La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Suite de la discussion d'un projet de loi
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'article 19, examiné par priorité.
La parole est à M. Jean-Michel Mis, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour soutenir l'amendement n° 422 de la commission des lois.
Cet amendement de correction tend à rétablir la rédaction initiale du projet de loi.
La parole est à M. le ministre de l'intérieur, pour donner l'avis du Gouvernement.
L'amendement n° 422 est adopté.
La parole est à M. Jean-Michel Mis, rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 423 de la commission des lois.
Il vise à procéder à des ajustements et à des clarifications dans la rédaction de la disposition issue des travaux de la commission des lois relative à la simplification des procédures.
L'amendement n° 423 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 19, amendé, est adopté.
L'article 5 vient renforcer de manière substantielle les sanctions applicables au délit de refus d'obtempérer à une sommation de s'arrêter. Au nom du groupe LaREM, je tiens à saluer ces dispositions, tant il est à mon sens fondamental de prévenir et de sanctionner plus fortement ces comportements.
Refuser d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, c'est avant tout nier et contester l'autorité de l'État, la force du droit et de la loi, les règles permettant le vivre-ensemble, qui plus est au cœur de l'espace public. De tels comportements mettent en danger absolument toutes les personnes à proximité : les piétons, les cyclistes, les autres automobilistes et, bien sûr, les forces de l'ordre elles-mêmes, qui vont parfois jusqu'à payer du prix de leur vie leur engagement.
Ces faits sont loin d'être anecdotiques. Aujourd'hui, un refus d'obtempérer est recensé toutes les dix-sept minutes en France. Parmi les onze policiers et gendarmes décédés dans l'exercice de leurs fonctions en 2020, plus de la moitié avaient perdu la vie lors d'un refus d'obtempérer. Il nous faut à tout prix garantir la sécurité de nos forces de l'ordre et pacifier l'espace public.
Cet article contient une série de mesures d'ordre administratif et judiciaire qui le permettent. Ainsi, le permis de conduire du forcené pourra désormais être immédiatement retenu et le préfet pourra le suspendre provisoirement en cas de refus aggravé. La confiscation du véhicule sera également rendue plus simple et sera même systématisée en cas de récidive, tout comme l'annulation du permis de conduire.
Enfin, les peines sont alourdies. Elles sont portées à deux ans d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende et, en cas de mise en danger des forces de l'ordre réalisant ce contrôle, sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende seront encourus.
Dissuader le passage à l'acte, sanctionner plus lourdement les refus d'obtempérer, mieux protéger ceux qui nous protègent : tel est l'esprit de cet article qui, je l'espère, pourra être appliqué au plus vite pour le bien et pour la sécurité de tous.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement n° 222 , tendant à la suppression de l'article 5.
Il vise en effet à supprimer l'article, dans la droite ligne de l'argumentation développée tout l'après-midi par le garde des sceaux, qui a indiqué, en pointant la droite de l'hémicycle, qu'il était insupportable de passer son temps à alourdir le quantum des peines – de cinq à six ans, puis de six à huit ou dix ans – et leur échelle, sans parler de la création de nouveaux délits en vue de faire de l'affichage politique.
Il a même ajouté qu'il n'était pas démontré que l'augmentation du quantum de peine permettait de baisser de manière effective et efficace le niveau de délinquance. Les sciences sociales ont plutôt fait la démonstration inverse, mettant en évidence que cette augmentation n'a aucune espèce de conséquence. En effet, les personnes qui refusent d'obtempérer ne le font pas le code pénal à la main. D'ailleurs, on a constaté que les refus d'obtempérer sont parfois commis par des personnes membres du ministère de l'intérieur et des grands chefs de la police qui, à Paris, peuvent griller un feu rouge, refuser d'obtempérer et commettre un délit de fuite. Ce n'est pas moi qui le raconte mais Le Parisien. Certes, il y a un refus d'obtempérer toutes les dix-sept minutes mais, visiblement, il y en a un récent qui a dû vous occuper, monsieur le ministre de l'intérieur.
On voit donc que, finalement, cette politique n'est ni effective ni efficace, étant entendu que les refus d'obtempérer constituent bel et bien un problème. Cependant nous ne le réglerons pas, comme vous le faites, par un populisme pénal, l'effet cliquet ayant été documenté dans l'histoire du droit pénal. Je ne vous refais pas la leçon sur tout ce que nous apprennent les sciences sociales, mais cela justifie notre opposition à cet article et notre souhait d'en rester à l'état actuel du droit. Par ailleurs, et je passe sur les détails techniques, la confusion des peines ne sera plus vraiment possible : cela aussi pose problème. Pour toutes ces raisons, nous nous opposons à l'article 5.
Nous avons déjà eu ce débat en commission, aussi l'avis défavorable que j'émettrai ne vous surprendra guère, monsieur Bernalicis.
Il nous semble logique de déroger au principe de confusion des peines quand il revient à inciter la commission d'un délit faiblement réprimé : c'est le cas avec l'évasion et la rébellion, ce sera le cas avec le refus d'obtempérer. Il faut que le conducteur, même fautif, sache qu'il ne gagnera rien à appuyer sur le champignon s'il fait l'objet d'une demande de contrôle.
Je rappelle ce chiffre hallucinant : en France, on recense un refus d'obtempérer toutes les dix-sept minutes. Toutes les dix-sept minutes, donc, un chauffard refuse de se soumettre à la loi commune et choisit non seulement de se mettre en danger, de mettre en danger les autres automobilistes, mais également les passagers qu'il peut être amené à transporter. C'est une calamité à laquelle il nous faut mettre fin.
J'avais l'espoir que, entre l'examen en commission et en séance, des arguments seraient présentés quant à l'efficacité de cette mesure pour régler un problème, le refus d'obtempérer, dont je répète qu'il est réel. Or personne, pas plus le rapporteur que le ministre, que ce soit en commission ou en séance, n'est capable de nous dire si ce dispositif sera efficace, s'il se traduira par une diminution du nombre de refus d'obtempérer, mettons, de 10 ou 15 %. Dispose-t-on d'études sur des mesures antérieures qui montreraient qu'une augmentation du quantum de peine a entraîné une diminution du nombre d'infractions commises ? Existe-t-il un argument à même de nous rassurer et de nous convaincre de voter ce dispositif afin de diminuer le nombre de refus d'obtempérer ?
Parfois, le refus d'obtempérer provoque des drames : le fait de mettre en danger des policiers, de les percuter ou de les tuer constitue la situation la plus problématique. Parfois, il est commis par un grand patron de la police parisienne qui, ayant grillé un feu rouge, n'a pas envie de voir ses collègues et commet un délit de fuite. On peut rappeler qu'il y a un refus d'obtempérer toutes les dix-sept minutes, mais faisons preuve d'un peu de discernement : cela nous grandirait dans le cadre de la discussion parlementaire.
Monsieur Bernalicis, cela fait deux fois que vous parlez d'un fonctionnaire de la préfecture de police. Vous pourriez au moins préciser qu'une enquête administrative est en cours. Avant de condamner, peut-être pourriez-vous prendre un peu de temps pour dire que la présomption d'innocence vaut pour tout le monde, étant entendu que chacun doit être irréprochable, à commencer par les cadres des préfectures, notamment ceux de la préfecture de police.
Vous pourriez donc parler de l'enquête administrative – ayant été agent du ministère de l'intérieur, vous savez qu'elles ne sont pas ouvertes pour rien –, mais aussi de la présomption d'innocence : cela vous évitera peut-être de faire ce que vous faites depuis quatre ans, une mise à l'index ad hominem des fonctionnaires qui ne sont pas là pour vous répondre, ce qui ne constitue pas un grand acte de courage.
J'entends bien vos arguments, qui, depuis mon entrée en fonction comme ministre de l'intérieur, il y a un peu plus d'un an – mais je vous avais aussi écouté avec intérêt les années précédentes –, sont les mêmes. En gros, votre position revient à dire que, puisque personne ne commet de délit le code pénal à la main, le code pénal et les peines ne servent à rien. À vous écouter, plus on augmente le quantum de peine, moins on résout les problèmes : à ce compte, il ne faudrait plus de code pénal ni de quantum de peine ; alors il n'y aurait sans doute plus de problèmes ou, à tout le moins, il n'y en aurait pas davantage. Ce reductio ad absurdum, on le voit bien, ne sert évidemment pas la cause que vous voulez défendre et ne saurait constituer une proposition alternative.
Aujourd'hui, quand vous conduisez sans permis, vous encourez un an de prison. Et la peine est exactement la même lorsque vous conduisez avec – ou sans – permis et que vous refusez d'obtempérer à un policier, à un gendarme ou à un douanier qui vous demande de vous arrêter : cela peut être parce que vous transportez de la drogue, parce que vous n'avez pas de permis, parce que votre voiture est volée, parce que vous venez de commettre un larcin ou tout simplement parce que vous avez envie de vous « taper » un flic – il y a cent cinquante façons de dire « zut » à la société : je veux rester poli dans l'enceinte du Parlement.
La personne qui conduit sans permis – en respectant le code de la route, sans se mettre en danger, mais en commettant tout de même une infraction, c'est entendu – encourt un an de prison, exactement comme celle qui utilise son véhicule comme une arme par destination, comme M. le rapporteur l'a rappelé avec force. Chaque année, des policiers et des gendarmes meurent car des personnes ne s'arrêtent pas à leur demande ; chaque année, des Françaises et des Français meurent car des gens conduisent n'importe comment – vous le savez bien, cela touche toutes les familles en France. Comment peut-on comprendre que la même peine s'applique ? C'est incompréhensible.
Il s'agit donc de doubler le quantum de peine et, encore une fois, de le soumettre à l'appréciation du juge. C'est également ce que précisait le garde des sceaux, qu'il faut citer complètement : il n'y a pas de plancher de condamnation.
Premièrement, n'attaquez pas les fonctionnaires ad hominem. Vous êtes tous bien placés, ici, pour connaître l'importance de la présomption d'innocence. Dans l'intérêt du débat public, nous pourrions peut-être entamer l'examen de la partie du texte qui me concerne en évoquant les principes qu'elle contient plutôt qu'en attaquant des personnes : cela nous changerait.
Deuxièmement, sur le fond, vous pratiquez le raisonnement par l'absurde : en gros, les peines inscrites dans le code qui leur est dévolu seraient inutiles dès lors que certains n'en continueront pas moins de commettre des crimes ou des délits.
Je pense donc avoir montré pourquoi votre amendement de suppression doit être rejeté. Par ailleurs, que proposez-vous, si ce n'est de refuser de pénaliser le refus d'obtempérer au volant ?
Le ministre de l'intérieur a tout dit. Monsieur Bernalicis, c'est formidable, nous reprenons la séance comme nous l'avons quittée. Pour vous tout est parfait, tout va bien. Que vous doutiez de l'efficacité de la mesure, soit, mais comment discuter lorsque vous parlez tout de suite de « populisme pénal » ?
Une fois encore, revenons au terrain. Nos forces de l'ordre le disent, et cela a été rappelé au moins deux fois : il y a un refus d'obtempérer toutes les dix-sept minutes. Cela met en danger nos forces de l'ordre, mais aussi nos concitoyens. Quand on n'a rien à se reprocher, on obtempère et on s'arrête, tout simplement. Il faut donc agir, et je suis persuadée que cet article le permet.
Je suis un peu embêtée. Je partage votre réflexion et votre objectif : on recense un refus d'obtempérer toutes les dix-sept minutes, soit, et, nous en avons parlé avec le garde des sceaux, nous vivons dans un contexte de violence exacerbée à l'encontre des forces de l'ordre. D'une façon plus générale, dans nos circonscriptions, nous avons toutes et tous des exemples d'actes de violence commis contre une personne dépositaire de l'autorité publique – nous avons évoqué la situation des sapeurs-pompiers et des élus locaux, notamment : la liste est longue.
Toutefois, selon moi, la vraie question est celle de l'efficacité de la dissuasion par la peine. Je n'ai aucun problème avec le fait qu'il y ait une aggravation de la peine lorsque sont concernés des représentants de l'autorité de l'État – et je ne reviendrai pas sur la liste de ces représentants.
En revanche, je m'interroge sur la portée réellement dissuasive d'une telle mesure, doutant qu'elle soit efficace. En grossissant le trait, il me semble que cela revient à arrêter l'hémorragie, mais sans suturer. Pourquoi sommes-nous confrontés à une exacerbation de la violence ? La mesure que vous proposez ne répond pas à ce problème fondamental. La question de la restauration du lien de confiance entre les citoyens, entre les citoyens et les forces de l'ordre et, plus globalement entre les citoyens et l'autorité est un sujet qui doit nous inquiéter.
C'est la raison pour laquelle j'évoquais, hier, le renforcement du lien social et de la République sociale que j'ai envie de défendre, ce qui n'est pas complètement le cas ici. Si je ne suis pas favorable à la suppression de l'article, je plaide donc pour que, collectivement, nous poussions la réflexion plus avant.
J'avoue que ce que vient de dire ma collègue socialiste me trouble un peu. Elle dit douter de l'efficacité d'un renforcement des sanctions mais parle d'une mesure qui n'a pas encore été mise en place. C'est faire son procès a priori !
Ensuite, vous établissez un lien entre le renforcement des liens entre nos concitoyens et les forces de l'ordre d'une part, et le refus d'obtempérer d'autre part. Mais savez-vous ce qu'est un refus d'obtempérer ? À vous entendre, si les gens n'obéissent pas quand les policiers ou les gendarmes leur demandent de s'arrêter, c'est parce que la confiance serait rompue entre nos concitoyens et les forces de l'ordre : il faut se réveiller !
Nous parlons d'une infraction très grave à laquelle sont confrontées la police et la gendarmerie, et il faut donc la sanctionner très durement. Le rapprochement auquel vous vous livrez me semble parfaitement déraisonnable.
Tâchons de ne pas nous égarer, pour ceux qui nous écoutent. Aujourd'hui, gendarmes, policiers ou douaniers sont confrontés, toutes les dix-sept minutes, à un conducteur de véhicule qui refuse de s'arrêter alors qu'ils le lui demandent. C'est un phénomène dangereux, qui tue, pas seulement les forces de l'ordre mais tous nos concitoyens. Il faut donc absolument freiner l'inflation de ce type de comportements.
M. Terlier a raison, il n'est pas question ici du lien entre police et population, mais de bon sens : on s'arrête quand la police, la gendarmerie ou la douane demande de s'arrêter ; dans le cas contraire, on commet ce qu'on appelle un refus d'obtempérer. Soit il est simple et ne s'accompagne pas, a priori, d'une tentative d'homicide ; soit il va faire des blessures chez les forces de l'ordre, voire des morts – cela arrive chaque année.
Je suis devenu ministre de l'intérieur au lendemain de la mort de la gendarme Mélanie Lemée, qui, à 26 ans, a eu la jambe arrachée et est morte sur une route du Lot-et-Garonne parce qu'un conducteur refusait de s'arrêter. Pour ce refus d'obtempérer, cette personne risquait la même condamnation que quelqu'un conduisant sans permis.
Vous vous interrogez, madame la députée El Aaraje, sur ce que pourrait changer notre texte. Il me semble pourtant que vous aviez pris connaissance des dispositions que nous proposons. Le législateur a, je crois, pour souci d'organiser le code pénal afin que les peines encourues soient proportionnées. Or, aujourd'hui, quelqu'un qui conduit sous l'emprise de stupéfiants ou d'alcool, sans faire d'autre infraction au code de la route, risque deux ans de prison ; celui qui commet un refus d'obtempérer, qu'il ait ou non consommé des stupéfiants ou de l'alcool, ne risque qu'un an de prison.
