé à la peine capitale. Je dresse ce parallélisme avec la décision d'irresponsabilité pénale, car il est important de garantir qu'elle soit suivie des soins attendus par l'intéressé et que ces soins soient dispensés dans le cadre d'une hospitalisation d'office, mais aussi – ce sera l'objet d'un amendement ultérieur au sujet d'une mesure de sûreté – hors de l'hôpital. En effet, selon les experts psychiatres, il est impossible d'ordonner des soins autrement que dans le cadre d'une hospitalisation d'office.
Le sujet est sur la table – j'ai conscience qu'il ressemble plutôt à un pavé dans la mare, et que ce n'est peut-être pas un bon pavé. Ayant néanmoins eu à connaître de cas très graves dans ma circonscription, notamment celui d'une personne déclarée irresponsable et relâchée au bout de deux ans sans explication, je crois nécessaire de donner la main à la justice, non pas pour qu'elle se substitue aux médecins, mais pour qu'elle recueille les expertises psychiatriques puis décide, en formation collégiale et en présence des victimes, de l'éventuelle levée des soins, de la fin de l'hospitalisation d'office ou, le cas échéant, de l'obligation de soins à l'extérieur.
La chambre de l'instruction est une juridiction collégiale qui prend le temps de se réunir, ce que ne peut pas faire le juge des libertés et de la détention. Lorsque les médecins estiment qu'une mesure d'hospitalisation d'office n'est plus nécessaire, il faut que l'intéressé recouvre rapidement la liberté. Je ne souhaite pas que nous soumettions cette décision à une juridiction de second degré, dont les délais de décision sont forcément plus longs et qui, en tout état de cause, sera tenue par le diagnostic médical. Je comprends votre souhait de donner à la procédure plus de solennité, selon le terme que vous avez employé en commission, mais il faut éviter de lui donner de la lourdeur. Avis défavorable.
Même avis.
Je savais que cet amendement ne pourrait pas prospérer, mais je le maintiens car je crois important – puisqu'on nous regarde débattre, comme l'a rappelé le ministre – de rappeler qu'une décision d'irresponsabilité pénale ne signifie pas que l'intéressé est remis en liberté ; il peut être suivi pendant des années.
C'est souvent le cas.
Cependant, monsieur le ministre, il arrive aussi qu'il soit remis en liberté à l'issue d'un suivi qui n'a duré que quelques mois, d'où la très forte inquiétude des victimes. Il faut donc selon moi que la justice garde la main sur les cas les plus graves – c'est-à-dire ceux dont traite la chambre de l'instruction –, mais en aucun cas, comme je l'ai lu dans un quotidien, pour se substituer aux médecins, tant s'en faut ! Voilà ce qu'attendent les citoyens : ils ne sont pas opposés à l'irresponsabilité pénale,…
On est d'accord !
…mais ils veulent la garantie qu'une personne jugée irresponsable fasse l'objet de soins durables et obligatoires.
Vous avez raison et je suis d'accord avec tout ce que vous venez de dire ,
« Voilà ! » sur les bancs du groupe Dem
à ceci près que ce n'est pas en transférant cette compétence à la chambre de l'instruction qu'on réglera la question, bien au contraire. Vous partez du principe que la chambre de l'instruction connaît mieux le dossier que le juge des libertés et de la détention ; je pense que c'est une erreur d'analyse, ou du moins n'est-ce pas la mienne. Pour le reste, je partage pleinement votre avis, et c'est la raison pour laquelle je ne suis pas d'accord avec votre amendement.
Je tiens en outre à vous faire remarquer que le rapport présenté par MM. Raimbourg et Houillon, qui est votre référence – et la nôtre aussi, puisque nous sommes en train de préparer un décret – ne contient pas cette proposition. Je peine à comprendre pourquoi vous affirmez que la chambre de l'instruction serait plus compétente et connaîtrait mieux le suivi médical, et comment ce transfert de charge, en quelque sorte, permettrait d'atteindre l'objectif que vous évoquez, celui d'un véritable suivi – sur ce dernier point, vous avez eu raison de rappeler qu'une décision d'irresponsabilité pénale ne signifie naturellement pas la remise en liberté de l'intéressé, qui doit faire l'objet de soins en hôpital psychiatrique.
Enfin, puisque cet amendement semble préparer le terrain à un amendement ultérieur sur lequel j'ai déjà eu l'honneur de vous répondre en commission, je ne souhaite pas que l'on confonde les magistrats et les médecins, dont les compétences sont singulièrement différentes. Une telle confusion aurait des conséquences néfastes, voire funestes, sur notre procédure pénale ; les choses doivent être clairement distinguées.
Vous m'avez invité à développer ma réponse en rappelant qu'on nous regarde et qu'il faut faire un effort de pédagogie ; je souscris à ces propos, et c'est pourquoi je me suis permis, madame la députée, de reprendre la parole.
Soyez rassurés : je serai beaucoup plus brève sur les amendements suivants, mais celui-ci me semble important. Lors d'un atelier citoyen que j'ai organisé, je n'ai entendu aucune réticence à l'égard d'une décision d'irresponsabilité pénale, contrairement à ce qui s'est dit ici suite à l'affaire Sarah Halimi – et cela m'a beaucoup rassurée, en un sens. En revanche, j'ai entendu des familles très inquiètes de voir un enfant ou un frère schizophrène revenir dans leur village, dans leur quartier ou dans leur logement sans obligation de soins, alors même qu'il devait prendre des médicaments pour lutter contre des addictions – sujet dont nous avons abondamment parlé aux deux premiers articles.
Certes, cette proposition ne figure pas dans le rapport Raimbourg-Houillon, mais je ne suis pas liée par ce document. Nous avons parlé de cette mesure et il nous semble que pour les crimes les plus graves, il faut assurer aux victimes que les soins seront dispensés et que la collégialité des juges, comme celle des experts, en est la garantie.
L'amendement n° 134 rectifié n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements, n° 287 et 123 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement n° 287 .
Il prolonge le débat soulevé à l'instant par Mme Untermaier, qui a proposé sa propre rédaction ; je n'ai quant à moi retenu que la recommandation n° 8 du rapport Houillon-Raimbourg. Le débat risque en effet de se terminer ainsi : soit on arguera qu'il faut instaurer des mesures de sûreté parce qu'on ne parvient pas à condamner un individu de telle ou telle manière – ce qui se fait déjà dans certains cas –, soit l'individu en question se retrouvera dans la nature. En théorie, ce sont en effet les mesures administratives qui prennent le relais, mais la coordination n'est pas toujours extraordinaire entre le débat judiciaire et les mesures administratives susceptibles d'être prises à l'encontre d'une personne souffrant manifestement de troubles psychiatriques et devant avoir accès à des soins.
C'est pourquoi l'amendement n° 287 vise à modifier le code de procédure pénale afin que dans le débat judiciaire, l'irresponsabilité pénale, lorsqu'elle est prononcée, s'accompagne d'une hospitalisation contrainte si l'intéressé souffre de troubles psychiatriques. On garantira ainsi l'effectivité de la prise en charge médicale dès la décision d'irresponsabilité pénale, pour que les personnes concernées ne se retrouvent pas dans la nature – ce qui n'est pas toujours le cas, heureusement, mais il y a peut-être là un point à régler, et au moins le débat est-il nécessaire. Les victimes sont prêtes à entendre la décision d'irresponsabilité pénale, mais elles ne peuvent pas accepter que les auteurs des faits soient ensuite relâchés dans la nature – y compris pour eux-mêmes, car ils doivent pouvoir accéder à des soins, en l'occurrence à l'hôpital psychiatrique.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement n° 123 rectifié .
Il vise à adopter une proposition issue du rapport Raimbourg-Houillon qui, je l'ai constaté lors des auditions, fait l'objet d'une demande récurrente de la part des avocats comme des experts psychiatres. Ceux-ci considèrent que la chambre de l'instruction doit pouvoir ordonner des soins psychiatriques sans consentement…
…sans hospitalisation complète en cas de décision d'irresponsabilité pénale pour cause d'abolition du discernement. Cette mesure serait de nature à apporter une garantie de soins aux personnes souffrant de troubles mentaux. Elle contribuerait ainsi à rassurer des familles très inquiètes – je l'évoquais il y a un instant – de voir revenir chez elle une personne souffrant de psychose sans cadre contraignant de suivi médical.
Je serai relativement modeste sur le fond, n'ayant pas procédé à des auditions sur ce sujet. Les propositions qui sont faites au travers de ces amendements, issues du rapport Houillon-Raimbourg, ne constituent pas le cœur du projet de loi : elles sont un peu à côté, même si elles portent sur un sujet important. Un partage est nécessaire entre les compétences des médecins et celles des magistrats ; il existe une différence entre les mesures de sûreté, les mesures restrictives de liberté et les programmes de soins. Par prudence, j'émets donc une demande de retrait des amendements et, à défaut, un avis défavorable.
Je pense avoir déjà répondu par anticipation. Je l'avais d'ailleurs déjà fait, madame Untermaier, en commission des lois. Je suis totalement défavorable à l'idée de demander à des magistrats de devenir médecins. Que dirait-on si l'on demandait à des médecins de devenir magistrats ? Chacun doit être à sa place. Si l'un de ces amendements devait être adopté et inscrit dans le marbre de la loi, je ne suis pas certain que les médecins seraient très heureux. On connaît les mécanismes qui conduisent à l'hôpital psychiatrique un homme déclaré irresponsable sur le plan psychiatrique. Je le redis, comme vous l'avez dit tout à l'heure, madame la députée : il ne s'agit pas d'une décision de remise en liberté, mais de soins. Il faut laisser à la médecine, à la psychiatrie en particulier, le soin de traiter les malades psychiatriques, et à la justice le soin de juger ceux qui n'ont pas perdu leur discernement. Les choses sont simples.
Je suis donc défavorable à ces amendements. Je sais qu'ils sont tirés du rapport Houillon-Raimbourg, mais celui-ci ne constitue ni l'alpha et l'oméga du sujet, ni la Bible – en tout cas, ce n'est pas la mienne ! Je pense que la mesure que vous proposez aurait des conséquences dangereuses. Je suis parvenu à l'instant à accrocher le regard d'un médecin : je ne suis pas convaincu qu'il ait envie de devenir juge !
Sourires.
Et si Didier Paris était présent, je le regarderais pour savoir s'il a envie de devenir médecin : je crois que les deux réponses seraient négatives !
Le médecin que vous citez est ici législateur… Je comprends vos réticences, monsieur le ministre, et je conçois que l'on ne puisse pas aller plus loin en l'état de l'analyse du sujet : j'ai suffisamment dénoncé l'absence d'études d'impact – parfois du fait du Gouvernement – pour l'admettre en toute cohérence. Néanmoins, la question soulevée me paraît être une vraie question et je ne veux pas que l'on pense que j'ai considéré un seul instant que le juge pouvait prendre la place du médecin. Lorsqu'un juge prend la décision de prononcer une irresponsabilité pénale, il le fait après discussion et examen des expertises psychiatriques réalisées. C'est un travail conjoint entre la justice et la psychiatrie.
Mais, comme c'est souvent le cas entre deux institutions – qu'il y ait la justice d'un côté et la santé publique de l'autre, ou bien la police d'un côté et la justice de l'autre –, les jonctions ne s'opèrent pas très bien. Je trouve surprenant qu'au XXI
Je souscris à l'argumentation développée à l'instant par notre collègue Cécile Untermaier. Je précise aussi à l'attention du garde des sceaux, au cas où il ne le saurait pas, que des magistrats doivent déjà jouer le rôle de magistrats médecins et se prononcer au bout de douze jours non pas sur l'aspect médical d'un dossier, mais sur la liberté d'une personne, sur la base des expertises psychiatriques.
Il ne serait donc ni très nouveau ni étrange qu'un magistrat du siège, membre de la chambre de l'instruction, décide sur la base d'expertises psychiatriques non pas du type de traitement qu'une personne doit suivre ou des médicaments qu'elle doit prendre – ce n'est pas du tout ce que nous demandons ! –, mais de la nécessité qu'elle rencontre un professionnel, dans un hôpital psychiatrique, pour définir le suivi à mettre en place.
En matière de lutte contre la consommation de stupéfiants, cela ne vous dérange pas que les magistrats prononcent des obligations de soins à l'encontre de ceux qui ont fumé un joint – ce n'est certes plus le cas avec l'amende forfaitaire, je vous l'accorde, mais en théorie, c'est prévu par la procédure pénale, et cela ne vous dérange pas !
Il faut remettre ces questions au centre du débat. Le débat judiciaire gagnerait à ce qu'on en arrive à cette mesure. Je comprends que cela pose des difficultés à certains médecins, car l'adhésion aux soins est un élément très important – j'en suis moi aussi convaincu et suis donc partagé en mon for intérieur. Mais dans le cas où une irresponsabilité pénale est prononcée, on doit pouvoir offrir au juge la possibilité d'ordonner des soins sans consentement. Si la personne est hospitalisée d'office ou sous contrainte, elle pourra de nouveau faire valoir ses droits devant le JLD afin de bénéficier d'un autre type de prise en charge psychiatrique et de jouir de sa liberté pleine et entière.
La mesure que nous proposons n'est pas « à côté » du texte, madame la rapporteure. Elle en est le sujet central ! Que deviennent les personnes déclarées irresponsables pénalement, en l'absence de jugement en tant que tel ? Les victimes déplorent qu'il ne se passe rien, et c'est bien le sujet que nous sommes censés traiter. Le trou dans la raquette n'est pas dans l'arrêt de la Cour de la cassation : il concerne le ressenti des victimes, auquel vous n'apportez absolument aucune réponse !
J'interviens ici à titre personnel. Le débat me semble intéressant car les magistrats l'ont souvent évoqué devant nous, monsieur le garde des sceaux, en soulignant les difficultés qu'ils connaissent parfois – de façon différenciée entre l'instruction et les assises – concernant le suivi et l'injonction aux soins. Je comprends donc que le sujet anime notre hémicycle aujourd'hui. Néanmoins, il m'est également apparu évident, à la faveur des échanges que nous avons eus avec différents magistrats et psychiatres, que la concertation entre eux n'était pas assez avancée.
Il serait délicat de prendre une décision sur un sujet qui est corollaire, mais qui n'est pas l'objet principal du texte et qui n'a donné lieu ni à une étude d'impact, ni à une concertation entre professionnels. Ce sujet pourrait être débattu à l'occasion des états généraux de la justice, qui s'ouvriront prochainement. Je vous remercie, chers collègues, de l'avoir soumis au débat, mais je pense en toute franchise que nous ne sommes pas mûrs – ni nous, ni les magistrats, ni les experts psychiatres et les médecins en général, qui ont besoin de s'exprimer également sur ce sujet. Pour cette raison, je ne voterai pas en faveur des amendements proposés, même si le sujet est d'importance.
Les amendements n° 287 et 123 rectifié , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Les amendements n° 124 rectifié et 137 rectifié de Mme Cécile Untermaier sont défendus.
Les amendements n° 124 rectifié et 137 rectifié , repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement n° 133 rectifié .
À dix-sept heures vingt-cinq, M. David Habib remplace M. Marc Le Fur au fauteuil de la présidence.
