À compter du 1er janvier prochain, la France assurera la présidence du Conseil de l'Union européenne avec une double responsabilité institutionnelle : non seulement défendre les positions du Conseil face à la Commission et au Parlement européens, mais également et surtout une responsabilité politique : celle de faire avancer un agenda ambitieux pour l'avenir de l'Europe. Les défis sont nombreux : réguler les géants du numérique, faire avancer le paquet « climat », en particulier le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, soutenir la convergence des modèles fiscaux et sociaux sans lesquels nous ne ferions rien ou encore avancer, enfin, dans la direction d'une défense européenne. Nous avons abordé ces sujets à de nombreuses reprises au sein de cet hémicycle mais, à chaque fois, nous avons été renvoyés à de futures négociations. Grâce à la présidence française du Conseil de l'Union européenne, nous avons désormais l'occasion de les voir se matérialiser.
Dans son discours de la Sorbonne, Emmanuel Macron appelait de ses vœux la refondation d'une Europe souveraine et ajoutait que l'Europe devait être à l'avant-garde d'une transition écologique efficace et équitable. Comment faire de ces deux ambitions une réalité, pour que l'Union ne soit plus perçue par ses concitoyens comme une bureaucratie impuissante ?
Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui vise à mettre la France à jour en matière de transposition du droit communautaire. Sur la forme, je regrette, comme je l'ai souligné lors de la première lecture du texte, un recours massif aux ordonnances. Gouverner par ordonnance est en effet devenu une marque de fabrique : la réforme du droit du travail, la loi PACTE – relative à la croissance et la transformation des entreprises –, la loi pour un nouveau pacte ferroviaire ou encore le projet de loi sur les relations entre les travailleurs et les plateformes, qui sera examiné après ce texte, constituent autant de débats qui ont été escamotés par un recours accru aux ordonnances. En outre, je déplore que certaines consultations aient été réalisées tardivement : le Conseil d'État a ainsi relevé que la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle et l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) ont été saisies dans l'urgence.
Sur le fond, la majorité des mesures proposées n'aura qu'une faible incidence sur nos concitoyens. Certaines méritent toutefois que l'on s'y attarde, en premier lieu les articles 22 et 23, qui transposent le paquet « mobilité » et traitent des règles de détachement qui s'appliquent aux opérations de cabotage. Ils ont pour ambition d'harmoniser le droit du transport routier européen, afin de limiter les distorsions de concurrence entre États membres. Mais ce texte ne permettra pas de mettre fin aux pratiques de sous-traitance à bas coût, de dumping social, bref au contournement actuel de la réglementation, et nous le regrettons. Sans contrôle efficient ni moyens suffisants, ces pratiques se perpétueront : le chantier de l'harmonisation sociale reste ouvert.
D'autres dispositions vont dans le bon sens, comme celles de l'article 24 qui permettent de pérenniser les installations douanières et de rétablir les contrôles aux frontières dans le cadre du Brexit, ou encore celles relatives à la prise en compte des périodes d'activité partielle dans la validation des droits de pension des marins. Je veux également évoquer l'article 41 qui habilite le Gouvernement à adapter et à moderniser les dispositions nationales encadrant le financement participatif, conformément au règlement européen. Notre groupe est convaincu de la nécessité de développer l'outil de financement participatif pour les collectivités territoriales et leurs services publics.
Aussi, nous nous réjouissons qu'un compromis ait été trouvé entre les députés et les sénateurs sur cet article. Le lancement d'une expérimentation de trois ans constitue un premier pas ; il conviendra, à terme, de la pérenniser.
Au-delà de ces quelques remarques, le groupe Libertés et territoires est favorable au projet de loi, mais tient à souligner que ses exigences vis-à-vis de l'Union européenne dépassent largement les enjeux visés par le texte. La devise « relance, puissance, appartenance », sous laquelle vous souhaitez placer la future présidence française du Conseil de l'Union européenne, n'aura de pertinence qu'au sein d'une Europe plus solidaire, plus souveraine, plus respectueuse de son environnement, plus proche des citoyens et de leurs cultures. L'Europe ne se construira pas uniquement avec des avancées commerciales et économiques, surtout si une désescalade fiscale et sociale provoque une compétition frontale. Plus qu'une Europe des producteurs et des consommateurs, nous attendons que se bâtisse l'Europe des citoyens. Quant à la Corse, sans sous-estimer les soutiens européens, elle attend une Europe moins technocratique, qui prenne concrètement en considération les réalités économiques et sociales. Là aussi, le chantier reste ouvert.