M. Ugo Bernalicis proteste.
Qu'est-ce qui est le plus grave ? Est-ce de conduire sous l'emprise de drogue ou d'alcool, mais en respectant le code de la route et en s'arrêtant quand les gendarmes le demandent ou est-ce, même en n'ayant rien consommé, de foncer sur les gendarmes avec sa voiture ? Cela devrait vous inciter à réfléchir.
Ensuite, outre que, pour éviter l'inflation législative, nous devons faire en sorte d'organiser les choses autrement, je déplore que vous n'ayez pas vu que cet article 5 contenait d'autres mesures qui pourraient s'avérer fort utiles. Ainsi, à l'heure actuelle, le permis de conduire d'une personne en infraction ne lui est pas retiré immédiatement. Est-ce logique ? Le retrait immédiat du permis ainsi que l'immobilisation du véhicule font donc partie des mesures administratives que nous proposons.
Cessez donc d'invoquer l'inflation législative ou le lien entre police et population.
Le fait est tout simplement que cet article 5 est réclamé par tous les policiers, tous les gendarmes, tous les douaniers, mais également, monsieur Bernalicis, par une très grande majorité d'élus locaux. C'est du bon sens : une voiture doit s'arrêter, si un policier ou un gendarme le demande. Car une voiture, cela peut tuer, et cela tue tous les jours – je m'excuse pour cette vérité de La Palice, mais c'est à ce prix qu'on peut se faire entendre dans cet hémicycle.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
L'amendement n° 222 n'est pas adopté.
Contrairement à l'amendement précédent, je propose d'augmenter l'amende qu'encourt une personne qui omet d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, et ce afin de la rendre plus dissuasive.
En commission, monsieur le rapporteur, vous m'avez dit que mon amendement vous posait un dilemme, parce que vous partagiez une partie de ma manière de voir et que vous envisagiez donc que cet amendement puisse être retravaillé pour la séance publique.
Je crois que nous sommes d'accord, vous et moi, sur le fait que la peine de deux ans d'emprisonnement est fréquemment associée dans le code pénal à une amende de 30 000 euros et non de 15 000 euros ; ce dernier cas existe cependant, m'avez-vous dit, notamment dans le cas de l'abandon de famille.
Certes, mais l'abandon de famille ne met pas en danger les forces de l'ordre, et mettre en danger nos policiers, nos gendarmes ou nos gardes champêtres constitue, me semble-t-il, une infraction d'un degré supérieur à l'abandon de famille, même si c'est un problème que je ne minimise pas.
Il en découle que la répression devrait être plus importante, d'où ma proposition de porter l'amende de 15 000 à 30 000 euros, à peine de prison identique.
Madame Ménard, j'avais en effet promis en commission de vous livrer le fruit de ma réflexion sur les questions soulevées en commission. Je vous confirme ainsi que le code pénal associe très majoritairement à la peine de deux ans d'emprisonnement une amende de 30 000 euros, à quelques rares exceptions près.
Cela étant, mes propos s'accompagnent d'une réserve, car, bien que nous parlions ici d'une infraction pénale, cette infraction pénale relève du code de la route, lequel retient des peines d'amende sans lien avec la règle de proportionnalité qui prévaut dans le code pénal. Ainsi, la conduite sous influence d'alcool ou de stupéfiants est punie de deux ans d'emprisonnement et de seulement 4 500 euros d'amende ; quand alcool et stupéfiants sont présents ensemble, ce sont trois ans d'emprisonnement et 9 000 euros d'amende ; dans le cas de conduite avec un permis invalidé, ce sont deux ans et 4 500 euros d'amende.
On peut certes s'interroger sur ce qui pourrait apparaître comme une permissivité étonnante du législateur vis-à-vis de cette forme particulière de délinquance, mais tout le code de la route est ainsi, et nous n'allons pas le refondre au détour de cet amendement. J'ajoute que 15 000 euros constituent déjà une amende se situant dans la fourchette haute. Je ne ferai donc malheureusement pas droit à votre réflexion : demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 3 , l'incrimination de refus d'obtempérer aggravé ne concerne que les conducteurs qui ont mis les policiers et les gendarmes en danger mais qui n'auront finalement pas causé de dommages. Un conducteur qui, par exemple, utiliserait son véhicule pour foncer en direction d'un membre des forces de l'ordre ou qu'il toucherait en lui causant une blessure serait poursuivi pour violences aggravées avec arme.
C'est une infraction dont nous avons singulièrement relevé le tarif à l'article 4 du projet de loi, et je propose donc que nous gardions un sens et de la cohérence dans la hiérarchie des peines, car on ne peut punir de la même manière, me semble-t-il, celui qui frappe délibérément un agent avec une arme et celui qui essaye de fuir un contrôle. Il faut punir la désobéissance, mais moins durement que l'hostilité.
Telles sont les raisons pour lesquelles j'émets, là encore, un avis défavorable.
Sur l'article 5, je suis saisie par La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
Merci, monsieur le rapporteur, pour ces précisions que n'avait pas apportées le ministre. Vous avez notamment bien distingué entre le refus d'obtempérer simple, et l'acte violent et hostile consistant à foncer délibérément sur les policiers ou les gendarmes.
Dans ce dernier cas, ce n'est plus le refus d'obtempérer qui va être poursuivi, mais sans doute la tentative d'homicide. Il faut donc remettre chaque chose à sa place, avec rigueur, pour y voir clair dans ce domaine où se rencontrent le code pénal et le code de la route.
C'est le contraire de ce qui sous-tend le populisme pénal, pour reprendre la terminologie des sciences sociales – ce n'est pas moi qui ai inventé cette expression –, qui consiste à augmenter l'échelle des peines en vue d'une communication politique visant à rassurer une partie de l'électorat à qui l'on montre que l'on entend renforcer la pénalisation, tout en sachant que cela n'aura aucun effet sur les causes des infractions et donc sur leur diminution, alors que c'est pourtant le but affiché.
Le ministre prétend que je veux supprimer le code pénal, mais ce n'est pas ce que j'ai dit ! En défendant mon amendement de suppression je ne refusais pas que l'on pénalise le refus d'obtempérer, mais souhaitais que l'on en reste à l'état actuel du droit, précisément pour lutter contre l'effet cliquet du populisme pénal : la succession des lois qu'il dicte fait que l'on commence par durcir d'un an à deux ans la peine d'emprisonnement sans permis, puis, quand arrive une nouvelle loi, on s'aperçoit que le refus d'obtempérer est moins sévèrement puni et qu'il faut donc, là encore, porter la peine d'emprisonnement d'un à deux ans, et ainsi de suite.
Au bout du compte, on aboutit à un accroissement global de l'échelle des peines, et les magistrats, qui, même s'ils sont souverains, ne sont pas sourds aux débats qui traversent la société, vont prononcer des peines plus lourdes – ce qui est d'ailleurs le but recherché. C'est ainsi que la durée moyenne d'incarcération s'élève dans le pays et, avec elle, la surpopulation carcérale, sans que baisse le taux de récidive, puisqu'il est démontré que l'incarcération favorise la récidive.
Il me semble donc qu'avoir une vision d'ensemble, politique, de ces problèmes serait plus intéressant.
Monsieur le rapporteur, vous me dites que le code de la route, ce n'est pas le code pénal. J'entends bien, mais c'est leur faire insulte à nos forces de l'ordre que de comparer le défaut de permis de conduire et la mise en danger de nos policiers. Or le refus d'obtempérer, même s'il ne s'accompagne pas d'une volonté d'agression du policier ou du gendarme peut avoir comme conséquence leur mise en danger.
Le rapporteur et le ministre l'ont rappelé : il se produit un refus d'obtempérer toutes les dix-sept minutes ! Au reste, je ne répondrai pas aux digressions de M. Bernalicis sur ce point. Quoi qu'il en soit, en augmentant le montant des amendes, on enverrait un signal très fort aux forces de l'ordre, à qui l'on manifesterait tout notre soutien – dont elles ont besoin compte tenu du nombre sidérant de refus d'obtempérer. Au contraire, minimiser la sanction financière produirait l'effet inverse, alors que ce texte nous donne l'occasion de la renforcer. Nos forces de l'ordre, qui nous protègent et à qui nous devons de les protéger, y seraient très sensibles.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 44
Nombre de suffrages exprimés 44
Majorité absolue 23
Pour l'adoption 42
Contre 2
L'article 5 est adopté.
L'article 6 vise à transformer la réserve civile de la police nationale en réserve opérationnelle. Il vise surtout à montrer tout l'intérêt que présente une réserve, dans la gendarmerie comme dans la police. La réserve de la gendarmerie compte quelque 35 000 réservistes ; celle de la police, environ dix fois moins. Or nous devons augmenter les effectifs de la police nationale – et je salue l'action menée en ce sens, monsieur le ministre.
La réserve permet d'aider les gendarmes et les policiers d'active et de renforcer leur présence sur le terrain quand, lors de manifestations ou d'autres événements, ils ne s'y trouvent malheureusement pas en nombre suffisant.
Pour fournir cette aide, les réservistes doivent pouvoir conserver leurs qualifications. Je suis très satisfait que cet article reprenne une proposition de loi que j'avais déposée avant de la transformer en amendement au projet de loi pour une sécurité globale, adopté en commission mixte paritaire mais malheureusement censuré par le Conseil constitutionnel. La mesure en question consiste à ce que d'anciens agents et officiers de police judiciaire conservent ce statut après avoir rejoint la réserve une fois retraités. Je m'en réjouis, car elle aidera beaucoup les policiers et gendarmes d'active.
Il reste des lacunes dans le dispositif ; je défendrai plusieurs amendements à l'article pour les combler. Je tiens néanmoins à me féliciter des améliorations que le texte apporte sur ce sujet et à saluer les efforts consentis par le Gouvernement et la majorité pour y parvenir.
Nous ne nous opposerons pas à l'article 6, qui crée la réserve opérationnelle de la police nationale.
« Ah ! » sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ne feignez pas l'étonnement, chers collègues : pour ceux d'entre vous qui ont siégé en commission, ce n'est pas un scoop. Cette mesure figure dans « L'avenir en commun », le programme de La France insoumise, et nous l'avons proposée sous la forme d'un service citoyen obligatoire de neuf mois, avec une composante militaire, une composante civile – notamment dans les services de sécurité, de la police et de la gendarmerie aux douanes – ainsi qu'une composante associative, en particulier dans le domaine de la lutte contre le dérèglement climatique.
En clair, c'est une bonne nouvelle. Hélas, à la lecture de l'étude d'impact, on constate qu'on est bien loin de ce que racontait le Président de la République pendant le Beauvau de la sécurité – il annonçait une réserve opérationnelle comptant des dizaines de milliers de membres, mais la réalité est plus modeste : deux à trois mille réservistes seront recrutés chaque année pendant deux ans – et, surtout, il nous est dit que l'objectif, ce sont les Jeux olympiques, car il faudra mobiliser des gens. Quel dommage ! Ce ne doit être ni le sens ni l'objectif de la réserve opérationnelle. Je préfère votre argument concernant le rapprochement entre la police et la population.
Cet article manque de garanties nous assurant que la réserve complétera l'action de la police, mais qu'elle ne s'y substituera pas. Il faut aussi prévoir toutes les garanties nécessaires en matière de formation initiale et continue, car on ne saurait envoyer au débotté des réservistes sur le terrain, a fortiori s'ils sont encadrés par des fonctionnaires titulaires qui, eux, ne voient pas forcément d'un bon œil cette charge de travail supplémentaire.
En somme, il reste encore bien des étapes à franchir. De nombreux éléments du texte renvoient à des décrets d'application, ce qui n'est guère rassurant car rien ne nous en est dit, pas même dans les annonces du Président de la République ; je souhaite que le Gouvernement, qui n'était pas présent en commission sur ce sujet, nous explique davantage le fonctionnement concret de la réserve opérationnelle.
Nous n'avons naturellement aucune opposition a priori à cet article qui vise à transformer la réserve civile de la police nationale en réserve opérationnelle. On sort néanmoins du champ de l'activité de la police, strictement encadré sur le plan législatif et réglementaire – c'est une garantie de sécurité pour tous les citoyens. Nous souhaitons donc obtenir davantage de garanties concernant le type de recrutements, les missions confiées aux réservistes, leur formation. À titre conservatoire, nous souhaitons qu'une réflexion soit ouverte sur l'autorisation de port d'arme pouvant être accordée aux réservistes. D'autre part, nous souhaitons que soient au moins explicitées les aptitudes nécessaires à l'exercice de leur mission, et qu'ils suivent une formation solide.
L'article 6 vise à transformer la réserve civile de la police nationale en réserve opérationnelle, à l'instar des réserves de la gendarmerie et des armées. Cette transformation permettra de clarifier le cadre juridique de la réserve civile de la police et de la rendre plus efficace grâce à plusieurs mesures : une nouvelle dénomination des missions pouvant être confiées aux réservistes, puisque la réserve civile s'appellera désormais réserve opérationnelle ; la réécriture des missions de cette réserve, qui consisteront à apporter un renfort temporaire aux missions de sécurité intérieure, ainsi qu'aux missions de solidarité en France et à l'étranger, à l'exception des missions de maintien et de rétablissement de l'ordre public. L'objectif est donc de renforcer les capacités opérationnelles des services de police en ouvrant la possibilité de confier à des réservistes spécialement formés des prérogatives étendues sous la responsabilité de fonctionnaires de la police nationale.
Autres mesures prévues : le recul de 65 à 67 ans de la limite d'âge doit permettre à des experts de se maintenir en exercice et de porter la durée d'exercice de un à cinq ans ; la possibilité pour les réservistes issus de la société civile de porter une arme à l'issue d'une formation qualifiante, lorsqu'ils participent à des missions les exposant à un risque d'agression. Un amendement à la loi pour une sécurité globale, adopté au Sénat, étend aux futurs réservistes la période obligatoire de formation initiale prévue pour les policiers adjoints. En outre, un parcours de carrière de réservistes et des grades seront introduits, à l'instar de ce qui existe dans la gendarmerie nationale. Enfin, pour accroître la capacité opérationnelle de la police et répondre aux besoins de certaines grandes zones urbaines, il est proposé de permettre aux réservistes qui sont des policiers retraités de conserver la qualification d'officier de police judiciaire qu'ils détenaient lorsqu'ils étaient actifs.
Cette transformation conduira au recrutement de 70 % des effectifs de la réserve opérationnelle dans la société civile. Son objectif n'est pas de remplacer les effectifs mais bien d'apporter un appui à des interventions précises. Elle doit permettre de renforcer le lien entre la population et la police, de favoriser le sentiment d'appartenance des réservistes citoyens à l'institution et d'accroître la capacité opérationnelle de la police nationale.
Applaudissement sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Comme nous l'avons dit lors de la discussion générale, ce texte suscite dans notre groupe de nombreuses réserves, voire de l'hostilité, mais nous sommes favorables à certains articles – l'article 5 par exemple, sur lequel je ne me suis pas exprimé et qui vise à renforcer les sanctions en cas de refus d'obtempérer.
En revanche, nous demandons la suppression de l'article 6 car nous sommes très dubitatifs quant au choix de transformer la réserve civile de la police en réserve opérationnelle. Nous y voyons surtout un moyen détourné de pallier le manque d'effectifs qui, en dépit des efforts consentis ces dernières années et ces derniers mois, reste criant, comme on le constate hélas chaque jour dans nos territoires.
D'autre part, trois points au moins nous inquiètent dans cet article : l'autorisation du port d'arme accordée à l'ensemble des réservistes, y compris aux retraités et aux personnes issues de la société civile ; l'extension des missions d'officier de police judiciaire, au risque de dégrader davantage les procédures et le travail de la police ; enfin, le recul de la limite d'âge de 65 à 67 ans, qui ne nous paraît pas compatible avec le passage d'une réserve civile à une réserve opérationnelle.