Cet amendement est tiré d'un cas concret : une personne devait quitter l'hospitalisation d'office à la demande de l'expert psychiatre ; le JLD avait bien reçu l'expertise de celui-ci et avait pu rencontrer la famille, mais ne disposait pas de l'expertise psychiatrique de l'agence régionale de santé – c'est-à-dire celle du psychiatre extérieur à l'établissement, devant confirmer ou infirmer l'avis de l'expert psychiatre. Il se trouve que la décision du JLD est enfermée dans un délai, au point que dans ce cas précis il a dû libérer la personne faute d'avoir reçu l'expertise extérieure à temps. Pour éviter ce type de dysfonctionnements, nous vous proposons de porter à deux mois le délai dont il dispose. Nous le faisons aussi au regard de la pénurie d'experts et de la difficulté, pour les juges, d'obtenir les expertises psychiatriques dans les délais.
L'affaire que vous évoquez constitue un dysfonctionnement grave, j'en conviens, mais celui-ci doit nous inciter à tenir les délais, non à renoncer à nos principes. Je suis totalement défavorable à ce que vous proposez : lorsqu'une personne qui se trouve en détention provisoire demande à être libérée, on ne la maintient pas indéfiniment en prison au prétexte que les magistrats auraient autre chose à faire !
Si les magistrats ne sont pas en mesure d'expliquer pourquoi une personne n'est pas libre, alors cette dernière doit recouvrer la liberté. Je préfère que nous nous en tenions à ce principe. Avis défavorable.
L'amendement n° 133 rectifié , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Dans la continuité de l'amendement que notre collègue a défendu précédemment, nous demandons, conformément à la première recommandation du rapport Raimbourg-Houillon, que l'expertise concluant à l'abolition du discernement soit transmise au préfet au cours de l'instruction afin que des mesures de soins décidées par le représentant ou la représentante de l'État soient rendues possibles à ce stade. Contrairement à la rapporteure, nous pensons que cette question est au cœur du texte. Je le répète : le texte porte bien sur le traitement judiciaire des personnes condamnées, ou dont le dossier est en cours d'instruction, pour des actes commis notamment alors que leur discernement était aboli ou qu'elles étaient en prise à des troubles psychiatriques très importants.
Ce débat est important et j'aurais vraiment souhaité que nous puissions avancer – d'autant plus que le rapport, qui a donné lieu à de multiples auditions et pour lequel de nombreux experts ont été sollicités, parvient à cette recommandation en s'appuyant notamment sur les demandes des professionnels. L'association française des magistrats instructeurs a ainsi émis le vœu qu'un placement en hospitalisation complète puisse être ordonné en cours d'information alors qu'en l'état du droit, l'article D.47-27 du code de procédure pénale organise l'information du représentant de l'État dans cette perspective uniquement lorsque l'ordonnance d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental est rendue ou le réquisitoire définitif à cette fin pris par le procureur. Selon le rapport, il serait opportun d'octroyer cette faculté à l'autorité judiciaire au cours de l'information. Nous sommes bien au cœur du sujet !
Il est sans doute regrettable que l'on n'ait pas pris la peine, lors de la préparation du projet de loi, de s'intéresser à ce problème, mais nous disposons des bases et des outils pour y répondre. Je ne comprends pas pourquoi aucune des recommandations du rapport – dont je rappelle qu'il avait été demandé par la précédente garde des sceaux, dans la perspective d'un travail législatif sur ce sujet – n'a été retenue.
Je ne dis pas que ces sujets ne sont pas importants, madame Obono. Simplement, ils ne sont pas au cœur de ce projet de loi. Ils mériteraient de faire l'objet de travaux et de débats spécifiques, auxquels prendraient part les acteurs de la santé. Ce n'est pas un travail que la justice peut faire toute seule dans son coin.
Quant aux amendements, ils ont pour effet concret de transposer à l'hôpital une forme de détention provisoire que pourrait solliciter le juge à titre provisoire, avant d'avoir statué, en passant par le préfet. Cela me paraît excessivement compliqué. Avis défavorable.
Même avis.
Selon Mme la rapporteure, il faudrait réserver à ces sujets importants un traitement à part entière, notamment en menant des auditions. Je suis très étonné par le mépris qu'elle manifeste ainsi envers la mission Houillon-Raimbourg, qui a travaillé pendant de longs mois et procédé à de nombreuses auditions.
Pourquoi ce sujet-là ne serait-il pas au cœur de votre texte ? Il concerne des milliers de cas chaque année, alors que des cas comme celui de l'affaire Sarah Halimi, il n'y en a qu'un ou deux tous les quarante ans. Vous voici à sec : vous renvoyez tout cela à plus tard. C'est quand même extraordinaire !
Vous ne pouvez pas vous réfugier derrière l'argument du domaine réglementaire : pour que cette disposition soit effective, il faut modifier le code de procédure pénale, ce qui suppose de passer par la loi.
Vous ne pouvez pas balayer ainsi ce débat d'un revers de la main.
Mais votre réponse n'est pas plus satisfaisante sur le fond que sur la forme, madame la rapporteure ! Les personnes pour lesquelles nous demandons une admission d'office dans un hôpital psychiatrique ne sont pas libres, rappelons-le ; elles sont, en l'état actuel du droit, maintenues en détention provisoire dans des conditions de prise en charge qui varient d'une maison d'arrêt à une autre. Le débat est là ! Je ne comprends pas que nous ne tombions pas tous d'accord sur ces amendements, pour une fois que nous vous soumettons des propositions – n'est-ce pas, chers collègues qui nous reprochez de ne pas en faire ?
« Ah ! » sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Madame la rapporteure, M. Bernalicis n'était pas arrivé au terme de son temps de parole. Sinon, j'aurais coupé son micro, n'ayez crainte.
Sourires
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement n° 135 rectifié .
Je me contenterai d'un simple « Défendu ! » pour cet amendement, ainsi que pour le n° 136 rectifié, qui se situent dans la suite logique de ceux qui ont reçu un avis défavorable précédemment.
Pour conclure cette séquence, je tiens à dire que cette question est bien au cœur du projet de loi. Il s'agit moins de rattraper une irresponsabilité pénale déjà prononcée que d'organiser les soins et de garantir aux victimes que ceux-ci seront bien dispensés à la personne concernée et qu'elle sera obligée de continuer à en recevoir une fois sortie du cadre de l'hospitalisation d'office.
Vous verrez que ce sont ces problèmes qui émergeront dans les différents dossiers dont la justice aura à traiter.
L'amendement n° 135 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 136 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Vous vous doutez du sujet que je vais aborder. Monsieur le ministre, en commission, j'avais prédit que les gardes champêtres ne manqueraient pas de vous envoyer des courriers courroucés à la suite de votre décision incompréhensible de les exclure du dispositif de protection…
Ce n'était pas ça !
…que vous êtes prêt à accorder, à juste titre, à la police et à la gendarmerie nationales, à la police municipale, aux agents de l'administration pénitentiaire et – ajout auquel nous avons procédé en commission – aux douaniers et sapeurs-pompiers.
Cette volonté a été perçue comme une gifle, un insupportable mépris à l'égard des policiers les plus anciens de France.
Mais arrêtez !
Les gardes champêtres sont des hommes de terrain, confrontés chaque jour, comme les membres des autres forces de l'ordre, aux différentes formes de violences qui s'exercent en milieu rural comme en milieu urbain.
S'ils sont aujourd'hui trop peu nombreux en France – 900 seulement –, …
C'est vrai !
…ce sont des fonctionnaires de police particulièrement utiles, notamment pour ce qui concerne la répression des infractions à l'environnement. Ils représentent l'autorité publique au cœur de nos communes et de nos espaces ruraux. Comme tous les autres membres des forces de l'ordre, je le répète, ils subissent insultes, menaces, refus d'obtempérer, violences physiques ou agressions.
Inclure les gardes champêtres dans la liste des agents qui bénéficient du dispositif de l'article 4 relevait de l'évidence : c'est une question de justice. Je vous avoue ne pas avoir compris l'avis défavorable que vous avez donné à mes amendements la semaine dernière en commission, monsieur le ministre. Ma surprise a été plus grande encore lorsque j'ai constaté que la totalité des députés de la majorité refusaient de voter en leur faveur.
Fort heureusement, il semble que vous ayez finalement entendu la voix du bon sens – celle des gardes champêtres et la mienne, celle par laquelle je n'ai cessé d'accompagner leur combat, guidé par une exigence de reconnaissance.
Ce que nous nous apprêtons à voter n'est que justice. Au nom des gardes champêtres, je vous remercie, monsieur le ministre.
Ah ! Enfin !
Si j'ai souhaité m'exprimer sur l'article 4, c'est pour insister sur l'ardente nécessité de mieux protéger nos forces de l'ordre.
Très bien !
Je défendrai par avance mes amendements n° 297 et 298 , car je vais devoir m'absenter.
Nous réclamons depuis des années l'instauration de peines minimales à l'encontre des personnes qui portent atteinte aux dépositaires de l'autorité publique, nos policiers, nos gendarmes, nos pompiers et nos agents pénitentiaires. Ils portent l'uniforme de la République.
J'ai dit, monsieur le ministre, que je défendais par anticipation mes amendements : ne faites donc pas semblant de ne pas comprendre ! Ne soyez pas en permanence dans la polémique ! On peut avoir des différences, mais convenez qu'il s'agit d'un enjeu important. Vous voulez défendre les forces de l'ordre, nous vous faisons une proposition très concrète : mettre en place des peines planchers contre les agresseurs des membres des forces de l'ordre. Chaque jour, 100 policiers et gendarmes sont agressés, 25 sont blessés. Quant aux agressions contre les pompiers, elles ont augmenté très fortement, de 200 %. Les agents pénitentiaires, que vous connaissez bien, sont eux aussi agressés.
Il faut resanctuariser l'uniforme de la République en le rendant inviolable. Il faut protéger ceux qui nous protègent.
C'est exactement ce que nous faisons !
Il faut adresser à ceux qui les agressent un message dissuasif – et donc préventif – en leur faisant comprendre qu'ils sont sûrs de dormir en prison quelques heures après avoir commis ces violences.
En commission, j'avais défendu cet amendement de suppression en prenant appui sur le discours du monarque présidentiel au Beauvau de la sécurité.
Il déplorait l'empilement des nouveaux délits et l'existence de cadres d'enquête différents dans la procédure pénale. Ce faisant, il dénonçait cela même que vous avez contribué à créer depuis le début de cette législature. Je ne sais pas si c'est lui qui vous dit quoi faire dans cette assemblée – j'avais cru comprendre que oui –, mais peut-être y a-t-il du « en même temps » qui flotte dans l'air.
Tout à l'heure, la réponse du garde des sceaux à Mme Ménard se situait dans cette logique. Vous passez votre temps à faire la course à l'échalote : augmentation de l'échelle des peines, création de nouveaux délits, mise en place d'infractions autonomes. Vous savez pourtant parfaitement, monsieur le garde des sceaux, que cela ne changera rien au nombre d'agressions commises à l'encontre des policiers et des gendarmes dans l'exercice de leurs fonctions, des gardes champêtres aussi, puisqu'ils ont été ajoutés au dispositif, comme à l'encontre des membres des autres corporations dont chaque auteur d'amendement espère un peu de reconnaissance en cherchant à les intégrer dans le champ de cet article.
Personne n'agresse un policier ou un gendarme le code pénal à la main en se disant : « Je ne vais pas prendre trop cher ». Personne ! Pourtant, vous donnez l'illusion que c'est le cas !
Nous comprenons bien les raisons pour lesquelles cet article 4 figure dans le projet de loi. Il répond à une demande des organisations policières – celles qui vous ont sifflé, monsieur le garde des sceaux, celles qui ont remis en cause la justice avec un grand J, juste devant l'Assemblée nationale. Et vous, vous vous exécutez ! C'est quand même extraordinaire ! Je pensais que vous aviez davantage de convictions, comme pouvait le laisser croire votre réponse à Mme Ménard.
La parole est à M. Jean-Michel Mis, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Nous avons déjà eu ce débat en commission, monsieur Bernalicis. Mon avis reste défavorable. Cet amendement cherche à anéantir l'un des axes forts de ce projet de loi : assurer la protection des policiers, des gendarmes, des membres des forces de l'ordre, agressés plus souvent qu'à leur tour et dont les proches subissent désormais aussi la hargne de délinquants sans scrupules.
Dans ce texte, il n'y a pas de surenchère pénale, mais une volonté de regarder la réalité en face. Ce projet de loi s'attelle à cette tâche et le Gouvernement a raison de s'engager dans cette voie.
J'ajouterai que la majorité a fait sa part : nos collègues Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue ont déjà actionné le levier de la réduction de peine afin que les sanctions prononcées soient effectives.
Avis totalement défavorable.
Défavorable.
Encore une fois, vous n'avez pas démontré en quoi la création d'une infraction autonome protégeait davantage les policiers et les gendarmes. Et si vous ne l'avez pas démontré, c'est que vous ne pouvez pas le faire.
Vous expliquez que la protection instaurée à cet article est étendue aux proches des membres des forces de l'ordre – enfants ou conjoints, par exemple – alors que la loi a été modifiée en ce sens : il est déjà prévu dans le code pénal que les agressions commises à leur égard constituent une circonstance aggravante. Et je vois dans votre manière de procéder un peu de cynisme : lorsqu'on s'oppose à votre surenchère pénale, vous n'hésitez pas à faire croire que les personnes qui agressent un policier ou un gendarme ne sont pas vraiment condamnées. Suffisamment de cas ont pourtant été cités pour qu'on ait la certitude qu'elles le sont bel et bien.
Je ne comprends pas bien quelle est votre volonté, si ce n'est de satisfaire, dans une logique clientéliste, les organisations policières dont vous avez besoin pour 2022 et pour faire face aux mobilisations sociales présentes et à venir. Voilà la réalité ! Assumez-la en tant que telle, le débat en sera simplifié !
Ce dispositif, je l'assume complètement, je suis navré de vous le dire. Lorsqu'on agresse un policier ou un gendarme, on n'agresse pas n'importe qui : on agresse la République ! Cela peut ne pas vous plaire, je m'en moque. Vous pouvez également vous en prendre à moi, comme vous venez de le faire en insinuant que je me serais couché à la suite des manifestations.
Lorsqu'il y a eu, à Beauvau, une réunion avec les syndicats de policiers, j'y ai participé, voyez-vous. Je suis le seul garde des sceaux à m'être livré à cet exercice.
Je suis resté cinq heures ; j'ai répondu sur plusieurs choses, en soulignant notamment que, dans la grande barque, il y avait la justice et que l'on ne pouvait la stigmatiser comme l'avaient fait les syndicats. Je leur ai dit d'emblée que cette ligne rouge, il ne fallait pas qu'ils la franchissent – en tout cas pas en ma présence, sinon je m'en irais. Certains politiciens présents n'ont pas bougé : ils ont laissé la justice se faire piétiner, avec une forme de délectation.
Laissez-moi terminer, monsieur Bernalicis !
Lors des manifestations, des policiers se sont mis en scène gisant au sol comme des cadavres balayés par d'autres déguisés en juges : j'ai trouvé ces saynètes syndicales indignes et je l'ai dit très clairement, sans me cacher. Soit dit en passant, un syndicat de magistrats a assisté à ce spectacle du début à la fin.
