Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du mercredi 22 septembre 2021 à 21h30
Responsabilité pénale et sécurité intérieure — Article 6

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur :

Je vais profiter de l'occasion pour répondre aux orateurs qui sont intervenus sur le bel article 6, qui crée la réserve opérationnelle. Nous avons déjà en partie débattu du sujet : chacun se souvient en effet que la réserve opérationnelle figurait dans la proposition de loi déposée notamment par Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot. Le Conseil constitutionnel a considéré que, si l'article portant création de la réserve opérationnelle de la police nationale répondait à un objectif noble – il ne l'a pas dit ainsi, mais il n'a pas jugé non plus cette disposition contraire à la Constitution –, il s'agissait à l'époque d'un cavalier législatif.

C'est la raison pour laquelle nous y revenons aujourd'hui, avec des arguments qui, je l'espère, répondront à vos interrogations. Je me permets d'évacuer très vite les questions sur les effectifs, qui, si vous me le permettez monsieur Peu, madame El Aaraje, me semblent obéir à des motifs plus politiques que sincères. Ce n'est pas à nous, qui avons augmenté les effectifs de 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires – ce qu'aucun autre gouvernement n'avait fait jusqu'alors – qu'il faut faire des reproches à ce sujet, surtout au regard de l'augmentation très importante des effectifs dans vos départements respectifs, en particulier la Seine-Saint-Denis. Qu'il faille encore augmenter les effectifs, c'est entendu ; un réel effort doit être consenti à cette fin, raison pour laquelle le projet de loi de finances présenté ce matin en Conseil des ministres prévoit de nouveau 2 000 policiers et gendarmes supplémentaires. Je serai très heureux de lire, dans les programmes présidentiels, qu'il faudra encore plus de policiers et de gendarmes, mais je n'ai pas encore entendu les candidats en parler ! Je suis quoi qu'il en soit très satisfait, et cette augmentation doit évidemment être poursuivie. Plus de policiers, plus de gendarmes : nous partageons manifestement une identité de vue qui ne m'était pas apparue lors des discussions budgétaires précédentes. Dont acte !

J'en viens au deuxième point, la formation. J'ai déjà eu l'occasion de dire à plusieurs reprises que la réduction du temps de formation des policiers et des gendarmes à huit ou neuf mois était une erreur. C'est pour cette raison que chacun devrait se réjouir de l'augmentation, inscrite dans le PLF déposé ce matin en Conseil des ministres, visant à porter à douze mois le temps de formation dès l'année prochaine. Vous avez eu tout à fait raison de souligner ce point, tout comme de rappeler la nécessité d'accroître la formation continue ; cela ne fait aucun doute.

J'en viens à la question de la réserve en tant que telle, objet de l'article 6. Sur ce point, notons-le – car une fois n'est pas coutume, si j'ose dire –, la gendarmerie sert de modèle à la police nationale. Nous le savons, et les élus des zones gendarmerie le savent, la réserve opérationnelle de la gendarmerie démontre, depuis des dizaines d'années, sa capacité à établir un lien avec la population et à assurer le déploiement des effectifs nécessaires. C'est le cas l'été, notamment, lorsque les gendarmes ont besoin de partir en vacances comme tout le monde, alors qu'une présence plus importante est parfois nécessaire.

Au sein d'une institution, les personnes venant de l'extérieur apportent une expérience utile pour éviter l'endogamie, l'enfermement et l'entre-soi, qui sont délétères pour toute organisation. Enfin, la réserve contribue à l'acculturation : elle permet d'exporter le sujet de la sécurité en dehors de l'institution. En discutant avec les gendarmes aux péages des autoroutes, vous constaterez que des boulangers, des étudiants ou des cadres s'engagent dans la gendarmerie nationale, et qu'ils portent une arme. Pour cela, bien sûr, ils doivent avoir suivi une formation qui sanctionne leur capacité à le faire, monsieur Bernalicis, dans des conditions prévues par la loi et par décret ; à défaut, ils n'y sont pas autorisés.

Il serait donc intéressant, pour la réserve opérationnelle de la police nationale, de suivre le même modèle que la gendarmerie. Vous évoquez l'étude d'impact, monsieur le député, mais celle-ci a été déposée avant le beau et grand discours tenu par le Président de la République à Roubaix, que vous avez sans doute entendu – je vous y ai vu ! Il y a un avant et un après Beauvau de la sécurité, ne vous en déplaise ! Le Président a évoqué des crédits très élevés, qui seront inscrits dans le budget pour 2022 : vous verrez que nous ne manquons pas de souffle pour la réserve opérationnelle de la police nationale. Ces crédits décidés après le dépôt du présent projet de loi témoignent d'une ambition rehaussée. Je m'en réjouis, puisqu'ils correspondent à la proposition que nous avions faite initialement pour la réserve. La gendarmerie nationale n'est d'ailleurs pas oubliée puisque, au bénéfice du même budget, elle verra ses effectifs augmenter de façon substantielle, le nombre de réservistes supplémentaires étant porté à 20 000 sur l'ensemble du quinquennat, dont quelques milliers dès l'année prochaine.

Ce que je souhaite pour cette réserve opérationnelle et pour toutes les réserves, y compris celle de la gendarmerie – je l'ai indiqué à ses dirigeants –, c'est qu'elle reste polyvalente et intervienne là où l'on a besoin d'elle, comme elle le fait déjà, mais aussi qu'elle puisse accueillir ceux qui souhaitent s'engager sur un thème en particulier, au bénéfice de la société. Nous ne thématisons pas assez les engagements des citoyens qui souhaitent rejoindre la police nationale ou la gendarmerie. Ils n'ont pas tous envie de porter un uniforme ou une arme, cela peut même parfois les déranger et il faut savoir l'entendre, mais ils ont envie d'épouser les causes de la police et de la gendarmerie, par exemple la lutte contre les violences conjugales.

Demain, la réserve opérationnelle pourrait permettre à des hommes ou à des femmes, à raison de deux, trois, quatre ou cinq jours par mois, d'aider les services de police ou les services sociaux qui leur sont rattachés, de se mettre à l'écoute des personnes qui déposent plainte et d'assurer un suivi des procédures de justice ou des dossiers de relogement. Si certaines personnes ont envie de donner du temps et d'agir non pas en faveur de toutes les causes de la police nationale mais de l'une d'entre elles, pourquoi ne le leur permettrions-nous pas ? Nous risquerions de les rebuter en les contraignant à participer à des contrôles routiers ou à des visites de brigades nocturnes. Au demeurant elles pourront tout aussi bien, si par exemple leur vécu les y incite, s'engager dans la lutte contre la drogue ou encore pour la sécurité routière – nombreuses sont les causes qui méritent d'être mises en avant.

La réserve opérationnelle dont nous parlons aujourd'hui est donc à la fois une réserve opérationnelle générale, sur le modèle de celle de la gendarmerie – si vous avez des craintes, voyez le professionnalisme et l'efficacité de la gendarmerie –, et un engagement citoyen s'incarnant dans une très belle institution, celle de la police nationale.

Jusqu'à présent, les réservistes étaient surtout des retraités de la police nationale – merci à eux ! Grâce à leur expérience, ces hommes et ces femmes participent souvent à la formation ou à l'accompagnement des jeunes policiers. Surtout, ils font le lien avec la population dans ce que l'on appelle la comitologie de la police nationale, au sein par exemple des groupes de partenariat opérationnel (GPO). Ayant été maire d'une commune, monsieur Bernalicis, j'ai souvent pu le constater. Ils sont peu nombreux et très méritants, et je salue leur action, mais leur rôle est différent de celui que joue la réserve de la gendarmerie dans le lien avec la population. Ces personnes sont donc évidemment concernées par la transformation de la réserve et, avec le présent texte, qui doit renforcer la confiance entre la police et la population, nous contribuons à répondre à leurs attentes.

Pour me résumer, je répète qu'il ne faut pas avoir peur du port d'arme puisqu'il sera subordonné à la sanction d'une formation ; d'autre part, ces mesures ne retirent rien à l'effort sans précédent d'augmentation des effectifs et de formation que nous consentons indépendamment de la réserve opérationnelle. Enfin, un gros travail devra être réalisé pour thématiser la réserve – ce qui ne signifie pas qu'il n'y aura pas de réserve générale. Au total, ce sera une belle politique publique que celle de la réserve opérationnelle de la police. Avis défavorable aux amendements.

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