En somme, cet article offre surtout, selon nous, le moyen de pallier un déficit de moyens, d'effectifs et de formation. Nous préférons les lois et mesures qui consistent à renforcer ce grand et beau service public qu'est la police nationale.
La parole est à Mme Lamia El Aaraje, pour soutenir l'amendement n° 316 .
Nous partageons pleinement les inquiétudes qui viennent d'être exprimées, ainsi que le constat qu'il existe un problème d'effectifs et un problème de moyens – nous y reviendrons sans doute lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF).
S'y ajoutent trois craintes qui motivent cet amendement de suppression. Nous craignons tout d'abord la création d'une police à deux vitesses, comme nous l'avons dit en commission – j'ai attentivement écouté votre intervention, monsieur le ministre, devant la commission des lois, mais je ne suis pas convaincue par vos arguments. Comment se déploiera cette réserve opérationnelle à l'échelle de tout le territoire, et comment évitera-t-on les disparités ?
Deuxièmement, quelles certitudes avons-nous concernant les effectifs ? Cette réserve opérationnelle ne va-t-elle pas compenser les problèmes d'effectifs rencontrés dans les territoires, surtout au vu des objectifs ambitieux que vous affichez ?
Enfin, sujet déjà évoqué, à quelle formation l'autorisation de port d'arme sera-t-elle adossée ? Nous jugeons inquiétante l'absence de formation initiale pour les agents ayant cessé leurs fonctions depuis moins de trois ans. Surtout, comment garantira-t-on que les réservistes, qui pourront être amenés à intervenir auprès de nos concitoyens, sont équipés des outils nécessaires ? On ne devient pas agent du service public de la police par hasard, et il ne suffit pas d'avoir cette vocation pour s'acquitter correctement de ses tâches.
On entend distiller des annonces relatives au recrutement, dans la perspective du projet de loi de finances. Là encore, pouvez-vous nous apporter des garanties sur les effectifs, une question qui nous inquiète ?
Ces amendements visent à supprimer l'article 6, qui prévoit la transformation de la réserve civile de la police nationale en réserve opérationnelle. Il ne s'agit pas d'un simple changement terminologique, mais d'une réforme nécessaire à plusieurs égards. La réserve civile a été créée en 2003 puis ouverte à l'ensemble des citoyens volontaires en 2011. Je rappelle qu'elle a pour but d'apporter un soutien aux forces de sécurité intérieure et d'exercer des missions de solidarité en France et à l'étranger, à l'exception des missions de maintien de l'ordre.
Près de vingt ans après sa création, force est de constater que le bilan de la réserve civile est assez contrasté : ses effectifs s'élèvent à 6 500 membres, soit quatre fois moins que ceux de la réserve de la gendarmerie, et seuls 20 % des réservistes sont des volontaires issus de la société civile, contre 70 % dans la gendarmerie.
L'article 6 a donc pour objectif de revitaliser la réserve civile en améliorant son attractivité, ce qui permettra d'augmenter et de diversifier ses recrutements, conformément aux conclusions du Beauvau de la sécurité. Pour ce faire, plusieurs mesures sont prévues : la mise en place d'une formation initiale obligatoire pour les réservistes issus de la société civile, comme l'a rappelé Mme Dubré-Chirat, l'autorisation donnée aux réservistes qui sont retraités de la police de conserver leur qualité d'officier de police judiciaire (OPJ), et la possibilité pour les réservistes, dans des conditions strictement encadrées, de porter une arme lorsqu'ils participent à certaines missions. Le texte prévoit également diverses dispositions facilitant l'articulation entre les éventuelles obligations professionnelles ou académiques des réservistes et leur engagement, afin qu'ils puissent rester sur leur territoire. En aucun cas la réserve opérationnelle n'est-elle conçue de manière à se substituer aux services actifs de la police nationale ; il s'agit d'un complément utile, dont on ne peut que se réjouir qu'il soit apporté par des citoyens engagés aux côtés des fonctionnaires de police, qu'il convient de renforcer. On consolidera ainsi le lien entre la police et la population, conformément à l'objectif du texte. Par conséquent, l'avis est défavorable sur ces amendements de suppression.
Je vais profiter de l'occasion pour répondre aux orateurs qui sont intervenus sur le bel article 6, qui crée la réserve opérationnelle. Nous avons déjà en partie débattu du sujet : chacun se souvient en effet que la réserve opérationnelle figurait dans la proposition de loi déposée notamment par Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot. Le Conseil constitutionnel a considéré que, si l'article portant création de la réserve opérationnelle de la police nationale répondait à un objectif noble – il ne l'a pas dit ainsi, mais il n'a pas jugé non plus cette disposition contraire à la Constitution –, il s'agissait à l'époque d'un cavalier législatif.
C'est la raison pour laquelle nous y revenons aujourd'hui, avec des arguments qui, je l'espère, répondront à vos interrogations. Je me permets d'évacuer très vite les questions sur les effectifs, qui, si vous me le permettez monsieur Peu, madame El Aaraje, me semblent obéir à des motifs plus politiques que sincères. Ce n'est pas à nous, qui avons augmenté les effectifs de 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires – ce qu'aucun autre gouvernement n'avait fait jusqu'alors – qu'il faut faire des reproches à ce sujet, surtout au regard de l'augmentation très importante des effectifs dans vos départements respectifs, en particulier la Seine-Saint-Denis. Qu'il faille encore augmenter les effectifs, c'est entendu ; un réel effort doit être consenti à cette fin, raison pour laquelle le projet de loi de finances présenté ce matin en Conseil des ministres prévoit de nouveau 2 000 policiers et gendarmes supplémentaires. Je serai très heureux de lire, dans les programmes présidentiels, qu'il faudra encore plus de policiers et de gendarmes, mais je n'ai pas encore entendu les candidats en parler ! Je suis quoi qu'il en soit très satisfait, et cette augmentation doit évidemment être poursuivie. Plus de policiers, plus de gendarmes : nous partageons manifestement une identité de vue qui ne m'était pas apparue lors des discussions budgétaires précédentes. Dont acte !
J'en viens au deuxième point, la formation. J'ai déjà eu l'occasion de dire à plusieurs reprises que la réduction du temps de formation des policiers et des gendarmes à huit ou neuf mois était une erreur. C'est pour cette raison que chacun devrait se réjouir de l'augmentation, inscrite dans le PLF déposé ce matin en Conseil des ministres, visant à porter à douze mois le temps de formation dès l'année prochaine. Vous avez eu tout à fait raison de souligner ce point, tout comme de rappeler la nécessité d'accroître la formation continue ; cela ne fait aucun doute.
J'en viens à la question de la réserve en tant que telle, objet de l'article 6. Sur ce point, notons-le – car une fois n'est pas coutume, si j'ose dire –, la gendarmerie sert de modèle à la police nationale. Nous le savons, et les élus des zones gendarmerie le savent, la réserve opérationnelle de la gendarmerie démontre, depuis des dizaines d'années, sa capacité à établir un lien avec la population et à assurer le déploiement des effectifs nécessaires. C'est le cas l'été, notamment, lorsque les gendarmes ont besoin de partir en vacances comme tout le monde, alors qu'une présence plus importante est parfois nécessaire.
Au sein d'une institution, les personnes venant de l'extérieur apportent une expérience utile pour éviter l'endogamie, l'enfermement et l'entre-soi, qui sont délétères pour toute organisation. Enfin, la réserve contribue à l'acculturation : elle permet d'exporter le sujet de la sécurité en dehors de l'institution. En discutant avec les gendarmes aux péages des autoroutes, vous constaterez que des boulangers, des étudiants ou des cadres s'engagent dans la gendarmerie nationale, et qu'ils portent une arme. Pour cela, bien sûr, ils doivent avoir suivi une formation qui sanctionne leur capacité à le faire, monsieur Bernalicis, dans des conditions prévues par la loi et par décret ; à défaut, ils n'y sont pas autorisés.
Il serait donc intéressant, pour la réserve opérationnelle de la police nationale, de suivre le même modèle que la gendarmerie. Vous évoquez l'étude d'impact, monsieur le député, mais celle-ci a été déposée avant le beau et grand discours tenu par le Président de la République à Roubaix, que vous avez sans doute entendu – je vous y ai vu ! Il y a un avant et un après Beauvau de la sécurité, ne vous en déplaise ! Le Président a évoqué des crédits très élevés, qui seront inscrits dans le budget pour 2022 : vous verrez que nous ne manquons pas de souffle pour la réserve opérationnelle de la police nationale. Ces crédits décidés après le dépôt du présent projet de loi témoignent d'une ambition rehaussée. Je m'en réjouis, puisqu'ils correspondent à la proposition que nous avions faite initialement pour la réserve. La gendarmerie nationale n'est d'ailleurs pas oubliée puisque, au bénéfice du même budget, elle verra ses effectifs augmenter de façon substantielle, le nombre de réservistes supplémentaires étant porté à 20 000 sur l'ensemble du quinquennat, dont quelques milliers dès l'année prochaine.
Ce que je souhaite pour cette réserve opérationnelle et pour toutes les réserves, y compris celle de la gendarmerie – je l'ai indiqué à ses dirigeants –, c'est qu'elle reste polyvalente et intervienne là où l'on a besoin d'elle, comme elle le fait déjà, mais aussi qu'elle puisse accueillir ceux qui souhaitent s'engager sur un thème en particulier, au bénéfice de la société. Nous ne thématisons pas assez les engagements des citoyens qui souhaitent rejoindre la police nationale ou la gendarmerie. Ils n'ont pas tous envie de porter un uniforme ou une arme, cela peut même parfois les déranger et il faut savoir l'entendre, mais ils ont envie d'épouser les causes de la police et de la gendarmerie, par exemple la lutte contre les violences conjugales.
Demain, la réserve opérationnelle pourrait permettre à des hommes ou à des femmes, à raison de deux, trois, quatre ou cinq jours par mois, d'aider les services de police ou les services sociaux qui leur sont rattachés, de se mettre à l'écoute des personnes qui déposent plainte et d'assurer un suivi des procédures de justice ou des dossiers de relogement. Si certaines personnes ont envie de donner du temps et d'agir non pas en faveur de toutes les causes de la police nationale mais de l'une d'entre elles, pourquoi ne le leur permettrions-nous pas ? Nous risquerions de les rebuter en les contraignant à participer à des contrôles routiers ou à des visites de brigades nocturnes. Au demeurant elles pourront tout aussi bien, si par exemple leur vécu les y incite, s'engager dans la lutte contre la drogue ou encore pour la sécurité routière – nombreuses sont les causes qui méritent d'être mises en avant.
La réserve opérationnelle dont nous parlons aujourd'hui est donc à la fois une réserve opérationnelle générale, sur le modèle de celle de la gendarmerie – si vous avez des craintes, voyez le professionnalisme et l'efficacité de la gendarmerie –, et un engagement citoyen s'incarnant dans une très belle institution, celle de la police nationale.
Jusqu'à présent, les réservistes étaient surtout des retraités de la police nationale – merci à eux ! Grâce à leur expérience, ces hommes et ces femmes participent souvent à la formation ou à l'accompagnement des jeunes policiers. Surtout, ils font le lien avec la population dans ce que l'on appelle la comitologie de la police nationale, au sein par exemple des groupes de partenariat opérationnel (GPO). Ayant été maire d'une commune, monsieur Bernalicis, j'ai souvent pu le constater. Ils sont peu nombreux et très méritants, et je salue leur action, mais leur rôle est différent de celui que joue la réserve de la gendarmerie dans le lien avec la population. Ces personnes sont donc évidemment concernées par la transformation de la réserve et, avec le présent texte, qui doit renforcer la confiance entre la police et la population, nous contribuons à répondre à leurs attentes.
Pour me résumer, je répète qu'il ne faut pas avoir peur du port d'arme puisqu'il sera subordonné à la sanction d'une formation ; d'autre part, ces mesures ne retirent rien à l'effort sans précédent d'augmentation des effectifs et de formation que nous consentons indépendamment de la réserve opérationnelle. Enfin, un gros travail devra être réalisé pour thématiser la réserve – ce qui ne signifie pas qu'il n'y aura pas de réserve générale. Au total, ce sera une belle politique publique que celle de la réserve opérationnelle de la police. Avis défavorable aux amendements.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Je vais apporter de l'eau à votre moulin, monsieur le ministre – une fois n'est pas coutume ! La réserve opérationnelle, c'est aussi la création d'emplois jeunes. Il y a, dans le département où je suis élue, un régiment de l'armée de terre auprès duquel une centaine de jeunes signent chaque année un contrat de quarante jours de travail. On pourrait envisager que la même possibilité soit ouverte au sein de la police. Je voudrais dire aux collègues qui sont en face de moi qu'il ne faut pas s'opposer à ce dispositif. À l'heure où les jeunes ne trouvent pas d'emploi, c'est à la fois un formidable outil et une source de recrutements, mais c'est aussi, disons les choses clairement, un moyen de les réconcilier avec la police. C'est pourquoi je tiens à appuyer l'article 6.
Je ne sais pas si l'on aura atteint le chiffre de 10 000 recrutements d'ici à 2022, mais on n'en sera pas loin, autour de 9 000. Je vous accorde ce point, monsieur le ministre, même si les conditions de recrutement et de formation de ces agents sont problématiques, avec une formation initiale de huit mois seulement. Peut-être aurons-nous l'occasion de revenir sur les annonces du Président de la République, que je qualifie d'arnaques : en effet, la formation doit passer de nouveau à douze mois, comme c'était le cas auparavant, mais en intégrant la formation d'OPJ, qui dure elle-même cinq mois.
Vous n'avez pas compris le discours !
C'est ce qu'a annoncé le Président de la République ! Peut-être démentirez-vous, mais c'est vous que cela regarde, monsieur le ministre. Au total, on nous arnaque de cinq mois et c'est un vrai problème : alors que nos voisins européens prévoient des formations initiales de deux ans et les Canadiens des formations de trois ans pour devenir gardien de la paix, nous aurions intérêt à élever le niveau de qualification et de compétences, dans l'intérêt des policiers eux-mêmes car ils doivent être armés dans tous les sens du terme – surtout dans la gestion des conflits auxquels ils sont confrontés.
Il y a suffisamment de policiers dans notre pays. Il faut maintenant arrêter les recrutements et stabiliser les effectifs. La France enregistre d'ailleurs l'un des taux les plus élevés de policiers par habitant en Europe ; cela mérite d'être souligné. La vraie question est : que leur demandons-nous de faire ? Qu'attendons-nous d'eux ? Souhaitons-nous qu'ils continuent de consacrer 30 % de leur activité aux infractions à la législation sur les stupéfiants ? L'activité judiciaire doit-elle être essentiellement consacrée à la lutte contre les stupéfiants, et plus particulièrement à la répression de la consommation de cannabis ? Je pense pour ma part, en dépit de la création de la réserve, qu'il faudrait légaliser le cannabis pour redonner des marges de manœuvre aux policiers et aux gendarmes.
Vous ne ferez pas l'économie, monsieur le ministre, de la création de nouvelles écoles de police pour le renouvellement des effectifs de policiers actuels et, surtout, pour votre future réserve. Il faudra bien former les réservistes quelque part ! On ne va pas faire ça à l'arrache dans des Algeco ! Il est important que nous disposions d'éléments très concrets et précis à ce sujet.
Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre réponse circonstanciée. Nous ne partageons pas totalement votre constat et je ne suis pas totalement convaincue, je ne vous le cache pas, par les arguments que vous avez avancés. Une chose est sûre, en tout cas : la répétition à l'envi d'un certain nombre de chiffres et d'une ambition n'en fait pas une réalité mais, au pire, une incantation et, au mieux, un vœu pieux. Nous avons beau analyser les budgets précédents et le budget en cours, nous ne retrouvons pas le chiffre de 10 000 que vous avancez concernant l'augmentation des effectifs. Nous aurons sans doute l'occasion d'en reparler – je vois que vous n'êtes pas d'accord avec moi ! Au cours du quinquennat précédent, les effectifs policiers ont bien augmenté de 10 000 personnes. Vous pouvez me dire que votre gouvernement est le premier à le faire mais ce n'est pas la réalité, et vous le savez très bien.