Moi, je n'ai pas à rougir de cela. J'ai entendu ce que disaient les policiers : ils ont exprimé le souhait que soient créées des infractions qui concernent spécifiquement les agressions dont ils sont l'objet et qui consacrent leur position particulière dans la République.
Je l'assume, monsieur Bernalicis. Vous avez le droit de ne pas être d'accord avec cela, je respecte votre choix. Mais respectez aussi le fait que d'autres n'aient pas la même vision que vous.
Pour vous répondre sur les gardes champêtres, madame Ménard, nous souhaitions en effet circonscrire les infractions à celles commises contre les forces de sécurité intérieure. Nous avons été amenés depuis à réfléchir aussi à la situation des pompiers ou des douaniers. En commission, vous vous êtes fait le porte-parole des gardes champêtres : nous n'avons pas rejeté cette idée, mais elle devait être analysée et précisée. Nous avons fait ce travail et considéré tout naturellement qu'ils devaient être protégés au même titre que les gendarmes, les policiers, les pompiers ou les douaniers.
Ne vous érigez donc pas en protectrice ou sainte patronne
Sourires sur quelques bancs du groupe LaREM
des représentants de cette profession et ne faites pas de nous ceux qui les mépriseraient. Nous avons fait ce que nous devions faire, et vous devriez vous réjouir de ce travail de concertation.
Enfin, je voudrais m'exprimer sur deux ou trois points. Hier soir, les députés de la majorité ont reçu une leçon de ponctualité au motif qu'ils n'étaient pas à l'heure – ah, mon Dieu, quelle catastrophe ! Ceux qui le leur reprochaient n'étaient eux-mêmes pas présents lors de la première partie des débats…
Mais cela n'a pas entraîné de suspension de séance, monsieur le ministre !
Laissez-moi terminer. Le président m'a donné la parole et je vais développer mon propos jusqu'au bout ; ensuite, j'irai m'asseoir et me tairai. Vous reprendrez la parole si vous le souhaitez : c'est ainsi que je conçois le débat.
Vous vous êtes érigés hier en arbitres des élégances et avez rappelé aux députés leur devoir en matière de ponctualité. M. Ciotti tient à défendre la police, mais je constate qu'il est parti et quand nous examinerons ses amendements, il ne sera pas présent pour les soutenir.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je ne suis pas d'accord avec lui, mais il s'est excusé ! C'est minable de se livrer à cette attaque !
Pardonnez-moi, mais c'est équivalent ! M. Ciotti est systématiquement dans la surenchère, à l'image de « M. Plus » – mais pas de Bahlsen : de cinq ans il faudrait passer à dix, de dix ans à vingt et de vingt ans à trente !
Mêmes mouvements.
Puis-je finir ? Je redirai ce que j'ai déjà déclaré concernant les peines planchers. Je suis un homme pragmatique : si je pensais une seule seconde qu'elles sont efficaces, je n'aurais rien contre : le but est d'éradiquer la délinquance. Mais si on en dresse le bilan, on constate que ce dispositif n'a pas fonctionné : c'est une catastrophe. Et vous souhaitez maintenant instaurer une nouvelle mouture de peines planchers où le juge n'aurait plus son mot à dire ! Je l'affirme très nettement, très clairement : c'est inconstitutionnel, tout comme une cour de sûreté de l'État sans possibilité d'appel, une période de cinquante ans de réclusion criminelle ou l'application rétroactive de ces peines envisagées par M. Xavier Bertrand. Tout cela est quintuplement, sextuplement inconstitutionnel ! Mais vous vous asseyez dessus, parce que ce qui compte, c'est d'être dans la surenchère !
J'ajouterai une chose : vous pouvez raconter ce que vous voulez sur le domaine régalien, mais nous, nous n'avons pas supprimé 12 000 postes de policiers : au contraire, nous en avons créé 10 000, et Gérald Darmanin vous le redira.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Nous avons permis aux magistrats de ce pays d'atteindre le chiffre historique de 9 090 ; nous avons présenté en faveur des forces de sécurité intérieure et de la justice des budgets que vous n'avez seulement jamais envisagés. Alors de grâce, soyez modestes quand vous donnez des leçons, qu'il s'agisse de politique ou de ponctualité !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
J'ai reçu plusieurs demandes de parole auxquelles je donnerai satisfaction, mais je remercie chacun de bien vouloir rester concis.
La parole est à Mme Marie-George Buffet.
Nous sommes toutes et tous très attachés au respect et à la protection des forces de l'ordre – gendarmes, policiers, mais aussi pompiers, etc. –, parce que la notion de sécurité est aussi celle du vivre ensemble, du respect de l'autre, des lois de la République et des droits de chacun. Ma question porte sur l'évaluation des mesures que nous votons. Des peines aggravantes existent déjà pour les faits commis à l'encontre de représentants de la puissance publique. Disposons-nous d'une évaluation relative aux effets de ces peines sur le comportement des délinquants ? Il est question d'ajouter de nouvelles infractions – ce qui peut tout à fait se justifier, je n'ai pas d'a priori à ce sujet – sans savoir si elles seront efficaces pour protéger les hommes et les femmes qui assurent notre sécurité.
On sent que M. le garde des sceaux est en pleine forme, et sans doute déjà le porte-parole d'un futur candidat ,
M. Ugo Bernalicis applaudit
J'ai le droit de le soutenir.
Rien ne l'interdit en effet, monsieur le ministre. Permettez-moi de continuer : je me suis interrompu pour vous laisser parler, je ne doute pas que vous ferez de même. Je disais donc que vous étiez déjà en pleine action et que vous vous projetiez vers les mois à venir, puisque vous vous permettez de commenter les propositions de certains candidats, qui sont légitimes – tous ne sont d'ailleurs pas parlementaires. Il est loisible de proposer dans le cadre d'un débat présidentiel une révision de la Constitution, mais nous aurons l'occasion d'y revenir. Tel n'est pas le sujet aujourd'hui.
Je défendrai mon collègue Éric Ciotti, qui ne peut le faire lui-même puisqu'il s'est absenté. Je ferai observer à cette assemblée et au garde des sceaux qu'il y a une différence entre des députés qui s'absentent individuellement et un groupe, qui plus est de la majorité, absent dans sa totalité en début de séance
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM
et dont l'un des membres – le seul présent, M. Rebeyrotte – demande une suspension parce que son groupe est minoritaire…
…et que nos amendements pourraient être votés contre l'avis du Gouvernement. Il y a tout de même une grande différence : lorsqu'on est majoritaire, on tient son rôle et on organise des tours de garde. Vous étiez chez le Premier ministre : chacun fait ce qu'il veut, mais il y a quand même une forme de désinvolture !
M. Ugo Bernalicis applaudit.
Nous reviendrons sur les places en prison ou le nombre de policiers. Je rappellerai toutefois, puisque vous attaquiez un Président de la République d'un précédent quinquennat, que le contexte de l'époque était très différent.
Dix mille policiers en moins, personne ne le contredit et les chiffres sont là, mais il n'y avait ni attentats ni gilets jaunes.
Pardon ? C'est une plaisanterie ?
Non, la situation n'avait rien à voir ! Vous évoquez une politique qui date de quinze ans : vous pouvez refaire l'histoire ou rejouer le match, mais il faut tout de même remettre les choses dans leur contexte et éviter de se lancer dans des extrapolations comme vous le faites. Vous pourrez le faire quand vous serez en campagne : n'hésitez pas !
Vous avez perdu la mémoire !
Je constate que les débats sont déjà très enflammés et que des propositions sont formulées et des bilans évoqués.
Pour ma part, je souhaite rebondir sur les propos de ma collègue Marie-George Buffet : la création de nouvelles infractions est-elle de nature à endiguer les agressions perpétrées contre des forces de l'ordre que nous avons saluées hier ? Tel est le vrai sujet sur lequel je m'interroge. Nous pouvons débattre d'une augmentation des peines – je n'ai pas d'a priori –, mais sommes-nous certains de l'impact que celles-ci auront ? Je ne suis pas sûre que ce soit réellement dissuasif.
À mon sens, le vrai sujet est celui de la relation entre les citoyens et les représentants des forces de l'ordre. Le fait que même les sapeurs-pompiers – y compris, parfois, ceux qui sont bénévoles – fassent l'objet d'attaques doit nous alerter sur le rapport des citoyens à l'uniforme et à l'autorité. J'ai tenté de défendre cette idée hier, mais vous n'y avez pas été particulièrement sensibles. Comment reconstruire une société du lien ? La sécurité passe en effet aussi par le lien qu'on arrive à établir entre les uns et les autres.
En ce qui concerne les chiffres que vous avez cités, je me permets de rappeler, monsieur le garde des sceaux, que sous le quinquennat de François Hollande, 10 000 postes de policiers ont été créés. Il vaut mieux, lorsqu'on dresse des bilans, être pleinement honnête dans ses propos.
L'amendement n° 221 n'est pas adopté.
Revenons à des sujets plus consensuels. Il s'agit d'un amendement de précision qui vise à intégrer l'ensemble des agents publics susceptibles d'être pris à partie en raison de leur profession ou de leur uniforme. L'examen en commission a permis d'étendre le champ d'application de l'article 4 aux sapeurs-pompiers professionnels et volontaires. Il convient cependant de s'assurer que tous les sapeurs-pompiers bénéficieront de cette protection : je pense notamment à la brigade des sapeurs-pompiers de Paris – BSPP – et au bataillon des marins-pompiers de Marseille – BMPM –, qui ont la particularité d'être placés sous statut militaire. Nous proposons de les mentionner clairement afin qu'ils ne soient pas oubliés.
La parole est à Mme Alexandra Louis, pour soutenir l'amendement n° 364 .
En commission des lois, nous avons élargi les dispositions de l'article 4 aux sapeurs-pompiers, qui sont particulièrement exposés aux violences alors même que leur mission est de secourir. À Marseille, cependant, rien n'est jamais comme ailleurs : depuis 1939, la ville n'a plus de sapeurs-pompiers, mais un bataillon de marins-pompiers créé dans un contexte particulier, après le célèbre incendie des Nouvelles Galeries, qui fit de très nombreuses victimes et à la suite duquel la ville fut placée sous tutelle ; appel avait été fait à l'armée et c'est alors que fut créé ce bataillon rattaché à la marine. Les marins-pompiers ne bénéficient pas du statut de sapeur-pompier, vous pouvez le vérifier dans les textes, mais d'un statut très particulier.
Or la rédaction actuelle de l'article 4 ne précise pas que les marins-pompiers sont concernés par cette disposition. Ils font pourtant la fierté de la ville de Marseille et sont en première ligne au même titre que les sapeurs-pompiers. En 2019, ils ont effectué plus de 125 000 interventions, notamment pour le secours aux personnes ; leur implication dans la ville de Marseille est remarquable, comme on a pu le constater lors de l'effondrement des immeubles de la rue d'Aubagne. C'est pourquoi je souhaite que les marins-pompiers soient intégrés à ce dispositif. J'ai conscience que le code pénal n'en fait nulle part mention, mais cela pourrait être l'occasion de rectifier ce point – lorsqu'on évoque les sapeurs-pompiers, il ne s'agit pas des marins-pompiers : la distinction est importante. Les Marseillais y tiennent, les Français sans doute aussi. Cette spécificité est aussi notre fierté.
Je demanderai le retrait de ces amendements qui me semblent satisfaits. En effet, le terme de pompier est explicite et personne ne soutiendra que les sapeurs-pompiers de Paris ou les marins-pompiers de Marseille échappent à cette dénomination. D'un point de vue juridique, je note que la qualité de pompier en tant que victime d'agression est déjà prévue par plusieurs articles du code pénal, notamment les articles 228-8, 228-10 et 222-12 qui emploient la même expression : « sapeur-pompier professionnel ou volontaire ». Je n'ai trouvé aucune jurisprudence écartant les pompiers de Paris ou de Marseille de leur application. M. le garde des sceaux s'attachera peut-être à apporter cette précision dans une circulaire ou une instruction, de manière à lever éventuellement toute ambiguïté. En l'état, je demande le retrait de vos amendements puisqu'ils sont satisfaits.
Ces deux amendements conjugués me plaisent bien ! Il existerait, dit-on parfois, des antagonismes entre Paris et Marseille… En l'occurrence, le député de Paris est sensible aux pompiers de sa circonscription, tandis que la députée de Marseille est sensible aux marins-pompiers de la sienne. Je vous demande de retirer vos amendements, car la circulaire expliquera très clairement que vos protégés relèvent, les uns et les autres, de la dénomination « pompiers » ; ils bénéficieront donc de la future loi. À défaut de retrait, je ferai le méchant et mon avis sera défavorable – mais nous n'en viendrons pas là, j'en suis sûr.
Sourires.
C'est tout l'intérêt de nos débats que d'apporter des éclaircissements. Les explications de M. le ministre et de M. le rapporteur, ainsi que l'engagement ferme que les pompiers militaires seront concernés par la loi, me conduisent à retirer mon amendement. Je pense que Mme Louis fera de même.
Bien sûr !
Le projet de loi parle bien des sapeurs-pompiers, monsieur le rapporteur. Une réflexion mériterait d'être menée – pourquoi pas dans le cadre des états généraux de la justice – sur les dénominations figurant dans le code pénal. Sachant que la circulaire apportera les précisions nécessaires, comme l'a expliqué M. le ministre, nous pouvons en rester là : je retire mon amendement. À l'avenir, toutefois, nous devrons avoir une réflexion sur ces dénominations.
Il découle de la mission d'information sur les entraves opposées à l'exercice des pouvoirs de police des élus municipaux, dont j'ai été co-rapporteur avec Naïma Moutchou, au nom de la commission des lois, il y a quelques mois. Les agressions d'élus locaux suivent une inflation dramatique : il y a quelques jours, Michel Pérat, maire de Clairac, a été vivement pris à partie ; l'été dernier, dans la Manche, le maire de Port-Bail a été visé ; quant au maire de Signes, il a été assassiné – il n'y a pas d'autre mot – à l'été 2019. En 2020, 1 276 agressions d'élus ont été recensées, près de quatre fois plus qu'en 2019.
Sans placer les maires et les élus locaux au-dessus de la loi, il nous paraît important qu'ils figurent parmi les autorités devant être protégées ; à ce titre, les agressions dont ils sont victimes doivent relever d'un délit spécifique, comme c'est le cas pour les forces de l'ordre, les pompiers – nous venons de les évoquer –, les douaniers – ils ont été ajoutés à la liste – et quelques autres. Les élus locaux sont titulaires d'une parcelle de l'autorité de l'État : en vertu d'un dédoublement fonctionnel, les maires sont en effet des officiers de police judiciaire, comme leurs adjoints. Ils sont détenteurs d'une partie de l'autorité publique, et entrent pleinement dans le champ visé par le projet de loi – l'étude d'impact le démontre d'ailleurs. Aussi notre amendement vise-t-il à étendre aux élus locaux la protection particulière prévue par le texte. Chaque fois qu'on agresse un élu local, on agresse un élu de la République ; et en s'en prenant à un élu de la République, on s'en prend à la République elle-même.
La parole est à M. Dimitri Houbron, pour soutenir l'amendement n° 354 .
