Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du mercredi 22 septembre 2021 à 21h30
Responsabilité pénale et sécurité intérieure — Article 7

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur :

Je pourrai peut-être en profiter pour répondre aux deux types d'excès que j'ai entendus venant de la gauche et de la droite des bancs du Gouvernement.

Venant de la gauche de l'hémicycle, j'ai entendu M. Clément, en espérant qu'il ne m'en voudra pas de le situer ainsi. Monsieur le député, par définition, un gardé à vue est gardé à vue. Il est quelque peu étonnant d'entendre que la technologie des caméras de vidéoprotection, qui sont si utiles, que personne ne conteste raisonnablement désormais et qui permettent de protéger les biens et les personnes et de lutter contre l'insécurité, ne doit pas être utilisée pour regarder une personne dans le sens de la surveiller ou de la protéger contre elle-même ou pour protéger les services de police ou de gendarmerie. M. Bernalicis a évoqué les caméras détruites ou endommagées, mais ce ne sont pas les policiers qui s'amusent à les casser. Il est possible que parmi toutes les personnes gardées à vue il y ait quelques personnes dangereuses – ce n'est pas qu'une théorie rousseauiste – et que ces caméras soient importantes pour les personnes elles-mêmes ou pour celles qu'elles pourraient attaquer ou violenter – et on sait tous que cela existe tous les jours dans les commissariats de police et les brigades de gendarmerie.

Ces images sont aussi utiles quand on sait qu'elles sont souvent nécessaires, malheureusement si j'ose dire, pour prouver la bonne foi de la police ou de la gendarmerie ou pour mieux condamner la personne par une réponse pénale qui s'appuie sur des preuves non contestables. C'est donc à bon escient que M. le rapporteur a rappelé le bon sens de la pratique que nous évoquons.

Je n'entrerai pas dans le détail du discours consistant à dire que moins il y aura de caméras, plus il faudra de femmes et d'hommes pour surveiller des personnes et moins ces femmes et ces hommes seront sur la voie publique. C'est le contraire de ce que disaient un certain nombre d'entre vous dans les débats précédents sur la police de proximité ou de présence.

Je me tourne maintenant vers le côté droit de l'hémicycle – je mets Mme Ménard à part car elle a le souci de la cohérence et qu'elle ne va pas, je le constate, contre l'avis du Conseil constitutionnel – pour m'adresser aux parlementaires qui ont défendu les amendements de M. Hemedinger et M. Ciotti. Là, c'est un autre excès. Nous pouvons partager les attendus qu'ils évoquent. Simplement, le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions il y a quelques semaines, considérant qu'elles étaient contraires à la Constitution.

À quoi sert-il de proposer une disposition dont on est certain qu'elle sera contraire à la Constitution et censurée une nouvelle fois ? Est-ce un rôle à jouer par des partis de gouvernement face à une décision très récente du Conseil constitutionnel qui était bel et bien une censure et non une décision interprétative ? Nous pourrions débattre à l'envi d'une modification constitutionnelle qui permettrait éventuellement de filmer pendant quarante-huit heures les personnes en garde à vue, mais nous discutons d'une loi ordinaire. Vous proposez un dispositif dont vous savez pertinemment qu'il ne peut pas être intégré dans la législation française et vous demandez l'avis du Gouvernement. Voilà une drôle de manière de construire la loi française !

D'une certaine façon c'est se moquer de l'État de droit et du travail politique et parlementaire, car si le cœur peut dire oui, la raison ne le peut pas et personne ne peut raisonnablement défendre ce que le Conseil constitutionnel a jugé contraire à la Constitution, en tout cas au bloc de constitutionnalité.

C'est pour cette raison que j'émets un avis défavorable sur ces amendements, en regrettant qu'ils soient déposés, je veux le dire avec beaucoup d'amitié, par des personnes qui devraient préférer s'inscrire dans l'axe gouvernemental de construction plutôt que de suivre un axe aussi démagogique, il faut bien le dire, puisque par définition ce qu'elles proposent est impossible.

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