Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du mercredi 22 septembre 2021 à 21h30
Responsabilité pénale et sécurité intérieure — Article 7

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur :

M. Clément demande que l'avocat soit informé pour le placement sous vidéosurveillance de tous les gardés à vue, et Mme Louis et Mme El Aaraje font la même demande pour les personnes faisant l'objet d'une protection juridique – soit, dans votre esprit, si j'ai bien compris, les personnes sous curatelle ou sous tutelle. Je ferai donc deux réponses différentes.

Monsieur Clément, d'abord, comme l'a dit Mme Louis, la décision est notifiée à la personne concernée, qui peut donc, par définition, en informer elle-même son avocat, lequel n'est donc pas dans l'ignorance absolue de la mesure de vidéoprotection si elle est décidée.

Deuxièmement, l'avocat a accès au dossier de placement en garde à vue, et peut donc constater, puisque cela sera notifié, si la personne fait l'objet d'une vidéoprotection sans l'avoir prévenu, ou si ce n'est pas le cas.

En outre, je tiens à dire que, dans un nouveau texte destiné à formuler une réponse pénale et à aider les forces de l'ordre, il ne s'agit pas d'alourdir les procédures. On n'a pas évoqué, en effet, les conséquences de la mesure que vous proposez qui s'appliquerait sous peine de nullité et pourrait conduire à remettre dehors des personnes potentiellement dangereuses – car, sans rien sous-estimer, sur 100 % de gens en garde à vue, il y a une certaine probabilité de trouver quelques malfaisants potentiels. De fait, c'est ce qui se passera si le policier a bien inscrit la mesure dans le PV – procès-verbal – et l'a notifiée à la personne concernée sans la notifier à l'avocat – lequel, qui plus est et comme vous le savez, peut être présent dès la première heure de garde à vue et peut donc constater les choses par lui-même. Cela me semble un peu disproportionné et ajoute de la surlégislation, de la suradministration, et multiplie les risques de nullité, ce qui, par définition, n'est pas le but d'intérêt général que nous poursuivons tous. Ce n'est donc pas de l'idéologie que de vous dire que les droits de la défense ou de la personne, auxquels je suis très attaché, sont ici protégés.

Le cas des mineurs, comme cela a déjà été dit, est prévu dans le texte et peut donner lieu à des situations spécifiques. Comme M. Mis, je peux être sensible à l'argument de Mmes Louis et El Aaraje mais, même si je conçois bien que des personnes sous tutelle ou sous curatelle puissent, pour de très nombreuses raisons, mal comprendre ce qu'on leur dit, je ne voudrais pas qu'on prenne des dispositions qui conduiraient à remettre dehors des personnes qui mériteraient de passer quelques heures en garde à vue pour les besoins de l'enquête ou pour leur protection. Ce n'est pas non plus votre propos, madame Louis, et je sais, pour vous voir à l'œuvre à Marseille et auprès des forces de police, que vous n'êtes pas favorables à une suradministration qui empêcherait les policiers ou les gendarmes de faire bien leur travail.

J'aimerais donc connaître, car je n'ai pas eu cette information, le nombre de personnes concernées, c'est-à-dire le nombre de personnes sous tutelle ou sous curatelle mises en garde à vue chaque année. Il est un peu dommage que nous ayons ce débat maintenant, mais peut-être cela nous permettra-t-il de le voir.

Je propose donc que nous adoptions votre amendement – du moins vais-je émettre un avis de sagesse, car l'Assemblée fera évidemment ce qu'elle voudra –, mais réservons-nous le droit de regarder les conséquences exactes de cette disposition. Je ne vois guère de différences de rédaction entre l'amendement de Mme Louis et celui de Mme El Aaraje mais, sur le principe général, je suis d'accord avec cette proposition. Je laisserai Mme la présidente de la commission des lois ou Mme la présidente de l'Assemblée s'exprimer sur l'esprit de mon intervention.

Je ne veux pas non plus vous mentir et peut-être reviendrai-je vers vous, car il se peut que les personnes concernées soient trop nombreuses, ou que d'autres dispositions puissent permettre d'obtenir ce résultat. Des mesures existent ainsi déjà pour les mineurs, qui doivent, par définition, être protégés, mais le droit n'a pas prévu que des personnes placées sous tutelle ou sous curatelle au titre d'autres dispositions doivent à 100 % recevoir des notifications – c'est un peu le cas, mais pas autant que ce qui est prévu pour les mineurs. Je comprends néanmoins tout à fait votre propos et j'y souscris.

Mme la présidente de la commission des lois indique qu'il convient de retenir l'amendement n° 367 . Si vous le voulez bien, le Gouvernement émet donc un avis de sagesse sur cet amendement.

Je suis en conséquence défavorable aux amendements identiques suivants, même s'ils relèvent du même esprit – que leurs auteurs me pardonnent. Avis défavorable également aux amendements de M. Clément et de Mme Gaillot, pour les raisons que j'ai évoquées.

Madame Louis, nous regarderons combien de personnes sont concernées par ce dispositif et dans quelles conditions les choses peuvent se faire pour respecter le droit des personnes faibles – ce que je comprends très bien – sans alourdir inutilement la procédure.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.