Nous avons déjà eu ce débat, puisque le groupe Agir ensemble a défendu un amendement presque identique en commission. Nous partageons l'objectif de l'article 4, qui prévoit une infraction autonome – remplaçant les circonstances aggravantes – pour les violences commises envers les forces de l'ordre. Nous souhaitons qu'il en soit de même pour les élus. Philippe Gosselin l'a rappelé : ne serait-ce qu'entre août 2020 et août 2021, les agressions visant les élus ont triplé. Il nous paraît absolument indispensable de protéger ceux qui représentent l'autorité publique localement – car la République, dans nos territoires, c'est les élus locaux. Ceux-ci doivent être protégés, au même titre que les policiers municipaux ou les gardes champêtres. Le maire est en outre un officier de police judiciaire, qui peut infliger des contraventions sur la voie publique – ce n'est pas courant, mais il en a la capacité. Il est exposé lorsqu'il s'agit de condamner des dépôts sauvages ou d'autres infractions. L'article 4 est un acte fort, symbolique, et il nous paraît absolument indispensable que les élus locaux en bénéficient.
J'entends vos arguments. Bien évidemment, nous sommes tous solidaires avec les élus locaux, qui sont parfois victimes d'agressions violentes dans l'exercice de leur mandat. Nous leur apportons tout notre soutien. J'en profite pour saluer Sacha Houlié, qui a subi très récemment une agression – car les parlementaires aussi sont touchés. Nous sommes véritablement soucieux de ces difficultés.
Concernant l'article 4, toutefois, je vous renvoie aux débats de la commission et à l'avis du Conseil d'État : ce dernier a établi une distinction entre, d'une part, les atteintes visant les policiers et les gendarmes dans l'exercice de leurs fonctions, et, d'autre part, les atteintes visant « les autres agents et personnes dépositaires de l'autorité publique mentionnées aux articles 222-12 et 222-13 du code pénal, par fonction moins fréquemment en contact avec des personnes susceptibles de présenter un danger pour leur intégrité physique ». Ces deux situations étant différentes, la commission des lois ne saurait approuver vos amendements.
Les agressions d'élus sont évidemment trop nombreuses, et doivent être davantage sanctionnées. M. le garde des sceaux a d'ailleurs tapé du poing sur la table il y a quelques mois : dans une circulaire, il a incité les parquets à faire flèche de tout bois contre les auteurs d'infractions visant les représentants du peuple. Je demande donc le retrait de vos amendements ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Chacun aura compris la position du Gouvernement et de la commission des lois : si nous sommes opposés à ces amendements, cela ne traduit en aucun cas un manque de considération envers les élus. Je m'explique. Le but du projet de loi est de protéger ceux qui nous protègent, et qui sont au contact quotidien, permanent, avec des individus dangereux. Certes, comme M. Gosselin l'a rappelé à juste titre, les élus sont eux aussi victimes d'insultes et de violences. J'en suis à ce point conscient que, le 7 septembre 2020 – merci de l'avoir rappelé, monsieur le rapporteur –, j'ai diffusé une circulaire comminatoire, demandant aux procureurs de ne plus requérir le rappel à la loi en pareil cas : cette réponse pénale me semble obsolète. Cette circulaire est intervenue avant même que nous envisagions de supprimer le rappel à la loi s'agissant des infractions dont les forces de sécurité intérieure sont victimes. En 2020, le taux de prononcé de peines d'emprisonnement pour des infractions à l'encontre d'élus s'élevait à 62 %, en hausse de dix points par rapport à l'année précédente. Cela prouve que les tribunaux, les procureurs et nous-mêmes avons pris conscience de ces agressions insupportables, et que nous y répondons.
J'ai par ailleurs demandé que le partenariat entre le parquet et les élus soit renforcé. Je me souviens avoir rencontré un jeune maire, qui était impatient de découvrir ses nouvelles prérogatives d'officier de police judiciaire : ce sont des magistrats du parquet – délégués du procureur, en l'occurrence – qui le lui ont expliqué. Dans le même esprit, j'ai demandé que, quand un maire prononce un rappel à l'ordre – à distinguer du rappel à la loi –, il soit aidé par un représentant du parquet : il me paraît indispensable de donner une certaine solennité à cette disposition, qui permet au maire de recadrer les citoyens dont le comportement est excessif.
La philosophie du projet de loi est donc de protéger ceux qui sont plus particulièrement au contact. Nous avons circonscrit le texte à ces fonctions, en y incluant les gardes champêtres, qui sont eux aussi au contact – voire au contact physique. Notre position ne doit aucunement être interprétée comme une désinvolture à l'encontre des élus – vous le savez.
J'ajoute que le projet de loi répond à la demande des forces de sécurité intérieure, qui souhaitaient qu'une infraction spécifique soit prévue pour les violences qu'elles subissent. Les raisons qu'elles ont exprimées avaient une visée hautement symbolique. Je maintiens donc notre position.
Rappelons enfin que les élus sont protégés par le code pénal : lorsqu'ils sont – malheureusement – agressés, ils ne sont pas considérés comme des citoyens ordinaires. Pardon d'avoir été long, mais il me paraissait indispensable de dissiper d'emblée tout malentendu.
L'objet du projet de loi est de protéger ceux qui nous protègent et qui sont au contact. Or, comme l'a souligné M. Gosselin, les élus de la République sont de plus en plus menacés, insultés et agressés. M. le garde des sceaux a déjà réagi de façon importante avec sa circulaire de 2020, demandant que toute agression d'un élu de la République fasse l'objet d'une réponse pénale du procureur. La réponse légale existe donc, mais notre société – en particulier les élus de la République – est aussi investie d'une responsabilité en la matière. Nous devrions protester collectivement quand un élu de la République est agressé, ou, comme cela m'est arrivé cette semaine, quand on se rend à son domicile pour l'intimider. Certes, les lois s'appliquent, mais nous devons opposer une réponse sociétale à ce qui est un fait de société. Les élus de la République peuvent-ils tolérer que, dans une ville, on vienne insulter les députés et la République elle-même ? Je ne les vois guère protester et se mobiliser en solidarité avec ceux qui sont agressés !
Exclamations sur divers bancs.
C'est la vérité ! Nous avons le devoir de protester et d'affirmer collectivement que de tels actes sont inacceptables.
Mme Coralie Dubost applaudit.
Ma position n'a pas changé depuis les débats en commission : je reste gênée par les plaidoyers pro domo des élus – ces sujets sont toujours délicats à manier. En revanche, je suis plutôt favorable aux amendements qui visent à étendre la protection prévue par l'article 4 aux élus détenteurs d'un mandat local, car ce sont eux qui sont en première ligne sur le terrain. Vous avez évoqué les forces de l'ordre qui sont au contact, monsieur le ministre ; or, dans les villages et les communes, les maires sont bel et bien au contact.
Pas de la même façon !
Autant je ne suis pas favorable à ce que cette disposition s'applique aux parlementaires – cela n'a pas lieu d'être, ou pas de cette façon –,…
…autant j'estime qu'elle pourrait être envisagée pour les élus qui ont un mandat local, qui sont en première ligne.
On ne peut pas amalgamer les forces de l'ordre, fonctionnaires qui ont pour métier de nous protéger, qu'il faut donc protéger, avec des élus qui ont choisi d'être élus, mais dont ce n'est pas le métier ! En tant qu'élus, nous nous inscrivons dans le débat politique, parfois dans la confrontation. Dans nos circonscriptions, certains de nos concitoyens ne sont pas d'accord avec nous ; ils l'expriment parfois avec colère, mais ce n'est pas comparable avec l'agression d'un policier, d'un gendarme ou d'un pompier. Ce n'est absolument pas la même chose.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Bien évidemment, on ne peut pas faire d'amalgame. Tout le monde a bien compris l'objet des amendements dont les exposés sommaires sont clairs.
J'ai évoqué le rapport que nous avons commis avec Naïma Moutchou, députée de la majorité, qui a été adopté à l'unanimité. Il visait à protéger les élus locaux, car il y a des entraves à l'exercice des pouvoirs de police des élus locaux. Qui est officier de police judiciaire – OPJ ? Ce sont les maires et leurs adjoints, non les députés ou les présidents de conseil départemental. Tout le monde a bien compris que mon amendement concerne les maires dont je rappelle qu'ils ont été la cible de 1 276 agressions en 2020. Je ne cherche pas une auto-immunité ou un statut particulier pour les députés que nous sommes ; d'ailleurs, nous nous mobilisons régulièrement lorsque l'un d'entre nous est hélas attaqué dans sa permanence – c'est ce que j'ai fait il y a encore quelques jours avec quelques collègues. Il s'agit d'une question de société et nous devons de même nous demander pourquoi certains s'attaquent aux policiers, aux gendarmes ou aux médecins.
Soyons clairs, des choses ont été faites par le Gouvernement et je ne fais pas de procès en laxisme, mais il faut envoyer un signal aux maires. Pour avoir été maire pendant vingt-deux ans, je peux vous assurer que l'on est au contact quotidien de nos concitoyens, au moins autant que certaines professions.
Pas autant que les policiers, ça c'est sûr que non, et pas de la même façon !
Vous savez combien les députés du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés sont attachés aux élus locaux qui œuvrent au quotidien dans nos territoires. S'il ne s'agit pas de protéger une catégorie plutôt qu'une autre, nous partageons vos propos sur les forces de l'ordre, madame Buffet.
Cher monsieur Gosselin, vous dites qu'il faut envoyer un signal aux maires. Bien sûr, mais plusieurs signaux ont déjà été envoyés à leur endroit, et ce n'est pas en ajoutant un signal législatif à un autre signal législatif que l'on fera avancer les choses.
En revanche, des actions sont menées sur le terrain. La semaine dernière, j'ai organisé une réunion avec les maires de ma circonscription, le préfet à la sécurité et le procureur. Ensemble, ils ont trouvé des solutions pour protéger et répondre aux menaces dont les maires sont la cible.
Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés ne votera pas en faveur de ces amendements, mais il soutient pleinement les élus locaux.
Nous ne voulons pas participer à une surenchère et allonger la liste des personnes couvertes par l'article 4. Pour autant, il ne faudrait pas croire que nous voudrions ignorer le problème. Je sais bien que mon collègue Philippe Gosselin, que j'apprécie, n'est pas du tout dans cet état d'esprit. Il répond à une préoccupation que nous partageons sur la nécessité de ne pas laisser seul un maire victime d'un comportement agressif. À ce titre, le groupe Socialistes et apparentés a déposé un amendement visant à imposer au procureur de traiter différemment une plainte déposée par un maire, car celui-ci se trouve en difficulté si aucune suite judiciaire n'est donnée à sa plainte. La solution est désormais beaucoup plus locale : les tribunaux doivent être réactifs, les députés que nous sommes devant mobiliser les services du procureur de la République lorsqu'un problème particulier se pose.
Mon groupe votera en faveur de l'adoption de l'article 4 car notre débat l'a renforcé tout en ayant évité les amalgames.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Mes chers collègues, sans citer qui que ce soit – mais chacun se reconnaîtra – la règle est de ne donner la parole qu'à un intervenant par groupe.
Sur l'amendement n° 19 , je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisi de quatre amendements, n° 25 , 19 , 410 et 413 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 19 , 410 et 413 sont identiques.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 25 .
Il vise à compléter la liste des personnes faisant l'objet de la protection particulière que prévoit l'article 4. En commission, j'avais proposé d'ajouter les gardes champêtres – j'y reviendrai lors de l'examen de l'amendement n° 19 – et les agents de surveillance de la voie publique – ASVP. Monsieur le ministre, vous m'aviez alors répondu qu'il vous semblait judicieux d'inclure les douaniers et les pompiers parce qu'ils portent un uniforme et qu'ils sont susceptibles d'être victimes de violences, de la même façon que les autres forces de l'ordre – et vous venez d'ajouter, lors de la discussion sur l'amendement précédent, qu'ils sont au contact physique de la population. Les gardes champêtres remplissent ces critères…
…et les agents de surveillance de la voie publique les remplissent également puisqu'ils sont au contact de la population, qu'ils portent un uniforme et qu'ils subissent des violences comme les autres représentants des forces de l'ordre, tout simplement parce que tous ceux qui portent un signe distinctif et qui sont identifiés comme pouvant être, de près ou de loin, associés à des forces de l'ordre sont susceptibles de subir les mêmes violences, les mêmes attaques et les mêmes répressions.
Vous êtes favorable à l'ajout des gardes champêtres, mais c'est peut-être beaucoup demander d'ajouter les ASVP. Je me devais néanmoins de défendre leur position car ils sont très sensibles aux signaux envoyés. Comme ils remplissent les critères que vous avez vous-même énoncés en commission, il serait juste de pouvoir les intégrer.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 19 .
Je serai brève puisque nous avons déjà abordé cette question à plusieurs reprises. Ce n'est que justice d'ajouter les gardes champêtres à la liste de l'article 4.
Monsieur le ministre, je me permets de revenir sur l'agacement que vous avez manifesté tout à l'heure. Vous avez répondu à une partie de mon intervention mais vous avez oublié la dernière, que vous auriez au contraire dû souligner car mes propos visaient à vous remercier, au nom des gardes champêtres, d'avoir accédé à leur juste demande.
Vous êtes la porte-parole des gardes champêtres.
Non, mais lors de l'examen du texte relatif à la sécurité globale – auquel vous n'avez pas assisté car c'était M. Darmanin qui le défendait –, je m'étais déjà battue pour eux. Je suis heureuse de voir qu'une large majorité – nous verrons au moment du vote s'il y a consensus – semble se dégager pour les intégrer dans un dispositif de protection.
La parole est à Mme Coralie Dubost, pour soutenir l'amendement n° 410 .
Effectivement, Mme Ménard avait présenté en commission des lois un amendement sur les gardes champêtres et les ASVP dont nous avions débattu de façon transpartisane. Il était évident que la question se posait pour différents groupes politiques au sein de cette commission. Après avoir longuement échangé avec la Chancellerie et le ministère de l'intérieur, il nous a paru juste d'intégrer les gardes champêtres dans le champ de ce texte puisqu'ils ont en zone rurale les mêmes missions que celles de la police municipale en ville. Souhaitant protéger tous ceux qui nous protègent, le groupe La République en marche propose l'ajout des gardes champêtres dans le champ de l'article 4 qu'il sera très fier de voter.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
La parole est à Mme Blandine Brocard, pour soutenir l'amendement n° 413 .
Le dispositif prévu dans cet amendement a été très bien défendu précédemment.
Tout le monde aura compris que j'émettrai un avis défavorable à l'amendement n° 25 . La commission souhaite retenir le choix du Gouvernement de circonscrire cet article aux forces de sécurité intérieure. D'ailleurs, le Conseil d'État s'est montré très clair puisqu'il a évoqué les seuls agents spécialement chargés de la protection de la population.
Au nom de la commission, j'émettrai un avis défavorable aux amendements identiques auxquels je suis, à titre personnel, très favorable.
Je suis défavorable à l'amendement n° 25 de Mme Ménard, mais favorable à celui qui intègre les gardes champêtres dans la liste des personnes concernées par la nouvelle infraction prévue à l'article 4. Les gardes champêtres sont en quelque sorte les policiers municipaux de la ruralité.
Je demanderai à ceux qui ont demandé la parole d'essayer d'être brefs, surtout lorsque le ministre donne un avis favorable – on ne sait jamais, il pourrait changer d'avis.
Sourires.
Je souhaite apporter une petite précision. Contrairement à ce qu'on pense régulièrement, les gardes champêtres agissent aussi en milieu urbain et pas uniquement en milieu rural.
Effectivement, madame Dubost, mais pas qu'à Béziers. Ils sont très utiles pour lutter contre les infractions commises contre l'environnement. Encore une fois, je vous remercie pour ce vote favorable.
Merci de mettre en valeur le travail des gardes champêtres et de la police de l'environnement.
Monsieur le garde des sceaux, je rappelle que la loi relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique dispose que les maires sont systématiquement tenus informés par le procureur ou le parquet des suites données aux plaintes qu'ils déposent.
Absolument !
Vous serait-il possible de regarder si ce dispositif, auquel nous sommes très attachés, est bien appliqué et s'il a montré son efficacité ?
Monsieur Rebeyrotte, il semble que ce soit à nous, députés, de contrôler l'application de la loi sur le terrain. Sans le demander au ministre qui a beaucoup à faire, nous devons aller sur le terrain et nous assurer que ce dispositif est bien appliqué. Il y va de la concrétisation des lois, sujet de la mission que nous avons menée ensemble.
L'amendement n° 25 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 62
Nombre de suffrages exprimés 59
Majorité absolue 30
Pour l'adoption 59
Contre 0
L'amendement n° 20 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement, cosigné par de nombreux députés, vise à aggraver les peines lorsque les violences commises sur les forces de l'ordre et de secours ont entraîné la mort, une mutilation ou une infirmité permanente de la victime ; il prévoit d'alourdir la peine fixée par le dispositif pour une incapacité temporaire totale – ITT – de plus de huit jours. Il s'agit d'aligner ces peines sur celles prévues à l'article 222-14 du code pénal qui porte sur les violences commises sur des mineurs ou des personnes vulnérables.
Cela a été dit, nous cherchons à protéger vraiment ceux qui nous protègent.
C'est la seule réponse !
Certaines personnes ont dit tout à l'heure que l'aggravation des peines n'était ni dissuasive ni efficace.
J'entends bien, mais pour nous il s'agit simplement de trouver une sanction juste et proportionnée, en rapport avec la qualité des personnes, notamment celles qui sont chargées de l'ordre public et celles qui représentent la République. C'est dans cette perspective que je vous propose d'aggraver ces peines.
Monsieur le député Ravier, le sens de votre amendement est d'élever d'un degré sur l'échelle des peines la sanction encourue par l'agresseur d'un membre des forces de sécurité intérieure : ce qui aujourd'hui est puni de cinq ans d'emprisonnement le serait demain de sept par exemple ; ce quantum s'élève encore, évidemment, en présence de circonstances aggravantes. Cela reviendrait à monter le niveau des sanctions non pas d'un cran mais de deux. C'est manifestement excessif par rapport au principe de proportionnalité que vous venez vous-même de rappeler. Par ailleurs, cela nous priverait de souplesse, car en se positionnant d'emblée au sommet de l'échelle des peines correctionnelles, on ne pourrait plus assortir les condamnations de circonstances aggravantes. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable à votre amendement.
L'amendement n° 241 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 21 .
Je défendrai par la même occasion mes amendements suivants car je sais d'avance, au vu la discussion, qu'ils ne seront malheureusement pas adoptés. Je souhaite durcir, dans divers cas de figure, les peines encourues par les personnes dont les violences ont entraîné une incapacité totale de travail de huit jours d'un membre des forces de l'ordre, auxquelles nous devons protection, comme nous l'avons répété à maintes reprises.
J'émettrai un avis défavorable pour les mêmes raisons que celles que j'ai avancées précédemment.
L'amendement n° 21 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'objectif de cet excellent amendement de M. Ciotti est d'instaurer des peines plancher pour les violences ayant entraîné une incapacité de travail de huit jours au moins. Ainsi la peine d'emprisonnement ne pourra être inférieure à cinq ans, sauf motivation spéciale du juge.
M. le ministre a rappelé tout à l'heure notre opposition au principe même des peines plancher. Il est donc évident que la commission émettra un avis défavorable à l'ensemble des amendements qui les promouvront.
L'amendements n° 297 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 22 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 298 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Julien Ravier, pour soutenir l'amendement n° 242 rectifié .
Je le défendrai rapidement car je connais l'argumentation qui lui sera opposée.
C'est un amendement de repli par rapport au n° 241. Il vise à aggraver encore une fois les peines encourues lorsque les violences commises à l'encontre des forces de l'ordre et de secours ont entraîné la mort ou une mutilation ou une infirmité permanentes. Il est particulièrement surprenant que la sanction d'actes ayant entraîné la mort ou une atteinte permanente ne soit pas aggravée quand les peines sanctionnant des actes ayant des conséquences moins graves le sont.
C'est un avis évidemment défavorable : fixer un quantum des peines suppose de se référer à l'existant et de rester cohérent avec l'échelle des peines.
Depuis plus d'un an que je viens ici, à chaque fois qu'on parle de droit pénal, je vous entends proposer des peines planchers ou une aggravation des peines : franchement, il va falloir changer de disque !
Vous ne voulez pas l'entendre, parce que vous n'avez aucune imagination ni aucun programme à proposer sinon celui de recycler de vieilles lunes. On sait très bien que le dispositif des peines plancher ne fonctionne pas car celles que vous aviez instaurées se sont révélées un fiasco. Cependant, vous persistez faute d'avoir d'autre programme que le recyclage de vieux trucs.
Quant à l'aggravation des peines, allons-y ! Vous faites fi des équilibres du code pénal et de la gradation des peines ! Tout ça vous importe peu, pourvu qu'il y ait de l'affichage et de la surenchère. Mon petit doigt me dit que plus on s'approchera de l'élection présidentielle, plus vous vous abandonnerez à une surenchère sur les peines plancher, les peines plafond, la perpétuité réelle – qui existe déjà d'ailleurs : à chaque fois, c'est le même recyclage. Je vais vous dire quelque chose : au bout d'un moment, c'est un peu fatigant. Essayez au moins d'innover dans vos propositions !
Il est clair, monsieur le garde des sceaux, que vous aussi vous êtes en campagne.
Je défends un bilan, ce n'est pas pareil ! Vous, vous ne proposez rien !
Vous nous resservez toujours la même accusation que nous ne serions là que pour aggraver les peines, ce qui ne servirait à rien. Mais alors pourquoi êtes-vous en train de le faire dans cet article ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Vous nous expliquiez tout à l'heure qu'il était très important de mieux protéger ceux qui nous protègent, qu'il y avait là une question de symbole.
Comme je l'ai dit tout à l'heure à certains bancs de l'Assemblée qui, cohérents avec leur idéologie de gauche, affirmaient que ces mesures n'étaient ni dissuasives ni efficaces, quand on veut sanctionner les agressions envers les forces de l'ordre, il ne s'agit pas simplement d'être dissuasif ou efficace mais d'instaurer une sanction juste et proportionnée eu égard à la qualité de ces personnes. Alors que les policiers sont attaqués jusque dans les commissariats et que des bandes organisées leur tendent des embuscades, tout ce que vous trouvez à répondre c'est que les peines planchers ne fonctionneraient pas ! Mais si les peines planchers permettaient de maintenir plus longtemps ces criminels ou ces agresseurs derrière les barreaux, ce serait déjà cela de gagné pour les policiers et pour la société.
Nous nous retrouverons dans le cadre des campagnes présidentielle et législatives, si vous êtes candidat, et vous verrez que nos propositions, celles notamment de Xavier Bertrand dont vous avez parlé, sont totalement applicables à condition d'avoir le courage politique de faire la réforme constitutionnelle dont nous avons besoin pour faire fonctionner un pilier « sécurité et justice »,…
Eh bien, ça va être beau !
J'adresserai au ministre la même interpellation à chaque fois qu'il nous servira des arguments contre le texte qu'il est en train de défendre. Le collègue de droite l'a dit, vous alourdissez les peines et vous créez des infractions autonomes en prétendant qu'elles seront efficaces, mais quand la droite veut faire la même chose et aller plus loin que vous, vous criez au scandale, au populisme et à la démagogie ! C'est quand même vous qui amorcez le populisme en question par vos propositions politiques !
Vous reprochez à la droite d'avoir une obsession pour la sécurité qui la pousserait à une surenchère dénuée de toute imagination, mais qu'a fait le Président de la République la semaine dernière lors du Beauvau de la sécurité ? Il nous a expliqué qu'il comptait inscrire un projet de loi sur cette question à l'ordre du jour du conseil des ministres en janvier. Il ne sera peut-être même pas débattu : il s'agit simplement de créer un climat. D'ailleurs, les trois quarts de ce qu'il a proposé lors du Beauvau de la sécurité n'a rien de nouveau : en termes d'imagination, c'est un peu faiblard. Notre monarque présidentiel n'a même pas dit un mot sur sa fameuse police de la sécurité du quotidien, qui n'était pourtant pas une si mauvaise idée : pas un mot, pas un ! C'est extraordinaire ! Pas un mot non plus sur la délinquance économique et financière, mais nous y sommes habitués et chacun comprend bien les raisons pour lesquelles il n'en parle pas.
Donc, de grâce, monsieur le ministre, arrêtez d'utiliser des arguments qui vont évidemment à l'encontre des propositions que vous défendez : cela devient pénible à la fin !
L'amendement n° 242 rectifié n'est pas adopté.
En cohérence avec l'esprit de l'article 4, je propose par cet amendement que les agents investis de missions de sécurité civile soient également intégrés dans le champ des articles 222-12 et 222-13 du code pénal. Ces deux articles renforcent eux aussi les sanctions lorsque des violences sont commises sur des personnes particulièrement vulnérables ou investies d'une fonction qui rend de tels actes d'autant moins tolérables.
Alors que l'examen parlementaire a permis d'étendre le champ de l'article 4 à d'autres catégories d'agents publics comme les sapeurs-pompiers, il semble judicieux que l'ensemble des agents de sécurité civile, qui sont amenés à intervenir sur la voie publique et sont souvent facilement identifiables, bénéficient également d'une protection renforcée.
Cher collègue Buon Tan, je vous demande de retirer votre amendement qui est satisfait puisque les articles 222-12 et 222-13 du code pénal protègent déjà toute personne chargée d'une mission de service public, ce qui inclut de toute évidence les fonctions de sécurité civile. Cette protection est, à nos yeux comme aux vôtres, tout à fait légitime.
Il est défavorable.
L'amendement n° 382 est retiré.
Étonnant, non ?
…sanctionnant divers crimes et délits commis à l'encontre des forces de l'ordre et de secours, en s'alignant sur les aggravations de peines prévues par le texte pour les publics les plus protégés. Je vous propose ici d'étendre le dispositif prévu par le Gouvernement à d'autres infractions telles que les menaces, le harcèlement moral, les entraves aux mesures d'assistance aux forces de l'ordre et de secours, la provocation au suicide, l'enlèvement et la séquestration, la dénonciation calomnieuse, mais aussi le vol, l'extorsion et la destruction de leur matériel professionnel.
Cher collègue Ravier, je croyais que le message était clair : protéger ceux qui nous protègent. Votre amendement concerne des cas déjà couverts par la circonstance aggravante générale d'atteinte aux personnes dépositaires de l'autorité publique. En outre, la commission assume de vouloir protéger davantage les policiers, qui sont au service de tous, que les véhicules de police.
L'amendement n° 243 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 56
Nombre de suffrages exprimés 55
Majorité absolue 28
Pour l'adoption 52
Contre 3
L'article 4 est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 4.
La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l'amendement n° 333 .
Il vise à inscrire dans le code pénal une exception au non-cumul des peines de même nature lorsque plusieurs infractions sont commises : si l'une de celles-ci a été commise envers un agent des forces de l'ordre, les peines encourues pour chaque infraction pourraient se cumuler.
Je vous demande de retirer cet amendement qui détourne de son objet le mécanisme de la non-confusion des peines dans un sens qui me semble très peu souhaitable.
Permettez-moi d'apporter quelques explications. En France, le principe est celui de la confusion des peines : une personne sanctionnée deux fois reste incarcérée le temps du quantum le plus élevé ; si, par exemple, elle est condamnée à deux peines d'emprisonnement, respectivement de six mois et de deux ans, elle sera incarcérée deux ans et purgera les deux peines en même temps. Certaines infractions dérogent cependant à ce principe, comme l'évasion ou la rébellion des détenus. L'article 5 du projet de loi, que nous examinerons plus tard, y ajoutera le refus d'obtempérer. Or la situation envisagée par l'amendement n'a rien à voir avec ces cas. Il ne s'agit pas, en effet, de régler une distorsion induite par le principe de confusion des peines, mais au contraire d'augmenter artificiellement la peine totale infligée, ce qui est un véritable détournement de procédure. Nous y sommes donc défavorables.
L'amendement n° 333 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements, n° 152 et 335 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Sur l'amendement n° 152 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Julien Ravier, pour soutenir cet amendement.
Cet amendement du groupe Les Républicains vise à instaurer des peines minimales de prison – les fameuses « peines planchers » – à l'égard des personnes reconnues coupables d'un crime ou d'un délit commis contre un gendarme, un policier, un sapeur-pompier ou un douanier, sauf, bien entendu, en cas de décision contraire de la juridiction. Par exemple, si un individu est condamné pour un délit puni de cinq ans d'emprisonnement, la peine prononcée ne pourra être inférieure à trois ans. La juridiction pourra toutefois, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine ou de la prononcer pour une durée inférieure au seuil. Telle est notre vision de la réponse pénale à opposer à l'urgence et aux attaques qui se répètent à l'encontre de policiers.
La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l'amendement n° 335 .
Il tend à instaurer des peines planchers en cas de récidive pour les infractions commises envers les forces de sécurité intérieure.
L'avis est défavorable à ces deux amendements, qui couvrent à la fois le champ des peines planchers incompressibles, qui ne laissent pas de liberté au juge, et celui des peines planchers qui lui en laissent – et dont on se demande bien, alors, en quoi elles sont encore des peines planchers. Je ne reprendrai pas l'argumentaire employé tout à l'heure en réponse à la proposition de M. Éric Ciotti de rétablir des peines planchers. Nous avons sur ce point une hostilité de principe, une hostilité philosophique et nous assumons cet avis défavorable.
Avec ces peines planchers, vous nous vendez la lune ! D'abord, il ne s'agit pas de peines planchers, et je vais vous expliquer pourquoi : soit vous permettez au juge d'y déroger, et il ne s'agit alors pas d'une peine plancher, comme c'était le cas sous le mandat de Nicolas Sarkozy, soit vous dites qu'il s'agit véritablement d'une peine plancher et que le juge n'a pas le choix, auquel cas il s'agit d'une entrave inconstitutionnelle à la liberté juridictionnelle. Que voulez-vous que je vous dise de plus ?
Sourires sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Il n'y a rien à faire ! Quand vous avez instauré ce dispositif, vous l'avez vendu comme une peine plancher, mais cela n'a jamais été le cas – ou alors, c'était un plancher troué car, très rapidement, les juges n'ont pas voulu appliquer ces peines et cela n'a pas fonctionné.