Nous aurons l'occasion de reparler de cet objectif politique que vous affichez, et que nous partageons. Je ne vois pas en quoi il serait honteux de reconnaître que les effectifs ne sont pas assez nombreux aujourd'hui et que nous partageons l'objectif de les augmenter. Nous devrions plutôt nous en réjouir et, à partir de là, chercher des solutions.
Concernant le Beauvau de la sécurité, je répète ce que j'ai déjà dit hier : vous pouvez nous dire qu'il s'agit de la plus grande avancée qui soit mais, à ce stade, on n'en voit pas la traduction. Les conclusions annoncées nourrissent un programme présidentiel, soit, mais, à ce stade, elles n'ont aucune traduction législative.
Dans ce cas, nous en discuterons lors de l'examen du budget. Mais les annonces faites par le Président de la République, que vous avez évoquées en répondant à mon collègue Bernalicis, concernent le prochain quinquennat.
C'est dans le prochain budget, vous n'avez pas suivi ! Il est sur internet : lisez-le !
Nous nous opposons à ce que les réservistes aillent prêter leur concours à l'étranger. La question avait été rapidement évoquée en commission des lois. Selon notre conception de la réserve opérationnelle, celle-ci n'a pas à intervenir à l'étranger. Il existe de nombreuses autres modalités permettant de faire appel, pour une intervention à l'étranger, à une personne qui dispose de compétences particulières. Il nous semble utile de rappeler que c'est sur le territoire national, en métropole et en outre-mer, que la réserve opérationnelle peut se déployer et tisser une relation avec la population. Son rôle n'est pas d'intervenir dans une ambassade, par exemple : une telle mission relève d'autres prérogatives, d'autres modalités de recrutement et d'affectation. Il n'y a donc pas lieu de préciser que la réserve peut intervenir à l'étranger.
Nous avons déjà eu cet échange en commission des lois et je vais répéter la réponse que j'avais alors apportée à Mme Obono. L'article L. 411-7 du code de la sécurité intérieure prévoit déjà que les membres de la réserve civile de la police puissent être amenés à effectuer des missions en dehors du territoire national. De ce point de vue, l'article 6 n'implique aucune évolution.
Sur le fond, l'intervention de ces réservistes à l'étranger revêt un caractère exceptionnel. Elle correspond à des cas qui requièrent des expertises particulières de la part de réservistes retraités des corps actifs de la police nationale pour des missions très ponctuelles, par exemple, auprès des attachés de sécurité intérieure au sein des consulats ou des ambassades. Elle concerne donc des effectifs très limités dotés de compétences spécifiques.
C'est pourquoi, dans la mesure où l'article 6 ne modifie pas ce qui est déjà prévu dans la loi, l'avis de la commission sera défavorable.
L'argument selon lequel cette possibilité est déjà prévue par la loi n'est pas de nature à emporter ma conviction.
Par ailleurs, pour répondre aux besoins que vous évoquez, il existe d'autres moyens que ceux de la réserve opérationnelle. Il ne faudrait pas la dénaturer en opérant une confusion avec la réserve civile actuelle, composée essentiellement de retraités. Elle est appelée à être formée de citoyens volontaires, et j'espère qu'ils constitueront la majorité de ses effectifs, comme c'est le cas pour la réserve opérationnelle de la gendarmerie.
La rédaction actuelle de l'article 6 implique que l'on puisse projeter à l'étranger n'importe quel membre de la réserve opérationnelle. Aucun critère précis, comme le fait d'être un ancien policier d'active, n'est indiqué. Il n'y a aucune garantie. Or je ne voudrais pas que demain, si le gouvernement belge nous demande des renforts en cas de manifestations, on envoie des réservistes. Cela n'aurait pas de sens, ce serait ubuesque !
L'amendement n° 223 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 4 .
Cet amendement de précision vise à s'assurer que la réserve opérationnelle de la police nationale viendra bien s'ajouter aux effectifs des fonctionnaires d'active. Si la réserve opérationnelle peut être d'une aide considérable, il ne faudrait pas que son existence limite d'une façon ou d'une autre l'augmentation des policiers d'active. Cela va mieux en le disant.
Cet amendement me semble superfétatoire. Les réservistes n'ont bien évidemment pas vocation à se substituer au corps actif de la police nationale, dont les effectifs ont augmenté grâce au recrutement de 10 000 fonctionnaires depuis 2017, comme le ministre vient de le rappeler.
L'alinéa 5 de l'article précise déjà que la réserve opérationnelle est destinée à des « missions de renfort temporaire des forces de sécurité intérieure ». Il n'y aucune ambiguïté possible sur ce point.
Pour ces raisons, demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 4 n'est pas adopté.
Il prévoit une formation initiale pour tous les futurs membres de la réserve opérationnelle, le texte limitant cette formation aux citoyens volontaires. Certes, il semble essentiel que les personnes n'ayant jamais travaillé au ministère de l'intérieur puissent en suivre une, mais, comme je l'ai déjà dit en commission, j'estime que les retraités de la police nationale devraient aussi être concernés, d'autant qu'ils peuvent n'incorporer la réserve que plusieurs années après avoir pris leur retraite. Pour eux, la formation n'aurait pas besoin d'être très longue – deux ou trois semaines suffiraient –, mais elle reste nécessaire.
Le positionnement n'est en effet pas le même selon que vous êtes fonctionnaire d'active dans une brigade ou dans une unité ou bien membre de la réserve opérationnelle, laquelle a d'autres missions, d'autres prérogatives, d'autres modalités de fonctionnement. Chaque fois qu'une personne intègre la réserve opérationnelle, il faut mener un travail sur ce nouveau positionnement, y compris en direction des anciens policiers d'active. Ce serait une garantie supplémentaire.
Votre amendement vise à étendre obligatoirement la formation initiale à tous les réservistes, quels que soient leur profil et leur parcours professionnel. Autant une formation initiale me semble bienvenue et même indispensable s'agissant des réservistes issus de la société civile ou des anciens policiers adjoints qui auraient quitté la police depuis plus de trois ans, autant elle me paraît superflue pour les retraités de la police nationale ou les ex-policiers adjoints ayant récemment quitté leurs fonctions.
Ces volontaires ont une expérience, des connaissances et des aptitudes acquises grâce à leur parcours au sein de la police que les réservistes issus de la société civile ne possèdent pas. Étendre l'obligation de formation initiale à tous les réservistes sans distinction, sans prendre en compte leur profil et leur expérience précédente, ne me semble ni utile ni souhaitable.
Par conséquent, avis défavorable, comme en commission.
Je vous adjure de m'entendre, d'autant que mon intention n'est nullement critique. Nous ne disons pas que tout le monde doit avoir la même formation initiale, mais que chacun doit en recevoir une. C'est la raison pour laquelle nous prévoyons un décret : vous pourriez envisager quatre mois avec tels ou tels critères pour les personnes venues de l'extérieur et seulement une semaine pour les retraités de la police afin de leur expliquer le nouveau positionnement.
Je n'invente rien, du reste. Quand un policier change d'unité ou de service, il reçoit une formation d'une à trois semaines pour connaître les nouvelles missions liées à son poste. Évidemment, si elle était dispensée au moment de sa prise de fonction ce serait génial, mais elle est souvent donnée avec six mois de décalage – telle est la vie du ministère de l'intérieur et ce n'est pas près de changer, malheureusement.
Prévoir une telle formation initiale serait de bonne gestion. Cela éviterait de dénaturer la réserve opérationnelle ; sinon, des policiers à la retraite risquent de se comporter comme lorsqu'ils étaient policiers d'active alors que, objectivement, ils ne le seront plus.
Je souscris à cet amendement. Vous avez évoqué, monsieur le ministre, la possibilité que les membres de la réserve soient affectés à des missions particulières, par exemple la lutte contre les violences conjugales, grande cause du quinquennat qui nous mobilise tous. Nous savons qu'il existe, sur cet enjeu, un plan de formation des policiers et des gendarmes déployé sur tout le territoire.
Parmi les membres de la réserve citoyenne, certaines personnes n'auront reçu aucune formation spécialisée alors qu'ils auront à faire face à des faits d'une particulière gravité. Il est pourtant très important que les personnes chargées de l'accompagnement des victimes de violences conjugales et des dépôts de plainte, missions que vous avez évoquées, monsieur le ministre, reçoivent une formation initiale spécifique – et c'est sûrement vrai pour d'autres sujets. Une telle formation est même un préalable nécessaire avant toute prise de fonction.
Qu'une formation soit nécessaire, c'est entendu. Mais une question se pose : est-ce le rôle du législateur de l'organiser ? La différence me semble nette entre la loi et le règlement, et il ne s'agit donc pas, ici, d'entrer dans le détail de cette formation. Gardons-nous d'énoncer des principes trop généraux, car le contenu même de la formation ne saurait être général : ce dont nous rendrons compte au Parlement, c'est de sa déclinaison dans le détail.
Je prendrai un exemple très concret, madame la députée. Il est évident que, pour une personne peu au fait des violences conjugales mais désireuse de se consacrer à cette cause dans le cadre de la réserve opérationnelle, une formation est indispensable, et je prends l'engagement devant vous qu'elle sera dispensée. Mais imaginons que des spécialistes de la question – avocats, présidents d'association, bénévoles ou même gendarmes puisque, si des policiers peuvent faire partie de la réserve de la gendarmerie nationale, la réciproque est possible également – veuillent intégrer la réserve opérationnelle, il me semblerait bon que le responsable du programme soit libre de décider du contenu de leur formation. Pourquoi faire un cours sur le droit de la famille à un avocat spécialiste de cette matière ? L'objectif serait plutôt de le placer à bon escient quelques jours par semaine auprès d'un service enquêteur ou d'une assistante sociale. Peut-être leur faudra-t-il quelques heures de formation pour présenter le fonctionnement de la police nationale, mais on ne va pas leur apprendre leur métier en leur expliquant comment prendre en charge une dame qui viendrait déposer plainte.
J'entends le souci qu'exprime ici le législateur, mais j'espère vous rassurer en vous disant que les choses sont plus complexes. L'idée est d'aller dans le détail, et il ne me semble pas, à cet égard, que ce soit à la loi de définir l'intégralité du fonctionnement du ministère de l'intérieur.
Ce qui est très étonnant, monsieur le député, c'est qu'une telle formation est déjà prévue au sein de la réserve de la gendarmerie nationale. Vous avez, j'imagine, auditionné ses représentants ! Il est bien évident qu'une personne ne rejoint pas la réserve opérationnelle sans avoir reçu une formation lorsqu'elle est très éloignée du fonctionnement de l'arme dont elle s'apprête à se servir. Je sais que vous avez des doutes sérieux sur notre capacité à gouverner les affaires du pays mais, dans ce cas, j'estime qu'ils vont un peu trop loin. Vous connaissez bien ces questions : vous vous dites favorable à la réserve, mais il me semble que vous saisissez bien des occasions de vous y opposer.
L'amendement n° 346 n'est pas adopté.
Alors que nous nous apprêtons à transformer la réserve civile de la police nationale en réserve opérationnelle, et par là à en augmenter les effectifs et à en élargir les missions, il me semble indispensable de renforcer également la formation dont bénéficieront ces futurs réservistes en matière de lutte contre les discriminations.
Nous savons tous le fléau que constituent le racisme, l'antisémitisme et la haine et le rejet de l'autre au sein des sociétés. De tels comportements créent un climat nauséabond, divisent nos compatriotes et atteignent profondément note capacité à vivre ensemble. La réponse policière et judiciaire à ces actes est déterminante : elle permet de mieux connaître ces phénomènes, de les traiter en profondeur et de dissuader les auteurs de passer à l'acte ; elle apporte dignité et justice aux victimes. Toutefois cette réponse ne peut être efficace que si les agents publics qui en ont la charge sont suffisamment sensibilisés à ces problématiques et, surtout, savent quelle solution adéquate apporter.
Des efforts considérables ont déjà été déployés, notamment à travers la mise en place de réseaux de référents dédiés à ces problématiques au sein de la police, de la gendarmerie et de la magistrature. Je saluerai également la circulaire du 4 avril 2019 relative à la lutte contre les discriminations, les propos et les comportements haineux, qui a permis d'améliorer le traitement judiciaire de ces affaires.
À l'heure où la réserve opérationnelle de la police est appelée à monter en puissance, il est important que les réservistes soient eux aussi formés de manière satisfaisante à ces problématiques.
À cette fin, l'amendement précise que leur formation comportera « une sensibilisation aux enjeux liés à la prévention des discriminations et à la lutte contre celles-ci dans le cadre des actes de procédure que les réservistes auront à réaliser ainsi que des situations qu'ils seront amenés à rencontrer dans l'exercice de leurs missions ».
En tant que membre de la réserve opérationnelle de la gendarmerie, je confirme qu'il s'agit d'un excellent outil et d'un grand plus pour la gendarmerie. Je pense qu'il en sera de même pour la réserve opérationnelle de la police.
Nous partageons tous ici l'objectif que vise votre amendement, monsieur Tan. La lutte contre les discriminations est bien entendu un combat que nous devons mener au quotidien. Je sais que la police nationale souscrit à cet engagement qui se situe au cœur de nos valeurs républicaines. Cependant il ne me paraît pas opportun de détailler dans la loi un contenu précis et de descendre jusqu'au module de formation. Cela relève plutôt du pouvoir réglementaire. Même si nous avons tous à cœur les principes qui guident votre amendement, il me semble plus raisonnable que vous le retiriez ; à défaut, mon avis sera défavorable. Vous descendez trop finement dans la granulométrie des formations dispensées aux membres de la réserve opérationnelle.
Je retire mon amendement si M. le rapporteur s'engage à prendre cette dimension en compte.
L'amendement n° 383 est retiré.
Par cet amendement, nous entendons fixer la limite du temps qu'un réserviste peut consacrer à la réserve opérationnelle à trente jours par an. Pour tout vous dire, je n'ai pas cherché midi à quatorze heures : j'ai tout simplement regardé comment fonctionne la réserve de la gendarmerie. Cela me semble plus utile que d'indiquer vingt-quatre heures par semaine, contrainte un peu lourde qui implique pour le réserviste de segmenter son engagement en semaines. Le système que je propose offre plus de souplesse – un réserviste pourra être requis dix jours d'affilée si nécessaire – et apporte la garantie que les effectifs de la réserve viendront bien s'ajouter à ceux de la police et non s'y substituer. Nous resterons ainsi dans l'état d'esprit de ce à quoi doit servir la réserve opérationnelle de la police.
Je souhaite apporter une précision concernant l'amendement précédent, qui posait le principe d'une formation initiale pour tous les réservistes et renvoyait la fixation des modalités concrètes à un décret. C'est dommage, monsieur le ministre ! Il vous invitait à définir ces conditions d'application au sein de votre ministère et à préciser, en fonction de son profil, que telle personne aurait par exemple besoin de quatre jours de formation initiale sur tel et tel élément avant qu'elle n'intègre la réserve opérationnelle. Je ne disais rien de plus. Vous ne voulez pas l'entendre, c'est regrettable et malheureux.
Je connais suffisamment le ministère de l'intérieur et l'histoire des directions de la formation – direction supprimée et ajoutée à la direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN), puis recréée et modifiée de nouveau –, pour me montrer insistant sur la question de la formation initiale et continue du ministère. D'ailleurs, si ce n'était pas un sujet, le Président de la République – ou monarque présidentiel, c'est comme vous voulez
M. Sylvain Maillard s'exclame
– n'aurait pas insisté lors du discours qu'il a prononcé à l'issue du Beauvau de la sécurité sur la nécessité d'augmenter de 50 % la formation continue au sein du ministère de l'intérieur. Oui, c'est un vrai sujet, auquel nous devons prêter attention.
Le plafond de la durée d'engagement au sein de la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale s'établit à soixante jours par an et peut-être porté, dans certains cas, à deux cent dix jours. Hors situation d'urgence, dans l'actuelle réserve civile de la police nationale, le plafond est fixé à quatre-vingt-dix jours par an pour les réservistes issus de la société civile et cent cinquante jours pour les réservistes retraités de la police nationale et les anciens policiers adjoints. Le projet de loi n'apporte donc aucune modification sur ce point et il ne semble pas utile de diminuer la durée maximale d'engagement au sein de la réserve de la police comme le propose votre amendement. Avis défavorable.
Vous avez raison, monsieur le rapporteur, la durée d'engagement au sein de la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale est de soixante jours dans les textes mais, dans les faits, elle est de trente jours. Je vous invite à consulter le site internet gendarmerie.interieur.gouv.fr, qui explique que l'engagement dans la réserve est de trente jours maximum par an. Il faudrait d'ailleurs modifier les textes relatifs à la réserve opérationnelle de la gendarmerie en ce sens. Peut-être pourrions-nous prévoir des situations exceptionnelles mais, encore une fois, il y a une spécificité de la gendarmerie du fait de sa militarité. Cela fait un chouia de différence avec la police nationale et on ne peut pas respecter un strict parallélisme des formes. À l'heure actuelle, je le répète, un réserviste, citoyen volontaire de la gendarmerie, n'est pas mobilisé plus de trente jours par an.
L'amendement n° 344 n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Michel Mis, rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 361 rectifié .
Le présent amendement a pour objet de repousser la limite d'âge des spécialistes réservistes de 67 à 72 ans, dans un souci de cohérence avec l'actuelle limite d'âge applicable aux spécialistes de la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale, telle que prévue par l'article L. 4221-2 du code de la défense.
Outre un alignement bienvenu des limites d'âge applicables au sein des deux réserves s'agissant des seuls réservistes spécialistes, cet amendement vise également à élargir le vivier des candidats à la réserve opérationnelle parmi les volontaires retraités issus de la société civile. Au terme de leur carrière professionnelle, ces derniers peuvent en effet vouloir intégrer la réserve opérationnelle afin de réaliser des tâches d'expertise relevant de leur domaine de compétences, faisant ainsi bénéficier utilement la police nationale de leur expérience et de leurs aptitudes.
L'amendement n° 361 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il s'agit d'un amendement de suppression de l'alinéa 21 et, en même temps, d'un amendement d'appel. Nous avons manqué de temps pour parvenir à le rédiger précisément. Notre intention première est la suivante : le groupe La France insoumise ne souhaite pas que les membres de la réserve opérationnelle, notamment les citoyens volontaires qui s'y engageront et accompliront demain, je l'espère, des missions de police de proximité, disposent d'une arme à feu. L'amendement mériterait d'être reformulé puisque, en l'état, il vise à interdire tout port d'arme de façon générale, ce qui n'est pas exactement le même débat.
Il s'agit d'un amendement d'appel car nous aspirons à recréer demain une police de proximité, dont la composante essentielle ne serait pas pourvue d'une arme à feu. Cela ne signifie pas qu'elle ne bénéficierait pas du soutien de ses collègues ni qu'elle ne disposerait pas d'autres types d'armes de défense. Mais elle ne serait pas dotée d'une arme à feu, parce que nous pensons que suffisamment d'armes circulent en France, à l'origine de problèmes et de suicides au sein de la police ; rappelons que les premières victimes des armes à feu des policiers sont les policiers eux-mêmes. Nul besoin de continuer à en distribuer, notamment aux réservistes.
Je sais qu'on le fait déjà pour ceux de la réserve opérationnelle de la gendarmerie et je souhaiterais d'ailleurs, par parallélisme des formes s'agissant des tâches de proximité, que l'autorisation de détention d'une arme à feu par les réservistes de la gendarmerie nationale soit supprimée, sachant qu'un réserviste ne patrouille jamais seul. En toute logique, il doit être accompagné de fonctionnaires titulaires qui sont détenteurs, quant à eux, d'une arme à feu. Telle est notre conception de la réserve opérationnelle.
Votre amendement vise à supprimer l'extension de l'autorisation du port d'arme dans le cadre des missions de la réserve opérationnelle. Aujourd'hui, le port d'arme au sein de la réserve de la police n'est autorisé que pour les réservistes retraités et les anciens policiers adjoints, alors qu'il est ouvert, sous conditions, à l'ensemble des réservistes de la gendarmerie, ce qui participe de la valorisation de leurs missions. Suivant cet exemple, l'article 6 rend possible le port d'arme à l'ensemble des réservistes de la police nationale, lorsqu'ils participent à des missions qui les exposent à un risque d'agression.
Bien entendu, cette autorisation ne peut pas être délivrée sans condition. Suivant l'avis du Conseil d'État, il est donc prévu qu'un décret encadre la délivrance de l'autorisation afin de définir l'autorité compétente en la matière, les types d'armes susceptibles d'être portées et l'ensemble des exigences de formation, d'entraînement et d'aptitude auxquelles seront soumis les réservistes concernés. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable.
Nous avons affaire à deux amendements identiques. Pardonnez-moi, monsieur Clément. Vous avez la parole pour soutenir l'amendement n° 372 .
Mon argumentaire rejoint celui de M. Bernalicis. Je viens d'entendre les explications de M. le rapporteur, selon lesquelles un décret en Conseil d'État précisera les conditions d'autorisation du port d'arme et permettra d'y voir plus clair sur cette dernière qui nous semble être octroyée un peu aveuglément.
Je reste, pour ma part, préoccupé par le port d'arme, qui n'est pas un acte anodin. Lorsqu'il s'agit d'un policier patenté, la question ne se pose pas : l'arme fait partie des outils mis à la disposition d'un professionnel de la police ; elle est différente, en revanche, lorsqu'il s'agit de personnes qui débutent, si j'ose dire, dans la profession. Or la réserve opérationnelle sera composée de personnes très différentes, qui pourront se retrouver face à des situations dans lesquelles elles ne seront pas à même de maîtriser l'usage de cette arme. Cela me paraît dangereux pour ces personnes, comme pour la société tout entière. C'est pourquoi nous proposons de supprimer l'alinéa 21 de l'article 6.
Ils visent à modifier la première phrase de l'alinéa 21 qui, dans sa rédaction actuelle, précise que : « Lorsqu'ils participent à des missions qui les exposent à un risque d'agression, les policiers réservistes peuvent être autorisés à porter une arme. » Je propose, avec l'amendement n° 6 , de modifier le début de cet alinéa en mentionnant que « Dans le cadre de leurs missions, les policiers réservistes sont autorisés à porter une arme. » ou, avec l'amendement n° 5 , que « Sauf contre-indication dûment justifiée, les policiers réservistes sont autorisés à porter une arme. »
En effet, définir le risque d'agression dans une mission est compliqué, dès lors qu'un policier en activité ou un réserviste peuvent être des cibles à tout moment et que le risque existe toujours. Pour ce qui est de l'amendement n° 5 , nous avons eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, les forces de l'ordre et, plus largement, tous ceux qui peuvent de près ou de loin être assimilés aux forces de l'ordre, du réserviste à l'agent de surveillance de la voie publique (ASVP), en passant par le policier municipal ou le gendarme, peuvent malheureusement être pris pour cibles. Il est donc nécessaire de leur donner la possibilité de se défendre et de les autoriser à porter une arme, de façon plus générale que ce qui est prévu à l'alinéa 21.
Vos amendements portent un regard inversé – en négatif si je puis dire – par rapport aux amendements précédents ; ils concernent les mêmes sujets et les mêmes préoccupations mais vous y apportez une réponse différente. Vous proposez en quelque sorte d'inverser la logique suivie par l'alinéa 21 et de prévoir de manière générale le port d'armes pour tous les réservistes, sauf quelques exceptions.
Je ne partage pas cette orientation : l'ouverture du port d'arme à l'ensemble des réservistes, selon des modalités que le décret précisera, doit être conditionnée à l'exercice de missions qui les exposent à un risque d'agression. Toutes les missions susceptibles d'être réalisées au sein de la réserve, notamment celles administratives, ne justifient pas ce type de dispositions. Par conséquent, j'émets un avis défavorable sur les deux amendements.
J'entends ce que vous dites, monsieur le rapporteur, mais encore une fois, tous ceux qui, de près ou de loin, peuvent être assimilés aux forces de l'ordre représentent une cible potentielle. Malheureusement, l'actualité récente a démontré que même des agents administratifs pouvaient être pris pour cibles. Je ne rappellerai pas les attentats terroristes survenus récemment, qui ont touché y compris des agents administratifs dans l'enceinte de commissariats de police. C'est pourquoi j'estime nécessaire d'élargir la protection due aux forces de sécurité.
La différence par rapport à l'amendement précédent relatif à la formation initiale est que celui-ci intègre la formation continue pour les réservistes qui rejoindront la réserve opérationnelle de la police nationale. Nous fixons le principe et vous laissons le soin, M. le ministre, de gérer le ministère jusqu'à ce que nous nous en occupions nous-mêmes.
Sourires.
Avis défavorable. L'objectif que visent ces amendements est en partie satisfait par la rédaction de l'alinéa 11 qui prévoit une formation initiale obligatoire pour l'ensemble des volontaires issus de la société civile, ainsi que pour les anciens policiers adjoints qui, même s'ils justifient d'au moins trois ans de service actif, ont quitté la police depuis plus de trois ans. C'est l'aboutissement d'un travail effectué en commission.
En revanche, comme je l'ai déjà précisé, il ne m'apparaît pas nécessaire d'étendre la formation initiale obligatoire aux réservistes retraités des corps actifs de la police nationale ni aux ex-policiers adjoints justifiant d'au moins trois ans de service actif et ayant quitté la police depuis moins de trois ans, car ils disposent, grâce à leur expérience, des connaissances et des aptitudes de base requises pour servir au sein de la réserve.
L'amendement n° 373 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur l'article 6, je suis saisie par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 7 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
L'amendement n° 7 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous nous opposons à ce que les retraités de la police nationale, qui avaient la qualité d'officiers de police judiciaire lorsqu'ils étaient en fonction, gardent cette qualification dans le cadre de la réserve opérationnelle : cela dénaturerait l'objectif de cette dernière. Être officier de police judiciaire est une tâche à plein temps, qui doit être dévolue à un fonctionnaire titulaire, habilité par le procureur de la République près de la cour d'appel – et non plus au niveau du tribunal, à la suite des lois récemment adoptées. La réserve opérationnelle ne doit pas se substituer à des OPJ qui mènent des enquêtes de long cours, voire plus brèves ; ce n'est ni son emploi, ni son utilité.
Vous proposez de supprimer la possibilité ouverte aux retraités de la police nationale de conserver leur qualité d'officier de police judiciaire lorsqu'ils exercent dans la réserve opérationnelle. Cette possibilité me paraît au contraire opportune, car elle constitue un facteur d'attractivité – la gendarmerie en bénéficie déjà. Elle incitera les OPJ récemment retraités à rejoindre la réserve. Cette faculté sera strictement encadrée : elle sera conditionnée à l'actualisation des connaissances et des aptitudes des intéressés, et fera l'objet d'une habilitation délivrée par le procureur général près de la cour d'appel. De plus, les OPJ réservistes ne pourront exercer les attributions qui relèvent de la qualité d'OPJ, et se prévaloir de cette qualité, que s'ils sont affectés à des missions qui impliquent de la détenir. Il s'agit par conséquent d'une mesure utile et parfaitement circonscrite. Aussi mon avis est-il défavorable.
À court terme, cette mesure permettra de répondre au manque d'OPJ : la police nationale n'en compte que 17 000, alors qu'ils devraient être 22 000 ; il en manque donc environ 5 000. Nous avons pris de nombreuses mesures pour accroître ces effectifs. Le nombre d'OPJ augmente, mais à court terme, le manque se ressent dans le fonctionnement de la police nationale – je ne m'en cache pas. Il est dommage de perdre, après leur départ à la retraite, la compétence des policiers nationaux qui ont obtenu cette qualification difficile, sous l'autorité judiciaire – d'autant qu'une grande partie d'entre eux prennent leur retraite avant 60 ans. Grâce à la mesure que nous proposons, nous pourrons continuer de bénéficier de leurs qualifications pendant un à cinq ans.
Ils resteront placés sous l'autorité du procureur de la République, et seul ce dernier pourra leur retirer leur qualité d'OPJ, s'il considère qu'ils ne sont pas à la hauteur de leur fonction – cela se produit.
Notez qu'il ne s'agit pas de demander aux policiers nationaux qui ont intégré la réserve opérationnelle d'obtenir la qualification d'OPJ, mais de continuer à bénéficier des compétences de ceux qui étaient déjà OPJ.
Enfin, les OPJ effectuent de nombreuses autres missions que les enquêtes au long cours dont vous parlez, monsieur Bernalicis. Certains exercent par exemple dans les BAC – brigades anticriminalité. Il y en a.
Il en manque peut-être – je pense qu'il en faudrait dans chaque équipage –, mais il y en a. D'autres peuvent constater des morts suspectes, contribuer à des perquisitions…
Ils peuvent procéder à des contrôles d'identité…
Je suis heureux de vous entendre reconnaître que les contrôles d'identité sont toujours encadrés par un OPJ…
C'est un progrès par rapport aux débats que nous avons eus il y a quelques mois ! Bien évidemment, tous les policiers n'ont pas la qualification d'OPJ. Il n'y a pas lieu de considérer que les OPJ sont cantonnés à des enquêtes au long cours sur de grands sujets financiers ou des meurtres « médiatiques ». Ils exercent de nombreuses autres missions dont nous avons besoin, et il est bien naturel que certains policiers aient une qualification d'OPJ – c'est une question de bon sens, comme l'a souligné l'un d'entre vous.
Notre intention n'est pas de ne recruter que des OPJ partant à la retraite pour constituer la réserve opérationnelle, mais de ne pas nous priver de cette compétence.
Je ne dis pas que la police n'a pas besoin d'OPJ. Vous avez d'ailleurs reconnu que vous en manquiez, et expliqué que vous espériez en garder quelques-uns grâce à cette mesure, en attendant d'en former d'autres. Dont acte ! Cela dit, vos propos ne font que me convaincre qu'il ne faut pas procéder de cette façon.
Quand on intègre la réserve, on n'est plus un fonctionnaire d'active, titulaire, et qu'on n'a plus à être OPJ. Je vous ai aidé à citer les petits actes pour lesquels on avait besoin d'OPJ, comme les fouilles, mais je ne suis pas allé jusqu'au bout ; en effet, les textes, tels que vous les avez rédigés – et tels que je les ai contestés – prévoient que ces actes se pratiquent sous le contrôle d'un OPJ : même s'ils sont supervisés par un seul OPJ, un grand nombre de réservistes peuvent en réalité pratiquer des fouilles – des agents de sécurité privée y sont même autorisés ! Vous constaterez que je suis de près les textes qui sont votés à l'Assemblée, même si je m'y oppose !
Nous n'avons pas la même conception des choses – je l'affirme tranquillement. Pour moi, celui qui intègre la réserve ne doit plus détenir la qualification d'OPJ : celle-ci peut impliquer des missions au long cours, que ne sauraient accomplir des réservistes présents trente jours par an.
En outre, l'habilitation et le contrôle dévolus au procureur s'exercent d'autant mieux qu'ils concernent un fonctionnaire qu'on voit régulièrement, et pas uniquement trente jours par an. Alors que l'habilitation est un acte ponctuel – un papier à signer, après quoi on ne se revoit plus –, le contrôle s'effectue différemment, non tant à l'occasion des fouilles que des vraies enquêtes conduites par le parquet ; c'est alors qu'intervient une notation. Gardons-nous de nous rassurer par des procédures certes nécessaires, mais bureaucratiques tout de même, qui sont souvent bien moins protectrices que nous le souhaiterions.
Je comprends donc votre point de vue, mais je m'oppose à votre disposition, sans acrimonie – d'où mon amendement de suppression. Les anciens OPJ peuvent parfaitement rejoindre la réserve opérationnelle et apporter leur aide à l'enquête, sans pour autant être des OPJ. C'est aux fonctionnaires d'active qui détiennent la qualité d'OPJ, et qui sont présents toute l'année, qu'il revient de signer les actes.
L'amendement n° 225 n'est pas adopté.
Comme je l'ai déjà souligné, cet article présente le grand intérêt de permettre à un policier ou à un gendarme ayant la qualification d'OPJ, de la garder lorsqu'il devient réserviste. Mes amendements visent à étendre cette possibilité aux policiers et aux gendarmes actifs, détenteurs de la qualité d'OPJ, qui voudraient rejoindre la réserve de l'autre corps. Cela relève du bon sens.
Ils s'inscrivent dans la philosophie de l'article 6 et apportent des précisions utiles : ils permettront d'élargir le vivier et de renforcer encore la réserve opérationnelle que nous souhaitons tous instaurer. Aussi mon avis est-il favorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 45
Nombre de suffrages exprimés 43
Majorité absolue 22
Pour l'adoption 40
Contre 3
L'article 6, amendé, est adopté.
Je suis saisie de deux amendements de suppression, n° 228 et 375.
La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l'amendement n° 228 .
Nous souhaitons supprimer l'article 7 qui vise à instaurer une vidéosurveillance dans les cellules de garde à vue. Vous aviez déjà fait voter cette mesure dans la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, mais elle avait été censurée par le Conseil constitutionnel, pour de bonnes raisons. Nous considérons qu'elle constitue toujours une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée, consacré par de nombreux textes.
L'exposé des motifs du présent projet de loi précise que « l'observation régulière des cellules de garde à vue permet de diminuer notablement les risques de suicide, d'automutilation, d'agression ou d'évasion ». Il s'agit là d'une réalité extrêmement préoccupante. Or, de notre point de vue – et nous ne sommes pas les seuls à le penser –, ces situations de détresse humaine ne sont pas tant le fruit d'une absence de vidéosurveillance, que des conditions de garde à vue particulièrement dégradantes, dans des lieux insalubres. C'est ce dernier sujet qu'il faut se privilégier.
Dans un récent rapport relatif aux conditions matérielles de garde à vue dans les services de police, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté décrit la « saleté innommable » des cellules, « les plus médiocres des locaux administratifs ». Elle en appelle à une politique de réhabilitation, et observe que les autorités s'étaient engagées à des travaux qui n'ont jamais été réalisés. Voilà un exemple, parmi tant d'autres, de ce qu'il serait nécessaire de faire – sans compter que les agents sont en trop petit nombre et insuffisamment formés pour prévenir les violences, notamment celles dont ils pourraient être victimes. La réponse ne réside donc pas dans la vidéosurveillance.
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l'amendement n° 375 .
L'article 7 vise à instaurer un système de vidéosurveillance dans les cellules de garde à vue. Le but de cette mesure est d'éviter, nous dit-on, les risques d'évasion ou les menaces pesant sur les personnes gardées à vue ou sur autrui. Dans plusieurs domaines, le Gouvernement a pris en considération la décision du Conseil constitutionnel du 7 mai 2021 relative à la loi « sécurité globale », en revoyant le cadre législatif de la captation d'image. Cependant, l'instauration d'une vidéosurveillance en continu dans les cellules de garde à vue constitue toujours une atteinte importante à la vie privée des personnes concernées. Un tel mécanisme semble disproportionné au regard des motifs avancés pour le justifier : en effet, l'évasion et le suicide demeurent très rares.
En outre, cette mesure s'appliquerait potentiellement à toutes les gardes à vue, sans distinction. Vu l'inadéquation et la disproportion de la mesure par rapport aux motifs invoqués, nous proposons de supprimer l'article 7.
Ma réponse sera peut-être un peu longue, mais le sujet est important – cela me permettra d'être plus bref par la suite. Sans surprise, la commission est défavorable à ces amendements de suppression de l'article 7 car il fixe un cadre législatif indispensable pour régir l'utilisation de la vidéosurveillance dans les locaux de garde à vue et de retenue douanière.
Actuellement, aucun encadrement législatif spécifique ne précise les conditions dans lesquelles la vidéosurveillance est mise en œuvre dans les cellules de garde à vue. Je considère que cet outil répond à un besoin opérationnel réel – les services de police et de gendarmerie l'ont confirmé lors des auditions. Il s'agit de renforcer la surveillance des personnes mises en garde à vue, pour prévenir les risques d'agression, de suicide ou d'évasion.
La proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés avait tenté de fixer des règles, mais celles-ci avaient toutes été censurées par le Conseil constitutionnel, au motif qu'elles ne conciliaient pas de façon équilibrée les objectifs de sécurité avec le droit au respect de la vie privée. En effet, la durée initiale du placement sous vidéosurveillance était de quarante-huit heures, et pouvait s'étendre à six jours moyennant une simple information du procureur. Le champ d'application de la mesure était également très large, puisqu'il concernait aussi les centres de rétention administrative – la vidéosurveillance pouvant donc atteindre quatre-vingt-dix jours.
L'article 7 a tiré toutes les conséquences de la jurisprudence constitutionnelle. Ainsi, le dispositif est restreint aux seules cellules de garde à vue, ainsi qu'aux retenues douanières, grâce à un amendement adopté à l'initiative du Gouvernement en commission. Il s'applique aux personnes lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'elles pourraient tenter de s'évader ou représenter une menace pour autrui ou pour elles-mêmes.
Par ailleurs, la durée initiale du placement sous vidéosurveillance s'élève à vingt-quatre heures ; l'autorité judiciaire en est informée et peut immédiatement y mettre fin. Le renouvellement de cette mesure est conditionné à l'accord de l'autorité judiciaire. La durée de conservation des données s'élève à quarante-huit heures après la levée de la garde à vue, contre trente jours dans la loi « sécurité globale ». Cette durée, adoptée en commission à l'initiative d'Antoine Savignat, me semble atteindre un point d'équilibre satisfaisant, sachant que la durée est de sept jours quand la personne gardée à vue demande la conservation prolongée des enregistrements.
Pour l'ensemble de ces raisons, ce dispositif me semble équilibré, opérationnel et respectueux des droits et des libertés des personnes gardées à vue. Mon avis est donc défavorable.
L'article 7 essaie de fixer une sorte de cadre à des situations qui existent puisque des locaux ont déjà des dispositifs de vidéosurveillance sans que cela ait fait l'objet de débats approfondis. On pourrait donc penser que c'est un élément positif puisqu'il y aura au moins un cadre. Pour autant, cela n'emporte pas la conviction parce que la plupart du temps les caméras de vidéosurveillance qui sont dans les cellules de garde à vue sont inopérantes, car dégradées.
M. le ministre proteste.
C'est ce que j'ai constaté lorsque je suis allé visiter le commissariat de Roubaix où les geôles ont depuis fait l'objet de travaux, ce qui est mieux pour tout le monde et surtout pour les agents qui étaient confrontés à des geôles insalubres. Ces caméras dysfonctionnent et elles créent finalement de nouvelles infractions, de nouveaux délits, de nouvelles problématiques auxquelles on n'était pas confronté auparavant.
Quand j'entends ce couplet selon lequel le dispositif est protecteur pour la personne, je me permets de répondre que l'article 7 prévoit que c'est le chef du service responsable de la sécurité des lieux qui décidera de placer la personne en garde à vue sous vidéosurveillance et non l'intéressé. Par ailleurs, cette décision est bien prise « au regard du comportement » de l'individu ; il n'est même pas de savoir s'il est éventuellement victime, par exemple, de violences d'agents de police. Il y a déjà des caméras qui filment non à l'intérieur des locaux de garde à vue, mais dans les couloirs des geôles. Et ce n'est pas non plus de cela que nous parlons.
Non, le dispositif n'est pas proportionné. Vous avez effectivement repris ce qu'ont indiqué le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel pour essayer que ça rentre dans les clous, mais les arguments de fond ne sont toujours pas plus pertinents que ceux qui avaient été avancés lors de l'examen du texte sur la sécurité globale. Notre position demeurera donc la même, sans parler du coût que cette mesure va générer. Ces sommes seraient plus utiles si on les consacrait à obtenir des locaux de garde à vue décents et au minimum dignes.
Effectivement l'article 41de la proposition de loi pour une sécurité globale avait été intégralement censuré par le Conseil constitutionnel. Avec l'article 7, vous avez voulu apporter des garanties au dispositif, des garde-fous qui restreindraient son périmètre d'intervention et limiteraient les atteintes portées au respect de la vie privée. Cependant, quelques trous dans la raquette demeurent. Aussi, le Conseil national des barreaux propose que la décision de placement sous vidéosurveillance, décidée par le chef du service responsable de la sécurité des lieux concernés ou son représentant, soit prise par « décision motivée ».
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l'amendement n° 384 .
Même argumentaire. La question de la motivation est toujours nécessaire en droit. On y gagnerait en clarté et en sécurité pour ceux qui prennent les décisions en motivant la décision qui conduit à placer la personne gardée à vue sous vidéosurveillance. Cette clarification nécessaire assurera le confort juridique de l'ensemble des acteurs disposés à appliquer ces dispositifs. La formulation des motivations doit être encouragée chaque fois que nécessaire.
Le placement sous vidéosurveillance doit être nécessairement justifié par l'existence de risques d'agression, d'évasion ou de tentative de suicide de la personne gardée à vue. En outre, le renouvellement de la vidéosurveillance est soumis à l'autorisation de l'autorité judiciaire compétente. Il n'y a donc pas lieu, à mon sens, de prévoir une exigence spécifique de motivation qui s'ajouterait aux conditions déjà fixées par la loi, sauf si l'on veut alourdir les contraintes administratives pesant sur les policiers et les gendarmes – mais nous souhaitons plutôt les alléger. Je ne pense pas qu'un tel alourdissement corresponde d'ailleurs à l'objectif de votre amendement. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 181 .
Il vise à supprimer la fin de l'alinéa 5 de l'article 7 qui précise que le placement sous vidéosurveillance de la personne placée en garde à vue est décidé par le chef du service responsable de la sécurité des lieux concernés « lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que cette personne pourrait tenter de s'évader ou représenter une menace pour elle-même ou pour autrui ». Les auditions des représentants des syndicats de police nous ont montré qu'une personne pouvait paraître complètement inoffensive au premier abord, puis se révéler dangereuse sans qu'il y ait eu nécessairement des signes avant-coureurs. Il me semble donc que les conditions énoncées dans cet alinéa risquent d'empêcher les forces de l'ordre de mettre en place une vidéosurveillance alors que celle-ci pourrait être nécessaire. Cette décision devrait relever de leur libre appréciation, sans qu'elle soit forcément subordonnée à « des raisons sérieuses de penser que cette personne pourrait tenter de s'évader ou représenter une menace ».
L'audition de représentants d'un syndicat de police a d'ailleurs fait mention d'une garde à vue illustrant la nécessité d'une vidéosurveillance, sans qu'il y ait nécessairement besoin d'un mobile particulier. Comme je l'ai dit en commission, deux hommes avaient été placés dans la même cellule au cours d'une garde à vue : le premier dormait et le second ne donnait aucun signe particulier d'inquiétude ou d'excitation. Pourtant, ce dernier a tué l'homme qui dormait sans qu'aucun signe avant-coureur n'ait pu être détecté. La vidéosurveillance devrait donc avoir un caractère automatique dans les commissariats possédant des caméras dans les cellules de garde à vue.
Il est nécessaire de maintenir la condition selon laquelle le placement en garde à vue dépend de l'existence de risques d'évasion, de tentative de suicide ou d'agression. C'est un élément de cadrage utile au dispositif. Dans un souci de proportionnalité afin que le placement sous vidéosurveillance soit réellement réservé aux cas qui le justifient, j'émets un avis défavorable.
L'amendement n° 181 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 148 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à rendre possible le recours à la vidéosurveillance durant la garde à vue, aussi longtemps que cela est nécessaire, y compris lorsque le temps de la garde à vue est allongé à cause des circonstances particulières de l'enquête. Il s'agit donc de ne pas limiter la durée de la vidéosurveillance à vingt-quatre heures.
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l'amendement n° 76 .
La vidéosurveillance dans le cadre de la garde à vue ne doit pas être limitée à vingt-quatre heures, d'autant plus lorsqu'elle concerne les cas les plus graves. C'est la raison pour laquelle le présent amendement de notre collègue Hemedinger propose de permettre la mise en œuvre du système de vidéosurveillance prévu à l'article 7 pendant toute la durée de la garde à vue.
La parole est à Mme Laurence Trastour-Isnart, pour soutenir l'amendement n° 302 .
Cet amendement de mon collègue Éric Ciotti vise à permettre la vidéosurveillance pendant toute la garde à vue et pas uniquement durant les premières vingt-quatre heures.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 33 .
Les amendements n° 33 et 35 ont le même objectif, mais énoncé différemment, que l'amendement n° 31 . Il s'agit d'anticiper le fait que toutes les gardes à vue ne durent pas vingt-quatre heures et que certaines peuvent être prolongées. Par conséquent, pour celles qui sont prolongées, la durée de la vidéosurveillance devrait pouvoir être adaptée. Comme l'ont indiqué les représentants des syndicats de police auditionnés, le danger d'évasion ou de mise en danger pour la personne gardée à vue est souvent plus important lors de la prolongation de la garde à vue que durant ses premières heures.
L'amendement n° 35 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?
S'agissant des amendements identiques, le plafond de la durée initiale de placement sous vidéosurveillance, fixé à vingt-quatre heures, tire directement les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel rendue le 20 mai dernier, laquelle avait censuré les dispositions encadrant la vidéosurveillance des locaux de garde à vue, notamment eu égard à la durée potentiellement très longue pendant laquelle l'autorité judiciaire n'avait aucun pouvoir décisionnel. La précision relative à la durée de la vidéosurveillance constitue donc l'une des conditions garantissant l'équilibre constitutionnel du dispositif. Le placement sous vidéosurveillance pourra ensuite être renouvelé toutes les vingt-quatre heures jusqu'à la levée de la garde à vue si l'autorité judiciaire compétente l'autorise. Avis défavorable donc.
Quant aux amendements n° 33 et 35 de Mme Ménard, là encore le placement sous vidéosurveillance se justifie dès lors que des risques d'évasion, de tentative de suicide ou d'agression existent, dans une limite initiale de vingt-quatre heures. Il n'y a donc pas lieu de placer un gardé à vue sous vidéosurveillance si ces risques ne sont pas attestés. Au-delà de vingt-quatre heures, il est nécessaire que l'autorité judiciaire compétente donne son autorisation, ce qui garantit la constitutionnalité du dispositif. Avis défavorable également.
Je pourrai peut-être en profiter pour répondre aux deux types d'excès que j'ai entendus venant de la gauche et de la droite des bancs du Gouvernement.
Venant de la gauche de l'hémicycle, j'ai entendu M. Clément, en espérant qu'il ne m'en voudra pas de le situer ainsi. Monsieur le député, par définition, un gardé à vue est gardé à vue. Il est quelque peu étonnant d'entendre que la technologie des caméras de vidéoprotection, qui sont si utiles, que personne ne conteste raisonnablement désormais et qui permettent de protéger les biens et les personnes et de lutter contre l'insécurité, ne doit pas être utilisée pour regarder une personne dans le sens de la surveiller ou de la protéger contre elle-même ou pour protéger les services de police ou de gendarmerie. M. Bernalicis a évoqué les caméras détruites ou endommagées, mais ce ne sont pas les policiers qui s'amusent à les casser. Il est possible que parmi toutes les personnes gardées à vue il y ait quelques personnes dangereuses – ce n'est pas qu'une théorie rousseauiste – et que ces caméras soient importantes pour les personnes elles-mêmes ou pour celles qu'elles pourraient attaquer ou violenter – et on sait tous que cela existe tous les jours dans les commissariats de police et les brigades de gendarmerie.
Ces images sont aussi utiles quand on sait qu'elles sont souvent nécessaires, malheureusement si j'ose dire, pour prouver la bonne foi de la police ou de la gendarmerie ou pour mieux condamner la personne par une réponse pénale qui s'appuie sur des preuves non contestables. C'est donc à bon escient que M. le rapporteur a rappelé le bon sens de la pratique que nous évoquons.
Je n'entrerai pas dans le détail du discours consistant à dire que moins il y aura de caméras, plus il faudra de femmes et d'hommes pour surveiller des personnes et moins ces femmes et ces hommes seront sur la voie publique. C'est le contraire de ce que disaient un certain nombre d'entre vous dans les débats précédents sur la police de proximité ou de présence.
Je me tourne maintenant vers le côté droit de l'hémicycle – je mets Mme Ménard à part car elle a le souci de la cohérence et qu'elle ne va pas, je le constate, contre l'avis du Conseil constitutionnel – pour m'adresser aux parlementaires qui ont défendu les amendements de M. Hemedinger et M. Ciotti. Là, c'est un autre excès. Nous pouvons partager les attendus qu'ils évoquent. Simplement, le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions il y a quelques semaines, considérant qu'elles étaient contraires à la Constitution.
À quoi sert-il de proposer une disposition dont on est certain qu'elle sera contraire à la Constitution et censurée une nouvelle fois ? Est-ce un rôle à jouer par des partis de gouvernement face à une décision très récente du Conseil constitutionnel qui était bel et bien une censure et non une décision interprétative ? Nous pourrions débattre à l'envi d'une modification constitutionnelle qui permettrait éventuellement de filmer pendant quarante-huit heures les personnes en garde à vue, mais nous discutons d'une loi ordinaire. Vous proposez un dispositif dont vous savez pertinemment qu'il ne peut pas être intégré dans la législation française et vous demandez l'avis du Gouvernement. Voilà une drôle de manière de construire la loi française !
D'une certaine façon c'est se moquer de l'État de droit et du travail politique et parlementaire, car si le cœur peut dire oui, la raison ne le peut pas et personne ne peut raisonnablement défendre ce que le Conseil constitutionnel a jugé contraire à la Constitution, en tout cas au bloc de constitutionnalité.
C'est pour cette raison que j'émets un avis défavorable sur ces amendements, en regrettant qu'ils soient déposés, je veux le dire avec beaucoup d'amitié, par des personnes qui devraient préférer s'inscrire dans l'axe gouvernemental de construction plutôt que de suivre un axe aussi démagogique, il faut bien le dire, puisque par définition ce qu'elles proposent est impossible.
Je voudrais répondre aux propos du ministre selon lesquels il y aurait un consensus en faveur de l'utilisation des outils et des techniques de vidéosurveillance, dont l'utilité serait, si j'ai bien compris, reconnue par tous et toutes. Je crois qu'il y a en réalité un désaccord : l'opposition ne considère pas que les outils de vidéosurveillance vont de soi. Ce n'est pas notre cas, en tout cas, pas plus que ce n'est le cas de beaucoup d'autres, notamment de nombreuses organisations de défense des droits humains, qui ne considèrent pas qu'une vidéosurveillance à tous les coins de rue et dans tous les espaces possibles soit une avancée, ni que cela permette d'empêcher la commission de tels ou tels actes, en tout cas pas plus que ne le ferait le travail d'humains qui ne soient pas réduits à regarder des images de vidéosurveillance.
C'est basculer dans un autre type de société que de considérer qu'en installant des caméras partout, on supprimerait tout risque d'infractions, qu'en tout cas, on serait plus protégé. Nous ne le croyons pas. Peut-être que s'il n'y avait pas cette inflation pénale et s'il n'y avait pas une politique qui vise à placer de plus en plus de personnes en garde à vue, il n'y aurait pas autant de situations d'extrême violence à l'égard des agents.
Ainsi, comme la presse l'a révélé, consigne avait été donnée au parquet de placer en garde à vue des personnes qui n'avaient rien à y faire, pour les empêcher d'aller manifester. Il y aurait certainement moins besoin de vidéosurveillance s'il y avait moins de personnes gardées à vue alors qu'elles n'ont rien à faire en garde à vue.
C'est un débat très intéressant, madame Obono, mais je pense que vous vous trompez de régime politique : ce n'est pas le ministre de l'intérieur qui décide des gardes à vue mais l'autorité judiciaire. Ce n'est pas moi qui prive des personnes de leur liberté !
Cette attaque frontale contre la justice de notre pays m'étonne et même me choque. Quant à vous, monsieur Bernalicis, vous venez de revenir dans l'hémicycle à l'instant, vous étiez sorti au moment où Mme Obono a évoqué une politique qui viserait à placer des gens en garde à vue.
Voilà pourquoi je m'étonnais de cette attaque frontale contre l'autorité judiciaire. Cela me choque pour tout vous dire.
S'agissant de la vidéoprotection, excusez-moi, madame Obono, mais je n'ai pas dit qu'il fallait des caméras dans tous les lieux publics, mais entre le tout et le rien, il y a, me semble-t-il, une voie sur laquelle nous pouvons tous nous engager.
Par ailleurs, il y a une différence assez forte manifestement entre les principes et leur application. Il y a des maires communistes qui installent des caméras de vidéoprotection dans leur ville, et en nombre : j'en connais quelques-uns, et il me semble que ce sont des gens qui aiment les droits de l'homme, puisque vous prenez cet exemple.
Il y a même des personnes qui, après avoir défendu les mêmes arguments que vous, sont finalement sorties de l'idéologie devant l'efficacité de ces outils. Ainsi Mme Aubry, après avoir passé des années à expliquer qu'elle n'installerait pas de caméras de vidéoprotection dans sa ville, en installe désormais un grand nombre – vous ne l'ignorez pas, monsieur Bernalicis, puisqu'une partie de Lille se trouve dans votre circonscription, me semble-t-il.
Elle demande d'ailleurs le soutien de l'État pour les installer, que nous lui accordons bien volontiers.
Nous allons signer vendredi prochain à Rennes…
Si je me permets cette remarque, c'est parce que vous me dites qu'il n'y a pas consensus. Après s'être beaucoup opposée à la vidéoprotection, Mme la maire de Rennes va signer un contrat avec l'État, qui permettra notamment d'augmenter le nombre des caméras de vidéoprotection dans sa ville. Mme la maire de Nantes…
Les socialistes ne savent pas où ils habitent ; ce n'est pas notre faute !
La maire de Nantes, celle de Lille, celle de Rennes, je pourrais multiplier les noms d'élus socialistes ou communistes, soutenus par des majorités au sein desquelles vous siégez parfois, qui installent des caméras de vidéoprotection.
Mes chers collègues, ce n'est pas une discussion avec M. le ministre ! Laissez M. le ministre parler.
Il y a une différence assez forte finalement entre l'idéologie – ce n'est pas un gros mot pour moi – et la pratique, quand, en lien avec les citoyens les policiers, on a la charge de résoudre les problèmes concrets des gens.
Je souhaite que vous ayez un jour l'occasion d'exercer des responsabilités municipales parce que c'est une très belle expérience que de gérer la vie concrète des gens : vous vous apercevrez alors que sans entrer dans l'excès du « tout caméra », on ne peut pas se priver d'une telle technologie. Vous-même, en vous filmant avec votre téléphone, vous acceptez que des gens qui ne sont ni contrôlés par le Parlement, ni encadrés par l'État de droit
Exclamations sur les bancs du groupe FI
puissent regarder ces images, et parfois même vous acceptez la reconnaissance faciale ou la reconnaissance vocale.
On pourrait en discuter longtemps, madame Obono, mais je pense que les caméras de vidéoprotection, non seulement préviennent les risques, sans les éliminer totalement, je suis tout à fait d'accord sur ce point, mais en plus permettent – chacun le sait ici et il n'y a aucun doute sur ce point – plus que n'importe quel outil, en lien notamment avec la police technique et scientifique, de retrouver les personnes et de les présenter à la justice.
N'ayons donc pas peur de ce débat, même si je suis étonné que vous fassiez preuve d'un tel retard idéologique sur une question débattue depuis quinze ou vingt ans.
C'est dommage mais vous devez accepter que même des gens de gauche, des militants ou au moins des maires communistes se montrent simplement pragmatiques.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Mme Blandine Brocard applaudit également.
L'amendement n° 31 n'est pas adopté.
L'amendement n° 149 de Mme Marie-George Buffet est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Le ministre nous a attribué des pratiques politiques qui ne sont pas les nôtres et que nous récusons quand nous appartenons aux mêmes majorités que des camarades communistes. Nous avons effectivement désormais du recul sur cette question puisque ça fait des années que les gouvernements successifs – et vous vous inscrivez dans la même politique – ont accepté de considérer qu'il fallait installer de plus en plus de caméras un peu partout. Nous continuons à nous y opposer et nous ne sommes pas les seuls.
Je confirme par ailleurs, même si ce n'était pas des instructions du ministère de l'intérieur, qu'en 2019, dans une note adressée le 12 janvier à tous les magistrats, le parquet leur délivrait des consignes sur le traitement judiciaire à réserver aux gilets jaunes arrêtés en masse les semaines précédentes.
Voilà ! Ça s'appelle la justice ! Arrêtez d'attaquer les magistrats !
Ceci n'est pas une attaque : j'évoque simplement un article de presse qui faisait état de gardes à vue pour le moins non orthodoxes. Je m'appuyais sur cet exemple pour vous dire que certaines gardes à vue n'ont pas lieu d'être, qu'on pourrait éviter de priver de liberté des citoyens qui ne devraient pas se retrouver en garde à vue et de devoir utiliser ces techniques de vidéosurveillance généralisée dont la logique reste pour nous problématique. Ce n'est pas faire injure au travail de la police que de le dire, au contraire : c'est penser qu'il est possible de faire un travail de police républicaine sans avoir recours à ces outils extrêmement intrusifs et problématiques.
Puisque le ministre de l'intérieur reconnaît les mérites de certains maires issus de ma famille politique, je me permets de rappeler que nous avions déposé dans le cadre de ce débat un amendement sur la vidéoprotection, qui a malheureusement été jugé irrecevable – mais je ne reprendrai pas notre débat d'hier sur la question du droit d'amendement.
En la matière, une des façons de s'en sortir consiste peut-être comme à Paris, ville où je suis élue, de créer un comité d'éthique de la vidéoprotection. Il réunit des gens de très grande qualité, sous la présidence d'un magistrat, en l'occurrence Christian Vigouroux, ce qui permet d'avoir des discussions extrêmement claires.
Ça n'a aucune valeur obligatoire à ma connaissance mais cela peut être un moyen de répondre aux inquiétudes qui se sont exprimées précédemment. C'est aussi un moyen d'aller vers davantage de protection.
Sur ce débat, nous avons avancé collectivement. Désormais, la question qui se pose est peut-être celle du cadre susceptible de garantir le respect des libertés fondamentales et de rassurer à ce sujet.
L'amendement n° 149 n'est pas adopté.
L'amendement n° 182 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'avocat que j'étais est très attaché à cet amendement qui vise à prévoir qu'« à peine de nullité de la garde à vue, la décision de placement sous vidéosurveillance ou de son renouvellement est également notifiée à l'avocat de la personne faisant l'objet de la mesure dès le début de son intervention en garde à vue ». Cette obligation, à l'instar de celle prévue pour le procès-verbal de notification des droits, permettra de garantir que l'avocat a pris connaissance des mesures prises à l'encontre de son client et qu'il pourra conseiller au mieux ce dernier afin d'assurer le respect de ses droits. Il est là aussi nécessaire d'assurer un équilibre entre la mesure prise et la défense des intérêts de la personne placée en garde à vue.
La parole est à Mme Albane Gaillot, pour soutenir l'amendement n° 396 .
La parole est à Mme Alexandra Louis, pour soutenir l'amendement n° 367 .
Je tiens tout d'abord à souligner l'intérêt particulier de cet article 7, qui répond à une exigence de terrain et qui est intéressant du point de vue des policiers mais aussi des gardés à vue.
L'amendement que je propose permet de renforcer l'assise constitutionnelle de cet article. L'article 7 est assorti de garanties, dont le fait que le gardé à vue se voit notifier la mesure de placement sous vidéosurveillance et qu'il a la faculté notamment d'en demander la fin ainsi que la conservation des images pour une durée de sept jours à compter de la levée de sa garde à vue.
En pratique, vous en conviendrez, il reviendra généralement à l'avocat de mener ces démarches. C'est la raison pour laquelle l'article prévoit que lorsque la personne est mineure, son avocat doit être informé sans délai de la décision de placement sous vidéosurveillance. On comprend bien pourquoi : les mineurs sont considérés par notre droit comme des personnes vulnérables, incapables d'agir dans leurs propres intérêts.
L'amendement vise à étendre cette protection aux incapables majeurs, notamment aux personnes placées sous tutelle ou sous curatelle. Si ces personnes font l'objet de ce type de mesures, c'est bien parce qu'elles ne sont pas capables de savoir ce qui est ou n'est pas dans leur intérêt ni de faire les démarches utiles. Il s'agit de personnes qui peuvent être malades, souffrir d'un handicap ou d'un retard mental.
Dans les faits, ces personnes ne seront pas en mesure d'effectuer les démarches nécessaires pour demander la levée du placement sous vidéosurveillance ou la conservation des images. Or, on le sait bien, dans la vie judiciaire, ces personnes sont souvent victimes de violences qui peuvent même se produire entre personnes gardées à vue.
Il importe de rappeler que le Conseil d'État, dans son avis, a insisté par exemple sur la durée de conservation de ces images en y voyant une garantie à même de renforcer l'assise constitutionnelle du dispositif. Pour rendre effectif l'article 7, il faut donc étendre la protection accordée aux mineurs aux majeurs protégés.
La parole est à Mme Lamia El Aaraje, pour soutenir l'amendement n° 326 .
Dans la continuité du débat, l'objectif de cet amendement est de permettre d'imposer qu'un avocat soit informé en cas de vidéosurveillance dans le cadre d'une garde à vue et d'éviter l'utilisation abusive ou superflue de la vidéosurveillance.
La parole est à Mme Alexandra Louis, pour soutenir l'amendement n° 365 .
J'ai déjà expliqué la mesure proposée pour les personnes protégées : il s'agit de permettre d'aviser l'avocat constitué. Cela ne me semble pas présenter de difficultés pratiques, pour la raison très simple que, lorsque l'avocat se présente au titre de la mesure de garde à vue, on lui notifie divers procès-verbaux, notamment pour lui permettre de savoir si la personne gardée à vue a vu un médecin. Je ne pense pas que cette mesure alourdisse la procédure, mais elle offre une garantie de pouvoir conserver les images pour la suite.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, ces images sont utiles, car elles peuvent permettre de rétablir la vérité et, dans certaines procédures judiciaires, de montrer que tel gardé à vue aurait commis des violences à l'encontre par exemple d'un autre gardé à vue. Cette disposition est donc intéressante et renforce elle aussi l'assise constitutionnelle de l'article.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?
Je m'exprimerai d'abord sur l'ensemble des amendements, avant d'évoquer séparément l'amendement n° 367 . Nous avons en effet eu en commission un débat très intéressant sur ce sujet et, au fond, je ne pense pas que ces amendements prévoyant spécifiquement que les avocats des personnes gardées à vue doivent être informés du placement de leur client sous vidéosurveillance soient réellement nécessaires. D'une part, en effet, une personne gardée à vue et placée sous vidéosurveillance peut tout à fait informer elle-même son avocat de la mise en place de cette mesure. D'autre part, l'avocat sera nécessairement informé du placement de son client sous vidéosurveillance grâce à la consultation du procès-verbal de la garde à vue.
Ces amendements aboutiraient donc à une surcharge administrative pour les services de police, de gendarmerie et des douanes, sans pour autant présenter une véritable utilité au regard des droits de la défense. Toutefois, bien qu'éloquence ne vaille pas conviction, vous avez emporté ma conviction, madame Louis et, même si j'émets un avis défavorable au titre de la commission, j'émettrai, à titre personnel, un avis de sagesse sur votre amendement n° 367 .
M. Clément demande que l'avocat soit informé pour le placement sous vidéosurveillance de tous les gardés à vue, et Mme Louis et Mme El Aaraje font la même demande pour les personnes faisant l'objet d'une protection juridique – soit, dans votre esprit, si j'ai bien compris, les personnes sous curatelle ou sous tutelle. Je ferai donc deux réponses différentes.
Monsieur Clément, d'abord, comme l'a dit Mme Louis, la décision est notifiée à la personne concernée, qui peut donc, par définition, en informer elle-même son avocat, lequel n'est donc pas dans l'ignorance absolue de la mesure de vidéoprotection si elle est décidée.
Deuxièmement, l'avocat a accès au dossier de placement en garde à vue, et peut donc constater, puisque cela sera notifié, si la personne fait l'objet d'une vidéoprotection sans l'avoir prévenu, ou si ce n'est pas le cas.
En outre, je tiens à dire que, dans un nouveau texte destiné à formuler une réponse pénale et à aider les forces de l'ordre, il ne s'agit pas d'alourdir les procédures. On n'a pas évoqué, en effet, les conséquences de la mesure que vous proposez qui s'appliquerait sous peine de nullité et pourrait conduire à remettre dehors des personnes potentiellement dangereuses – car, sans rien sous-estimer, sur 100 % de gens en garde à vue, il y a une certaine probabilité de trouver quelques malfaisants potentiels. De fait, c'est ce qui se passera si le policier a bien inscrit la mesure dans le PV – procès-verbal – et l'a notifiée à la personne concernée sans la notifier à l'avocat – lequel, qui plus est et comme vous le savez, peut être présent dès la première heure de garde à vue et peut donc constater les choses par lui-même. Cela me semble un peu disproportionné et ajoute de la surlégislation, de la suradministration, et multiplie les risques de nullité, ce qui, par définition, n'est pas le but d'intérêt général que nous poursuivons tous. Ce n'est donc pas de l'idéologie que de vous dire que les droits de la défense ou de la personne, auxquels je suis très attaché, sont ici protégés.
Le cas des mineurs, comme cela a déjà été dit, est prévu dans le texte et peut donner lieu à des situations spécifiques. Comme M. Mis, je peux être sensible à l'argument de Mmes Louis et El Aaraje mais, même si je conçois bien que des personnes sous tutelle ou sous curatelle puissent, pour de très nombreuses raisons, mal comprendre ce qu'on leur dit, je ne voudrais pas qu'on prenne des dispositions qui conduiraient à remettre dehors des personnes qui mériteraient de passer quelques heures en garde à vue pour les besoins de l'enquête ou pour leur protection. Ce n'est pas non plus votre propos, madame Louis, et je sais, pour vous voir à l'œuvre à Marseille et auprès des forces de police, que vous n'êtes pas favorables à une suradministration qui empêcherait les policiers ou les gendarmes de faire bien leur travail.
J'aimerais donc connaître, car je n'ai pas eu cette information, le nombre de personnes concernées, c'est-à-dire le nombre de personnes sous tutelle ou sous curatelle mises en garde à vue chaque année. Il est un peu dommage que nous ayons ce débat maintenant, mais peut-être cela nous permettra-t-il de le voir.
Je propose donc que nous adoptions votre amendement – du moins vais-je émettre un avis de sagesse, car l'Assemblée fera évidemment ce qu'elle voudra –, mais réservons-nous le droit de regarder les conséquences exactes de cette disposition. Je ne vois guère de différences de rédaction entre l'amendement de Mme Louis et celui de Mme El Aaraje mais, sur le principe général, je suis d'accord avec cette proposition. Je laisserai Mme la présidente de la commission des lois ou Mme la présidente de l'Assemblée s'exprimer sur l'esprit de mon intervention.
Je ne veux pas non plus vous mentir et peut-être reviendrai-je vers vous, car il se peut que les personnes concernées soient trop nombreuses, ou que d'autres dispositions puissent permettre d'obtenir ce résultat. Des mesures existent ainsi déjà pour les mineurs, qui doivent, par définition, être protégés, mais le droit n'a pas prévu que des personnes placées sous tutelle ou sous curatelle au titre d'autres dispositions doivent à 100 % recevoir des notifications – c'est un peu le cas, mais pas autant que ce qui est prévu pour les mineurs. Je comprends néanmoins tout à fait votre propos et j'y souscris.
Mme la présidente de la commission des lois indique qu'il convient de retenir l'amendement n° 367 . Si vous le voulez bien, le Gouvernement émet donc un avis de sagesse sur cet amendement.
Je suis en conséquence défavorable aux amendements identiques suivants, même s'ils relèvent du même esprit – que leurs auteurs me pardonnent. Avis défavorable également aux amendements de M. Clément et de Mme Gaillot, pour les raisons que j'ai évoquées.
Madame Louis, nous regarderons combien de personnes sont concernées par ce dispositif et dans quelles conditions les choses peuvent se faire pour respecter le droit des personnes faibles – ce que je comprends très bien – sans alourdir inutilement la procédure.
Je suis favorable à tous ces amendements, avec une préférence pour les plus maximalistes. L'argument consistant à dire que, si la personne a un avocat, il suffit qu'elle sache qu'elle est placée sous vidéosurveillance pour qu'elle informe ce dernier ne me convainc guère car, tout d'abord, les choses ne sont pas si simples. De fait, si certaines personnes sont des habituées de la garde à vue, la plupart des gens à peu près normaux sont plutôt en état de choc lorsqu'ils sont enfermés et ne savent pas trop ce qui leur arrive. D'où l'importance de la notification à l'avocat, qui dispose du cadre juridique complet des droits du gardé à vue, tandis que ce dernier n'a pas cette connaissance des textes et que sa garde à vue n'est pas le moment où il va potasser la super loi géniale que nous sommes en train de voter – c'est évidemment avec ironie que je la qualifie ainsi. À défaut, donc, de supprimer l'article 7, la notification à l'avocat serait déjà quelque chose.
Monsieur le ministre de l'intérieur, puisque vous aimez les syllogismes, je vais en employer un. Vous avez dit que la délinquance progressait dans la société et que les chiffres correspondants augmentaient. Vous faites souvent des conférences de presse à ce propos et le répétez à l'envi sur les plateaux. Cependant, les caméras de vidéosurveillance n'ont jamais été aussi nombreuses. Peut-être – c'est une hypothèse – n'y a-t-il donc pas de corrélation entre le nombre de caméras de vidéosurveillance dans notre pays et le nombre d'infractions commises. Je vous livre cela en vrac : vous en ferez ce que vous voudrez. Pour ma part, ma conviction est forgée sur ce point.
Par ailleurs, si nous pouvions limiter le nombre de gardes à vue, nous pourrions résoudre une partie du problème. En effet, ce sont principalement les policiers qui placent en garde à vue, et ils le font en flagrance, car c'est le cadre d'enquête qui leur permet de le faire. Ils doivent alors immédiatement avertir l'autorité judiciaire, c'est-à-dire le parquet, mais ce sont bien eux qui décident du placement en garde à vue, la décision relevant en revanche formellement du parquet pour le renouvellement de cette mesure au bout de vingt-quatre heures.
Bien sûr, le parquet peut la lever à tout instant lorsqu'il en a connaissance mais, en réalité, il fait confiance aux policiers et la garde à vue se déroule. Dans bien des cas, même, les gardes à vue durent vingt-quatre heures, parce qu'il est difficile de contacter le parquet après une certaine heure et que ceux qui travaillent le jour et mèneront l'enquête rentrent chez eux : mieux vaut donc laisser la personne placée en garde à vue passer la nuit et aviser le lendemain matin !
L'organisation de la police conduit donc aussi à des durées de garde à vue assez longues, qui pourraient être réduites avantageusement pour tout le monde, et surtout pour le gardé à vue, qui est privé de liberté alors qu'il est présumé innocent – et je sais, monsieur le ministre, que vous êtes attachés à la présomption d'innocence.
Vous voyez bien que c'est la police qui fournit l'activité principale du ministère de la justice, et que le parquet subit la quasi-totalité des gardes à vue. Ce n'est que dans le cadre d'enquêtes de police judiciaire, en cas de perquisition, lorsqu'on décide d'aller voir un endroit particulier, que le parquet a vraiment l'initiative de la garde à vue. Dans les autres cas, celle-ci est bien à l'initiative des policiers, qui répondent aux instructions de leur hiérarchie, et donc du ministre de l'intérieur.
Sourires sur divers bancs.
Vous me permettrez de respecter en la matière le devoir de réserve qui sied à ma fonction !
Sourires.
En l'espèce, ce n'était pas la question.
La parole est à M. Antoine Savignat.
Je suis assez sceptique concernant ces amendements, en particulier sur l'opportunité d'informer l'avocat. Plaçons-nous en effet du côté des fonctionnaires de police qui gèrent la garde à vue : on ajouterait à leurs tâches la rédaction d'un nouveau procès-verbal de notification de l'information de placement sous vidéosurveillance de la personne qu'ils viennent voir en garde à vue.
En revanche, si nous choisissons un de ces amendements – ce que j'entends aussi parfaitement –, il faut tous les prendre. Vous avez en effet écarté, monsieur le ministre, quatre des cinq amendements au motif que la personne qui a un avocat peut s'entretenir avec lui, et que ce dernier verra dans le dossier ce qui s'est passé. En garde à vue, cependant, ce n'est pas le cas : l'avocat n'a pas accès au dossier…
Il demande donc à son client les informations nécessaires – à savoir, s'il s'est vu notifier l'ensemble de ses droits. Il ne peut cependant pas accéder à la procédure, qui est une procédure d'enquête, sinon pour ce qui concerne la notification des droits.
Or le placement sous vidéosurveillance peut fort bien intervenir longtemps après celle-ci. En effet, une personne qui arrive en garde à vue est auditionnée et on lui notifie ses droits, un premier interrogatoire a lieu, et ce n'est qu'à l'issue de celui-ci que les fonctionnaires de police peuvent penser qu'il existe un danger pour la personne ou pour autrui. Le procès-verbal qui nous intéresse peut donc n'être rédigé que beaucoup plus tard dans le cadre de la garde à vue, et parfois même pas du tout dans les vingt-quatre premières heures, mais dans le cadre de la prolongation. Je le répète : je suis très sceptique quant à l'opportunité de l'information de l'avocat, mais si on prend un amendement, mieux vaut tous les prendre.
Je ferai deux remarques. D'abord, pour ce qui concerne de façon générale les amendements relatifs à l'avocat, la notification à ce dernier ne signifie pas nécessairement qu'il y aura un PV supplémentaire, car un PV est déjà prévu pour notifier les droits à la personne gardée à vue. D'autre part, les personnes protégées relèvent d'une situation différente, car d'autres dispositions du code de procédure pénale leur apportent des garanties supplémentaires, précisément parce qu'elles sont vulnérables. J'insiste sur cette question, car elle recouvre un enjeu constitutionnel et je ne voudrais pas que cet article nécessaire subisse une censure à ce titre. Ainsi, dans le cadre du projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, nous avons adopté, pour ce qui concerne la possibilité de filmer les procès, des dispositions très particulières pour les personnes protégées, pour les raisons que j'ai expliquées tout à l'heure.
Ce débat est très intéressant et la question dont nous discutons nous renvoie à ce qui fait le rôle du Parlement : regarder les moyens que vous donnez au Gouvernement et aux agents de l'État jusqu'au moment où ils privent des personnes d'une liberté dont vous êtes les garants. Je n'ai donc pas de problème pour entrer dans le débat et pour trouver que la question de Mme Louis et de plusieurs de ses collègues mérite d'être discutée.
Monsieur Savignat, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous. D'abord, si nous sommes ici obligés d'alourdir la procédure pénale avec ce PV, c'est parce que Conseil constitutionnel nous y oblige : il ne s'agit pas là d'une volonté du ministre de l'intérieur – pour ma part, je m'en serais bien passé et j'en serais volontiers resté à la première lecture du premier texte que nous avons déposé. Notifier à la personne gardée à vue l'usage d'une caméra sera encore un acte administratif de la police ou de la gendarmerie, dites-vous. Certes, mais nous le ferons quoi qu'il arrive puisque c'est demandé par le Conseil constitutionnel. Je le déplore, mais nous le ferons. J'entends donc bien ce que vous dites, mais il ne s'agit pas ici d'en discuter.
Ensuite, sauf erreur de ma part – nous pourrons le préciser au cours de la navette entre les deux chambres –, l'avocat n'a pas accès au dossier, puisqu'il ne s'agit pas d'une information judiciaire. Il a néanmoins accès à l'ensemble des notifications, y compris à la décision de placement sous vidéoprotection, peu importe qu'elle ait lieu au moment de la garde à vue ou douze heures après. Il n'est donc pas exact de dire que l'avocat pourra être mis au courant si la mesure intervient au début de la garde à vue, mais qu'il ne le sera pas si la décision est prise ensuite pour des raisons que vous avez très bien présentées.
Madame Louis, ce qui me fait douter de l'avis à donner sur votre amendement, même si je maintiens mon avis de sagesse, c'est que je ne sais pas comment les policiers et gendarmes pourront déterminer que la personne est sous tutelle ou curatelle. Il faudra regarder cela en plus de la question du nombre de personnes réellement concernées. Ce n'est pas évident, car l'information ne figure pas sur leur pièce d'identité. La personne peut le dire, ses parents, ou son avocat aussi – on peut imaginer plusieurs solutions –, mais ce ne sera pas très spontané.
Pour avoir vu et connu dans ma commune, lorsque j'étais maire, des personnes dont la tutelle ou la curatelle était gérée par le CCAS – centre communal d'action sociale –, je sais que ce sont des personnes fragiles et j'entends votre argument en faveur de leur protection. Mais, entre une nécessaire protection sur laquelle je veux bien que nous avancions et l'alourdissement inutile de la procédure, il faudra bien qu'on juge et qu'on jauge.
J'ajoute que les policiers et gendarmes n'ont pas tous envie de se conformer à ce que dit M. Bernalicis en mettant absolument tout le monde en garde à vue, en utilisant leur arme et en abusant de leur pouvoir ; il y a des gens très bien dans la police et dans la gendarmerie pour qui il n'est simplement pas évident de déterminer a priori si la personne est sous tutelle ou sous curatelle. C'est une autre question à laquelle il faudra répondre.
Prochaine séance, à neuf heures :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.
La séance est levée.
La séance est levée le jeudi 23 septembre, zéro heure cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra