Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du mercredi 22 septembre 2021 à 21h30
Responsabilité pénale et sécurité intérieure — Article 5

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur :

Monsieur Bernalicis, cela fait deux fois que vous parlez d'un fonctionnaire de la préfecture de police. Vous pourriez au moins préciser qu'une enquête administrative est en cours. Avant de condamner, peut-être pourriez-vous prendre un peu de temps pour dire que la présomption d'innocence vaut pour tout le monde, étant entendu que chacun doit être irréprochable, à commencer par les cadres des préfectures, notamment ceux de la préfecture de police.

Vous pourriez donc parler de l'enquête administrative – ayant été agent du ministère de l'intérieur, vous savez qu'elles ne sont pas ouvertes pour rien –, mais aussi de la présomption d'innocence : cela vous évitera peut-être de faire ce que vous faites depuis quatre ans, une mise à l'index ad hominem des fonctionnaires qui ne sont pas là pour vous répondre, ce qui ne constitue pas un grand acte de courage.

J'entends bien vos arguments, qui, depuis mon entrée en fonction comme ministre de l'intérieur, il y a un peu plus d'un an – mais je vous avais aussi écouté avec intérêt les années précédentes –, sont les mêmes. En gros, votre position revient à dire que, puisque personne ne commet de délit le code pénal à la main, le code pénal et les peines ne servent à rien. À vous écouter, plus on augmente le quantum de peine, moins on résout les problèmes : à ce compte, il ne faudrait plus de code pénal ni de quantum de peine ; alors il n'y aurait sans doute plus de problèmes ou, à tout le moins, il n'y en aurait pas davantage. Ce reductio ad absurdum, on le voit bien, ne sert évidemment pas la cause que vous voulez défendre et ne saurait constituer une proposition alternative.

Aujourd'hui, quand vous conduisez sans permis, vous encourez un an de prison. Et la peine est exactement la même lorsque vous conduisez avec – ou sans – permis et que vous refusez d'obtempérer à un policier, à un gendarme ou à un douanier qui vous demande de vous arrêter : cela peut être parce que vous transportez de la drogue, parce que vous n'avez pas de permis, parce que votre voiture est volée, parce que vous venez de commettre un larcin ou tout simplement parce que vous avez envie de vous « taper » un flic – il y a cent cinquante façons de dire « zut » à la société : je veux rester poli dans l'enceinte du Parlement.

La personne qui conduit sans permis – en respectant le code de la route, sans se mettre en danger, mais en commettant tout de même une infraction, c'est entendu – encourt un an de prison, exactement comme celle qui utilise son véhicule comme une arme par destination, comme M. le rapporteur l'a rappelé avec force. Chaque année, des policiers et des gendarmes meurent car des personnes ne s'arrêtent pas à leur demande ; chaque année, des Françaises et des Français meurent car des gens conduisent n'importe comment – vous le savez bien, cela touche toutes les familles en France. Comment peut-on comprendre que la même peine s'applique ? C'est incompréhensible.

Il s'agit donc de doubler le quantum de peine et, encore une fois, de le soumettre à l'appréciation du juge. C'est également ce que précisait le garde des sceaux, qu'il faut citer complètement : il n'y a pas de plancher de condamnation.

Premièrement, n'attaquez pas les fonctionnaires ad hominem. Vous êtes tous bien placés, ici, pour connaître l'importance de la présomption d'innocence. Dans l'intérêt du débat public, nous pourrions peut-être entamer l'examen de la partie du texte qui me concerne en évoquant les principes qu'elle contient plutôt qu'en attaquant des personnes : cela nous changerait.

Deuxièmement, sur le fond, vous pratiquez le raisonnement par l'absurde : en gros, les peines inscrites dans le code qui leur est dévolu seraient inutiles dès lors que certains n'en continueront pas moins de commettre des crimes ou des délits.

Je pense donc avoir montré pourquoi votre amendement de suppression doit être rejeté. Par ailleurs, que proposez-vous, si ce n'est de refuser de pénaliser le refus d'obtempérer au volant ?

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