Vous avez certainement les résultats et les statistiques de ce dispositif, qui est votre réussite dont vous êtes si fiers ! Cette histoire a été mise en œuvre pendant plus de quatre ans, et cela n'a pas marché. Vous y revenez parce que, comme je l'ai dit, vous n'avez aucune imagination, et vous vendez aux gens des peines planchers dont vous savez qu'elles n'en sont pas. Pardon de me répéter, mais c'est important ! Ce ne sont pas là des principes mineurs, car il y va de l'indépendance de la justice. Soit le juge n'a pas le choix, il est pieds et poings liés, et il s'agit alors de vraies peines planchers, mais un tel dispositif est contraire à la Constitution car il constitue une véritable entrave à la liberté des juges, soit les juges peuvent y déroger et faire des trous dans le plancher, auquel cas ce ne sont plus des peines planchers ! C'est ce que vous avez fait précédemment, et cela n'a pas fonctionné, comme le démontrent toutes les statistiques. Vous savez si bien que c'est une catastrophe que vous ne faites état d'aucun chiffre. Votre truc n'a pas marché, mais vous n'avez toujours pas progressé : chaque fois que je viens ici pour un texte pénal, c'est « plus et plancher, plancher et plus » !
Sourires sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
La crise du bâtiment ! Il faudrait garder les planchers pour une nouvelle prison !
Monsieur le garde des sceaux, je vous propose de nous donner rendez-vous en 2022 : nous verrons ce que les Français en pensent…
Voilà ! Allez, allez !
…et si nous avons le courage de faire un référendum pour modifier la Constitution afin d'avoir une réponse pénale efficace. En effet, vous n'êtes pas sans savoir que la France a été totalement fracturée pendant cette législature : je ne vous rappellerai pas les guérillas urbaines, les gilets jaunes et les attaques de policiers – j'en passe, et des meilleures. Merci de vos réponses : nous les montrerons aux Français, qui jugeront.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
On verra tout ça ! Merci, monsieur Ravier, vous êtes bien sûr de vous !
Chers collègues – et je suis tenté d'ajouter M. le garde des sceaux aussi –, laissons chaque orateur s'exprimer sans être interrompu. Monsieur le garde des sceaux, je vous l'ai déjà dit, vous êtes un homme du Sud qui s'ignore !
Sourires.
Ce n'est pas moi qui vous ferai le reproche d'intervenir avec quelque vivacité.
Je mets aux voix l'amendement n° 152 .
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 47
Nombre de suffrages exprimés 47
Majorité absolue 24
Pour l'adoption 8
Contre 39
L'amendement n° 152 n'est pas adopté.
L'amendement n° 335 n'est pas adopté.
Il vise en effet à supprimer l'article 12, qui maintient à la disposition de la justice une personne renvoyée devant une juridiction qui se déclarerait incompétente pour la juger en raison de son âge – car les mineurs sont jugés par des tribunaux spéciaux – afin de garantir sa comparution devant la juridiction compétente.
On distingue alors deux hypothèses : s'il s'agit d'un mineur âgé d'au moins 13 ans, la décision de maintien ou de placement en détention doit être spécialement motivée par la nécessité de garantir son maintien à la disposition de la justice ; s'il s'agit d'une personne majeure, elle doit comparaître devant la juridiction compétente dans les mêmes délais, sauf dans l'hypothèse où les faits relèvent de la compétence d'un pôle de l'instruction et qu'il n'existe pas de pôle au sein du tribunal judiciaire, auquel cas la comparution devant le ou la juge d'instruction du pôle territorialement compétent doit intervenir dans un délai ne dépassant pas quarante-huit heures. Dans de telles situations, le droit en vigueur dispose que la personne soit remise en liberté après que la juridiction s'est déclarée incompétente pour connaître de son cas.
Cet article, qui procède d'une volonté de corriger les mesures issues des débats relatifs à la création du code de justice pénale des mineurs, s'inscrit dans une logique à laquelle nous nous opposions déjà alors. Pour appuyer nos propos et ceux que nous tenions à cette époque, nous regrettons que les mineurs non accompagnés soient encore visés. Le rapport d'information de nos collègues sur les problèmes de sécurité associés à la présence de ces mineurs non accompagnés est d'ailleurs cité et le Gouvernement a lui-même reconnu qu'il répondait à une demande du parquet de Paris en ce sens.
Ce n'est pas de cette manière qu'il faut appréhender cette question et certaines des propositions formulées par nos collègues dans leur rapport en faveur de la prévention, d'un meilleur accueil et d'une meilleure prise en charge auraient pu être intégrées dans ce texte. Une fois encore, malheureusement, le Gouvernement choisit la répression, particulièrement contre les mineurs, ce qui nous semble inacceptable.
La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l'amendement n° 244 .
Pour renchérir sur les propos de Mme Obono, j'ajoute que cet amendement de suppression que nous proposons également se justifie par le fait que le maintien en détention d'un mineur doit rester exceptionnel et constituer une solution de dernier recours. Il est inutile de prolonger la rétention alors qu'il serait tout à fait approprié de confier immédiatement ce mineur à la police judiciaire des mineurs afin de lui assurer une plus grande protection. D'autre part, les mineurs non accompagnés sont directement visés par cet article, pour pallier peut-être, une fois de plus, l'incapacité des services de la protection de l'enfance à les accueillir, ou pour inciter ces services à les prendre en charge afin de les soustraire aux réseaux de traite. On sait en effet que, si des mineurs deviennent délinquants, c'est aussi parce qu'ils sont dans des réseaux. Pourquoi donc légiférer sur cette rétention des mineurs, qui doit rester tout à fait exceptionnelle ?
La parole est à M. Jean-François Eliaou, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
Nous avons déjà eu un débat approfondi sur ce thème lors de l'examen du texte en commission. Les arguments ont déjà été exposés, j'émets donc un avis défavorable.
Même avis.
Nous avons en effet eu ce débat en commission, mais j'ai du mal à comprendre que certains ne veuillent pas entendre que la justice protège les mineurs et que, lorsque l'on découvre qu'une personne a été renvoyée devant une juridiction qui ne peut pas connaître de son cas parce qu'elle est mineure, il me paraît préférable de la conserver entre les mains de la justice plutôt que de la remettre dans la rue, à on ne sait qui,…
Mais oui !
…à des réseaux qui exploitent ces mineurs. Il est évident que l'objectif final est leur protection.
Cette mesure s'appliquera certes davantage aux mineurs non accompagnés car, lorsque les mineurs donnent leur identité et leur âge,…
…on peut identifier leurs parents et les rendre à ces derniers. Comment voulez-vous que nous réussissions à protéger ces enfants s'ils n'ont pas d'identité et si nous ignorons qui ils sont, où ils vont et comment peuvent-ils être accompagnés ? Tout le reste n'est que grandes déclarations illusoires et grandes proclamations de principes. L'objectif du rapport que Jean-François Eliaou et moi-même avons rédigé à l'issue de notre mission est de répondre aux difficultés du terrain, dont la première est de savoir qui sont ces mineurs.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Il faut certes un accompagnement de ces mineurs, mais nous ne croyons pas que la détention provisoire et la restriction de leur liberté soient les conditions d'un véritable accompagnement. Il faut plus de personnel pour la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et beaucoup plus pour l'aide sociale à l'enfance. Nous avons déjà débattu de ces questions : nous ne croyons pas que ce soit en les mettant en prison que nous protégeons ces mineurs ; cela vaut également pour les jeunes majeurs qui, pour différentes raisons, se feraient passer pour des mineurs. Ils devraient être accompagnés et accueillis. Là est tout le problème : vous ne faites pas ce qu'il faudrait pour les protéger ni pour respecter les conventions internationales qui nous lient dans ce domaine. Vous utilisez l'outil répressif, ce qui est un échec en termes non seulement de justice, mais aussi de respect de nos principes et de nos valeurs – en l'occurrence, la protection de l'enfance.
Il me semble important de rappeler que tout le monde, ici, veut protéger les mineurs. Nous avons d'ailleurs adopté un texte, il n'y a pas très longtemps, consacrant l'entrée en vigueur du code de justice pénale des mineurs : c'est bien pour les protéger. Il s'agit d'un principe à valeur constitutionnelle, et aucun argument ne permet de dire le contraire.
Nous devons être dans la pratique et non dans l'idéologie pure. Je peux vous le dire parce que je l'ai vécu : dans certaines situations, la seule solution est de restreindre la liberté d'un mineur ; personne ne le fait de gaieté de cœur, mais c'est parfois dans son intérêt. Il faut l'entendre, car je ne suis pas la seule à le dire, des magistrats et des éducateurs le disent également. La réalité, c'est que nous risquons parfois que le jeune s'en aille ; s'il est récupéré par certains réseaux criminels, je vous assure que ce sera pour lui bien plus grave que de se retrouver quelques heures en détention provisoire en attendant qu'un dispositif éducatif soit déployé pour l'accompagner.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.
Mes chers collègues, une partie du travail a été faite en commission, et bien faite, me semble-t-il. Vous n'êtes donc pas obligés de reprendre la parole après les avis exprimés par M. le rapporteur et M. le garde des sceaux, ce qui nous permettra d'avancer. Vous verrez, ce soir, l'utilité de cette invitation à la brièveté, puisque je ne présiderai pas.
La parole est à Mme Isabelle Santiago, pour soutenir l'amendement n° 313 .
Monsieur le président, comme je n'étais pas en commission, je n'ai pas eu la chance d'échanger sur tous ces sujets.
L'amendement prolonge le débat qui vient d'avoir lieu : il est essentiel, pour protéger les mineurs, de ne pas les remettre à la merci de ce que l'on connaît sur le terrain. Néanmoins, nous souhaitons que cette protection se fasse sous l'égide de la PJJ, celle-ci devant être dotée des moyens nécessaires pour accompagner ces mineurs. En effet, certains d'entre eux font l'objet d'une double mesure impliquant la protection de l'enfance et la PJJ ; si un placement en centre éducatif fermé n'a pas été décidé judiciairement, l'action des éducateurs se limite à une visite, une fois de temps en temps, avant de les laisser repartir. Il faut donc proposer quelque chose.
Dans beaucoup de textes, même lorsque cela n'est pas écrit, on émet souvent la suspicion que les dispositions relatives aux mineurs concernent ceux qui ne sont pas accompagnés. Ce sujet mériterait un autre débat que le binaire « minorité-majorité » : le texte vise à assurer la protection des mineurs, et nous souhaitons qu'ils soient pris en charge par une juridiction spécialisée. Nous voulons des moyens pour la PJJ, monsieur le garde des sceaux.
Pour bien préciser les choses, il s'agit de faire en sorte qu'en cas de confusion, un mineur ne soit pas jugé par une juridiction pour adultes. La détention provisoire serait limitée à vingt-quatre heures.
Je suis d'accord, en principe, pour confier les mineurs à la PJJ. Mais, ce que l'on voit en pratique, c'est qu'ils fuient. Pourquoi ? Pas parce que la PJJ est incompétente, mais parce qu'ils ont systématiquement la peur de l'adulte. Il s'agit d'enfants polytraumatisés, cassés, qui, devant un adulte, fuient. Alors, que faire ? Si on se trompe de juridiction pour un problème d'évaluation de la minorité, on est obligé de les remettre en liberté, c'est-à-dire à la rue.
Or, quand ils sont à la rue, ils ne sont pas à l'abri. Il est très important de penser à cela.
Mme Isabelle Santiago proteste.
Il s'agit de mineurs délinquants, qui n'ont ni représentation légale, ni parents, ni tuteur : ils n'ont rien.
Mme Isabelle Santiago proteste une nouvelle fois.
Madame Santiago, les mineurs non accompagnés n'ont pas de représentation légale.
La priorité, comme l'a indiqué notre collègue Savignat, est de ne pas les remettre à la rue et de les protéger. Ici, il s'agit simplement de les protéger pour qu'ils soient jugés par une juridiction qui leur correspond avec des droits de protection qui leur correspondent ; nous ne voulons pas nous inscrire dans une logique, nous voulons leur offrir une prise en charge qui soit, je l'espère, polydisciplinaire. Avis défavorable.
Défavorable pour exactement les mêmes raisons.
L'amendement n° 313 n'est pas adopté.
L'article 12 est adopté.
L'article 13 est adopté.
L'article 14 est adopté.
Il s'agit d'un amendement de suppression, dans la lignée de celui que nous défendions à l'article précédent car il y a une cohérence entre ces articles qui visent particulièrement les mineurs non accompagnés. L'article autorise le recours à la contrainte pour procéder au relevé des empreintes digitales et palmaires et à la photographie d'une personne.
Exclamations sur divers bancs. – Mme Danièle Obono s'interrompt.
Nous en sommes à l'amendement n° 230 . Mais poursuivez, votre temps de parole est décompté. Il est défendu ? Il est défendu.
Monsieur le président, il me reste une minute. Est-ce qu'il ne me reste pas une minute ?
Protestations sur divers bancs.
Je vous permets de respecter l'enceinte de l'Assemblée, ce n'est pas une maternelle. Il arrive à chacun de se tromper, moi le premier ; vous dites « défendu », et c'est tout.
S'il me reste une minute, j'aimerais terminer de présenter mon amendement. Effectivement, je me suis trompée, mais permettez que je finisse.
D'accord, mais vous n'êtes pas obligée de prendre toute l'Assemblée à témoin de cette erreur. Vous pouvez dire que votre amendement est défendu.
Monsieur le président, vous n'êtes pas non plus obligé de m'empêcher de rectifier mon erreur et de défendre mon amendement.
Votre temps est en train de s'écouler. Il ne vous reste que quelques secondes.
Vives protestations sur les bancs du groupe FI.
M. le président coupe le micro de l'oratrice. – M. Ugo Bernalicis brandit le règlement de l'Assemblée.
Défavorable.
M. Ugo Bernalicis proteste vivement. – Exclamations sur divers bancs.
Monsieur Bernalicis, j'ai reçu suffisamment de courriers déplorant le niveau d'expression dans l'hémicycle pour vous inviter à modérer vos propos.
Protestations renouvelées sur les bancs du groupe FI.
Exclamations sur divers bancs.
Mes chers collègues, le comportement de M. Bernalicis m'amène à suspendre la séance quelques minutes, le temps pour lui de se calmer. Nous reprendrons dans cinq minutes, pas davantage.
On va aller se calmer…
Sourires sur les bancs des commissions.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à dix-neuf heures quinze.
La séance est reprise.
La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l'amendement n° 210 .
Je suis plutôt favorable aux amendes forfaitaires, même si l'outil dénote le manque de moyens accordés à la justice de manière globale. Il faut être pragmatique : elles ont fonctionné pour la consommation de stupéfiants, et je considère que les étendre aux vols est une bonne idée. L'amendement propose d'en augmenter le montant, car il me semble anormal que celui-ci soit inférieur à la valeur du bien volé.
J'émets un avis défavorable pour deux raisons. Premièrement, pour des raisons constitutionnelles, la victime doit être désintéressée avant d'engager cette procédure, c'est-à-dire qu'elle doit avoir été dédommagée. Deuxièmement, le montant prévu pour l'amende forfaitaire – qui peut être minoré à 250 euros –, correspond au montant moyen des amendes prononcées actuellement par les juridictions pour les vols à l'étalage, qui est de 480 euros.
Il est défavorable. Nous estimons que les montants prévus sont équilibrés et cohérents, alors que ce que vous proposez est excessif et totalement irréaliste.
L'amendement n° 210 n'est pas adopté.
Il se fonde sur l'alinéa 7 de l'article 100 du règlement, qui porte sur le temps de parole des députés lors de leurs interventions sur les amendements.
Lors de la défense de mon amendement de suppression de l'article 15, je me suis aperçue que je m'étais trompée d'argumentaire, mais il me restait suffisamment de temps de parole pour rectifier mon propos. Nous avons travaillé sur cet amendement et mon collègue Ugo Bernalicis avait des choses à dire sur le sujet. Je tenais donc à le présenter et à répondre aux avis.
Vous avez choisi de ne pas me laisser finir et de m'adresser une remarque désobligeante. Il ne s'agissait pourtant pas d'une « gaminerie » – nous sommes tous ici des adultes responsables – mais d'une erreur de bonne foi que je souhaitais rectifier. De plus, vous ne nous avez pas permis de répondre aux avis.
Comme chaque député, nous devons bénéficier du temps de parole qui nous est dû, particulièrement pour nos propres amendements. Or, même en appliquant strictement le règlement, nous avions droit à ces interventions. Nous espérons que cette situation ne se reproduira plus, afin que la séance se déroule dans de bonnes conditions.
Madame, je vous ai déjà répondu tout à l'heure. Comme vous, je suis soucieux du bon déroulement de nos travaux et je veille à ce que chacun puisse s'exprimer.
Le président de l'Assemblée nationale a déjà été informé de cet épisode et, à ma connaissance, il n'a pas exprimé de réserve quant à ma manière de présider.
La parole est à Mme Lamia El Aaraje, pour soutenir l'amendement n° 314 .
À l'inverse de M. Pauget, les membres du groupe Socialistes et apparentés souhaiteraient plutôt que le montant de l'amende forfaitaire diminue. De fait, même si elle a un champ d'application particulièrement limité, cette disposition soulève un problème, car elle vise principalement les vols à l'étalage, y compris les vols de nourriture. Or ceux-ci sont le fait de personnes se trouvant dans des situations difficiles et précaires, qui volent pour subvenir à leurs besoins ou à ceux de leurs familles. Nous sommes donc assez gênés par le montant prévu, qui est élevé pour des personnes précaires. En outre, cette disposition va à l'encontre d'une jurisprudence sur l'état de nécessité, établie depuis la fin du XIX
Une amende de 100 euros paraîtrait plus proportionnée aux particularités du public, d'autant que la question est extrêmement marginale. Nous ne souhaitons pas – c'est un souci partagé, à en croire vos propos, monsieur le garde des sceaux – ajouter à la précarité de personnes qui sont déjà dans des situations extrêmement difficiles, même si nous ne cautionnons pas ces vols – c'est la raison pour laquelle nous ne sommes pas opposés au principe de l'amende en tant que tel. Restons justes.
Je comprends parfaitement le sens de votre amendement et d'une certaine façon, j'y souscris. Toutefois je précise qu'avec cette disposition, nous ne créons pas une nouvelle infraction. Cela restera la même infraction, simplement, alors qu'elle était jusqu'à présent traitée par les tribunaux, elle sera désormais soumise à la procédure prévue pour une amende forfaitaire délictuelle.
Par ailleurs, cette procédure prévoit de toute façon que la personne concernée dispose d'un droit de recours ; elle peut faire appel, ce qui constitue pour moi une garantie très importante. J'émets donc un avis défavorable.
Madame, j'entends votre propos et je suis prêt à y souscrire. Rassurez-vous : puisque l'infraction de vol simple est jusqu'à présent passible de trois ans d'emprisonnement, en la sanctionnant d'une amende, nous diminuons considérablement les pénalités encourues.
Par ailleurs, l'amende pourra être contestée et il sera tout à fait loisible au procureur de la République, saisi de cette contestation, d'invoquer l'état de nécessité – c'est la plus belle jurisprudence qui soit ; elle ne tombera pas en désuétude, au contraire.
Enfin, les magistrats sont très attentifs à cette transformation, car elle permettra de les soulager, alors qu'ils ont déjà un travail important à faire – c'est le but de l'amende forfaitaire. Dans ce domaine ou d'autres, vous le savez, cela marche plutôt bien, comme le montrent les premiers résultats, et il n'y a donc rien à craindre.
En tout cas, même si l'état de nécessité ne légitime pas les vols de nourriture – comme il est bien normal –, pour les vols qui en remplissent les critères jurisprudentiels, celui-ci continuera évidemment d'être pris en compte. Avis défavorable.
Je vous remercie pour ces réponses. Loin de moi l'idée de lancer des polémiques inutiles, seulement, le sujet me semble important. Je ne remets nullement en cause le principe que vous évoquez, le souci d'accélérer les procédures et de soulager les magistrats.
L'état de nécessité permet d'écarter la peine. Je devrais donc être soulagée par la possibilité de recours que vous évoquez, monsieur le garde des sceaux ; c'est une garantie fondamentale de notre État de droit. Toutefois, vous savez comme moi que dans notre pays, la réalité du recours au droit n'est pas celle que nous souhaiterions. Je crains donc que le public concerné ne bénéficie pas de ces « rattrapages ». Loin de moi l'idée de stigmatiser qui que ce soit, toutefois, nous devons nous attarder sur cette réalité : les pauvres, les plus précaires subiront le droit au lieu d'en tirer avantage. Je le regrette, le dispositif n'est pas adapté.
L'amendement n° 314 n'est pas adopté.
Ils visent tous deux à doubler le montant de l'amende en cas de récidive.
L'amendement n° 52 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 15 est adopté.
L'article 15 bis est adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques tendant à supprimer l'article, n° 231 et 245.
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l'amendement n° 231 .
Comme je l'indiquais tout à l'heure, l'article 16 autorise le recours à la contrainte pour procéder au relevé des empreintes digitales et palmaires et à la prise de photographies d'une personne entendue lors d'une enquête en audition libre, dans le cadre d'une garde à vue ou lors d'une information judiciaire ouverte pour un crime ou un délit puni d'une peine d'au moins trois ans d'emprisonnement, au cas où celle-ci a refusé de s'identifier ou a fourni des éléments d'identité manifestement inexacts. Un tel article vise clairement les mineurs non accompagnés.
Rappelons que dans le droit actuel, la prise d'empreintes et de photographie est déjà prévue dans le cadre d'enquêtes en flagrance, d'une enquête préliminaire ou d'une information judiciaire, mais uniquement à condition que la personne soit consentante. Vous revenez sur cette condition essentielle. Au nom de la protection des mineurs non accompagnés, vous remettez en cause leurs droits fondamentaux. Certains argueront qu'une prise d'empreinte contrainte n'est pas un acte intrusif ; elle reste toutefois une contrainte et c'est pour de bonnes raisons qu'elle n'est autorisée que dans des cas précis !
Pour protéger ces mineurs non accompagnés, qui sont parfois délinquants et sous le coup d'une enquête judiciaire, la protection judiciaire de la jeunesse et l'aide sociale à l'enfance disposent déjà de moyens ; simplement, ils ne sont pas suffisamment déployés. Alors que retrouver des enfants qui ont fugué est un long travail qui demande des ressources, vous préférez recourir à un expédient régressif. Même si celui-ci satisfait une demande des juridictions, il ne réglera pas fondamentalement le problème de ces mineurs.
La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l'amendement n° 245 .
Cet article vise les mineurs non accompagnés, comme l'indique d'ailleurs l'étude d'impact du projet de loi. Ces mineurs seront contraints par la force physique, ce qui va à l'encontre de toutes les politiques de protection, de médiation et d'accompagnement éducatif, qui doivent être préférées à la répression, nous le répétons. C'est par ailleurs une réponse disproportionnée au refus de s'identifier.
En outre, comment s'assurer que cela assurera l'information complète de la justice, quand on connaît les conditions dans lesquelles ces procédures sont menées – les problèmes de compréhension avec les interprètes notamment – et que l'on sait que ces enfants sont souvent victimes de trafiquants, de réseaux et parfois sous l'emprise de la drogue ?
Je crois que j'ai bien compris le texte, malgré ce que le ministre m'a dit lors de la discussion générale. Vous déployez une politique de répression migratoire et certainement pas de protection judiciaire ou de protection de l'enfance.
J'émets un avis défavorable sur les deux amendements. Compte tenu de l'importance du sujet, il est nécessaire de prendre quelques minutes pour préciser pourquoi l'article 16 a été proposé. Tout d'abord, il ne concerne pas les mineurs non accompagnés, mais des majeurs et des mineurs. Il ne s'agit que des mineurs non accompagnés délinquants, avec un quantum de peine qui n'est pas négligeable : cinq ans pour les mineurs délinquants et trois ans pour les majeurs.
Ensuite, nous avons montré, dans le cadre de la mission d'information menée avec notre collègue Antoine Savignat, qu'il était nécessaire de les identifier. Ce sont des prévenus, des personnes qui refusent de donner leurs empreintes digitales et de se faire photographier. Une étude a été faite par le parquet de Paris sur 154 jeunes formellement identifiés : 141 étaient majeurs.
Si nous ne faisons pas ce travail, que se passera-t-il ? Il y aura un problème : les majeurs se retrouveront au milieu des mineurs, avec tout ce que cela induit comme inconvénients et effets délétères. Ce fait, très important, nous impose de travailler à une procédure législative, qui est celle proposée aujourd'hui.
Autre point essentiel : de nombreuses précautions sont prises, la procédure est extrêmement encadrée. Premièrement, elle ne pourra être utilisée que si le procureur de la République l'a autorisée par écrit. Deuxièmement, elle doit être l'unique moyen d'identifier l'individu qui a refusé de justifier de son identité, de donner ses empreintes et d'être pris en photographie.
Pour les mineurs, l'officier de police judiciaire doit adapter les mesures à la vulnérabilité de l'enfant, même délinquant, tout simplement parce qu'il s'agit d'un enfant. Le mineur doit manifestement avoir au moins 13 ans – c'est un amendement que j'avais déposé en commission. Son avocat ainsi que les représentants légaux et l'adulte approprié doivent être préalablement informés. Évidemment, les mineurs – ou les majeurs puisqu'ils sont également concernés – sont également informés. Enfin, il y a un procès-verbal.
Tous les amendements qui viseront à supprimer le procès-verbal de cette procédure – peut-être un peu lourde, mais qui garantit des mesures effectivement coercitives – feront l'objet d'un avis défavorable.
Nous souscrivons à tout ce que vient de développer M. le rapporteur sur la procédure instaurée par l'article 16. L'amendement a pour objet de réduire à un an la peine d'emprisonnement ouvrant la possibilité de l'appliquer.
L'amendement n° 307 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 305 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 53 .
Je ne vais pas réduire le seuil de la peine rendant possible la mise en œuvre de la procédure, je vais carrément le supprimer. L'amendement vise la prise d'empreintes digitales, palmaires ou de photographies, qui peut être effectuée sans le consentement du mineur si plusieurs conditions sont remplies. La troisième condition est la suivante : l'infraction dont le mineur est soupçonné constitue un crime ou un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement. Vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, le quantum de peine n'est pas négligeable. Quand on est puni pour un crime ou un délit sanctionné de cinq ans d'emprisonnement, ce n'est pas rien ; ce n'est pas une petite infraction qui a été commise. Le seuil me semble justement trop élevé. L'amendement fera plaisir à M. le ministre, puisqu'il vise à supprimer cette condition, donc l'alinéa 18 de l'article 16.
Cette mesure encourt rien de moins que l'inconstitutionnalité, parce qu'elle n'est pas proportionnelle : son adoption impliquerait que l'on puisse prendre de force les empreintes et la photographie de mineurs ou de majeurs qui ne sont pas forcément délinquants. Il existe un principe pour les mineurs, celui de la proportionnalité. Or cet amendement est totalement disproportionné. Je suis évidemment défavorable à son adoption.
L'amendement n° 53 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements, n° 306 de M. Éric Ciotti et 54 de Mme Emmanuelle Ménard, pouvant être soumis à une discussion commune. Ils sont défendus.
La parole est à Mme Isabelle Santiago, pour soutenir l'amendement n° 324 .
Il s'agit d'un amendement de compromis par rapport à ce qu'a évoqué le rapporteur. Nous souhaiterions qu'au moment où survient la situation très bien décrite par M. le rapporteur, l'avocat soit présent et non pas simplement informé, et qu'il informe le jeune de ses droits.
Je suis défavorable à l'amendement, et je laisserai le garde des sceaux développer. Il y a suffisamment de garanties qui encadrent précisément cette phase coercitive de prise d'empreintes, requérant l'autorisation écrite du procureur de la République – j'insiste là-dessus – puis l'action de la force publique. La personne concernée, son représentant légal s'il en a un, les parents et l'avocat sont prévenus. Les précautions entourant cette procédure sont suffisantes.
Il n'y a pas grand-chose à ajouter. Tout cela s'exercera sous le contrôle du procureur. Il n'est pas question une seconde de faire du mal aux gamins, mais de leur faire du bien. Connaître leur nom, leur origine et leur âge réels est tout à fait bénéfique pour eux. Sans cela, on n'arrive pas à avoir des certitudes suffisantes pour les orienter, bien les juger et leur faire bénéficier de la protection due aux mineurs.
Pour le reste, vous savez par exemple que le procureur doit physiquement venir pour la prolongation de la garde à vue. Je pense que les garanties sont suffisantes. Il y a un autre risque : si vous rendez obligatoire la présence de l'avocat mais qu'il est absent, comment fait-on ? On risque de retarder le déploiement des mesures puis on fera le grief de la longueur excessive de la procédure, alors qu'il faut aller vite – ce que j'entends parfaitement. Suffisamment de garanties entourent cet acte.
D'ailleurs, de très nombreux pays – de grandes démocraties comme l'Italie et l'Allemagne, la liste est impressionnante – connaissent ce que nous sommes en train d'instaurer. Il s'agit d'identifier au mieux des mineurs – certains jeunes majeurs aussi d'ailleurs – se trouvant dans des situations de grande précarité : ils peuvent être sous la coupe d'organisations criminelles et sont souvent toxicomanes. Ce que d'autres pays européens ont fait et bien fait, nous devons également le faire.
Enfin, l'outil que nous souhaitons instaurer est demandé par l'ensemble des professionnels du droit. Tous les praticiens le réclament à cor et à cri, ce que vous aurez sans aucun doute l'occasion de constater directement. Tous ceux qui sont chargés de la protection de l'enfance notamment appellent de leurs vœux ce que nous instaurons. Vous êtes loin de certaines postures dogmatiques – je ne vous en fais absolument pas le grief et j'entends bien vos propos –, mais cette mesure est particulièrement utile.
Je ne remets pas en cause le fait que cette mesure soit nécessaire et demandée. En revanche, vous l'avez dit vous-même, cette procédure implique une contrainte physique. Par ailleurs, nous sommes dans un contexte de défiance généralisée – je me suis attardée sur ce sujet à l'occasion de la défense d'une motion de rejet préalable –, particulièrement dans la relation des jeunes à tout ce qui a trait à l'autorité. On l'a évoqué avec la question des forces de l'ordre, mais je pense que cela va au-delà. À mon sens, restaurer la confiance, c'est aussi redonner du sens à la justice et à la capacité d'être représenté.
Certains jeunes se trouvent dans des situations très difficiles. Je vois bien que vous êtes plutôt dans une démarche de coconstruction, mais c'est une erreur de laisser une contrainte physique s'exercer sans qu'il puisse y avoir d'accompagnement des jeunes. J'entends vos propos : s'il faut attendre l'avocat, cela prend plus de temps. Soit. Mais si en prenant plus de temps on arrive à ne pas générer de traumatismes qui s'ajouteraient à des difficultés affectives et psychologiques dans un contexte souvent marqué par la criminalité, ce serait plutôt une bonne chose. Je ne vois pas bien en quoi la présence d'un avocat serait une gêne. Je suis attachée à tout ce qui favorise l'accès au droit, l'accompagnement et la bienveillance – je dis cela sans naïveté, je ne suis pas caricaturale. Ce serait un bon signal envoyé aux mineurs.
Ce sujet est suffisamment important pour que nous nous y attardions quelques minutes. Lundi dernier, j'ai passé plusieurs heures avec le procureur de la République de Montpellier. J'ai vu des photos de soi-disant mineurs qui venaient pour la troisième, la quatrième ou la cinquième fois, qui n'avaient pas du tout l'air d'être mineurs – pas besoin d'être médecin pour savoir qu'ils étaient majeurs – et qui refusaient systématiquement que l'on prenne leurs empreintes. Quel est l'objectif ? Ces mineurs arrivent une première fois, puis une deuxième, une troisième, une quatrième fois, changeant d'alias, de date de naissance et de pays d'origine. Le but n'est pas de les fliquer, mais de les suivre, d'avoir un moyen de pouvoir dire : « celui-là est vraiment mineur ». On n'a pas les moyens d'évaluer la minorité avec les empreintes, donc on demande aux autorités espagnoles, on consulte certaines données du traitement relatif aux étrangers sollicitant la délivrance d'un visa (VISABIO). Une fois ces démarches effectuées, si on a la certitude d'être face à un mineur, que fait-on, même s'il est délinquant et surtout s'il l'est ? On le protège. Votre argumentaire est bon jusqu'à la fin, jusqu'à ce que vous refusiez cette mesure parce qu'ils sont polytraumatisés : il faut les protéger contre eux-mêmes en quelque sorte. C'est de la protection, de la mise à l'abri.
Nous l'avons bien vu avec Antoine Savignat que la demande consistait à les protéger contre ce qu'ils font mais également contre eux-mêmes, en les mettant à l'abri. Il faut les mettre à l'abri. Antoine Savignat, et moi-même avons appelé ça un continuum de protection, du début à la fin : c'est très important !
Je vais apporter une précision d'une remarquable brièveté. S'agissant de l'avocat, ce n'est pas moi qui vais vous dire que l'avocat pourrait être gênant. Pas du tout ! Je dis simplement qu'il y a un risque de complexification de cette procédure, qui est très simple et qui va dans un sens éminemment favorable aux gamins.
Je vous fais même une confidence : j'étais contre cette mesure, puis j'ai beaucoup réfléchi et j'ai observé les expériences étrangères dans plus d'une dizaine de pays en Europe qui ont instauré un tel dispositif. J'ai aussi pu constater les méfaits du dogmatisme et je vais illustrer mon propos.
Jean-François Éliaou, Antoine Savignat et moi-même, nous nous nous sommes rendus au Maroc. Nos magistrats de liaison sont allés voir les structures marocaines, qui sont de bonne qualité, et la PJJ française s'est mise en relation avec son homologue marocaine. Force est de constater que certaines postures, qui s'inscrivent dans le cadre d'une liberté juridictionnelle sur laquelle je n'ai rien à dire, interdisent la coercition qui permettrait de prendre un gamin pour le ramener dans une structure marocaine, s'il est avéré qu'il s'agit de son pays d'origine : en France, on préfère ouvrir la porte et le remettre dans la rue. Je souhaite que vous connaissiez l'état d'esprit dans lequel nous intervenons, car cela n'est pas seulement vrai pour la France mais également pour l'Espagne.
Alors oui, j'ai un peu évolué sur la question de la coercition physique : je me suis renseigné, j'ai demandé quelles étaient les protections supplémentaires apportées aux mineurs, notamment en matière de prolongation de la garde à vue, et je me suis laissé convaincre que c'était un outil indispensable. J'ajoute, pardon de me répéter, que tous les magistrats appellent de leurs vœux l'instauration d'un tel outil.
Ensuite, il faut être pragmatique : j'essaie de l'être malgré quelques réticences, peut-être idéologiques, je veux bien le confesser. En réalité, au tamis du pragmatisme, du réalisme et de l'efficacité, cette mesure est indispensable. C'est la raison pour laquelle je la défends, car je ne défends pas ce à quoi je ne crois pas : je tenais à ce que la représentation nationale le sache.
Mme Blandine Brocard applaudit.
L'amendement n° 324 n'est pas adopté.
Nous sommes bien évidemment favorables aux dispositions qui figurent dans l'article 16. Cet amendement de M. Ciotti vise à alléger les charges procédurales.
L'amendement n° 308 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 315 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je l'ai cosigné avec mes collègues Alexandra Louis, Perrine Goulet et Albane Gaillot : il prolonge les travaux du groupe d'études sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, qui a entendu le Conseil national des barreaux. Les juridictions et les services d'enquête sont confrontés à d'importantes difficultés d'identification de personnes qui, dépourvues de titre d'identité et se présentant souvent comme des mineurs non accompagnés, refusent de divulguer leur réelle identité, usent d'identités différentes, parfois au moyen de faux documents, et s'opposent aux relevés signalétiques.
L'article 16 du projet de loi permet de remédier à ces difficultés en renforçant les moyens d'identification, grâce aux relevés signalétiques des personnes mises en cause, notamment lorsqu'elles revendiquent un état de minorité afin de bénéficier d'un régime procédural plus favorable, mais également, de manière plus générale, lorsqu'elles refusent de divulguer leur véritable identité.
Pour autant, il convient d'encadrer ce dispositif d'un maximum de garanties, surtout pour les mineurs, car l'opération de relevés signalétiques sous contrainte constitue une atteinte à la liberté individuelle. Cet amendement prévoit ainsi l'enregistrement de l'opération de relevés signalétiques sous contrainte, par un procédé de captation d'images, dont le contenu serait accessible dans un délai de sept jours en cas de contestation du procès-verbal, à la demande du procureur de la République ou de l'une des parties.
Je le redis, les précautions ont été prises et la procédure est suffisamment encadrée. L'avis est défavorable.
Je demande le retrait de l'amendement. J'ai déjà expliqué assez longuement que plusieurs dispositions permettront de s'assurer du bon déroulement des opérations à venir, en particulier quand il s'agit de mineurs. Ainsi, le procureur devra être présent, au moins en visioconférence, au moment de la prolongation de la garde à vue, ce qui offre des garanties suffisantes. Sortons du fantasme qui consiste à imaginer que des excès caractériseraient la façon d'appréhender le poignet ou la main d'un mineur pour obtenir ses empreintes digitales, car il est, vous le savez bien, surréaliste.
D'ailleurs, les enquêteurs qui entendent les mineurs sont de plus en plus spécialisés et savent comment les traiter. L'objectif, je le redis avec bon sens, sans emphase ni grandiloquence, est d'aider les gamins, pas de leur faire du mal. Il peut parfois être compliqué de mettre en route la vidéo, et l'amendement traduit une certaine méfiance, qui est gênante. Je vous invite à le retirer car l'application de cette nouvelle mesure ne connaîtra, en pratique, aucune difficulté.
Je vous remercie d'avoir pris le temps de fournir une réponse détaillée. Le groupe d'études sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse est attaché aux garanties entourant cette procédure, tout en soutenant le présent texte. Compte tenu de vos explications et des assurances que vous avez données pour la protection des mineurs, nous retirons cet amendement.
L'amendement n° 392 est retiré.
L'article 16 est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 16.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 64 .
Il vise à compléter l'article 16 et à améliorer l'identification des personnes suspectées d'avoir commis une infraction, en permettant une meilleure circulation des informations relatives aux mineurs et en encourageant le partage de données par le biais du fichier d'appui à l'évaluation de la minorité (AEM), qui devrait être généralisé à tous les départements.
Nous en avons longuement discuté en commission où j'ai donné un avis défavorable. Je ne bougerai pas de cette ligne, d'autant que votre amendement est satisfait par les articles R. 221-15-4 et R. 221-15-2 du code de l'action sociale et des familles.
Même avis.
Durant les auditions, vous avez, monsieur le rapporteur, demandé que l'on vous confirme que c'était bien le registre AEM qui était concerné par le dispositif de l'article 16. Je ne comprends donc pas pourquoi vous dites désormais que la disposition est satisfaite.
Un travail a effectivement été réalisé par la Chancellerie sur ce point : il s'agit de mettre en place une interconnexion de fichiers, mais cette mesure, qui pose problème à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), pourrait être contraire à la Constitution. C'est la raison pour laquelle je me suis rangé à l'avis des experts. Peut-être ai-je eu tort, mais j'ai choisi de leur faire confiance.
Je confirme que vous avez eu tort !
L'amendement n° 64 n'est pas adopté.
Il vise à interdire toute utilisation d'un test osseux, quel que soit le cadre juridique, procédural ou le motif. Par ailleurs, au-delà des nombreuses remises en cause de ce type d'expertise médicale du point de vue éthique ou scientifique, le Haut Conseil de la santé publique a indiqué en 2014 à quel point un tel mode d'évaluation posait problème. La Commission nationale consultative des droits de l'homme a également recommandé qu'il soit mis fin à cette à cette pratique.
En effet, le but de la généralisation de ces pratiques ne consiste pas tant à évaluer la minorité qu'à réduire au maximum le nombre de mineurs protégés au motif de ce statut. En outre, les tests osseux sont considérés comme inefficaces par les scientifiques. Le principe fondamental auquel nous sommes attachés – la présomption de minorité – est, dans les faits, systématiquement mis en cause, puisque ces tests servent d'argument pour ne pas accorder de protection.
Nous sommes conscients de la nécessité de procéder à une évaluation, d'éviter que des majeurs soient pris pour des mineurs et d'assurer à ces derniers une bonne orientation. Mais demandons-nous pourquoi de telles confusions existent ! Celles-ci pourraient être évitées grâce à des régularisations ou à un accueil de majeurs assuré dans de bonnes conditions.
Vous connaissez ma position puisque nous en avons discuté ensemble. Je ne suis pas un fanatique des tests osseux, mais je me dois tout de même de revenir sur certains de vos propos. Tout d'abord, le recueil du consentement de l'intéressé doit être effectué dans une langue qu'il comprend.
Deuxièmement, il faut mentionner – je reprends l'article 388 du code civil, je n'invente rien – la marge d'erreur dans les résultats. Ainsi, pour un âge compris entre 16 ans et 18 ans, les tests osseux ne servent à rien.
Ensuite, il est impossible de déduire l'âge d'une personne sur cet unique fondement. Si vous comparez l'épaisseur du cartilage de croissance au tableau de référence, vous ne connaîtrez pas l'âge : des faisceaux d'arguments sont nécessaires. Sur ces points, qui figurent dans l'article 388 du code du code civil, je suis d'accord avec vous.
Enfin, le Conseil constitutionnel a également précisé que la majorité de l'intéressé ne pouvait être déduite du seul refus de se soumettre aux examens osseux, contrairement à ce que vous avez affirmé ; il appartient à l'autorité judiciaire de prendre en compte d'autres éléments, dont l'examen de la pilosité pubienne ne fait pas partie. Des améliorations sont donc possibles – j'en ai beaucoup discuté avec la Chancellerie –, mais, pour l'instant, je considère que les précautions qui figurent dans l'article 388 du code civil sont suffisantes.
Dernière chose, en pratique, les tests osseux ne sont pas destinés aux jeunes âgés de 16 ans à 18 ans, mais sont au contraire utilisés pour prouver qu'une personne ayant l'air d'avoir 30 ans n'est pas mineure : cela, les magistrats du parquet le savent parfaitement. L'avis est défavorable.
Je ne comprends pas votre entêtement à vouloir utiliser un outil défaillant.
Vous ne me l'avez pas demandé, mais mon avis est défavorable, monsieur le président !
Je vous donnerai la parole tout à l'heure, monsieur le ministre, mais je ne voudrais pas avoir un nouveau rappel au règlement !
Sourires.
Si j'ai tout mon temps de parole, tout ira bien, monsieur le président.
Je ne comprends pas, disais-je, votre obstination à utiliser un outil scientifiquement défaillant. Vous êtes obligés d'entourer cette procédure de toutes les précautions possibles pour un résultat qui restera problématique. Pourquoi défendez-vous une méthode si contestée ?
Les décisions judiciaires montrent que des personnes d'abord considérées comme majeures étaient en réalité mineures. Il y a d'autres moyens d'évaluer l'âge d'une personne.
Si l'on veut éviter que de jeunes majeurs cherchent à utiliser les dispositifs prévus pour les mineurs, il faut faire en sorte que notre politique d'accueil ne les incite pas à emprunter des voies illégales. Pour régler ce problème, nous devons protéger et accueillir dignement, et ne pas mener une politique migratoire répressive.
Dans mon expérience, le test osseux est très peu utilisé ; il l'a beaucoup été, mais ce n'est plus le cas, sa pratique ayant même disparu pour les jeunes âgés de 16 à 18 ans. Il existe aussi des parquets et des juges des enfants qui, sans avoir recours aux tests osseux, estiment qu'un jeune majeur qui fait un recours est mineur – en s'appuyant sur un faisceau d'indices qui surprend parfois les services de la protection de l'enfance. Aujourd'hui, ces tests sont surtout utilisés pour des gens qui sont franchement majeurs et qui ont autour de 30 ans, comme le disait M. le rapporteur.
Nous nous sommes tous battus – et je le fais encore – contre ces tests, mais il faut reconnaître qu'ils sont désormais très peu utilisés pour les jeunes majeurs.
Les moyens choisis pour juger de la minorité des migrants, et plus globalement celle des mineurs non accompagnés, posent de vraies questions dont j'aimerais que nous puissions discuter autrement qu'à la faveur d'amendements à un projet de loi.
Je ne peux que réagir aux propos de Mme Obono. Vous agitez de grands concepts et de beaux principes : tout de suite, il est question de politique répressive alors que nous parlons de faits.
Vous parlez d'« obsession pour un outil défaillant », mais ce n'est pas du tout ce que j'entends sur le terrain ! Cela a déjà été souligné tout à l'heure, les magistrats ont besoin de ces tests ! Les procureurs, que je rencontre très régulièrement, me disent qu'ils sont démunis et qu'ils voudraient pouvoir utiliser davantage cette méthode.
M. le rapporteur en a rappelé les limites, mais nous en avons besoin. Cessons de dire qu'il faut abandonner cet outil !
L'amendement n° 232 n'est pas adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra