La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Vendredi dernier, le caporal-chef Maxime Blasco, du septième bataillon de chasseurs alpins de Varces, était tué au cours d'un combat contre un groupe armé terroriste au Mali. Nous avons tous été bouleversés par cette nouvelle : c'est un homme exceptionnel, un héros, qui est tombé au combat.
Je tiens à saluer son courage, sa détermination, son sens du sacrifice. Toutes ces qualités lui avaient valu de se voir conférer la médaille militaire, en juin dernier, par le Président de la République. Au nom de la représentation nationale, j'adresse à sa famille, à ses proches, à ses camarades militaires qui font l'honneur de l'armée française, nos plus sincères condoléances, et je vous invite à observer une minute de silence.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.
Monsieur le Premier ministre, vendredi, le prix du gaz va encore augmenter de 12 %. Depuis le début de l'année, il aura augmenté de 57 %. Ce sont donc des centaines d'euros supplémentaires que les Français vont devoir payer : celles et ceux qui avaient des factures annuelles d'énergie de 1 000 euros devront maintenant y laisser 1 500 euros de leur budget. Bienvenue dans le monde merveilleux d'Emmanuel Macron !
Murmures sur les bancs du groupe LaREM.
Alors que 8 millions de Français font déjà la queue à l'aide alimentaire, combien d'autres devront arbitrer, cet hiver, entre le loyer, le chauffage et les repas, afin de payer les factures ?
J'anticipe votre réponse : « C'est la faute des marchés, du prix mondial du gaz. On ne peut pas faire grand-chose, car tout se décide au niveau européen, mais c'est promis, on va taper du poing sur la table ! » J'entends déjà les murs et les fournisseurs d'énergie trembler de peur. Surtout, grand prince, vous allez distribuer un chèque énergie de 100 euros aux ménages les plus modestes : utiliser l'argent des Français pour qu'ils puissent régler leurs propres factures à des fournisseurs d'énergie qui, eux, distribuent en ce moment même 9,5 milliards d'euros de dividendes à leurs actionnaires, il fallait y penser !
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.
Pas moins de 5,8 millions de ménages attendent l'hiver la boule au ventre, l'immense majorité des autres devront se serrer la ceinture pour payer les factures : remballez votre minuscule chéquier, la précarité ne se combat pas avec des larmes de crocodile !
Ma question est simple : allez-vous enfin bloquer les prix de l'énergie ? Au lieu de laisser les fournisseurs privés se faire du beurre sur notre dos, allez-vous enfin aller chercher notre argent dans leurs poches ? Avec seulement 20 % de leurs dividendes, c'est 320 euros que les 5,8 millions de ménages modestes pourraient récupérer. Monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin choisir les gens plutôt que l'argent ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI, ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR.
Nous vivons en effet une crise du prix du gaz, une crise mondiale qui, ces derniers mois, a vu ce prix multiplié par six : la Norvège et la Russie ont diminué leurs approvisionnements, faisant peser sur le prix du gaz une pression importante, avec des répercussions pour les Français – c'est d'ailleurs vrai pour le prix du gaz comme de l'électricité.
Face à cette situation, nous faisons jouer la solidarité nationale, et nous en sommes fiers. La majorité a supprimé l'ancien mécanisme des tarifs sociaux de l'électricité…
…qui ne fonctionnait pas bien car il n'atteignait pas sa cible, pour le remplacer, en 2018, par le chèque énergie. D'abord ouvert à un peu moins de 3 millions de ménages, il est désormais accessible à 5,8 millions de ménages.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Le taux de recours au chèque énergie s'élève à plus de 90 %, nous atteignons donc bien notre cible.
Face à la hausse des prix de l'énergie, la solidarité va jouer à plein
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem. – Protestations sur les bancs du groupe FI
grâce au complément de chèque énergie de 100 euros – personnellement, je ne méprise pas cette somme : pour un ménage modeste, elle permet d'aider à payer les factures. La solution réside aussi dans les économies d'énergie, raison pour laquelle la majorité finance des travaux de rénovation énergétique à travers MaPrimeRénov' :…
Mêmes mouvements
…nous attendons 800 000 dossiers cette année, et 510 000 ont déjà été déposés.
Toutes ces aides visent à vivre mieux et plus confortablement chez soi, tout en préservant la planète et en disposant d'un meilleur pouvoir d'achat. Vous le voyez, monsieur le député, nous agissons.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.
Madame la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, en ce mois de septembre, les derniers indicateurs économiques montrent une reprise de l'emploi plus favorable que prévu. Les chiffres en témoignent : la perspective de croissance est de 6,3 % pour 2021, 2,2 millions d'embauches ont eu lieu au deuxième trimestre, dont 50 % en CDI, le taux de chômage est revenu au niveau d'avant la crise et l'activité partielle au plus bas depuis le début de la crise, avec seulement 600 000 salariés concernés au mois de juillet.
Cette reprise confirme que la stratégie présidentielle du « quoi qu'il en coûte » était la bonne : elle a permis de déjouer les prévisions économiques pessimistes annoncées avant l'été.
Madame la ministre, dans ce contexte favorable, vous avez annoncé la semaine dernière un plan inédit pour la formation des chômeurs de longue durée très éloignés de l'emploi, qui représentent plus d'un inscrit sur deux à Pôle emploi. Hier, à l'occasion d'un déplacement à Châtellerault où il s'est exprimé sur l'emploi, le Premier ministre a rappelé l'application, au 1er octobre, de la réforme de l'assurance chômage, qui doit inciter à un arbitrage entre travail et absence d'activité. Il a également présenté le plan d'investissement dans les compétences, qui prévoit la possibilité de recourir au contrat de professionnalisation pour l'embauche des chômeurs de longue durée, grâce à l'extension des aides pour 2022 et la mobilisation de 240 millions d'euros : je salue cette mesure importante et la promesse de former 1,4 million de chômeurs d'ici fin 2022.
Toutefois, ces actions concernent les personnes au chômage depuis plus d'un an, alors que certaines sont plus éloignées de l'emploi encore : en 2020, 18 % des chômeurs l'étaient depuis plus de deux ans. Leur réintégration dans le milieu du travail semble plus difficile, car il leur faut réapprendre les rythmes et modalités de la vie professionnelle. Pour cela, ils ont besoin d'être accompagnés de façon individualisée. Madame la ministre, pouvez-vous nous détailler les prochaines étapes de cette stratégie de remobilisation ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Vous l'avez rappelé, la reprise économique est très dynamique : 2,4 millions d'embauches ont eu lieu au cours des trois derniers mois, dont près de la moitié en CDI. C'est du jamais vu depuis vingt ans. Pourtant, de nombreuses entreprises rencontrent des difficultés de recrutement. Nous sommes donc face à un paradoxe qui n'est malheureusement pas nouveau : d'un côté, des entreprises qui n'arrivent pas à recruter ;…
…de l'autre, des chômeurs qui ne trouvent pas d'emploi.
L'important plan de réduction des tensions de recrutement que nous avons présenté hier avec le Premier ministre vise à répondre à ce paradoxe, en amplifiant encore l'effort de formation des demandeurs d'emploi grâce à un investissement supplémentaire de 800 millions d'euros pour l'année 2021-2022. Le plan cible tout particulièrement les demandeurs d'emploi de longue durée, qui doivent bénéficier pleinement de la reprise économique.
Nous nous sommes engagés à ce que d'ici la fin de l'année, Pôle emploi recontacte chaque demandeur d'emploi pour lui proposer une immersion, un accompagnement adapté ou une formation. Afin de répondre aux besoins immédiats de l'économie et de faciliter le retour à l'emploi, nous voulons privilégier les formations en situation de travail. Le plan prévoit également une aide de 8 000 euros pour les employeurs qui embauchent un demandeur d'emploi de longue durée en alternance.
Par ailleurs, Pôle emploi proposera aux demandeurs d'emploi de très longue durée un parcours de remobilisation plus intensif, qui pourra inclure, pour ceux qui en ont besoin, un appui psychologique.
« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe Dem.
Ces demandeurs d'emploi pourront également bénéficier de solutions sur mesure d'accès à l'emploi, notamment grâce aux 100 000 places que nous aurons créées dans les structures d'insertion par l'activité économique au cours du quinquennat. Vous le voyez, le Gouvernement est plus que jamais déterminé à répondre aux besoins de notre économie et à permettre à chacun de bénéficier de la reprise.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Tout d'abord, notre groupe s'associe à l'hommage que vous avez rendu à Maxime Blasco, monsieur le président.
Monsieur le Premier ministre, le 17 novembre 2018, des milliers de Français manifestent : le mouvement social des gilets jaunes, d'une ampleur inédite, se déclenche suite à la hausse de la taxe carbone, qui augmente fortement le prix du carburant à la pompe. On connaît la suite.
Hier, les Français apprennent que le prix du gaz va de nouveau augmenter de 12,6 % au 1er octobre, soit une hausse record de près de 58 % au cours des deux dernières années. À cette hausse du gaz vient s'ajouter la hausse du prix de l'électricité et des carburants.
Cette situation n'est pas nouvelle, mais depuis quelques mois, avec la reprise des économies mondiales, elle s'aggrave. Il y a désormais urgence à agir : en raison du coût croissant des énergies, le pouvoir d'achat des Français va fortement s'éroder, en particulier celui des plus précaires, mais également celui des classes populaire et moyenne, qui vont rencontrer les plus grandes difficultés à se chauffer et se déplacer cet hiver.
Dans le projet de budget que vous avez présenté mercredi dernier, il n'y a aucune mesure pour soutenir les ménages. Hier, le Président de la République a annoncé en grande pompe la défiscalisation des pourboires : ce ne sont pas de pourboires supplémentaires dont les Français ont besoin, mais de meilleurs salaires !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.
Pour une grande partie de la population, il devient chaque année plus difficile de vivre de son salaire. C'est d'autant plus vrai lorsque la part du budget consacrée au logement, au chauffage et aux déplacements augmente terriblement.
La colère gronde, le feu couve, et il est de votre responsabilité, monsieur le Premier ministre, de l'éteindre avant qu'il ne se propage au pays. Que comptez-vous faire pour que tous les Français puissent se chauffer correctement, quel que soit le lieu où ils résident ? Que comptez-vous faire pour ceux qui n'ont d'autre choix que d'utiliser leur véhicule pour aller travailler ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.
Vous avez évoqué la crise des gilets jaunes : suite à cette crise, le Gouvernement a pris de nombreuses mesures visant à augmenter le pouvoir d'achat.
Protestations sur les bancs du groupe GDR.
Pour n'en citer qu'une, la prime d'activité : son montant a doublé en volume, passant de 5 à 10 milliards d'euros, ce qui correspond à une augmentation mensuelle de pouvoir d'achat de plus de 100 euros.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
D'ailleurs, nous sommes un des rares pays du monde où le pouvoir d'achat n'a pas reculé pendant la crise du covid.
Il a même continué à augmenter cette année, et cette hausse devrait se poursuivre l'année prochaine de manière significative. Nous avons donc bien préservé le pouvoir d'achat des Français.
Bien entendu, nous devons continuer la transition écologique. Cela nécessite d'améliorer les modes de chauffage, que ce soit pour accroître le pouvoir d'achat ou pour préserver la planète. Je le disais tout à l'heure, le pouvoir d'achat passe par l'octroi à 5,8 millions de ménages d'un chèque énergie, dont le montant sera augmenté de 100 euros en fin d'année.
Par ailleurs, assurer la transformation énergétique, c'est également et avant tout continuer à répondre à la crise du logement. Aux côtés du Premier ministre, j'ai assisté ce matin au congrès HLM de l'Union sociale pour l'habitat (USH) : nous soutenons la construction de logement social ,
Vives protestations sur les bancs du groupe GDR
car c'est une réponse concrète aux besoins de logements à prix modérés. Nous poursuivrons également la rénovation énergétique des logements, à la fois dans le parc privé et dans le parc social.
Plusieurs mesures prévues par la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets nous permettront également d'avancer, comme la création du rôle d'accompagnateur rénov' et le financement du reste à charge pour les plus modestes.
Toutes ces mesures sont concrètes, et c'est ainsi que nous mènerons la transition écologique : avec volontarisme et en accompagnant les plus modestes.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Avec votre réforme, le pouvoir d'achat des chômeurs et des aides ménagères va diminuer, car les salaires stagnent depuis des années !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
Après les sous-marins, les fusées. Depuis cinquante ans, la France s'est battue avec succès pour prendre le leadership d'un programme spatial européen, dont l'élément central a été le lanceur Ariane. Or, il y a quelques semaines, votre gouvernement a signé un accord pour Ariane 6, aux termes duquel l'Allemagne, en échange d'une rallonge budgétaire de 140 millions d'euros, a obtenu de votre part le transfert de la production du moteur Vinci de Vernon vers Ottobrunn en Allemagne – l'Allemagne qui, c'est bien connu, a besoin d'emplois.
Ce moteur n'est pas un simple propulseur comme Vulcain ; c'est le moteur à hydrogène rallumable du dernier étage de la fusée, soit la technologie la plus décisive pour l'avenir, puisque c'est celle qui est nécessaire pour les vols habités dans l'espace. Ce transfert de technologie est une perte de savoir-faire extrêmement importante pour la France d'autant plus choquante que l'Allemagne développe de son côté son propre programme spatial de lanceurs, concurrent du programme européen.
Il y a quelques mois, c'était les brevets de Dassault que votre gouvernement s'apprêtait à offrir à l'Allemagne dans le cadre de l'avion de combat du futur, si l'entreprise n'avait pas sonné l'alarme. Quand la France cessera-t-elle d'être naïve avec l'Allemagne ? Les coopérations ne vous interdisent pas, monsieur le Premier ministre, de mettre en œuvre et de protéger ce que notre code pénal appelle le « potentiel scientifique » de la nation.
Si le modèle allemand vous inspire tant, inspirez-vous de la démocratie allemande et commencez par organiser un débat devant l'Assemblée nationale avant d'engager tout transfert !
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR et applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Permettez-moi d'abord d'excuser M. Bruno Le Maire, retenu mais qui pilote directement ce dossier. Le ministre a négocié avec l'Allemagne, l'Italie et l'Agence spatiale européenne (ESA) un bon accord pour la France et pour Vernon.
Cet accord sécurise des commandes portant sur sept Ariane 6 par an pour le site de Vernon, tandis qu'ArianeGroup verra sa compétitivité renforcée, notamment grâce à un financement allemand de 140 millions d'euros, ce qui lui permettra de conquérir des parts de marché auprès de SpaceX, par exemple – il existe donc de bons accords de partenariat.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Certes, la fabrication du moteur Vinci va être déplacée en Allemagne, mais vous oubliez de dire que c'est le site français qui produira le moteur Prometheus, voué à équiper les futurs lanceurs spatiaux.
C'est donc lui, le moteur avec lequel nous nous projetons vers l'avenir…
…sachant qu'un investissement de 40 millions d'euros sera réalisé dans l'usine de Vernon qui doit produire ce moteur.
La France est une grande puissance spatiale : nous le voyons dans le domaine des satellites, dans le développement des start-up du secteur que nous accompagnons, mais également dans le plan d'investissement que le Président de la République doit annoncer – autant d'éléments qui indiquent que nous souhaitons rester cette grande puissance spatiale, en Europe et dans le monde.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
En termes d'activité industrielle, comme technologiquement parlant, Prometheus ne fera que se substituer au moteur Vulcain dans les programmes Ariane Next, c'est-à-dire pas avant 2030.
Vous lâchez donc la proie pour l'ombre. Et ce n'est pas le bilan de M. Macron et le démantèlement de nos grands programmes industriels, d'Alcatel à Alstom – tellement piteux que, sept ans après, vous êtes obligés de ramer pour racheter des morceaux d'Alstom – qui va nous rassurer sur votre savoir-faire pour protéger nos fleurons.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et SOC.
En matière de savoir-faire industriel, je ne crois que ce que je vois. Nous sommes la première équipe gouvernementale à recréer de l'emploi industriel en France : ce n'était pas arrivé entre 2000 et 2016, et les chiffres valent probablement mieux que les paroles.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – Protestations sur les bancs du groupe LR.
Ma question concerne la situation de l'économie et l'évolution du prix de l'énergie. Grâce aux mesures du Gouvernement et aux dispositions votées par la majorité du Parlement, notre économie a été protégée pendant la crise du covid. Grâce au plan de relance, elle connaît aujourd'hui un rebond extraordinaire. Cependant – et notre groupe Agir ensemble vous a souvent alerté –, ce rebond s'accompagne également de tensions sur les matières premières – le bois, les matériaux de construction ou encore, tout récemment, le blé dur, qui augmente le prix des pâtes ; tensions également sur les transports où les conteneurs ont fortement augmenté ; tensions enfin sur le marché du travail.
Mais ce qui inquiète nos concitoyens dans l'immédiat, c'est l'annonce faite par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) d'une augmentation de 12,6 % du prix du gaz, qui s'ajoute à d'autres augmentations, soit une hausse de près de 50 % depuis le début de l'année.
Le Gouvernement a annoncé une augmentation de 100 euros du chèque énergie. C'est, à mes yeux, une bonne mesure, qui permet de conforter les efforts qui sont faits par ailleurs sur le plan de la fiscalité pour soutenir le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Cette mesure est-elle cependant un solde pour tout compte ? Si l'hiver est rigoureux, peut-être faudra-t-il remettre le sujet sur la table et prendre des mesures complémentaires.
Enfin, la vraie question de fond est de savoir comment concilier la relance de l'économie et les objectifs de la transition écologique, qui, s'ils doivent apporter une réponse à la thermosensibilité du parc immobilier français, ne le feront qu'à long terme, alors que c'est à court terme qu'il nous faut nous préoccuper du quotidien des Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.
Votre question porte sur la manière d'accompagner tous les Français dans l'accélération de la transition écologique. Nous sommes d'ores et déjà et serons, dans les années qui viennent, confrontés à une augmentation du prix des énergies, sachant que la sortie des énergies fossiles est au cœur même de la transition écologique ; c'est tous le sens des efforts que fait le Gouvernement pour décarboner notre mix électrique et pour soutenir les énergies renouvelables.
Dans les transports, les efforts du Gouvernement portent sur le développement des transports collectifs et quotidiens et sur le passage à des mobilités décarbonées et à des mobilités douces.
Dans le bâtiment, j'insiste sur la prochaine réglementation environnementale des bâtiments, la RE2020 qui sera l'une des plus ambitieuses d'Europe. Elle permettra d'abaisser considérablement le bilan carbone de nos constructions nouvelles, à la fois dans le processus de construction et dans la consommation.
Enfin, nous souhaitons accompagner les Français dans la modification de leurs habitudes de vie, en matière notamment de rénovation, avec MaPrimeRénov' mais également avec le prêt avance rénovation, contenu dans la loi « climat-énergie », qui permettra de boucler plus facilement les dossiers de financement de travaux.
Nous devons aller encore plus loin, vers des rénovations de plus en plus globales et de plus en plus complètes, qui améliorent à la fois le confort de vie et le bilan carbone.
En attendant, nous faisons jouer la solidarité nationale, avec le chèque énergie et les 100 euros supplémentaires que nous allons verser à 5,8 millions de ménages, d'ici à la fin de l'année.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Ma question s'adresse à monsieur le Premier ministre.
Dimanche 25 avril : un homme abattu ; 17 juillet : descente d'un commando armé ; 23 juillet : descente d'un commando armé – un ado blessé ; 4 août : deux hommes casqués font feu – pas de blessé ; 24 août : fusillade – deux blessés ; 21 septembre dernier : tirs de fusil à pompe – les élèves sont confinés dans les écoles… Est-ce à Paris ? À Marseille, dans les quartiers nord ? Non, je vous parle d'une petite et charmante ville de province, Cavaillon, que vous connaissez bien, monsieur le Premier ministre.
Je vous alerte également sur le guet-apens qu'ont subi les policiers de Carpentras, ce week-end, comme sur ces événements qui arrivent trop souvent dans les petites villes de France.
Le 22 juillet dernier, je vous ai écrit pour vous alerter sur la situation terrible que Cavaillon et son quartier du Docteur-Ayme sont en train de vivre, du fait l'affrontement de bandes rivales, au milieu de la population, sur fond de trafic de drogue. Malheureusement, mon courrier est resté sans réponse.
« Honteux ! » sur les bancs du groupe LR.
Depuis rien n'a changé, les habitants ont peur et n'osent plus sortir de chez eux.
Bien sûr, M. Darmanin est venu au mois d'août à Cavaillon pour annoncer cinq postes de policiers supplémentaires – en réalité, il s'agit seulement de remplacements ; il a aussi annoncé la création d'une BAC (brigade anticriminalité) de nuit mais en 2022… Des CRS sont également venus quadriller le quartier… pendant une dizaine de jours.
Mais nous nous trompons de combat. Nous sommes en guerre, et nous devons lutter avec des moyens concrets, immédiats et pérennes.
Monsieur Darmanin, laissez les CRS sur place pendant six mois, sans discontinuer ! Créez la BAC de nuit maintenant, pas en 2022 !
La justice doit aussi avoir les moyens de faire son travail : Monsieur Dupond-Moretti, donnez les effectifs manquants au tribunal d'Avignon, et que celui-ci durcisse la réponse pénale. Les lois de la République doivent être respectées, et la peur doit changer de camp.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
À Cavaillon, comme dans tout le Vaucluse, l'arrière-pays marseillais existe, puisque le trafic de drogue y prolifère. Il prolifère à Avignon – et nous avons tous une pensée pour le brigadier Masson – à Carpentras et à Cavaillon.
Vous qui avez été maire pendant neuf ans de la commune de Cavaillon, vous savez que c'est l'urbanisme, la concentration urbaine et les failles de la sécurité de votre ville qui drainent le trafic marseillais jusque dans le nord des Bouches-du-Rhône ou le sud du Vaucluse.
Vous savez aussi le travail accompli par la police dont nous avons augmenté les effectifs, après une longue baisse, puisque, lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, il n'y avait que quarante-huit gardiens de la paix au commissariat de Cavaillon.
Je regrette que vous n'ayez pas évoqué l'augmentation de 53 % du nombre de gardes à vue dans votre commune depuis le début de l'année ni la hausse de 70 % des procédures de lutte contre les stupéfiants. J'ajoute une baisse de 15 % des atteintes aux biens et de 8 % des atteintes aux personnes, vingt-deux trafics démantelés en 2020 et déjà dix-huit depuis le début de cette année.
Oui, les effectifs de police vont augmenter dans votre circonscription – nous sommes le premier gouvernement à le faire pour votre commune et votre circonscription
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM
–, et le maire de Cavaillon qui vous a succédé m'en remerciait encore récemment dans le journal.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Oui, nous devons travailler avec la justice : les procureurs de la République étaient présents lors de ma venue au mois d'août, et lorsque vous avez écrit au Premier ministre, il m'a demandé de venir à Cavaillon, où je n'ai malheureusement pas eu le loisir de vous rencontrer.
Monsieur le Premier ministre, aujourd'hui les Français sont seuls face à une explosion du tarif du gaz et des autres énergies ; une hausse de près de 60 % depuis le début de l'année, historique, mais prévisible.
En 2020, nous vous avions déjà alerté sur l'insuffisance du chèque énergie. Vous proposez une revalorisation de 100 euros : c'est peu et bien tardif, d'autant que nous savons tous que les taxes sur les carburants et l'énergie vont, cette année, beaucoup rapporter à l'État. Il faut par ailleurs augmenter le nombre de bénéficiaires, car les classes moyennes souffrent également et c'est injuste.
Le problème tient également à notre retard en matière de rénovation thermique. Sept millions de passoires thermiques sont directement concernées en France : nous rénovons en moyenne entre 300 000 et 400 000 logements par an, alors qu'il faudrait au minimum doubler ces efforts pour atteindre nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, sans compter le restant de notre parc de 33 millions de logements.
Notre groupe avait dit qu'un budget de 1 milliard d'euros par an était insuffisant pour MaPrimeRénov'. Toute l'enveloppe ayant été dépensée, vous l'avez doublée, mais chacun sait qu'il faudrait au moins 5 milliards de plus par an pour parvenir à des émissions nulles dans le logement en 2050.
Nous sommes face à un problème à double tranchant : d'une part, une question sociale, qui impose une réaction immédiate pour aider nos concitoyens ; d'autre part, une question environnementale, qui nécessite une réponse d'ampleur et pérenne dans le temps. Ma question est donc double : allez-vous augmenter significativement le chèque énergie pour ceux qui en ont besoin, et allez-vous engager des moyens beaucoup plus importants pour la rénovation thermique dans notre pays ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
…merci de me poser, à la suite de plusieurs membres de l'Assemblée nationale, cette question très importante qui mobilise le Gouvernement, et en particulier moi-même. Je suis la situation de très près.
Vous avez raison de rappeler que le prix du gaz continue de monter sur les marchés européens. Il atteint désormais 70 euros le mégawattheure : c'est un niveau historique. Comme l'a rappelé Mme la ministre déléguée chargée du logement, cette situation résulte de la baisse des exportations depuis la Norvège, d'une forte demande de gaz naturel liquéfié en Asie et en Amérique du Sud et d'une réduction des importations de gaz depuis la Russie ; en 2019, la Russie représentait environ 40 % de ces importations.
M. Loïc Prudhomme s'exclame.
Ces tensions sont aggravées par le faible remplissage des stocks de gaz européens, même si je souligne devant vous que les stocks français sont remplis à près de 90 %.
Quoi qu'il en soit, il s'agit d'une situation exceptionnelle et probablement conjoncturelle. Elle n'en appelle pas moins une réaction. Je précise que, sur 11 millions de consommateurs de gaz en France, nous estimons que 5,5 à 6 millions de personnes disposent d'une offre à tarif fixe et ne seront donc pas concernés. Mais il en reste beaucoup d'autres : les 2,8 millions de nos concitoyens au tarif réglementé et les 2,2 millions qui, eux, voient leur tarif indexé sur les cours internationaux du gaz.
Pour faire face à la hausse du prix des différentes énergies, j'ai annoncé, il y a quelques semaines, la création d'un chèque-énergie exceptionnel s'ajoutant à celui que nous avions créé après la crise des gilets jaunes ,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM
lequel sera versé en janvier ; il s'agit d'une bonification de plus de 100 euros qui sera versée en décembre à près de 6 millions de nos concitoyens. Mais, vous avez raison, cela ne suffit pas.
J'ai donc demandé aux services d'étudier des actions complémentaires qui seront présentées dans les tout prochains jours.
Quant à MaPrimeRénov', vous avez souligné le succès qu'elle remporte auprès de nos concitoyens pour faire face au défi majeur de l'isolation thermique des logements, lesquels sont une source non négligeable d'émissions de gaz à effet de serre : en somme, vous nous reprochez qu'il n'ait pas été fait avant nous ce que nous faisons aujourd'hui.
M. Erwan Balanant applaudit.
Pas moins de 2 milliards d'euros pour MaPrimeRénov' en 2021, et j'ai immédiatement abondé, par redéploiement au sein du plan de relance,…
…l'enveloppe affectée à cette excellente mesure, qui rencontre un grand succès auprès de nos concitoyens.
Dans le projet de loi de finances pour 2022 qui vous sera soumis, ce montant sera reconduit. J'observe que vous parlez de 5 milliards ; nous verrons, et nous nous adapterons en cours d'année 2022.
Ce que je constate, mais j'y suis habitué, c'est que l'on nous reproche des dépenses excessives mais que, chaque fois que nous touchons un sujet, on nous en demande de nouvelles.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés s'associe à l'hommage rendu à notre soldat tué au Mali.
J'associe à ma question mes collègues Barrot et Mattei et, plus largement, notre groupe.
La crise sanitaire a révélé les problèmes du secteur touristique et permis de mesurer tant ses forces que ses faiblesses. L'activité a très bien repris dans le secteur de la restauration, des cafés et de l'hôtellerie ; néanmoins, elle est menacée par une très forte pénurie de main-d'œuvre. Depuis des années, l'attractivité de ces métiers s'est détériorée : salaires très bas, horaires pénibles entre les coupures, les soirs et les week-ends et cadrant peu avec une vie de famille…. Les mois de fermeture n'ont fait que renforcer ce sentiment. Il nous faut donc ouvrir le champ des possibles, puisque la baisse de la baisse de la TVA à 5,5 % n'a pas eu, à l'époque, les effets escomptés.
Hier, le Président de la République annonçait la prochaine défiscalisation des pourboires payés par carte bancaire.
Je m'en réjouis car, le paiement en liquide s'étant fortement réduit, les pourboires au personnel ont quasiment disparu. Le Gouvernement esquisse les bases d'une réforme professionnelle tout au long de la vie ; conjugué à un plan indépendants ambitieux, nous avons là un moyen idéal d'augmenter immédiatement les rémunérations, sans peser sur les charges des employeurs, et de redonner du sens au service client qui est l'essence même de ces métiers, tout en encourageant les personnes à oser changer de vie et à s'installer. Par ce regain d'attractivité, le secteur HCR devrait pouvoir recruter et se développer plus facilement. L'effet suivant de cette mesure sera de permettre de profiler les équipes et de réduire la pénibilité.
Monsieur le ministre délégué, pourriez-vous détailler les modalités d'application de ces annonces et nous indiquer dans quelle mesure les parlementaires pourront s'impliquer dans ces avancées sociales importantes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
Tout d'abord, permettez-moi d'exprimer les félicitations chaleureuses du Gouvernement au chef Tissot qui, hier, a remporté brillamment le Bocuse d'Or ,
Applaudissements sur tous les bancs
ce qui n'était pas arrivé à un chef français depuis 2013. Cette victoire emblématique, car le trophée ira chez Bocuse, est le signe d'une filière de formation exceptionnelle. Le Président de la République et moi-même avons eu, hier, avec les chefs français, la démonstration de ce qui se fait de mieux au monde.
Néanmoins, le constat est clair : malgré une filière d'excellence et une formation remarquable, un manque cruel de main-d'œuvre ne permet pas à cette filière de se développer comme elle le souhaite. Ces dernières semaines, Élisabeth Borne a rencontré les branches professionnelles auxquelles elle a transmis la demande du Gouvernement que chacune prenne en main son avenir en étudiant les possibilités d'évolution absolument indispensable des rémunérations, de la formation et de l'attractivité des métiers.
Par ailleurs, le Président de la République a indiqué hier son souhait de voir la partie pourboire exonérée de fiscalité et de charges sociales…
…de cotisations sociales, j'accepte. La situation est actuellement ambiguë, car la partie des pourboires versée en espèces n'est pas connue, donc pas fiscalisée, tandis que la partie réglée par carte bancaire l'est. Nous allons régulariser la situation et le Parlement sera entièrement associé à cette démarche, puisque la mesure entrera dans le cadre du projet de loi de finances.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Merci, monsieur le ministre délégué, et je compte sur chacun d'entre vous pour renouer avec la tradition des pourboires.
Madame la ministre déléguée chargée de l'autonomie, notre modèle social d'aide aux personnes âgées est en grande difficulté. Les personnels, dont je salue l'engagement, en établissement ou à domicile, nous alertent chaque jour sur leurs conditions de travail ainsi que sur le manque d'effectifs et de moyens. Vous les connaissez bien.
Un nouveau regard sur le grand âge est aujourd'hui indispensable : aider nos aînés à vivre dignement et repenser leur autonomie doit être une préoccupation majeure de notre pacte social, et la prise en charge de la dépendance est un enjeu fondamental auquel nous devons répondre. Les concertations ont été menées, les acteurs sont mobilisés, les attentes sont grandes ; elles vous obligent, madame la ministre déléguée.
Alors que les rapports sur le sujet s'amoncellent, la loi sur la dépendance, promise depuis trois ans, vient d'être abandonnée. Pourtant la crise du covid-19 a mis en lumière l'urgence à agir.
Votre nomination semblait nous envoyer un message d'espoir. Vous nous faisiez une promesse, en mars dernier, que je cite ici : « Je vous annonce, sans équivoque possible, que la réforme relative au grand âge et à l'autonomie est désormais sur les rails, irrémédiablement engagée. »
Où est donc cet engagement aujourd'hui ? Comment parler de réforme, sans texte, sans vision globale, sans ambition forte que nous pourrions partager avec vous ?
Le Gouvernement s'engage, certes, je le reconnais ; mais il se borne à des petits pas. La réforme du grand âge est limitée à quelques mesures financières pour les services et les soins à domicile, qui demeurent inquiets, et à la création de 10 000 postes supplémentaires en EHPAD, soit un tiers-temps supplémentaire par établissement et par an. Tout cela nous paraît bien insuffisant. Autant dire que la déception est grande.
L'État n'est pas au rendez-vous des besoins des professionnels et des attentes des aînés. Après autant de promesses, pourquoi un tel renoncement à une grande loi pour l'autonomie, attendue par tous les Français et qui nous concerne tous ?
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur Perrut, vous qui connaissez bien le sujet, vous savez parfaitement que, non, le Gouvernement n'a pas abandonné la réforme du grand âge et de l'autonomie.
Je parle bien de la réforme. Et, quoi qu'il en soit, aucun gouvernement n'a autant agi que celui-ci pour structurer une politique publique nationale pour les personnes en perte d'autonomie.
Mmes Stella Dupont et Michèle Peyron applaudissent.
Sous cette législature, nous avons créé et financé la cinquième branche de la sécurité sociale. Elle était promise par toutes les majorités précédentes depuis 2006 ; nous l'avons faite, avec le soutien de la majorité …
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM
…et nous l'avons financée en lui attribuant 2,4 milliards d'euros de recettes de CSG pour faire face au défi démographique qui nous attend. Nous avons également ouvert le sujet des revalorisations salariales pour les professionnels du secteur afin de pleinement reconnaître leur métier indispensable.
Désormais, plus de 2,8 milliards d'euros de financements supplémentaires seront consacrés chaque année à ces revalorisations massives – il faut écouter, monsieur Cordier. Nous consacrerons 2,1 milliards d'euros à rénover et moderniser les EHPAD, alors que plus d'un sur quatre n'a pas connu de rénovation depuis plus de vingt ans.
Nous voulons aller plus loin, grâce au PLFSS pour 2022, en renforçant et en simplifiant les services à domicile et en médicalisant davantage les EHPAD : plus de 400 millions d'euros supplémentaires seront consacrés à des mesures nouvelles pour l'autonomie dès 2022, avec une montée en charge progressive qui permettra d'atteindre plus de 1,3 milliard supplémentaire en 2025 ; 240 millions seront mobilisés pour mieux financer les services à domicile et améliorer la qualité des interventions ; 54 millions serviront à augmenter le temps des soignants en EHPAD, sécuriser les établissements et tirer les leçons de la crise. C'est une réforme structurelle, pluriannuelle et financée qui s'engage, sanctuarisant le financement pour recruter 10 000 personnels soignants dans les EHPAD d'ici cinq ans. C'est inédit.
À l'urgence des besoins, je préfère répondre rapidement et concrètement par un texte de loi, plutôt que de repousser l'urgence à des lendemains qui chantent.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens. – Mme Mathilde Panot s'exclame.
Monsieur le Premier ministre, mardi dernier, nous vous avons accueilli à la préfecture de Bobigny, où, en rappelant votre enracinement provincial, vous nous avez affirmé être très attaché à notre département urbain, jeune et prometteur. Ces propos nous sont allés droit au cœur. Hélas, votre déclaration d'amour du mardi n'a pas survécu à la décision prise vendredi par votre gouvernement, qui a choisi de déplacer une scène de crack parisienne vers la Seine-Saint-Denis et d'ériger un mur.
Dans notre département, nous ne supportons plus le grand écart entre les paroles et les actes.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – M. Christian Hutin applaudit également.
Comme le disaient certains habitants ce week-end, nous ne supportons plus d'être décrits un jour par le Président de la République comme la Californie et d'être traités comme une réserve d'Indiens le lendemain. Pas plus que les autres, nous ne tolérons de vivre au milieu des trafics. Au moment où un polémiste haineux sature les médias et déclare que la Seine-Saint-Denis n'est plus la France, ne voyez-vous pas qu'en agissant ainsi, vous lui donnez un sérieux coup de main ?
Monsieur le Premier ministre, à quoi sert de nous avoir longuement mobilisés, ici même, pour débattre sur le séparatisme, si c'est pour renforcer un apartheid social aux portes de Paris ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.
À quoi sert le plan « Un État plus fort en Seine-Saint-Denis », bâti à partir de notre rapport parlementaire, si c'est pour reporter sur ce territoire les sérieux problèmes qu'on ne veut pas régler ailleurs ? Comment voulez-vous donner crédit aux valeurs de la République et de solidarité nationale en déplaçant la misère et la détresse sociale dans les quartiers populaires ?
Monsieur le Premier ministre, quelles décisions entendez-vous prendre, d'abord pour revenir au plus vite sur votre décision indécente de déplacer ces toxicomanes ; ensuite, pour apporter une réponse sécuritaire, mais aussi sanitaire, en mettant les toxicomanes à l'abri et en les soignant ; enfin, pour que la Seine-Saint-Denis et la dignité de ses habitants soient respectées ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC, FI et LT.
Monsieur Peu, derrière votre intervention, il y a des femmes, des hommes et parfois des enfants, qu'il s'agisse des riverains de Paris ou de Seine-Saint-Denis, ou de ceux que l'on peut qualifier de toxicomanes – je ne reprendrai pas le mot que vous avez utilisé, qui a largement dépassé votre pensée ,
Gestes d'incompréhension sur les bancs du groupe GDR
car nous savons que vous êtes un humaniste.
Nous ne déplaçons pas la misère. À Paris, depuis vingt ans, une drogue a des consommateurs de plus en plus nombreux – près de 100 % de ceux qui l'utilisent sont dépendants ; elle les tue au bout d'un an, dans des conditions ignobles, après leur avoir fait perdre leurs dents, leurs cheveux. On l'appelle le crack. Elle est importée depuis les Antilles et, pour partie, depuis l'Afrique. Nous luttons fortement contre ces trafics, quoique peut-être pas assez, et nous obtenons de bons résultats, même s'ils ne suffisent pas.
Je serai bref, à cause du temps limité qui m'est imparti ; les consommateurs de cette drogue se sont regroupés dans un jardin parisien. La maire de Paris, pour les mêmes raisons que vous, a souhaité fermer ce jardin et les évacuer, sans concertation avec l'État. Ils se sont donc installés dans la rue Riquet et aux alentours de celle-ci, provoquant, ces dernières semaines, une dizaine d'agressions verbales ou physiques, parfois sexuelles. Nous devons trouver des lieux pour accueillir ces personnes – la mairie de Paris doit en proposer.
Constatant cette situation absolument inacceptable et à la demande de la maire de Paris et d'autres élus, j'ai pris la responsabilité de déplacer ces personnes dans le square de la porte de La Villette, à Paris, qui a l'avantage de ne pas avoir de riverains immédiats – ce point est très important, nous irons ensemble si vous le voulez.
Cette solution est très temporaire ; elle ne pourra durer que quelques heures ou quelques jours. Nous avons en outre déployé les moyens policiers et matériels permettant d'éviter que ces personnes ne se rendent en Seine-Saint-Denis. Jeudi matin, une réunion, qui se tiendra sous l'autorité du préfet de la région d'Île-de-France et du préfet de police de Paris, avec tous les élus qui souhaitent y participer, permettra de mettre fin très rapidement à la situation. Il faut pour cela que la mairie de Paris nous propose des lieux.
Enfin, vous avez raison, ce n'est pas une question de sécurité, mais bien une question sanitaire.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Madame la ministre des armées, il y a bientôt quinze jours, l'Australie annonçait la rupture du contrat passant commande de douze sous-marins français. Cette annonce unilatérale et brutale a suscité un sentiment de sidération au sein de la représentation nationale et, au-delà, dans le pays tout entier. Même si cette décision australienne largement commentée depuis s'est révélée un choix politique et non une remise en cause des choix technologiques français, elle avait été douloureusement ressentie par les acteurs de la filière industrielle de la défense, à commencer par Naval Group, héritier direct de la Direction des constructions navales.
Je me réjouis donc de l'annonce ce matin par votre ministère de la signature d'un contrat d'acquisition de trois frégates de défense et d'intervention – FDI – par le gouvernement grec. La signature d'un tel contrat est bien la preuve, s'il en était besoin, de l'excellence de la filière française de construction de défense et de ses 200 000 salariés, à commencer par ceux de Naval Group. Cette commande qui fait suite à celle, en janvier, de vingt-quatre avions Rafale par la Grèce, pour au moins 2,5 milliards d'euros nous rappelle que la mer Méditerranée est à nouveau un potentiel théâtre d'opérations armées, notamment en raison de l'attitude offensive de certains acteurs du bassin méditerranéen, et qu'il importe d'assurer une interopérabilité avec des pays alliés membres de l'Union européenne comme la Grèce.
Pouvez-vous nous donner des précisions sur le contenu du contrat passé avec la Grèce, notamment nous détailler le calendrier de livraison et les retombées pour l'emploi ?
La France et la Grèce sont liées par deux cents ans d'amitié et de partenariat.
Ce partenariat stratégique franchit aujourd'hui une nouvelle étape car, vous l'avez rappelé, après l'achat de vingt-quatre avions Rafale, le premier ministre grec a annoncé ce matin, en présence du Président de la République française, la commande de trois frégates de défense et d'intervention, assorties d'une quatrième, en option. Je tiens à préciser qu'elles seront toutes produites à Lorient, en France.
C'est d'abord une excellente nouvelle pour la France, pour notre industrie navale, pour Naval Group et pour l'emploi. Vous l'avez dit, cette décision prouve une fois de plus la qualité de l'offre française. En l'absence de projet d'exportation, j'avais été amenée au mois de mars à assurer le plan de charge du site de Lorient pour les trois prochaines années en accélérant la commande de deux frégates. Grâce à cette annonce grecque, nous pourrons revenir à un calendrier proche de celui prévu par la loi de programmation militaire du 13 juillet 2018. Ceci nous rappelle que l'industrie de défense marche sur deux jambes : l'exportation et la commande nationale.
C'est également une excellente nouvelle pour la défense de nos deux pays, car ce choix marque avec éclat le renforcement de notre coopération. Les FDI de dernière génération équiperont la marine hellénique dès 2025. Ma priorité reste évidemment l'équipement de la marine nationale ; ces navires arriveront dans nos forces dès 2024. C'est enfin une excellente nouvelle pour l'Europe de la défense, puisque la Grèce a fait le choix de la souveraineté, d'une Europe qui fait face. Je m'en réjouis.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, le Gouvernement a déposé la semaine dernière un projet de loi de finances pour 2022 qui se caractérise tout à la fois par son insincérité, par la dérive des dépenses publiques et par la poursuite de la croissance de l'endettement public.
Le projet de budget est insincère car les crédits nécessaires pour financer certaines annonces gouvernementales ou présidentielles n'y sont pas inscrits. Il y en aurait, d'après le rapporteur général de la commission des finances, pour 5 à 6 milliards d'euros ; ce qui explique que, pour la première fois depuis sa création, le Haut Conseil des finances publiques a refusé de donner un avis sur le solde public. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale est quant à lui d'une sincérité discutable, car il est présenté à l'équilibre en 2022 dans les documents fournis par le Gouvernement, grâce à la Caisse d'amortissement de la dette sociale – CADES –, alors que le déficit prévisionnel des seuls régimes de base de sécurité sociale dépasse 21 milliards d'euros.
Outre cette insincérité, les finances publiques dérivent : le déficit structurel, qui s'était stabilisé autour de 2,4 % du PIB entre 2017 et 2019, atteindra 3,7 % du PIB en 2022 d'après les estimations gouvernementales – voire 4,7 %, d'après le Haut Conseil des finances publiques.
Cette politique d'open bar budgétaire,…
…qui continuera jusqu'aux élections présidentielle et législatives, se traduit par une explosion de la dette publique qui atteindra à la fin de 2022 près de 3 000 milliards d'euros, soit 100 000 euros par famille. En cinq ans, cette dette s'est accrue de 25 000 euros par famille et ce n'est pas la faible croissance française, de l'ordre de 1 % par an, qui en permettra le remboursement. C'est l'ensemble des Français qui supportera le poids de cette dette. Aussi, ma question est simple : le Gouvernement envisage-t-il de prendre des mesures structurelles d'économie pour donner aux Français des finances publiques durables ? Si oui, quand ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LT ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LR et UDI-I.
Monsieur de Courson, le budget que nous avons présenté se caractérise par deux traits. C'est d'abord un budget qui tient nos engagements, notamment celui de réarmement du régalien, avec la poursuite de la hausse des crédits alloués aux ministères de l'intérieur, de la justice et des armées. C'est également un budget de préparation de l'avenir, avec des moyens supplémentaires consacrés à la jeunesse, à la recherche et à la transition écologique. Ce budget marque en outre notre solidarité avec les plus fragiles, pour faire en sorte que pas un Français ne soit laissé sur le chemin à la sortie de la crise. Enfin, il stabilise les relations financières entre l'État et les collectivités locales, puisque nous reconduirons la dotation globale de fonctionnement pour la cinquième année.
Ce budget permet également la poursuite de la trajectoire de baisse de la fiscalité – à la fin de ce quinquennat, les impôts auront baissé de 50 milliards d'euros, la moitié pour les ménages, la moitié pour les entreprises.
Enfin, ce budget marque le retour à la normale. Vous semblez oublier que nous sortons d'une crise économique et sociale profonde liée au covid-19,…
…qui s'est traduite par une dégradation des finances publiques, car nous avons répondu aux besoins de nos concitoyens et des entreprises. Nous mettons fin à cette dégradation : en 2022, le déficit sera de moitié inférieur à ce qu'il était en 2020.
Ce retour à la normale est important ; nous stabilisons la dette, nous diminuons les prélèvements obligatoires et nous retrouvons une trajectoire de normalisation et de soutenabilité budgétaire. Nous voulons accompagner la France sur le chemin de la relance et de la reprise : ce n'est pas une politique d'open bar. Si c'était le cas, nous accepterions toutes les demandes de l'opposition qui, d'un côté, nous reproche la dérive des finances publiques, de l'autre, nous demande des dépenses supplémentaires.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Il y a un instant, le président de votre groupe, M. Bertrand Pancher, trouvait que 5 milliards d'euros, ce n'était pas assez pour la dépendance. Cela démontre vos contradictions ; le sérieux budgétaire et l'ambition pour la France sont de notre côté.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le ministre délégué, vous ne répondez pas sur l'insécurité ni sur les économies structurelles nécessaires. C'est exact, vous avez bien procédé à une baisse des impôts mais elle est d'une quarantaine de milliards, non de 52 milliards d'euros, et elle se fait à crédit.
La phrase de Pierre Mendès France est célèbre : gouverner c'est choisir. Je constate…
Monsieur le Premier ministre, depuis de nombreuses années, rapports et annonces se succèdent pour souligner le défaut de prise en charge et d'accompagnement des personnes fragiles, notamment en lien avec le vieillissement de la population. L'attractivité des métiers du grand âge et de l'autonomie est un sujet récurrent et la crise actuelle a mis en lumière le caractère essentiel et irremplaçable de ceux-ci, d'un point de vue tant humain et social qu'économique. Or force est de constater le déphasage criant entre les politiques nationales et la réalité de ceux qui appliquent les politiques d'accompagnement des populations dans les territoires, en particulier les départements, chefs de file de l'action sociale.
Ce n'est pas votre discours du 23 septembre en Saône-et-Loire qui corrige la tendance étatique consistant à annoncer des mesures partielles et catégorielles, en en transférant en grande partie le financement aux départements. Ainsi, vous avez annoncé l'instauration en 2022 d'un tarif plancher de 22 euros pour les prestations sociales versées par les départements, dont l'APA – allocation personnalisée d'autonomie –, mais les modalités de compensation de cette mesure restent inconnues. C'est une avancée en trompe-l'œil, car le coût d'intervention au titre de l'assistance aux personnes âgées est déjà supérieur à ce tarif, par exemple dans mon département, en Corrèze.
Oui, notre pays a besoin de réformes, mais de réformes qui apportent des avancées sociales et économiques. Il n'a pas besoin d'effets d'annonces démagogiques financés par les collectivités locales. Pouvez-vous rassurer les départements et annoncer la prise en charge financière de cette décision ou allez-vous vous servir du carnet de chèques des collectivités comme vous vous êtes servi de celui de l'État pour financer la campagne électoraliste que vous avez commencée pour le Président de la République ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Madame Meunier, franchement, les aides à domicile méritent mieux que les propos que vous avez tenus à l'instant.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Vous qui en parlez tant, vous qui les aimez tant, vous n'y avez pas prêté attention pendant quinze ans. Ce n'est qu'avec la crise sanitaire que tout le monde s'en soucie !
Vous m'interrogez sur la revalorisation des aides à domicile consécutives à l'agrément de l'avenant 43 à la convention collective de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile. Soyez rassurée : beaucoup de départements ont déjà voté des crédits supplémentaires pour intégrer cette revalorisation, sans s'inquiéter de l'accompagnement de l'État, car celui-ci est prévu, vous le savez très bien.
Cette revalorisation était espérée depuis des décennies. Quel dommage qu'elle n'ait pas eu lieu avant !
Protestations continues sur les bancs du groupe LR.
Je vous rappelle que les partenaires sociaux ont trouvé un accord sur la refonte de la grille conventionnelle, avec, à la clé, des augmentations salariales de 13 % à 15 %, selon le niveau de qualification des aides à domicile et selon qu'elles ont atteint ou non dix ans d'expérience. Cela représente 191 euros net en plus sur leur fiche de paye, tous les mois, dès octobre.
L'État a agréé cet avenant,…
…en épaulant les départements, pour qu'ils assument financièrement ce saut qualitatif, car cela relève de leurs compétences. Vous l'avez permis en votant à l'unanimité une enveloppe pérenne de 200 millions pour financer cette manne. Soyez plutôt fière de permettre, à partir du 1er octobre, ces revalorisations tant méritées.
Vous aurez l'occasion, dans le projet de loi de financement (PLFSS) pour 2022, de renforcer économiquement les autres services à domicile, quel qu'en soit le statut, et de renforcer l'attractivité – y compris commerciale – du secteur, avec l'instauration d'un tarif minimum garanti par l'État.
Cette décennie verra 200 000 personnes âgées supplémentaires faire face à une perte d'autonomie, tandis que les Français disent toujours vouloir vieillir à domicile plutôt qu'en établissement : les besoins sont immenses, le vivier d'emplois de proximité considérable. J'ai engagé un plan pour l'attractivité de ces métiers, qui donne de premiers résultats. J'espère pouvoir compter sur votre soutien pour le reste.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Madame la ministre, arrêtez de lire vos fiches, sortez de votre bureau et venez dans les départements ! Je vous invite !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Vives protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Brouhaha.
Il y a un an, l'Assemblée nationale adoptait la proposition de loi d'Albane Gaillot visant à renforcer le droit à l'avortement. Ce vote est important, car il lève des freins qui s'opposent encore aux femmes et aux couples voulant mettre fin à une grossesse non désirée. Au moment où les droits fondamentaux des femmes sont remis en cause dans certains pays, il positionne la France comme un pays où leur exercice progresse.
Où en est-on depuis ? Après le rejet du texte par le Sénat, une majorité de députés attend son inscription à l'ordre du jour. Oui, une majorité de députés veut allonger les délais d'accès à l'avortement ; oui, une majorité de députés veut mettre fin à la clause de conscience spécifique, qui participe à considérer l'accès à l'IVG – interruption volontaire de grossesse – comme accessoire et culpabilisant ; oui, une majorité de députés veut faire confiance aux sages-femmes, afin qu'elles puissent pratiquer des IVG instrumentales, facilitant ainsi l'accès à des professionnels qualifiés sur tout le territoire.
Un an plus tard, la majorité de députés attend de pouvoir voter la proposition de loi d'Albane Gaillot avant la fin de la législature. Les Françaises et les Français y sont majoritairement favorables et les doutes éthiques ont été levés par le Comité consultatif national d'éthique (CCNE). Ma question est simple : en ce 28 septembre, journée internationale du droit à l'avortement, le Gouvernement est-il favorable ou non à un texte de progrès qui lève les freins subsistant en France à l'exercice d'un droit fondamental ?
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et SOC.
Nous sommes effectivement le 28 septembre, journée mondiale du droit à l'avortement et je veux redire mon engagement farouche et sans faille à défendre ce droit, depuis toujours. Il est l'affirmation résolue du droit des femmes à disposer de leur corps et un élément structurant de l'égalité entre les femmes et les hommes. Il faut le défendre sans relâche, car il n'est jamais acquis.
Vous m'interrogez sur l'extension du délai légal de douze à quatorze semaines, question majeure pour les femmes qui sont confrontées à une demande d'IVG tardive, mais qui ne résume pas à elle seule l'enjeu crucial de l'accès à l'IVG. C'est pourquoi j'avais saisi le Conseil consultatif national d'éthique, qui a rappelé dans son avis l'importance des mesures de protection des femmes, de prévention et d'accompagnement. Le CCNE a aussi considéré qu'il n'y a pas d'objection éthique à allonger le délai d'accès à l'IVG de deux semaines. Lors de l'examen de la proposition de loi, je vous faisais part de mon humilité face à cette question. Force est de constater que ce texte a aussi suscité une opposition viscérale sur certains bancs, ce qui a conduit à son retrait par le groupe parlementaire qui l'a présenté.
Comme vous le savez, dans le contexte exceptionnel de la crise sanitaire, je me suis engagée à garantir que le droit à l'avortement soit respecté, effectif et inaliénable en tout point du territoire, dans le respect du choix des femmes et en étant attentif à leur parcours. C'est mon combat et celui du Gouvernement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Une majorité de députés voulait inscrire la proposition de loi à l'ordre du jour et la voter. Au cas où un groupe parlementaire ne pourrait pas la mettre à l'ordre du jour de l'Assemblée, le Gouvernement ne pourrait-il pas reprendre le texte à son compte, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale par exemple ?
Monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, dans le cadre de la crise sanitaire, le Président de la République, le Gouvernement, les députés de la majorité, et même certains au-delà de nos rangs, n'ont eu de cesse d'analyser les risques, les difficultés sanitaires bien sûr, mais aussi les difficultés économiques et sociales, afin de mettre en œuvre les mesures de soutien adaptées pour éviter une crise majeure. L'activité partielle pour les salariés ou le Fonds de solidarité pour les entreprises, ajustés en permanence au fil du contexte, en sont une illustration.
Notre modèle social et de solidarité a démontré sa pertinence : en témoignent également les 40 000 places supplémentaires d'hébergement d'urgence créées et maintenues en sortie de trêve hivernale, les crédits exceptionnels de plus de 2 milliards exécutés en 2020 sur la mission "Solidarité " ou encore le chèque énergie majoré annoncé tout récemment. Mais à l'heure où l'on constate une reprise économique forte, une baisse du chômage et un surplus d'épargne des Français, je souhaite appeler votre attention sur les ménages qui, malgré ce contexte positif, restent fragiles et ont parfois été encore plus fragilisés par cette crise : des salariés précaires, des indépendants, des jeunes, des chômeurs. Parce que si l'épargne a augmenté de façon globale, les plus fragiles ont accru leur endettement.
La précarité et la pauvreté demeurent une réalité forte. La solidarité doit rester notre préoccupation, pleinement intégrée dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2022. J'ai noté différentes mesures telles que le calcul plus juste de l'allocation adulte handicapé (AAH) ; je salue également la recentralisation du RSA pour la Seine-Saint-Denis, département particulièrement marqué par la précarité et la pauvreté, qui a besoin d'un soutien fort et pérenne de l'État. Je suis aussi mobilisée pour faire aboutir le projet du contrat d'encadrement pour les jeunes.
Vous avez bien fait de souligner que, tout au long de la crise, les mesures instaurées par le Gouvernement avec le soutien du Parlement ont permis de protéger le pouvoir d'achat, par l'activité partielle, par le fonds de solidarité pour les entreprises, par l'ensemble des dispositions – je pense notamment aux chèques adressés aux ménages les plus fragiles : elles ont permis aux uns et aux autres de traverser la crise.
Le projet de loi de finances pour 2022 va poursuivre sa trajectoire. Permettez-moi de citer quelques exemples d'actions de ce projet de loi, qui accompagneront les plus exposés à la crise : nous augmentons le budget du ministère de l'enseignement supérieur, à la fois pour tenir la loi de programmation sur la recherche, et pour améliorer la vie étudiante, avec 200 millions consacrés tant au maintien des postes d'assistantes sociales qu'à celui des tickets de restau U à 1 euro pour les étudiants boursiers. Nous ferons aussi en sorte de mieux calculer le montant de l'allocation adulte handicapé, en tenant compte de la situation des bénéficiaires qui vivent en couple : 120 000 ménages verront l'allocation augmenter de plus de 110 euros par mois. Nous veillerons également à ce que l'accès à la complémentaire santé solidaire soit plus facile et plus automatique : ainsi, tous les bénéficiaires du RSA y auront accès. Dans le même temps, nous allons maintenir des dispositifs d'hébergement d'urgence, avec des crédits maintenus à un niveau historique : entre le début et la fin du quinquennat, les crédits consacrés à l'hébergement d'urgence seront passés de 1,8 à 2,7 milliards, ce qui témoigne de l'engagement à aider les plus fragiles.
Nous devons également accompagner l'ensemble des Français. Des mesures sont préparées dans le domaine du prix de l'énergie : le Premier ministre les a rappelées. Nous avons aussi la volonté de permettre à tous de retrouver un travail : c'est l'objet du plan d'investissement dans les compétences (PIC), ainsi que des moyens que nous déployons, comme l'a annoncé le Premier ministre, pour accompagner les plus éloignés de l'emploi vers la réinsertion professionnelle. Chacun des axes et chacun des articles du projet de loi de finances ont cet objectif : la solidarité et l'accompagnement de tous sur le chemin de la reprise.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur le Premier ministre, comme toutes les compagnies aériennes, Air Austral subit l'impact de la crise sanitaire. Le soutien de la région Réunion, combiné aux aides de droit commun de l'État, lui a permis de tenir jusqu'à maintenant, mais la persistance de la crise ne lui a pas permis de retrouver le niveau d'activité escompté dans les délais attendus.
À l'instar de Corsair ou d'Air France avant l'instauration de dispositifs exceptionnels par l'État, la compagnie se trouve aujourd'hui confrontée à une situation de trésorerie très tendue qui la place dans une situation de péril imminent. Les besoins de trésorerie reflètent un caractère d'urgence. Or l'État conditionne l'activation et la poursuite de ces aides à un rapprochement capitalistique avec Corsair. Ce scénario se traduirait par la disparition d'Air Austral dans son identité de compagnie réunionnaise et, pour La Réunion, par la perte de la maîtrise du moyen essentiel de son désenclavement. Cela réduirait donc à néant les efforts accomplis par les Réunionnais depuis des décennies pour bâtir une compagnie qui, hors période de crise sanitaire, a réussi le pari d'être compétitive sur les lignes La Réunion-Paris et Mayotte-Paris, tout en assurant des dessertes régionales.
La survie d'Air Austral représente aussi bien un enjeu national qu'un enjeu stratégique majeur pour le développement de La Réunion, ainsi qu'un enjeu social concernant plus de 900 salariés.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Ne sacrifions pas sur l'autel des difficultés conjoncturelles l'avenir d'une compagnie qui est l'un des fleurons de la France dans l'océan Indien.
Je vous demande de mobiliser toutes les aides de l'État afin qu'Air Austral puisse passer le cap de ses difficultés, sans les conditionner à un mariage forcé, exclusif et immédiat avec Corsair. Si une restructuration capitalistique est sans doute nécessaire – elle est envisagée par la région Réunion –, elle ne peut être imposée dans l'urgence et doit préserver l'autonomie et l'identité réunionnaise de la compagnie.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Le Gouvernement est mobilisé depuis le début de la crise pour soutenir l'ensemble des opérateurs des transports, notamment les compagnies aériennes. D'abord avec des mesures de droit commun, telles que les prêts garantis par l'État (PGE) ou encore l'activité partielle de longue durée ; ensuite à l'aide de mesures spécifiques, avec le report de taxes et de redevances ; enfin avec des mesures ciblées sur plusieurs compagnies aériennes qui connaissent soit des situations particulières, soit des difficultés spécifiques.
S'agissant d'Air Austral, dont j'ai eu l'occasion de recevoir les dirigeants à plusieurs reprises, nous avons instauré un prêt garanti par l'État et prononcé le gel du passif public ; la compagnie a pu bénéficier d'un prêt d'urgence de 20 millions auprès du FDES – Fonds de développement économique et social.
S'agissant de la suite, vous savez que des discussions portent sur un accord commercial avec Corsair, sous l'égide de l'Autorité de la concurrence. Elles peuvent permettre non seulement de maintenir un bon niveau de desserte, mais aussi d'éviter une pression à la hausse sur les prix. Vous avez très bien décrit la situation et les objectifs sont partagés de ce point de vue. Monsieur le député, pour être très concret, nous continuons d'être aux côtés de la compagnie Air Austral, de préserver la desserte et la continuité territoriale et de nous assurer qu'une saine concurrence s'exerce sur cette zone, au bénéfice notamment des opérateurs du secteur.
Monsieur le ministre de l'intérieur, les Mahorais souffrent de trop de violence et de souffrances. En visite récemment à Mayotte, vous avez pu constater nos conditions de vie et d'insécurité. Une violence aveugle et gratuite frappe depuis plusieurs semaines des innocents à Combani et à Miréréni : des enfants ne vont plus à l'école depuis plusieurs jours.
Cette violence a encore frappé cette nuit des institutions de la République, mettant le feu à la mairie de Koungou, ville de 30 000 habitants, détruisant des habitations privées et menaçant de mort des élus, mes collègues départementaux Mme Echati Issa et M. Daoud Saindou-Malidé. La famille du maire et l'ensemble des populations de cette localité ont passé la nuit la peur au ventre, en espérant qu'elle soit la plus courte possible. Cette violence frappe pour intimider l'État et terroriser les populations, au seul motif que l'engagement du préfet pour reconquérir les territoires perdus de Mayotte, comme celui des forces de l'ordre, est à saluer.
Aujourd'hui, la situation est hors de contrôle. Monsieur le ministre, les Mahorais vous demandent de démontrer par des actes fermes que l'État ne reculera pas face à ces hordes de voyous. Ils vous demandent d'aller encore plus loin, plus vite et plus fort pour reconquérir les zones de non-droit. De Koungou à Tsingoni, de Mamoudzou à Kahani, nous vous demandons de rechercher, d'interpeller et de déférer les malfrats à la justice, et de reconduire aux frontières toutes celles et ceux dont les enfants seront pris dans les actes de caillassage de bus scolaires et de forces de l'ordre, d'atteinte aux personnes ou de destruction de biens.
Monsieur le ministre, vous serez d'accord avec moi pour dire que la réponse n'est pas à la hauteur des attentes. Les Mahorais et leurs élus attendent une telle réponse pour continuer d'être à vos côtés et aux côtés de l'État.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Vous avez rappelé que j'ai effectué un déplacement à Mayotte avec le ministre des outre-mer : j'y ai passé de longues journées à vos côtés. Nous avons annoncé l'augmentation des effectifs de police et de gendarmerie de 400 hommes, l'équipement en caméras de vidéoprotection des communes, qui en manquent cruellement, et une aide aux polices municipales car, comme vous l'avez dit, les maires sont très efficaces mais ils manquent de moyens. Dans les prochaines semaines, nous présenterons le projet de loi « Mayotte », qui tendra à apporter des solutions concrètes.
Indépendamment de la violence que vous avez évoquée, dont chacun sait qu'elle se manifeste depuis de nombreuses années dans votre belle île, que se passe-t-il à Mayotte ? Avec la destruction des habitations illégales, nous apportons la réponse ferme que vous attendez. Vous n'avez pas évoqué le sujet, mais tout le monde ne connaît pas aussi bien que vous la situation mahoraise. En détruisant les habitations illégales où logent presque tous les étrangers en situation irrégulière, nous mettons fin à une impunité érigée en règle. En ce moment même, sous la protection des forces de l'ordre, des centaines de policiers, de gendarmes, d'agents de la préfecture et de la collectivité détruisent ces habitations. L'objectif est de construire des logements sociaux, pour loger dignement les Français mahorais, notamment. Il s'agit également de ne pas garder des étrangers en situation irrégulière : la moitié des reconduites à la frontière effectuées en France ont lieu à partir de votre territoire.
Les destructions provoquent des réactions : de façon inacceptable, des gens ont attaqué les élus, les policiers et les gendarmes, ainsi que la mairie de Koungou, que vous avez citée. Quatre interpellations ont été effectuées. J'ai été ce matin en contact avec le préfet et les agents du ministère de l'intérieur : tous les moyens sont déployés pour arrêter le plus rapidement possible les personnes qui doivent l'être, avant de les remettre à l'autorité judiciaire. Celles qui seront condamnées devront exécuter leur peine de prison et toutes celles qui ne sont pas françaises devront être expulsées et ne jamais revenir dans le territoire national.
Nous devons continuer avec fermeté à détruire l'habitat indigne à Mayotte.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
En mars 2020, confronté à l'urgence sanitaire, le Gouvernement a pris une décision essentielle, salutaire pour les enfants, qui a été unanimement saluée : il a interdit les sorties sèches des jeunes majeurs accueillis par l'aide sociale à l'enfance (ASE).
Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et LaREM.
Avec l'adoption des différents textes d'urgence sanitaire, la mesure a été prorogée plusieurs fois, mais elle arrive à échéance dans deux jours. Il sera dès lors possible de faire cesser les prises en charge, jusqu'ici sanctuarisées, et de mettre des jeunes à la rue, sans accompagnement particulier. Des années durant, les départements et l'État ont investi dans ces enfants. Il serait absurde de les abandonner au moment où cet investissement doit donner ses fruits. Ce n'est pas ça, la France ! Dans un premier temps, nous devons donc garantir aux jeunes qu'ils seront toujours pris en charge après le 1er octobre. Que comptez-vous faire pour leur apporter une sécurité dans le cadre de la loi ?
Dans un second temps, nous devons pérenniser l'accompagnement, primordial pour permettre une bonne insertion. Dans ce cadre, l'Assemblée nationale a récemment voté un projet de loi qui ouvre le chantier de la protection des jeunes majeurs. Pouvez-vous nous indiquer selon quel calendrier l'examen de ce texte se poursuivra et si le Gouvernement entend ajouter aux mesures proposées ? Les jeunes attendent notre protection.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je vous sais très attachée à cette question. Je voudrais d'abord excuser Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, qui est retenu au Sénat.
Dès les premiers jours de l'épidémie, le Gouvernement a pris la mesure des enjeux auxquels seraient confrontés les jeunes majeurs sortant des dispositifs de l'aide sociale à l'enfance. Il a émis un message très clair : aucune sortie durant l'état d'urgence sanitaire. En effet, les conditions rendaient la recherche d'un emploi, d'un stage ou d'un contrat d'apprentissage très difficiles. Il était donc nécessaire d'accompagner ces jeunes. La mesure a donné lieu à des compensations financières pour les départements : 50 millions d'euros pour l'année 2020 et une compensation à l'euro près pour 2021.
Vous avez raison, le dispositif arrive à échéance le 1er octobre. Bien sûr, cela ne veut pas dire que des milliers de jeunes se retrouveront à la rue : le Gouvernement ne les laissera pas sans réponse. Le Premier ministre a annoncé hier que 900 millions d'euros seront consacrés à la formation et à l'apprentissage d'ici à la fin de l'année. Grâce au travail mené avec Élisabeth Borne et les missions locales, les jeunes de l'aide sociale à l'enfance bénéficieront du plan « 1 jeune, 1 solution ».
En juillet, vous avez voté un texte ambitieux, qui tend à accorder systématiquement la garantie jeunes aux jeunes de l'ASE. En attendant que cette disposition entre en vigueur, le Gouvernement, avec Adrien Taquet, souhaite que l'État continue à compenser intégralement les dépenses engagées par les départements pour accompagner les jeunes sans solution. Chacun pourra donc se tourner vers ses services. Auditionné demain au Sénat, le secrétaire d'État aura l'occasion de vous rappeler notre engagement constant aux côtés de ces jeunes, qui requièrent et méritent toute notre attention.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Il existe en effet des solutions pour ces jeunes, mais elles ne sont pas encore légalement opposables. Je me suis donc permis de poser cette question, en vue de réfléchir aux solutions applicables entre le 1er octobre, c'est-à-dire dans deux jours, et l'entrée en vigueur de toutes ces mesures, afin que ces jeunes ne soient pas mis à la rue par les départements qui ne jouent pas le jeu – tous ne sont pas concernés, heureusement.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Les assises de la santé mentale et de la psychiatrie, qui se poursuivent aujourd'hui, sont présentées comme « un moment historique du débat national ». Nous saluons cette initiative, qui devra se traduire par des actions concrètes. Dans une excellente tribune parue récemment, des pédopsychiatres nous disent : « On ne va pas dans le mur, nous sommes déjà dedans. »
Peu importe, monsieur le Premier ministre !
C'est vrai, la psychiatrie est véritablement le parent très pauvre d'une médecine qui connaît des déserts médicaux. La France forme vingt fois moins de psychiatres qu'il y a quinze ans. La spécialité n'attire plus les internes et la répartition dans le territoire fait que certains départements sont quasiment privés de spécialistes en ce domaine.
Alors que nous examinons au Parlement un projet de loi sur l'irresponsabilité pénale, pour répondre à une émotion forte et à une attente légitime de la société, nous ne pouvons que regretter que ces assises ne réservent aucune place aux questions de l'expertise psychiatrique, du nombre de places dans les unités pour malades difficiles et de la capacité à garantir des soins sur une longue durée. Pourtant, dans les domaines de la justice et de la santé, une approche interministérielle est essentielle. Nous espérons que les états généraux de la justice aborderont ce sujet à l'automne.
S'agissant de la santé mentale en général, la pénurie de psychiatres, de psychologues, d'infirmières spécialisées et d'autres professionnels – j'admets, monsieur le Premier ministre, qu'elle ne date pas d'hier –, la difficile organisation et le peu de lisibilité des soins pèsent sur la prévention et l'accompagnement dont les enfants, les adultes et les familles devraient bénéficier, près de chez eux. Les manques sont immenses. Pouvez-vous nous annoncer les premières mesures concrètes que vous prendrez en conclusion des assises ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Florent Bachelier applaudit également.
En ce moment même se déroule la deuxième journée des assises de la santé mentale et de la psychiatrie, que le Président de la République avait annoncées. Dans un contexte sanitaire qui met à rude épreuve l'ensemble de la société depuis plus de dix-huit mois, professionnels, patients, familles et citoyens avaient besoin de s'informer et de débattre des sujets relatifs à la santé mentale, à la psychiatrie et aux grandes orientations qui leur seront données.
La crise a mis en évidence que la psychiatrie et la santé mentale constituent un enjeu majeur pour la société, cependant notre mobilisation pour les renforcer est antérieure. Des avancées ont été accomplies avec la campagne « En parler, c'est déjà se soigner », qui vise à diminuer la stigmatisation des personnes souffrant de troubles et à faciliter ainsi le recours aux soins ; l'expérimentation Ecout'Emoi, les dispositifs Psy Enfant Ado et Santé Psy Étudiant portent leurs fruits.
Au-delà de ces mesures, nous avons soutenu financièrement les établissements de psychiatrie : 110 millions d'euros de crédits pérennes supplémentaires ont été délégués aux établissements publics, pour une dotation annuelle de financement en 2020 et en 2021. Il s'agit d'une priorité définie dans la feuille de route de la psychiatrie. Depuis 2019, un appel à projets national permet des financements via le Fonds d'innovation organisationnelle en psychiatrie (FIOP) : il a été reconduit en 2020 et 2021 pour renforcer l'offre. Ces projets ont notamment permis de créer des lits dans les territoires les plus dépourvus, en particulier pour proposer des conditions adaptées à l'hospitalisation des mineurs.
Le Ségur de la santé renforce en psychologues les centres médico-psychologiques et les maisons de santé pluridisciplinaires ; la revalorisation salariale et la possibilité d'un exercice mixte en ville et à l'hôpital contribueront à améliorer leur attractivité pour les psychiatres. Dans un moment, le Président de la République viendra clore les assises. Notre ambition collective pour ce secteur clé en sera renforcée.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Mon collègue André Chassaigne et moi-même voudrions vous entendre sur l'intention du groupe Sanofi de déléguer dans quelques jours les sites de production de principes actifs pharmaceutiques (API) à la filiale EUROAPI. Six usines européennes de Sanofi sont concernées, dont les usines françaises de Saint-Aubin-lès-Elbeuf et Vertolaye qui emploient près de 1 200 salariés. Ceux-ci redoutent que la sortie du groupe ne soit le prélude à une liquidation, à cause de multiples incertitudes. Les usines sont vieillissantes ; des investissements lourds sont nécessaires pour remettre à niveau l'outil de production. EUROAPI devra d'ailleurs financer sur ses seuls fonds plusieurs projets majeurs d'investissement, engagés par Sanofi. En effet, cette dernière se déleste d'usines qui produisent des molécules d'intérêt thérapeutique avéré, dont un antibiotique essentiel qui dégage de faibles marges. Tout cela a pour objectif de financer des acquisitions dans le domaine de la biotech. Sanofi réduira à 30 % sa présence au capital d'EUROAPI. Or aucune information n'a filtré concernant l'identité des investisseurs susceptibles d'y entrer. Une prise de participation majoritaire de fonds spéculatifs, guidés par la recherche de hauts rendements, serait susceptible de compromettre les productions et notre indépendance nationale.
Les salariés exigent que Sanofi s'engage par écrit à remettre à niveau toutes les usines concernées et à financer les projets qu'elle a engagés et délégués à sa filiale.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Mme Cécile Untermaier et M. Boris Vallaud applaudissent également.
Comme vous l'avez dit, Sanofi a annoncé le regroupement de six usines dédiées à la fabrication de principes actifs, afin de faire émerger un leader mondial : dans le domaine de la santé, ces six usines représentent le deuxième producteur mondial de principes actifs, derrière Lonza.
Comme vous le savez – la crise l'a mis en lumière –, 80 % des principes actifs sont produits hors de l'Union européenne, le plus souvent en Asie. Or il y va de notre indépendance sanitaire. Cela nous a conduits à financer des relocalisations de chaînes de production, notamment de principes actifs. On peut citer l'exemple d'une unité de production de vitamine B12, installée dans l'usine de Saint-Aubin-lès-Elbeuf, que vous avez évoquée. C'est un exemple très concret des investissements que Sanofi continue à consentir dans ses sites. Il s'agit de faire en sorte que ce leader continue à se consolider et devienne l'un des principaux producteurs de principes actifs pour l'Europe – donc de conforter notre souveraineté.
Vous avez raison de poser la question de l'actionnariat, qui vous inquiète. Je veux vous rassurer : concernant ce type d'investissements, nous pouvons appliquer le décret du 31 décembre 2019 relatif aux investissements étrangers en France. Si d'aventure une participation étrangère, hors Union européenne, était envisagée, elle serait subordonnée à l'autorisation de l'État.
Enfin, s'agissant de l'empreinte industrielle et des emplois, l'entreprise Sanofi s'est engagée à maintenir ceux-ci sur le territoire français, ainsi qu'à assurer la pérennité des deux sites, pour lesquels elle a annoncé, au mois de septembre, un investissement de 90 millions d'euros d'ici à 2025. Je remercie à cet égard la députée Sira Sylla pour sa vigilance sur ce dossier.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Les grands actes politiques commencent toujours par l'écoute et les réponses concrètes aux problématiques de terrain. L'annonce faite par le Premier ministre d'un plan massif doté de 400 millions d'euros, venant en renfort des « soldats du quotidien », s'inscrit dans ce cadre et permettra la création de 10 000 postes de soignants dans les EHPAD, d'un tarif socle à 22 euros applicable sur l'ensemble du territoire et d'un financement spécifique dédié aux services d'aide à domicile.
Il est temps de reconnaître les métiers du grand âge à leur juste valeur. Il est de notre devoir de prendre des mesures fortes et concrètes pour anticiper les changements qu'implique le vieillissement de notre population, en agissant de manière transversale et coordonnée, afin de coconstruire un projet qui réponde aux besoins actuels, tout en préparant l'avenir.
L'année dernière, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2021 a déjà permis d'augmenter la rémunération des aides à domicile : il était temps et nous l'avons fait. Si je salue le travail accompli en direction des aides à domicile et des EHPAD, je souhaite évoquer les professionnels des structures médico-sociales au sens large, car je suis très inquiète de leur capacité à maintenir le soin et à prendre soin : la pénurie de professionnels nous guette et nous devons y faire face.
Nous devons travailler à l'attractivité de ces métiers, ce qui suppose en premier lieu une revalorisation salariale, mais pas uniquement : madame la ministre déléguée, comment répondre – l'urgence est là – aux difficultés auxquelles font face les structures médico-sociales en ce moment ? Comment les mesures annoncées permettront-elles d'éviter un départ massif des aides à domicile et des professionnels de santé du secteur médico-social, qui connaît d'ores et déjà, au sein même des établissements, des fractures sanitaires et sociales non négligeables ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Il est simple de recréer de l'attractivité : il faut revaloriser, mieux former, sécuriser, accompagner, ce que nous faisons. Surtout, il faut en parler différemment, comme vous venez de le faire. Votre question fait référence aux annonces du Premier ministre en faveur de la politique de l'autonomie : elles correspondent à la concrétisation d'un chantier majeur, engagé dans cette législature, ainsi que d'un engagement qui tire les leçons de la crise. Elles consacrent la création, l'année dernière, de la cinquième branche de la sécurité sociale – une mesure historique –, accompagnée de dépenses nouvelles pour la prévention de la perte d'autonomie : les recettes correspondantes proviendront d'un prélèvement de 0,15 point de CSG en 2024.
Ces annonces complètent les revalorisations salariales massives engagées pour les professionnels du secteur à la suite du Ségur de la santé, à ses extensions et aux versements pérennisés de l'État aux départements pour les aides à domicile relevant de l'avenant 43. Un tarif national de référence de 22 euros par heure, garanti par l'État, permettra de renforcer économiquement les secteurs de l'aide à domicile, quel que soit leur statut.
Les moyens seront donnés pour avoir des services de qualité, à destination des personnes âgées et des personnes handicapées. Un tel investissement dans les métiers de l'autonomie est considérable. Il est indispensable pour répondre aux défis et aux souhaits des personnes de vieillir chez elles, avec les adaptations nécessaires, avec les soins utiles et avec l'affection de leurs proches lorsqu'elles sont en établissement. Il est légitime et nécessaire pour attirer de nouvelles vocations.
Le Premier ministre a également annoncé que les leçons de la crise seraient tirées pour les EHPAD, qui ont tenu bon : ils seront renforcés en présence soignante dès 2022 et ouverts sur leur environnement. Nous avons à cet égard sanctuarisé une enveloppe, inédite, de 2,1 milliards d'euros dans le cadre du Ségur de la santé. La vision d'ensemble exposée par le Premier ministre s'apparente donc à l'acte de naissance de la politique de l'autonomie.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je vous remercie pour votre réponse, madame la ministre déléguée. Je sais que la tâche est complexe et difficile, que l'on ne peut décréter les choses. Si nous avons beaucoup évolué sur cette question, je demeure tout de même inquiète pour les professionnels de santé de ce secteur.
Monsieur le Premier ministre, après avoir élargi les conditions du regroupement familial, vous semblez enfin découvrir la faillite de la politique migratoire du Président de la République.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
En 2019, vous aviez délivré 3,5 millions de visas, soit 67 % de plus qu'en 2011. Vous aviez accordé 275 000 premiers titres de séjour, soit 72 % de plus qu'en 2011. Vous n'aviez réussi, en parallèle, à n'éloigner que 15 % des 152 000 étrangers destinataires d'une obligation de quitter le territoire français.
Vous êtes resté inerte face au détournement de cet acquis essentiel de notre République qu'est le droit d'asile, transformé en voie paralégale de clandestinité. Vous vous félicitez même du fait que, pour la première fois, le montant de l'aide médicale d'État pour les sans-papiers dépasse le milliard d'euros. Ces chiffres, ce sont ceux de votre impuissance et de votre incapacité chronique à choisir qui entre et qui s'installe en France. Ce sont ceux d'une immigration incontrôlée, dictée par les passeurs et non par le législateur.
Depuis 2017, les députés du groupe Les Républicains vous demandent de conditionner la délivrance de visas à la reprise par les pays d'origine de leurs clandestins, proposition sans cesse rejetée.
Ce qui, hier, vous semblait impossible est aujourd'hui, par la grâce de la proximité de l'élection présidentielle, devenu réalité.
Réduire les visas délivrés aux citoyens des pays du Maghreb, afin de les forcer à reprendre leurs ressortissants indésirables, est une bonne décision, mais c'est trop peu et trop tard. Au-delà des effets d'annonce électoralistes, voulez-vous réellement, monsieur le Premier ministre, réduire l'immigration incontrôlée dans notre pays et expulser ceux qui doivent l'être ?
Dès lors, appliquez nos propositions : étendez le principe « pas de retour de clandestin, pas de visa » à tous les pays, dénoncez l'accord bilatéral entre la France et l'Algérie, conditionnez notre aide publique au développement au retour des clandestins dans leur pays, et fixez, devant le Parlement, un plafond annuel de migrants. Monsieur le Premier ministre, il n'est pas trop tard, surtout pour faire preuve de courage !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La question de savoir qui doit entrer ou non sur notre territoire est évidemment très importante, en évitant – vous en conviendrez – les caricatures, ce d'autant que les chiffres parlent. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de l'évoquer, la semaine dernière, avec une grande dirigeante de votre famille politique.
Tout d'abord, vous oubliez de mentionner le covid-19 et la fermeture des espaces aériens, dans presque tous les pays du monde. Peut-être l'ignorez-vous, mais il a été très difficile de prendre l'avion ces derniers temps…
Deuxièmement, vous constaterez que nos grands voisins font tous moins bien que nous, notamment chez Mme Merkel, que les députés de votre famille politique aiment prendre en exemple. Ainsi nous faisons mieux que l'Allemagne, tant sur le plan économique que sur le plan de l'immigration, ce qui est une bonne chose.
Troisièmement, Jean-Yves Le Drian et moi-même n'avons pas attendu vos propositions, ni même votre intervention, pour réduire de manière draconienne les visas, sous l'autorité du Président de la République. Cela a notamment déjà été le cas pour l'Algérie, depuis trois ans et demi : il faut vous réveiller !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Enfin, je constate, comme vous, que nous avons fait un choix différent : celui de sélectionner les étrangers pour ce qu'ils font et non pas pour ce qu'ils sont.
Nous ne sommes pas essentialistes et ne refusons pas tous les étrangers : cela n'aurait pas de sens.
Vous avez évoqué le chiffre de 3,5 millions de visas, mais il correspond à des touristes ou à des gens qui font des affaires, pour des entreprises françaises. Ainsi, certaines personnes viennent dans le Calaisis, y investissent, et sont d'origine étrangère. Allez-vous refuser de leur accorder des visas, ainsi qu'aux étudiants qui apprennent la plus belle langue du monde, le français ? Tant vont les LR vers Zemmour, qu'à la fin il les pourfend, monsieur le député.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le ministre, on vous savait infidèle politiquement. On vous sait désormais malhonnête intellectuellement. Vous savez très bien…
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Vous avez épuisé votre temps de parole, monsieur le député. Lorsque vous avez un doute, référez-vous à Jacques Chirac, à Nicolas Sarkozy et au général de Gaulle : cela aidera votre famille politique à avoir des électeurs.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Madame la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, ainsi que la loi le leur permet, les élus de la communauté de communes des Hautes Vosges ont décidé de se séparer. À compter du mois de janvier 2022, les vingt-deux communes seront séparées en deux communautés de communes distinctes, constituant ainsi, avec un autre cas dans le Morbihan, les premières scissions de communautés de communes.
Bien préparer la transition entre scission et création est un enjeu majeur. Ces cas serviront de jurisprudence : pour cette raison, l'État doit avoir une doctrine d'accompagnement non seulement équitable, mais aussi respectueuse du choix de ses élus et des précédentes délibérations de leurs communes. Malheureusement, une fois encore, alors que le processus pourrait être simple, l'administration le complique, en remettant en cause les décisions des principaux intéressés concernant le refus de transfert de compétences.
Madame la ministre, alors que nous nous apprêtons à débattre du projet de la loi « 3DS » – relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique –, il faut donner toute latitude aux élus pour faire vivre leur territoire et ne pas leur imposer des mesures technocratiques et lointaines.
Les communes sont souveraines dans leurs décisions : elles avaient adopté leurs compétences, que l'État n'a pas à leur imposer. Ma question est simple : allez-vous, oui ou non, laisser les élus choisir leurs compétences, comme ils l'avaient fait initialement, ou allez-vous les leur imposer, de manière unilatérale, remettant ainsi en cause leur libre administration ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
L'intercommunalité est un acquis précieux pour l'efficacité de l'action publique.
Il fallait néanmoins – c'est vrai – être pragmatique, comme nous l'avons été dans le cadre de la loi relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, dite engagement et proximité, en prévoyant un mécanisme de création de nouvelles intercommunalités par scission d'intercommunalités existantes. Entendons-nous bien, cette procédure nouvelle ne doit naturellement pas avoir pour effet de fragiliser la situation intercommunale, mais est une solution de dernier ressort quand le divorce est devenu la seule issue possible.
La scission d'une intercommunalité, tout comme sa création, n'est pas une opération anodine. C'est pourquoi la loi « engagement et proximité » a prévu qu'une étude d'impact préalable soit portée à la connaissance des conseils municipaux. Tel est le cas de la communauté de communes des Hautes Vosges : contrairement à ce que vous avez évoqué, ce ne sont ni l'administration, ni les fonctionnaires, qui imposent, mais la loi, puisque les deux nouvelles intercommunalités issues de la scission exerceront les compétences des communautés de communes.
Parmi ces compétences, figurent notamment celle de l'eau et de l'assainissement, ainsi que celle du plan local d'urbanisme. Ces structures constituant de nouveaux EPCI – établissement public de coopération intercommunale –, elles ne peuvent pas bénéficier du report de cette prise de compétences, dont le principe est supposé avoir été délibéré dans un délai désormais dépassé. Le fait que l'intercommunalité antérieure ait opté pour ce report n'a aucune incidence sur la situation des deux nouvelles intercommunalités.
Il s'agit naturellement d'une évolution importante. J'ai à cet égard pris contact avec le préfet des Vosges, en accord avec les deux futures communautés de communes : elles seront accompagnées dans la mise en œuvre et dans l'exercice de leurs compétences, qui sont obligatoires.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Merci pour votre réponse. Subsiste simplement un léger vide : il est difficile de prendre une décision au mois d'octobre, pour un effet trois mois plus tard, au mois de janvier. C'est la raison pour laquelle nous demandons aux préfets de nous laisser un délai d'un an au minimum, voire davantage.
C'est exactement ce que j'ai dit !
Le sujet de la direction d'école a été mis sur le devant de la scène par le suicide dramatique d'une directrice en septembre 2019, puis par la crise sanitaire, qui a mis en lumière le rôle essentiel des directeurs d'école tant dans l'organisation de l'école à distance puis en présentiel que dans l'application du protocole sanitaire. La situation des directeurs est connue de tous ici : ils sont un maillon essentiel du bon fonctionnement des écoles, les interlocuteurs privilégiés des familles, des élus locaux et de la hiérarchie académique.
Le référentiel publié en 2014 sur le métier de directeur d'école regroupe l'ensemble de leurs missions autour de trois axes : le pilotage pédagogique, les responsabilités relatives au fonctionnement de l'école et les relations avec les partenaires de l'école.
L'évolution de la société et de l'école a fait que, d'année en année, leurs missions et leurs responsabilités se sont considérablement accrues sans que les textes évoluent. La proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d'école défendue par Cécile Rilhac et mes collègues du groupe La République en marche, qui sera débattue demain dans l'hémicycle en seconde lecture, affirme et complète les missions essentielles du directeur. Ce travail de fond effectué depuis 2017 apporte des réponses concrètes à la question de la reconnaissance de la fonction de directeur d'école, sans créer un statut de supérieur hiérarchique, et constitue une réelle avancée en matière de responsabilité des directeurs. Cette proposition de loi permet de consolider la base juridique de l'action des directeurs d'école, sans remettre en cause l'équilibre qui existe aujourd'hui, et apporte des réponses aux besoins exprimés par les directrices et par les directeurs eux-mêmes.
Parallèlement, votre ministère a montré votre volonté d'agir sur cette thématique : l'année 2020 a été une première étape dans l'amélioration de la situation des directeurs d'école et cette évolution doit se poursuivre dans les années à venir. Les parlementaires et le Gouvernement admettent qu'il est nécessaire de mieux reconnaître et de mieux accompagner ces acteurs clé de l'école du premier degré.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous exposer les actions conduites par le Gouvernement pour faciliter la tâche des directeurs d'école et les perspectives envisagées, qu'il s'agisse de leur fonction ou de leur carrière ?
Quelques applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Je vous remercie, ainsi que Mme Rilhac et tous ceux qui se sont engagés dans cette réflexion sur cette modernisation de la fonction de directrice ou de directeur d'école – vous savez que cette fonction est très souvent exercée par des femmes. Je souhaite d'abord leur exprimer notre gratitude, parce que les directrices et les directeurs d'école sont des figures majeures de la société française, comme le sont les chefs d'établissement dans le second degré, et parce qu'ils ont joué un rôle tout particulier pour que les écoles restent ouvertes dans la période que nous venons de traverser.
Il est tout à fait normal que nous leur marquions notre reconnaissance, ce que nous faisons de différentes manières. Vous examinerez demain la proposition de loi créant la fonction de directrice ou de directeur d'école, que je soutiendrai : les débats nous permettront d'aborder l'autorité fonctionnelle du directeur ou de la directrice, ainsi que la délégation de compétences de la part de l'inspecteur de l'éducation nationale. Pour ce faire, il est nécessaire d'affaisser la part de la bureaucratie dans la vie quotidienne d'un directeur ou d'une directrice, pour privilégier la responsabilisation, l'esprit d'équipe et la capacité à prendre des décisions avec le collectif pédagogique. Cette proposition de loi complète ce que nous faisons pour l'école primaire depuis le début de ce quinquennat.
Nous avons affiché de manière très claire que nous faisions de l'école primaire la priorité des priorités, pour que les enfants consolident leurs savoirs fondamentaux et jouissent d'une bonne vie à l'école, grâce au travail collectif. Nous avons écouté ce que nous disaient les directeurs et les directrices – vous avez fait référence au drame du suicide d'une directrice d'école. Nous avons reçu des demandes diverses, du fait notamment de la taille différente des établissements.
Nous avons accordé plus de décharges horaires : en cette rentrée, 40 % des directeurs et des directrices d'école en bénéficient. Nous avons également institué une prime annuelle de 450 euros, qui s'ajoute aux 175 euros de prime informatique, et nous leur avons apporté de l'aide, grâce à 2 500 personnes qui effectuent à l'école leur service civique.
Nous irons plus loin encore, notamment au titre de l'aide administrative aux directeurs et directrices d'école.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Cet été, le Gouvernement a lancé dans le cadre du plan de relance le plan Avenir montagnes. À l'heure où l'on veut plus de proximité avec nos territoires et avec la ruralité, ce plan est une véritable opportunité. Encore faut-il qu'on laisse aux porteurs de projets le temps de monter les dossiers.
Dans ma circonscription, nous déplorons malheureusement depuis des années de plus en plus de friches sur le massif. Plusieurs centres médico-sociaux ont ainsi été fermés et rapatriés vers la ville pour des raisons d'organisation et de proximité des hôpitaux. Ces bâtiments délaissés, dont l'architecture est très belle, se trouvent dans des endroits magnifiques : ils méritent une reconversion vers le tourisme de nature, prévue dans ce plan.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que les 18 millions d'euros prévus par l'État pour le massif vosgien ne seront pas perdus aux échéances butoirs annoncées – 6 millions avant la fin de l'année 2021 et 12 millions avant la fin de l'année 2022 ?
Repousser ces échéances et fluidifier les procédures, le temps d'obtenir les permis de construire, de faire reconnaître les unités touristiques nouvelles (UTN) et de finaliser le financement, relève du bon sens pour que ce plan Avenir montagnes ne se réduise pas à un effet d'annonce sans lendemain.
Le plan Avenir montagnes lancé par le Premier ministre le 27 mai 2021 constitue le plus fort engagement en faveur de la montagne en France depuis les années 1970 et le plan Neige. Votre question porte en particulier sur les 18 millions d'euros dont bénéficiera le massif vosgien dans le cadre du plan Avenir montagnes, dont 6 millions en 2021 et 12 millions en 2022.
Ce plan est un programme de relance et de résilience ou de transition, si vous préférez, pour répondre à la fermeture administrative des remontées mécaniques sur les territoires de montagne et pour accélérer l'adaptation au changement climatique.
Nous sommes tous attentifs à ce qu'il y ait une mobilisation rapide des dépenses engagées. Toutefois, si la contrainte du calendrier s'impose, elle ne doit pas rendre les investissements impossibles – j'y veillerai personnellement. Par exemple, votre projet de reconversion d'un ancien sanatorium dans la région de Munster correspond aux objectifs du plan Avenir montagnes et a bien été identifié par le commissariat de massif, qui m'a assuré travailler avec tous les acteurs locaux pour permettre que ce projet soit inscrit dans la deuxième vague d'investissements au début de l'année 2022.
Je sais également que, si le massif vosgien n'a pas l'ingénierie dont disposent d'autres massifs, il a en revanche de nombreux beaux projets de reconversion, notamment autour des friches industrielles ou touristiques que vous évoquiez à l'instant. Nous avons justement pour but de consolider localement cette ingénierie avec le programme Avenir montagnes ingénierie qui devrait accompagner prochainement trois territoires importants des Vosges, et quatre territoires supplémentaires dans quelques mois. Au total, trente-deux territoires seront accompagnés dès la première vague du volet ingénierie du programme Avenir montagnes.
Étant respectueux des instances officielles, je publierai la liste des lauréats le 8 octobre 2021 à l'occasion du Conseil national de la montagne à Pontarlier. Il y aura de très beaux projets dans les Vosges, monsieur le député !
M. Florian Bachelier applaudit.
Pour l'instant, le commissaire des massifs nous dit que trop peu de projets sont finalisés, cependant de nombreux projets sont en préparation. Comme beaucoup de territoires, notre belle Alsace doit rester une vitrine environnementale et touristique d'excellence : aussi comptons-nous sur vous pour que cet argent ne soit pas perdu.
Je souhaite vous interroger sur un accord « de ciel ouvert » qui serait près d'être signé entre l'Union européenne et le Qatar, à l'initiative de la France, et qui est négocié en catimini. Alors que quarante-deux fréquences de vol par an sont actuellement accordées à Qatar Airways pour le transport des passagers, cet accord ne prévoit plus aucune restriction en termes de capacité ou de nombre de vols.
C'est pire encore pour le fret : cet accord donne la possibilité à Qatar Airways de relier sans limites l'Union européenne et des pays tiers, avec des vols Paris-Doha, bien sûr, mais aussi Paris-Chicago, Paris-Berlin ou Paris-Pékin. Les six avions cargo d'Air France auront du mal à rivaliser avec les vingt-huit avions cargo de Qatar Airways. Alors que nos compagnies sont en sous-capacité, vous offrez à Qatar Airways des avantages exorbitants, alors qu'elle ne paye pas son carburant et ne respecte pas le droit de ses salariés.
Comme pitoyable contrepartie, Bruxelles demande un rapport financier et un audit externe une fois par an. Je voudrais rappeler à notre assemblée que le Qatar est une dictature.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR et sur plusieurs bancs des groupes Dem et LT.
Cette dictature maintient en esclavage plus de 2 millions de travailleurs migrants, méprise le droit des femmes et subventionne des groupes terroristes ; 6 500 personnes sont mortes sur les chantiers de la Coupe du monde.
Nicolas Sarkozy a déjà accordé au Qatar une fiscalité avantageuse : cela suffit. Il y va non seulement de nos compagnies aériennes, mais aussi de notre dignité. Monsieur le Premier ministre, allez-vous vous opposer à cet accord ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI, GDR et sur plusieurs bancs du groupe LT.
Les discussions en cours entre l'Union européenne et le Qatar sur le projet d'accord de ciel ouvert sont loin d'être abouties. Vous en savez certainement plus que moi, mais j'ai rencontré récemment le président de Qatar Airways qui, lui-même, n'en savait pas beaucoup. Il faut laisser la discussion se poursuivre et faire en sorte que nos propres intérêts soient respectés dans cette affaire : croyez bien que nous y veillerons.
Je respecte le jugement que vous avez porté sur le fonctionnement de ce pays et j'imagine que les autorités qatariennes pourront l'entendre. Nous avons parfois fait des observations significatives au Qatar, en particulier sur le non-respect du droit du travail. Je voudrais simplement faire remarquer que, dans la situation actuelle, c'est le Qatar qui nous a permis de rapatrier de nombreuses personnes en provenance d'Afghanistan.
Je l'ai remercié, et je l'en remercie encore ici. Sans cela, ces Afghanes et ces Afghans ne seraient plus en vie. Auparavant, au début de la crise sanitaire, ce sont les Qataris qui nous ont permis de rapatrier de nombreux Français du monde entier pour leur permettre de rejoindre le territoire national alors qu'ils étaient en grande difficulté.
Il faut tout dire quand on parle du Qatar, être très sévère sur certains points et respecter ce qu'ils font sur d'autres.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre, la lecture de La Tribune vous éclairera peut-être davantage que les fiches de votre cabinet.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Le Président de la République avait affirmé en 2017 : « Nous serons toujours du côté des droits de l'homme ! ». Mais c'était en 2017, bien entendu !
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures dix, sous la présidence de M. David Habib.
L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances (n° 4438).
La parole est à M. Damien Pichereau, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Nous nous retrouvons pour adopter de façon définitive le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances, à la suite du succès de la commission mixte paritaire (CMP) qui s'est tenue le lundi 13 septembre.
Adopté en première lecture par le Sénat le 19 mai 2021, puis par l'Assemblée nationale le 6 juillet, ce projet de loi comprend des dispositions importantes touchant à la régulation des transports aériens, terrestres et maritimes, et permettant d'adapter notre droit aux exigences de nouveaux règlements et directives. Issues du paquet « mobilité » et œuvrant en faveur du secteur du transport routier et des droits de ses salariés, ces mesures, loin d'être anodines, organisent l'Europe que nous appelons de nos vœux : une Europe qui protège ses travailleurs en conférant à leurs droits un statut unique et harmonisé.
Ce projet de loi aborde d'autres questions plus spécifiques, comme les minerais de conflit, les régimes de sanction applicables à la violation des règles européennes encadrant le mercure, les fluides frigorigènes et les polluants organiques persistants, sans oublier un certain nombre de dispositions sociales et financières permettant, par exemple, de prendre en compte les périodes d'activité partielle pour la validation des droits à pension des marins.
Je ne peux que me réjouir du consensus qui s'est dégagé lors de nos échanges en commission mixte paritaire avec les sénateurs, dont je salue les travaux. En première lecture, l'Assemblée nationale avait d'ailleurs conservé l'essentiel des modifications apportées par la Haute Assemblée. Le texte adopté par la commission mixte paritaire reprend donc logiquement le texte adopté par l'Assemblée.
La CMP a procédé à deux ajustements. À l'article 6 relatif à l'Autorité de régulation des transports (ART) et à sa mission de régulation des redevances aéroportuaires, une plus grande indépendance dans la fixation des principes comptables qui régissent la répartition des activités dans les enceintes des aérodromes lui a été accordée, ainsi que le droit de réaliser un suivi économique et financier des aérodromes sous sa compétence ; un équilibre a donc été trouvé. D'autre part, des modifications strictement rédactionnelles ont été apportées à l'article 24 bis . En somme, on peut dire que les très rares points d'achoppement existants ont été levés sans grande difficulté, au profit de l'adaptation la plus fidèle possible au droit européen, sans surtransposition et dans l'intérêt général.
En guise de conclusion, je rappellerai simplement que l'adoption définitive de ce projet de loi est indispensable, pour des raisons tant juridiques que politiques, la France devant exercer la présidence de l'Union européenne au premier semestre de l'année prochaine. Je me réjouis donc que nous puissions aboutir à un texte illustrant parfaitement l'ambition européenne que nous avons toujours défendue avec le Président de la République et le Gouvernement, celle d'une Europe écologique, sociale et protectrice.
La parole est à Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure de la commission mixte paritaire.
À l'exception de l'article 41, l'examen du chapitre V de ce projet de loi n'aura posé que peu de difficultés. Le Sénat et l'Assemblée ont reconnu l'intérêt d'adopter ces différents articles d'ordre technique en matière économique et financière. C'est non seulement nécessaire, eu égard à nos engagements européens, mais sur le fond, ces articles constituent aussi une avancée. Les articles 34, 34 bis , 34 ter , 35 et 42 renforcent les compétences des superviseurs européens et nationaux et élargissent le champ de la coopération. Les articles 39 et 40 protègent davantage le droit des consommateurs. L'article 36 permet d'alléger les obligations d'information qui pèsent sur certains prestataires de services d'investissement dans le contexte de la relance. Enfin, l'article 38 consiste en un toilettage du code monétaire et financier concernant les dépositaires centraux de titres.
Je ne m'attarderai donc que sur le seul article qui a suscité des débats, y compris au sein de notre assemblée : l'article 41. Il visait à l'origine à habiliter le Gouvernement à adapter et à moderniser les dispositions nationales encadrant le financement participatif à la suite du règlement européen du 7 octobre 2020. Le Sénat l'a modifié, afin notamment d'ouvrir davantage le financement participatif aux collectivités territoriales.
En première lecture, l'Assemblée a dû s'employer à garantir certaines avancées pour les collectivités : l'autorisation de passer par une plateforme de financement participatif pour l'ensemble des projets des collectivités hors régalien – ce champ était auparavant réduit aux seuls services publics culturels, éducatifs et sociaux et solidaires ; et la possibilité pour les personnes morales de consentir des prêts aux collectivités dans le cadre de ces projets.
Malgré ces avancées, un point restait en suspens : le Sénat souhaitait faciliter encore davantage les projets participatifs des collectivités en leur permettant de recourir au financement obligataire. Bien que je considère par principe qu'il n'est jamais bon de restreindre l'autonomie de gestion des collectivités, le Gouvernement et moi-même avions en l'espèce des réserves touchant entre autres le maniement des deniers publics, pour des projets de grande ampleur pouvant représenter plusieurs millions d'euros, par un autre acteur que le comptable public, ainsi que le risque d'un coût de financement plus élevé pour les collectivités et l'affectation de recettes à des dépenses spécifiques, qui contraint par la suite la décision publique et pourrait entraîner une forme d'insécurité juridique pour les élus.
Toutes les conditions n'étaient donc pas réunies à ce stade en vue de cette ouverture au financement obligataire. Il en va désormais autrement : grâce au travail constructif et de qualité que nous avons mené avec le rapporteur du Sénat Hervé Maurey, que je tiens à saluer, la commission mixte paritaire a abouti à un compromis équilibré. En effet, l'article 41 prévoit désormais la possibilité d'une expérimentation de trois ans, à compter du 1er janvier 2022, pour les collectivités qui souhaitent recourir à une plateforme afin de financer par des obligations un projet participatif. Elles devront à cette fin se porter candidates auprès des ministres chargés des comptes publics et des relations avec les collectivités territoriales, lesquels se prononceront en fonction du coût de financement, de la nature des projets et de leur éventuel impact écologique, à partir de critères d'éligibilité qui seront fixés par arrêté. Cette solution présente deux avantages : d'une part, elle a le mérite d'élargir les possibilités de financement participatif à l'obligataire, tout en leur conservant un cadre strict qui évite tout dérapage ; d'autre part, elle encourage la coopération entre les plateformes et les services de Bercy en vue de déterminer le cadre et les règles du financement participatif des collectivités.
Pour finir, j'ajouterai que les deux principales dispositions intégrées par l'Assemblée, en première lecture, à l'article 41, ont été maintenues telles quelles : l'une vise la sécurisation des élus, dans le cadre de leurs projets de financement participatif, face au risque de prise illégale d'intérêts ; l'autre élargit de manière encadrée le champ de l'ordonnance prévue par cet article, selon le souhait du Gouvernement. Considéré dans son ensemble, l'article 41 se trouve donc maintenant équilibré.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'Europe peut être pour la France un amplificateur de puissance : elle a vocation à nous protéger, à nous rendre collectivement plus forts. Ces mots ne reflètent pas des chimères : ils correspondent à des faits avérés. Régulièrement, des dispositions prises en commun avec nos partenaires européens viennent ainsi enrichir notre droit. En créant un cadre unifié, elles permettent de protéger et de renforcer nos industries, nos opérateurs, nos concitoyens.
Tel est le sens du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances. Ce texte transpose dans le droit français une douzaine de directives européennes, en vue notamment d'améliorer le fonctionnement du secteur des transports. Sa rédaction finale se trouve quasiment identique à celle que vous avez adoptée en première lecture avant l'été. Deux modifications rédactionnelles, que le Gouvernement salue, ont été proposées et adoptées en commission mixte paritaire afin d'étendre aux territoires d'outre-mer la portée de l'article 10, qui vise à sanctionner les intrusions sur des pistes d'aéroport, et d'affiner à la marge la rédaction de l'article 24 bis , ratifiant des ordonnances issues de la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités. Un accord a par ailleurs été trouvé concernant l'article 41, lequel a trait au financement participatif des projets des collectivités locales : le Gouvernement tient à remercier les rapporteurs pour les échanges qui ont eu lieu à ce sujet.
Je voudrais profiter de cette intervention pour revenir sur les grands enjeux de ce texte. Encore une fois, celui-ci vise à protéger tant les acteurs du secteur des transports que les collectivités et les citoyens. Commençons par les routiers : ce projet de loi transpose en partie le paquet « mobilité », dont l'adoption au niveau européen, l'an dernier, sous l'impulsion de la France – je salue du reste les travaux de M. le rapporteur Pichereau en la matière –, a constitué pour le secteur routier une avancée considérable. L'entrée en vigueur de ces dispositions est attendue par les transporteurs comme par les élus, et je sais à quel point M. Pichereau y est attaché. Grâce à ce texte, nous protégeons nos routiers de la concurrence déloyale, car les transporteurs étrangers devront désormais respecter une période de quatre jours de carence entre deux cabotages. Nous les protégeons également de potentielles dérives, de mauvaises conditions de travail : nous sanctionnons les entreprises qui ne respecteraient pas le droit des conducteurs au retour dans leur pays d'établissement ou à leur domicile. Nous durcissons les peines en cas de non-respect de leur repos. Nous les protégeons, enfin, des accidents, en interdisant qu'ils soient rémunérés en fonction de la rapidité de leurs livraisons. Beaucoup avaient dit pouvoir le faire : nous, nous agissons concrètement.
Le projet de loi protège également nos marins. Il fait évoluer nos exigences en matière de formation et de temps de travail ; il prévoit la prise en compte des périodes d'activité partielle pour leurs droits à pension, mesure essentielle à la signature d'accords portant sur l'activité partielle de longue durée dans le secteur maritime. Le Gouvernement avait d'ailleurs déposé un amendement que vous avez adopté, et qui avait été travaillé avec la majorité, notamment avec Mme Panonacle, en vue d'adapter ce dispositif post-covid, en concertation avec les acteurs du secteur. De plus, ce texte améliore la protection des personnels navigants face à des passagers indisciplinés.
Toutefois, il renforce non seulement la protection des professionnels des transports, mais aussi celle, essentielle, de la planète. Nous allons pouvoir mieux réguler la teneur en soufre des combustibles marins ; nous repenserons le service européen de télépéage afin de fluidifier le trafic et donc de moins polluer ; nous renforcerons le contrôle des produits arrivant sur le marché, de manière à nous assurer qu'ils respectent les normes environnementales européennes.
Enfin, ce projet de loi accompagne nos collectivités et le développement de l'activité sur nos territoires. Il autorise plusieurs avancées qu'elles attendaient. Je pense notamment au financement participatif, dont vous demandiez l'assouplissement, étant entendu que ce mode de financement se trouve déjà autorisé pour tout projet soutenu par une collectivité territoriale ; des dérogations existent et ont pu être utilement précisées. Le Gouvernement estime équilibré l'accord obtenu en commission mixte paritaire : une nouvelle fois, je voudrais remercier ceux qui ont contribué à la rédaction finale du texte.
S'agissant des attentes des collectivités, je reviens ici sur deux débats à forte teneur territoriale qui nous ont occupés en commission comme dans cet hémicycle. Premièrement, en ce qui concerne les aménagements liés au Brexit aux abords du tunnel sous la Manche, ce texte nous permettra de régulariser une situation exceptionnelle. Bien sûr, il ne s'agit pas d'étendre de manière pérenne la dérogation existante à la loi « littoral » du 3 janvier 1986 et au code de l'urbanisme. Cela ne grèvera pas non plus la capacité de développement de Calais et de ses infrastructures. Deuxièmement, en ce qui concerne l'encadrement des aéroports et l'ART, plusieurs avancées du Sénat ont été conservées, le rôle de l'ART précisé. La rédaction finale tient compte des besoins et des enjeux de chacun : l'ART se voit notamment confier une compétence de suivi économique des aéroports, ce qui participera, j'en suis convaincu, au bon fonctionnement et à la reprise du secteur aérien après la crise qu'il a connue ces derniers mois.
Mesdames et messieurs les députés, vous pouvez le constater : ce texte couvre des domaines relativement vastes. Certains reviendront probablement sur quelques mesures isolées, par exemple les sanctions en cas d'intrusion sur un aérodrome que j'ai déjà évoquées. On ne peut réduire le projet de loi à cette seule disposition, ni considérer celle-ci comme liberticide. Elle ne prive pas nos concitoyens de leur liberté de manifester, et un tarmac constitue un endroit dangereux pour qui n'est pas habilité à y circuler. Des sanctions similaires sont prévues en cas d'intrusion dans un port ; du reste, certains de nos voisins européens se montrent bien plus stricts. Notre enjeu collectif ne doit pas être de repeindre les avions en vert, mais de verdir l'aviation, notamment en concevant une future génération d'appareils sobres en carbone. Je vous sais d'accord avec moi sur ce sujet. Penser et agir pour la décarbonation de nos transports et plus généralement de notre économie, voilà ce qui doit nous animer. C'est notamment au plan européen que nous poursuivrons nos efforts en ce sens.
Il nous faut pleinement saisir l'opportunité que représentera, à partir de janvier, la présidence française du Conseil de l'Union européenne. Nous ferons à cette occasion des propositions fortes, suivant plusieurs priorités : engager ou poursuivre de profondes transitions dont l'Europe sera chef de file, en développant les biocarburants avancés, en accroissant la part du fret ferroviaire, en accélérant le changement de notre parc automobile ; et mettre fin aux zones grises du droit social européen dans les secteurs du transport aérien et maritime, dans le prolongement de notre action concernant le transport routier de marchandises. Nous ne sommes pas seuls à le vouloir : plusieurs de mes homologues partagent ces préoccupations. Pour protéger notre planète, il est plus efficace d'agir à l'échelle d'un continent qu'à celle d'un pays.
L'Europe peut nous rendre plus forts dans la transition écologique – une Europe qui protège et qui renforce, l'Europe en laquelle nous croyons, que nous nous efforçons chaque jour, inlassablement, de bâtir. Cet édifice européen que nous construisons, ce texte en est une pierre.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
J'ai reçu de M. Jean-Luc Mélenchon et des membres du groupe La France insoumise une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Loïc Prud'homme.
« Silence, on pollue ! » C'est bien ce message que vous aurez adressé pendant cinq ans aux militants écologistes : faites moins de bruit, s'il vous plaît, la Macronie souhaiterait polluer dans le calme ! Pour les faire taire, vous redoublez d'imagination : plus les preuves de votre inaction en matière climatique s'accumulent, plus vous réprimez celles et ceux qui vous le rappellent. En juin 2019, des centaines de militants d'Extinction Rebellion s'étaient réunis à Paris, sur le pont de Sully. Non violents, ils se tenaient assis, arborant des pancartes : « Rebellons-nous pour le vivant ». Ils ont été gazés en plein visage, matraqués, insultés. Silence, la Macronie pollue !
Même rengaine à Bure, où des militants opposés au projet CIGEO d'enfouissement des déchets nucléaires ont été durant des années suivis, mis sur écoute, interpellés, placés en garde à vue, parfois interdits de territoire – en bref, traités comme des terroristes. Leur procès s'est tenu en juillet : tous les prévenus ont été finalement relaxés du chef d'accusation d'« association de malfaiteurs », ce qui laisse entendre qu'ils faisaient l'objet d'une procédure disproportionnée. Silence, la Macronie pollue ! En juin 2020, des écologistes ont mené une action sur une piste de l'aéroport d'Orly : en vue de lutter contre le dérèglement climatique et l'effondrement de la biodiversité, ils réclamaient l'interdiction immédiate de tous les vols intérieurs. Le journaliste Alexandre-Reza Kokabi, travaillant pour le site Reporterre, qui se trouvait sur place afin de couvrir cette action, a écopé d'une amende de 750 euros ; des militants ont été mis en garde à vue et poursuivis. Silence, la Macronie pollue !
Près de chez moi, la lanceuse d'alerte Valérie Murat, porte-parole de l'association Alerte aux toxiques, traînée en justice par l'interprofessionnelle des vins de Bordeaux, a été condamnée à 125 000 euros de dommages et intérêts ; on tente à présent de l'empêcher de faire appel. Son unique forfait : avoir analysé et publié la composition de vins bourrés de pesticides quoique bénéficiant du label HVE – haute valeur environnementale. Elle a révélé que ce dernier n'était qu'une mascarade ; elle l'aura payé cher. Sa condamnation est à ce jour la plus lourde d'Europe dans la catégorie des procès « bâillons ». Même faute, même peine pour les responsables de l'association Alerte pesticides Haute-Gironde, qui ont vu débarquer en armes, un dimanche, des gendarmes appartenant à la fameuse cellule Déméter, venus veiller à ce qu'au cours d'une simple réunion entre consommateurs et producteurs, il ne soit pas dit trop de mal du système agro-industriel.
Jusqu'au fond des campagnes, silence, la Macronie pollue ! Du reste, elle ne l'ignore pas : en Europe, la France est le deuxième émetteur de gaz à effet de serre et le rythme de la baisse de ces émissions s'y trouve l'un des plus faibles. Selon le Haut Conseil pour le climat, en raison du retard accumulé dans ce domaine par la France, ce rythme devrait pratiquement doubler pour atteindre au moins 3 % en 2021 et 3,3 % en moyenne durant la période 2024-2028. La Macronie pollue et chouchoute les pollueurs : plus ils font de dégâts, plus ils sont choyés. TotalEnergies émet chaque année davantage de gaz à effet de serre que l'ensemble des Français et nous attire vers une trajectoire de hausse de la température jusqu'à 4,5
Je n'ai pas non plus le souvenir que le patron de Lafarge qui, en plus de collaborer avec l'ennemi, déverse ses eaux usées dans la Seine depuis des années en toute impunité, ait été un jour traîné au sol ni jeté en garde à vue. En revanche, les militants qui rappellent qu'un trajet d'avion est en moyenne quatorze à quarante fois plus polluant que le même trajet en train, que le trafic aérien double tous les quinze ans et que la filière est responsable de plus de 7 % de l'empreinte carbone de la France, auront droit, eux, à toutes vos fantaisies sécuritaires.
C'est ainsi que l'on se retrouve avec le fameux article 10, qui s'inscrit dans la lignée de votre acharnement historique contre les militants écologistes. Initialement, le projet de loi que nous examinons était simplement destiné à adapter notre droit à celui de l'Union européenne mais, fidèles à vous-mêmes, vous en avez profité pour y introduire votre touche finale, votre griffe : la répression. Eh oui, l'article 10 ne vise en rien à adopter notre droit aux normes européennes, puisque vous avez déjà essayé de faire passer la mesure de répression qu'il porte dans votre loi « sécurité globale ». Faute d'avoir réussi à la faire entrer par la porte, vous la faites revenir par la fenêtre au travers du présent texte. Désormais, une intrusion sur la piste d'un aéroport vaudra six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende, voire un an de prison et 15 000 euros d'amende si elle est commise en réunion ou si elle s'accompagne d'un acte de dégradation – et le tarif sera le même pour une tentative de commission de ces délits.
Pourtant, il existe déjà des sanctions lourdes et sévères à l'encontre de ce type d'actes, et vous le savez parfaitement. Les actes de malveillance, par exemple, sont sévèrement sanctionnés par le code des transports d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 18 000 euros d'amende. C'est d'ailleurs à ce titre que des militants bordelais ont été poursuivis à la suite de leur action à l'aéroport de Bordeaux-Mérignac. D'après vous pourtant, cet article 10 n'aurait aucunement pour but de les viser directement : non, bien sûr, rien de tout cela ! Vous affirmiez il y a quelques mois que vous n'empêchiez pas les militants écologistes de manifester, loin de là, et qu'ils pouvaient aussi faire passer leur message de l'autre côté de la piste, devant l'aéroport. Effectivement, le mieux serait pour vous qu'ils restent de l'autre côté de l'aéroport voire, mieux, qu'ils restent chez eux : « Silence, on pollue ! », comme on dit chez vous.
D'après vous, le manque de sanctions dissuasives pousserait les militants écologistes à s'introduire dans les aéroports. Tiens donc ! Il ne vous est donc pas venu à l'esprit que des militants seraient motivés non pas par le peu de conséquences de leurs actes, mais par votre inaction climatique et par le désastre que vous leur promettez, ainsi qu'à nous !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Cette logique prouve à quel point la lutte pour le climat vous est étrangère.
Entendez bien : la meilleure manière de dissuader des militants écologistes de réaliser une quelconque action qui vous déplaise, c'est de prendre enfin à bras-le-corps la question écologique. Vous aurez beau créer toutes les nouvelles infractions du monde, vous trouverez toujours des militants écologistes de tous âges en travers de votre chemin pour vous alerter sur la catastrophe en cours.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Vous ne dissuaderez jamais des militants qui ont la conscience de l'urgence écologique chevillée au corps de tenter d'enrayer le dérèglement climatique que vous précipitez. Ils le font dans l'intérêt général, parfois même au péril de leur vie. Global Witness nous apprend que les attaques contre les défenseurs des terres, des forêts et des ressources en eau ont fait 227 victimes en 2020, partout dans le monde – soit plus de quatre assassinats par semaine –, et que ce chiffre est en augmentation par rapport à 2019. Nous rendons hommage à tous ceux qui, ici et là, se battent et se sont battus pour ne pas léguer aux générations futures un avenir condamné.
Mme Caroline Fiat applaudit.
Le 7 octobre prochain, notre groupe parlementaire ira soutenir certains de ces militants agissant pour l'intérêt général qui sont poursuivis pour s'être opposés au projet d'extension de l'aéroport de Roissy et de son terminal 4. C'est grâce à leur mobilisation que le Gouvernement a cédé et abandonné ce projet climaticide absurde – comme quoi, vous devriez écouter les militants écologistes plus souvent plutôt que de les réprimer sans cesse.
Pour finir, j'ai un conseil à vous donner : enclenchez la bifurcation écologique et solidaire, interdisez les vols intérieurs, faites décroître le secteur aérien et croyez-moi, monsieur le ministre délégué, vous ne trouverez plus personne sur les pistes des aéroports. Sinon faites comme d'habitude, avec la répression comme seul mot d'ordre, mais croyez-moi, personne ne vous laissera polluer silencieusement.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Je ne vous répondrai pas : « Silence, la France insoumise rejette ! », monsieur Prud'homme. De toute façon, elle le fait quasiment pour tous les textes depuis le début du quinquennat !
Quoi qu'il en soit, peu importe. En fin de compte, c'est l'article 10 qui vous dérange…
…et il vous préoccupe davantage que toutes les avancées contenues dans le texte. Je pense que les marins et les chauffeurs routiers apprécieront ; en même temps, vous n'aviez pas voté non plus la proposition de résolution adoptée à l'unanimité – à l'exception de votre groupe –, visant à harmoniser par le haut les droits de ces mêmes chauffeurs routiers ! Il n'y a donc pas vraiment de surprise.
Je vais tout de même vous répondre pour la troisième fois – après tout, la pédagogie c'est l'art de la répétition. D'abord, le texte prévoit non pas de sanctions supplémentaires mais une harmonisation des sanctions.
Protestations sur les bancs du groupe FI.
Vous semblez trouver normal qu'une intrusion dans un port soit plus lourdement sanctionnée qu'une intrusion dans un aéroport ! Ce n'est pas notre cas : pour nous, une harmonisation des sanctions est nécessaire, tout simplement. Je le répète : l'objectif n'est pas d'interdire les manifestations, pas du tout !
L'objectif est simplement de faire que les manifestations ne se déroulent pas dans des lieux qui nécessitent d'être sécurisés, comme les pistes d'aéroport. Ce n'est rien d'autre que cela ! Il s'agit de lieux qui peuvent être dangereux, dans lesquels le respect des mesures de sécurité est important et où l'on ne doit pas s'introduire. Nos voisins européens l'ont bien compris et prévoient des sanctions plus importantes que nous.
Encore une fois, nous ne cherchons pas à interdire les manifestations. Je ne pense pas vous avoir convaincus…
…et cela est fort regrettable, car le texte permet de très nombreuses avancées. Peu importe : les Français jugeront après avoir constaté votre attitude.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Il est vrai que notre groupe a voulu mettre l'accent sur l'article 10, qui suffit selon nous à rejeter le texte ; c'est une position que nous assumons politiquement. Mais le reste du texte n'est pas mieux. Vous avez par exemple évoqué le transport routier, monsieur le ministre délégué. Or, dans ce domaine, vous validez des dispositions européennes visant à détricoter toutes les règles, pour en avoir le moins possible,…
…pour revenir ensuite tout sourire en reconnaissant que c'est un peu la pagaille et qu'il faut remettre de la réglementation pour éviter certaines durées de cabotage…
…et réinstaurer des contrôles pour éviter que les employeurs ne contreviennent à la réglementation relative aux travailleurs détachés. Et il faudrait que nous vous remercions d'avoir trouvé le moyen d'encadrer vos propres turpitudes ! Allez voir ça avec d'autres ! Ce que défend notre groupe, ce n'est pas le transport routier et son encadrement, mais la réouverture de la liaison Rungis-Perpignan en train !
Nous l'avions réclamée et nous avons obtenu victoire, alors que vous l'aviez refusée et aviez mis les camions sur la route ! Les donneurs de leçon qui, au banc, nous expliquent que nous sommes opposés à tout, ça va cinq minutes !
Quant au fait que nous rejetterions tout en silence…vous aurez remarqué que ce n'est visiblement pas le cas !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – Sourires sur le banc des commissions.
Le groupe communiste aura l'occasion d'exposer son point de vue sur l'ensemble du texte dans quelques instants. Concernant la motion de rejet, je voudrais appeler l'attention sur un article dont il n'a jamais été question jusqu'à présent, l'article 36, dans le volet économique et financier du texte. Il est pour nous rédhibitoire, puisqu'il habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures visant à transposer différentes directives relatives aux produits financiers dérivés, en allégeant les informations fournies par les sociétés d'investissement et en assouplissant le régime des règles qui encadrent les instruments dérivés sur matières premières. Nous considérons que cet article témoigne de votre incapacité à tirer les conclusions du krach de 2008. S'il est une raison qui peut nous faire adhérer à la motion de rejet, c'est d'abord celle-ci : l'article 36, d'inspiration totalement libérale, nous conduit à la voter.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.
Le projet de loi d'adaptation au droit de l'Union européenne que nous examinons est un passage obligé pour notre parlement. Comme on peut parfois le regretter avec ce type de loi balai, il concerne de très nombreux domaines. Il n'est pas évident en effet d'aborder sur le fond tant de sujets, qui ne sont malheureusement pas toujours étudiés dans les commissions dédiées. Un avis favorable des deux chambres a néanmoins pu être obtenu, ce qu'il faut saluer s'agissant de sujets complexes. Il convient de remercier les sénateurs et députés qui ont travaillé pour parvenir à l'adoption conforme de dix-sept articles.
L'aboutissement rapide de l'examen de ce texte permettra de mettre en conformité notre droit interne avec plusieurs textes européens, alors que nous sommes à la veille de la présidence française du Conseil de l'Union européenne (PFUE) pour six mois. L'année à venir sera très importante à bien des égards. La présidence française de l'Union européenne nous permettra de mettre en avant des sujets que nous souhaitons voir progresser. Plusieurs priorités ont déjà été présentées par le Président de la République, comme l'environnement, qui est un sujet majeur. Le présent projet de loi vise justement à mieux prendre en considération sa protection, ainsi que la prévention des risques liés à la pollution. Je salue notamment le travail réalisé en faveur de la réduction de la teneur en soufre des combustibles marins, qui fait l'objet de l'article 16. Il s'agit d'une belle avancée, qu'il faut souligner.
Bien entendu, notre groupe sera aussi aux côtés du Gouvernement pour promouvoir la protection de l'environnement durant la PFUE, en mettant l'accent notamment sur la préservation de la biodiversité, un thème qui doit faire l'objet de plusieurs grands rendez-vous internationaux. Nous attendons, monsieur le ministre délégué, un éclaircissement sur les priorités du Gouvernement à ce sujet lors de la PFUE, ainsi que sur la mise en œuvre du Pacte vert pour l'Europe.
Je profite de l'occasion pour saluer les avancées en matière de décarbonation, un sujet dont vous avez beaucoup parlé et sur lequel nous reviendrons à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2022. L'article 8 du PLF sera ainsi examiné demain par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, pour avis, sur la base du rapport de notre collègue Jean-Marc Zulesi. Il est fondamental que ce sujet soit abordé dans une perspective européenne. Nous le savons : pour que la transition énergétique puisse être accélérée dans tous les domaines – notamment dans celui des transports, dont on connaît la part dans les émissions de gaz à effet de serre –, la réponse doit être européenne. C'est un enjeu majeur, et nous attendons beaucoup de la présidence française à venir : nous n'avancerons pas si nous n'actons pas tous ensemble des objectifs et des outils pour les atteindre, afin de soutenir vigoureusement l'ensemble des acteurs qui animent le transport terrestre, maritime et aérien.
Monsieur le ministre délégué, je profite de votre présence au banc à l'occasion de la discussion de ce texte – qui concerne certes plusieurs secteurs, mais qui est consacré en grande partie aux transports – pour vous interpeller au sujet du transport aérien. À chaque fois que nous nous croisons depuis bientôt deux ans, je sollicite votre vigilance sur la question des transports aériens des outre-mer et, à ce sujet, je pense en particulier à notre compagnie aérienne.
Face à la crise sanitaire, la réponse a été européenne. Il a fallu nous serrer les coudes pour protéger nos intérêts stratégiques. J'essaye de faire comprendre à la représentation nationale et au Gouvernement que le regard qu'ils portent sur Air France ou sur la SNCF est le même que celui que nous, ultramarins, portons sur nos compagnies aériennes régionales : elles sont d'intérêt stratégique et vitales non pas pour le plaisir, mais pour le développement de nos territoires et pour le lien qu'ils ont, et qu'il faut maintenir, avec ce qu'il convient d'appeler hexagone et non métropole. Je fais à ce sujet un bref aparté : le texte emploie malheureusement ce terme à plusieurs reprises, à la suite des nombreux ajouts qui ont été faits. Je vous invite tous, avec beaucoup de bienveillance, à cesser de l'employer, car il heurte de nombreux ultramarins, et à utiliser le terme hexagone.
Quoi qu'il en soit, de la même façon que l'Europe a cherché à protéger ses grandes compagnies publiques, il est vital que les territoires d'outre-mer puissent préserver leurs outils. Pour la Polynésie, la compagnie Air Tahiti Nui est un outil de développement. C'est d'ailleurs une société d'économie mixte (SEM), dont le capital est détenu à 85 % par la Polynésie française – un plafond qui rend très difficile toute augmentation de capital. La situation est très critique, la compagnie est menacée par des compagnies privées et nous avons besoin de votre soutien total, monsieur le ministre délégué.
Bien évidemment, nous soutiendrons ce texte, pour une Europe plus sociale, plus verte, durable et résiliente.
Le texte que nous examinons aujourd'hui cible trois enjeux principaux. En premier lieu, à la veille de la présidence française du Conseil de l'Union européenne qui débutera le 1er janvier prochain, il s'agit de rattraper le retard pris dans la transposition de plusieurs réglementations européennes. Dès lors, ce projet de loi, il faut bien l'avouer, ressemble à un fourre-tout regroupant des objectifs aussi divers que variés, allant de l'aviation civile aux transports terrestres et maritimes, en passant par la prévention des risques, l'information environnementale et d'autres dispositions financières.
Cette diversité traduit l'objectif de renforcer l'intégration de notre marché intérieur avant l'harmonisation du droit des différents États membres, dans une démarche de simplification. Elle est également le signe d'un retard latent dans la transposition du droit européen. Sans doute serait-il préférable à l'avenir de mettre notre droit en adéquation avec les textes européens de façon plus systématique, afin d'éviter de recevoir régulièrement des rappels à l'ordre de la part de la Commission européenne, ce qui dessert la France en matière d'exemplarité environnementale.
D'autre part, l'Europe est souvent perçue comme un nain politique et stratégique face aux grands pays, alors même que l'une de ses forces, l'un des marqueurs de sa puissance est l'établissement de règles et de normes s'imposant à tous, y compris aux États tiers et aux plus grandes multinationales. Selon le politologue Zaki Laïdi, « l'Europe n'a pas d'autre choix que de s'assumer en tant que puissance normative ». C'est son caractère unique que de préférer la norme et de l'utiliser comme un outil pour dépasser la souveraineté de ses États membres sans l'abolir.
Ainsi, à chacune des étapes de la construction européenne, il a fallu inventer de nouvelles normes pour discipliner les États et faire en sorte qu'ils dépassent leurs intérêts particuliers, sans pour autant renoncer formellement à leur souveraineté. À chaque fois que l'Europe bute sur ce que le politique a de régalien, elle fabrique de la norme. Il faut rappeler que le continent européen est le seul à avoir développé une coopération politique interétatique apaisée aussi aboutie, ce qui a permis la stabilité et a apporté la paix et la prospérité. Les événements que nous traversons démontrent désormais l'urgence pour les Européens de se fédérer. Les crises sont devenues globales et leurs solutions doivent l'être également : nous n'avons jamais eu autant besoin d'Europe.
Pour en revenir au présent projet de loi, le groupe UDI et indépendants se félicite des mesures relatives au renforcement de la sécurité dans le domaine du transport aérien ou encore du compromis trouvé sur le financement participatif des collectivités, permettant une expérimentation de trois ans.
Le deuxième enjeu du projet de loi concerne les réponses que nous devons apporter, dans plusieurs secteurs, au contexte socio-économique particulièrement chamboulé ces derniers mois par la crise sanitaire et le Brexit. Nous notons avec satisfaction les adaptations du droit français sur les questions du cabotage, d'une concurrence équitable et de l'amélioration des conditions de travail des conducteurs routiers.
Le troisième enjeu, et non des moindres, renvoie à la nécessité d'améliorer l'adéquation de notre droit à nos engagements environnementaux, ce qui devrait renforcer notre crédibilité lors de la présidence du Conseil de l'Union européenne.
Enfin, nous saluons l'ensemble des transpositions et des importantes clarifications relatives au bon état des eaux et à la prévention des risques liés à la pollution au mercure, au soufre ou aux fluides frigorigènes.
Pour conclure, le groupe UDI et indépendants, particulièrement proeuropéen et soucieux de voir la France incarner le meilleur message possible lors de sa prochaine présidence du Conseil de l'Union européenne, votera évidemment le projet de loi. Néanmoins, il souhaite profiter de son examen pour redire que l'exemplarité de la France, notamment en matière environnementale, ne peut se limiter à une série de transpositions, qui plus est bien tardives pour plusieurs d'entre elles. Les derniers rapports du Haut Conseil pour le climat et du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) ont encore souligné l'insuffisance des baisses des émissions de gaz à effet de serre. Il faut accélérer le mouvement pour rattraper notre retard et atteindre les objectifs climatiques fixés à l'horizon de 2030. Espérons qu'au plan européen au moins, lors de sa future présidence, la France saura proposer et soutenir des moyens à la hauteur des grands défis climatiques qui sont plus que jamais devant nous !
La rentrée commence tout juste et la majorité réactive déjà la mécanique de criminalisation des militants écologistes – vous nous pardonnerez, monsieur le rapporteur, de privilégier un article parmi les dizaines que comporte ce projet de loi, mais nous ne disposons que de cinq minutes de temps de parole.
Le rapport du GIEC du 9 août 2021 est très clair : l'ampleur des changements climatiques récents est sans précédent et de nombreux points de bascule rendent les conséquences de ce dérèglement irréversibles. Or les efforts de réduction des gaz à effet de serre de la France sont insuffisants, comme nous le rappelle le rapport annuel du Haut Conseil pour le climat de juin 2021. Aussi, alors qu'Emmanuel Macron multiplie les accords de libre-échange, alors que, cette semaine encore, nous apprenons par Mediapart qu'il soutient un projet climaticide d'extraction d'énergie fossile en Ouganda, ne faut-il pas s'étonner que des militants fassent passer leur message par des actions médiatiques qui bousculent l'opinion.
L'article 10 du projet de loi durcit les peines à l'encontre de ceux qui s'introduiraient illégalement sur une piste d'aéroport, comme ce fut le cas le 22 février dernier pour des membres du mouvement Marchons sur les aéroports à Bordeaux-Mérignac. Tout le monde a bien compris que vous espérez ainsi répondre aux actions des militants qui dénoncent les émissions de gaz à effet de serre, l'étude d'impact le dit explicitement. Vous créez un nouveau délit puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende, voire d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende si le fait de s'introduire dans une zone aéroportuaire est commis en réunion ou s'accompagne d'un acte de destruction, de dégradation ou de détérioration. Les sanctions existantes sont déjà suffisantes et sévères mais, sous couvert d'appliquer le droit de l'Union européenne, vous transformez une simple contravention en délit, ce qui permettra de placer de nombreux militants en garde à vue dès lors qu'ils se rendront dans les bâtiments adjacents d'un aéroport.
Or que dit le règlement de l'Union européenne du 11 mars 2008 ? Qu'il appartient à chaque État membre de déterminer le régime de sanctions applicables aux violations des dispositions de ce règlement. Autrement dit, la France pourrait très bien conserver l'amende actuelle, car le droit de l'Union européenne n'impose pas d'aggraver la sanction.
Le secteur aérien ne doit plus se développer si nous souhaitons respecter nos engagements environnementaux. Cette politique de criminalisation des militants est en totale contradiction avec l'urgence écologiste face à laquelle nous nous trouvons. Il s'agit en réalité d'une tentative pour faire taire une opposition qui dénonce les mesures polluantes d'Emmanuel Macron et de son gouvernement.
M. Ugo Bernalicis applaudit.
…que vous n'êtes pas capables de distinguer les actions symboliques des actions visant à nuire délibérément ?
Preuve, s'il en faut, que nous sommes capables de faire preuve de discernement : le 22 septembre dernier les magistrats de la Cour de cassation ont affirmé que décrocher un portrait du Président de la République pour dénoncer l'inaction de la France en matière de changement climatique pouvait relever de la liberté d'expression.
À Bure, où je me rends régulièrement, l'État prévoit d'enfouir les déchets nucléaires les plus toxiques : il espère ainsi enterrer dans les sous-sols la question des déchets pour promouvoir à tout va les centrales nucléaires – tant que ce n'est pas sur vos sols tout va bien, mais sachez que lorsque c'est chez nous, cela ne va pas bien ! Les militants écologistes qui, dans des conditions difficiles, ont fait la lumière et médiatisé l'imposture de cette opération sont criminalisés comme jamais. Après qu'un militant a eu le pied arraché par une grenade, après plus de seize années d'écoutes cumulées et plus de 85 000 conversations interceptées pour un coût de plus de 1 million d'euros, nous avons appris, le 21 septembre dernier, que deux militants étaient condamnés à de la prison ferme et quatre à de la prison avec sursis pour avoir participé à une manifestation. Bravo ! Pendant ce temps, Bruno Le Maire fait du lobbying à Bruxelles pour que le nucléaire soit inclus dans la taxonomie verte. Dans quel pays vivons-nous ?
Le déploiement de moyens antiterroristes à l'égard de militants armés de pelles à tarte – je dis bien de pelles à tarte – et de pancartes prêterait à sourire si les conséquences n'étaient pas aussi graves. Mais la criminalisation de militants ne concerne pas seulement, hélas, les secteurs nucléaire et aérien. Je pourrais en dresser la liste, mais je ne dispose que de cinq minutes : cellule de gendarmerie Déméter spécialisée dans la répression des militants écologistes pour la protection animale, gazage des activistes du mouvement Extinction Rebellion ou encore répression des opposants au grand contournement ouest (GCO) autoroutier à proximité de Strasbourg ; sans oublier un décret publié le 4 décembre dernier dans lequel vous autorisez les renseignements à ficher les associations et les personnes pour leurs activités politiques, philosophiques, religieuses ou syndicales. Bravo ! Vous aurez beau criminaliser à tout va, mener la politique de l'autruche, essayer de casser le thermomètre pour faire baisser la fièvre, sachez que les actions de désobéissance civile ne datent pas d'hier et qu'elles se poursuivront aussi longtemps que les élus ne respecteront pas leurs engagements et nous mèneront droit dans le mur.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
À compter du 1er janvier prochain, la France assurera la présidence du Conseil de l'Union européenne avec une double responsabilité institutionnelle : non seulement défendre les positions du Conseil face à la Commission et au Parlement européens, mais également et surtout une responsabilité politique : celle de faire avancer un agenda ambitieux pour l'avenir de l'Europe. Les défis sont nombreux : réguler les géants du numérique, faire avancer le paquet « climat », en particulier le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, soutenir la convergence des modèles fiscaux et sociaux sans lesquels nous ne ferions rien ou encore avancer, enfin, dans la direction d'une défense européenne. Nous avons abordé ces sujets à de nombreuses reprises au sein de cet hémicycle mais, à chaque fois, nous avons été renvoyés à de futures négociations. Grâce à la présidence française du Conseil de l'Union européenne, nous avons désormais l'occasion de les voir se matérialiser.
Dans son discours de la Sorbonne, Emmanuel Macron appelait de ses vœux la refondation d'une Europe souveraine et ajoutait que l'Europe devait être à l'avant-garde d'une transition écologique efficace et équitable. Comment faire de ces deux ambitions une réalité, pour que l'Union ne soit plus perçue par ses concitoyens comme une bureaucratie impuissante ?
Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui vise à mettre la France à jour en matière de transposition du droit communautaire. Sur la forme, je regrette, comme je l'ai souligné lors de la première lecture du texte, un recours massif aux ordonnances. Gouverner par ordonnance est en effet devenu une marque de fabrique : la réforme du droit du travail, la loi PACTE – relative à la croissance et la transformation des entreprises –, la loi pour un nouveau pacte ferroviaire ou encore le projet de loi sur les relations entre les travailleurs et les plateformes, qui sera examiné après ce texte, constituent autant de débats qui ont été escamotés par un recours accru aux ordonnances. En outre, je déplore que certaines consultations aient été réalisées tardivement : le Conseil d'État a ainsi relevé que la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle et l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) ont été saisies dans l'urgence.
Sur le fond, la majorité des mesures proposées n'aura qu'une faible incidence sur nos concitoyens. Certaines méritent toutefois que l'on s'y attarde, en premier lieu les articles 22 et 23, qui transposent le paquet « mobilité » et traitent des règles de détachement qui s'appliquent aux opérations de cabotage. Ils ont pour ambition d'harmoniser le droit du transport routier européen, afin de limiter les distorsions de concurrence entre États membres. Mais ce texte ne permettra pas de mettre fin aux pratiques de sous-traitance à bas coût, de dumping social, bref au contournement actuel de la réglementation, et nous le regrettons. Sans contrôle efficient ni moyens suffisants, ces pratiques se perpétueront : le chantier de l'harmonisation sociale reste ouvert.
D'autres dispositions vont dans le bon sens, comme celles de l'article 24 qui permettent de pérenniser les installations douanières et de rétablir les contrôles aux frontières dans le cadre du Brexit, ou encore celles relatives à la prise en compte des périodes d'activité partielle dans la validation des droits de pension des marins. Je veux également évoquer l'article 41 qui habilite le Gouvernement à adapter et à moderniser les dispositions nationales encadrant le financement participatif, conformément au règlement européen. Notre groupe est convaincu de la nécessité de développer l'outil de financement participatif pour les collectivités territoriales et leurs services publics.
Aussi, nous nous réjouissons qu'un compromis ait été trouvé entre les députés et les sénateurs sur cet article. Le lancement d'une expérimentation de trois ans constitue un premier pas ; il conviendra, à terme, de la pérenniser.
Au-delà de ces quelques remarques, le groupe Libertés et territoires est favorable au projet de loi, mais tient à souligner que ses exigences vis-à-vis de l'Union européenne dépassent largement les enjeux visés par le texte. La devise « relance, puissance, appartenance », sous laquelle vous souhaitez placer la future présidence française du Conseil de l'Union européenne, n'aura de pertinence qu'au sein d'une Europe plus solidaire, plus souveraine, plus respectueuse de son environnement, plus proche des citoyens et de leurs cultures. L'Europe ne se construira pas uniquement avec des avancées commerciales et économiques, surtout si une désescalade fiscale et sociale provoque une compétition frontale. Plus qu'une Europe des producteurs et des consommateurs, nous attendons que se bâtisse l'Europe des citoyens. Quant à la Corse, sans sous-estimer les soutiens européens, elle attend une Europe moins technocratique, qui prenne concrètement en considération les réalités économiques et sociales. Là aussi, le chantier reste ouvert.
Le projet de loi amasse pêle-mêle des dispositions pour le moins hétéroclites, à savoir douze directives et quinze règlements européens portant sur divers domaines très techniques, mais ayant des implications non négligeables. Nous le disons tranquillement – pour rappel, monsieur le ministre délégué, le groupe communiste avait voté en faveur de la directive européenne relative au transport routier –…,
…certaines mesures vont dans le bon sens, et sont d'ailleurs d'évidence. Ainsi, comment ne pas tenir compte des périodes d'activité partielle liées à la crise sanitaire, pour valider le droit à pension des marins ? Je pense aussi aux mesures relatives au détachement des conducteurs routiers, aux risques environnementaux, à la confidentialité des résultats des tests de dépistage d'alcool et d'autres substances psychotropes du personnel navigant à bord des avions, ou encore à la pollution marine et aux émissions de soufre. Reconnaissons-le : ces dispositions vont plutôt dans le bon sens.
D'autres, en revanche, sont contestées et contestables. L'article 7 supprime ainsi toute restriction géographique imposée par la loi française aux dispositions européennes sur les obligations de service public en matière de services aériens : pour nous, cela ouvre la voie à la création de nouvelles lignes sous obligation de service public (OSP) internationales subventionnées, ce qui peut entrer en contradiction avec la loi « climat et résilience ». Par ailleurs, l'article 10 nous inquiète : nous persistons à penser qu'il stigmatise certaines actions associatives – mais il est vrai que dans la législation comme dans la pratique du pouvoir, la criminalisation de l'action syndicale au sein des entreprises a déjà beaucoup progressé depuis de nombreuses années…
J'avais appelé votre attention sur l'article 28, qui intègre dans le code minier et le code des douanes des mesures visant à éviter l'importation de métaux et de minerais provenant de zones de conflit, où l'exploitation du diamant ou du cobalt finance des groupes armés ou des terroristes. Or cet article ne désigne toujours pas l'autorité compétente pour les contrôles, pas plus qu'il ne traite des effectifs dédiés à ces derniers : pour nous, c'est une difficulté majeure, et le texte reste insuffisant en la matière.
J'ai exprimé notre avis sur le volet économique et financier du projet de loi : il contient des dispositions d'inspiration purement libérale, qui, malheureusement, tissent la toile de fond de la politique européenne. Comment pouvez-vous considérer que favoriser la spéculation – car c'est bien ce que vous faites, ainsi que l'Europe – servira l'économie réelle ? Pour nous, le redressement du pays après la crise sanitaire, l'application d'une politique sociale ambitieuse et la réussite de la transition écologique exigent de tourner le dos aux mesures d'inspiration néolibérale. Ce n'est pas en déréglementant plus encore l'activité financière que nous financerons les mesures de relance, mais, bien au contraire, en réduisant la dépendance de l'économie aux marchés financiers. Il y a là un vrai problème de fond – vous connaissez notre position.
En dépit du caractère « pêle-mêle » du projet de loi, et en groupe responsable que nous sommes, nous ne voterons pas contre le texte ; nous nous abstiendrons, tout en insistant sur les points de vigilance que je viens de rappeler, qui traduisent une rupture politique majeure entre nous. Notre vote prend en considération l'intérêt des salariés qui sourd dans quelques articles.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Nous voici réunis pour la dernière étape de l'examen du projet de loi DDADUE. Je tiens à saluer le travail mené par les deux commissions, par nos confrères sénateurs, et par vous, bien évidemment, monsieur le rapporteur. Nous avons œuvré ensemble, dans un esprit constructif, pour défendre des mesures utiles aux Français, fidèles à notre projet politique d'une Europe souveraine, unie et démocratique. Car, malgré un contexte difficile et de nombreux défis – le Brexit, la crise sanitaire ou, plus récemment, la crise diplomatique –, nous sommes convaincus que l'Europe reste l'échelle pertinente pour faire face aux grands défis contemporains. C'est tout le sens du discours prononcé par le Président de la République il y a quatre ans jour pour jour à la Sorbonne. La présidence française du Conseil de l'Union européenne, qui débutera dans trois mois, nous offre dès à présent l'occasion d'inscrire à l'agenda européen les sujets qui nous semblent prioritaires : les questions climatiques, la régulation numérique ou encore le volet social. Le Parlement français s'honore d'apporter à ses concitoyens les solutions qu'ils attendent en matière de transport, de transition écologique et de droit du travail.
Depuis le début de la législature, nous réformons et nous honorons nos engagements. Nous avons déjà œuvré pour défendre la vision de la France auprès de l'Europe à travers des mesures fortes : citons l'adoption du Pacte vert, pour parvenir à la neutralité carbone à l'horizon de 2050, ou encore le paquet « mobilité », pour mettre fin au dumping social dans le transport routier et garantir des conditions de travail égales à tous les conducteurs. Nos engagements, qu'ils soient nationaux ou européens, ne sont pas de simples mots. Grâce au projet de loi DDADUE, nous mettons en cohérence notre droit national avec le droit européen. Pas moins de douze directives et quinze règlements, datant parfois de 2008, sont ainsi transposés – il était grand temps de s'en saisir.
Ce sont bien notre majorité et notre gouvernement qui, une fois de plus, déploient les engagements et les grands changements que le pays attend depuis tant d'années. Avec le projet de loi DDADUE, la France réaffirme sa volonté d'être au rendez-vous d'une Europe qui protège et qui innove. Cette Europe protège, tout d'abord, dans le domaine des transports, puisqu'elle renforce les contrôles d'alcoolémie et de consommation d'autres substances afin de renforcer la sûreté de l'aviation civile. Une Europe qui protège, c'est aussi une Europe sociale, qui se préoccupe de ceux qui se lèvent chaque jour pour construire l'Europe du quotidien – je pense notamment à la prise en compte du travail de nuit et du repos des jeunes travailleurs à bord de navires, ou à l'application du paquet « mobilité », qui garantit aux conducteurs de poids lourds un droit au retour à domicile. Cette Europe protège également l'environnement, en contrôlant les émissions de soufre sur l'ensemble de notre territoire. Elle protège, enfin, en s'emparant des grands défis contemporains, comme le Brexit et ses nombreuses répercussions.
Mobilisés par ces questions depuis le début de la législature, notre majorité, et plus particulièrement le groupe La République en marche, voteront résolument pour le projet de loi DDADUE.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Damien Pichereau et Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteurs, ainsi que Mme Stéphanie Kerbarh, applaudissent également.
Le présent projet de loi a pour ambition de préparer la présidence de la France du Conseil de l'Union européenne qui débutera le 1er janvier 2022. Il vise notamment à garantir la bonne application de la réglementation européenne, à renforcer les garanties à l'égard des acteurs concernés, et à mieux assurer la protection de l'environnement. Il transpose douze directives et met notre droit en conformité avec quinze règlements européens, tendant ainsi à éviter des procédures contentieuses à l'égard de la France.
La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a accepté, sur le principe, de déléguer au fond certains articles à la commission des finances, ainsi que de recourir à la procédure de législation en commission pour des articles de nature technique, ne présentant pas d'enjeux particuliers. Ces articles n'ont donc été examinés et votés qu'en commission. Ainsi ont notamment été adoptés : la suppression de la restriction du champ du pouvoir de collecte régulière de données de l'ART ; la suppression de la consultation de l'ART pour les projets de dispositions à caractère réglementaire applicables aux aérodromes ; le rétablissement de l'enregistrement par l'ART des prestataires de service européens de télépéage ; l'intégration des sous-concessionnaires dans la collecte d'informations par l'ART ; et enfin l'interdiction de proposer une offre ou de pratiquer un prix bas pour tout prestataire de transport public fluvial de marchandises, auxiliaire de transport ou loueur de bateaux de marchandises.
En séance, le projet de loi a été modifié à la marge : une habilitation à légiférer par ordonnance a notamment été donnée au Gouvernement pour transposer une directive européenne relative à la qualité des eaux. Si le texte a certes été adopté à une majorité écrasante le 6 juillet dernier dans l'hémicycle, je dois dire que mes collègues du groupe Les Républicains et moi-même regrettons le recours trop fréquent du Gouvernement aux ordonnances.
La CMP s'est révélée conclusive il y a quelques jours, députés et sénateurs partageant la volonté d'adapter fidèlement le droit national aux évolutions du droit européen, dont l'importance est renforcée par la future présidence française de l'Union. Les sénateurs ont toutefois regretté le caractère particulièrement hétéroclite et technique du texte, ainsi que les délais contraints de son examen. Outre un compromis trouvé à l'article 41, en faveur d'une expérimentation de trois ans pour les collectivités territoriales qui souhaitent financer leurs projets de financement participatif par des obligations, seules quelques modifications rédactionnelles ont été apportées.
Contrairement à la volonté du Sénat, l'Autorité de régulation des transports pourra donc bien vérifier notamment que les conditions contractuelles appliquées par un percepteur de péage aux prestataires du service européen de télépéage ne sont pas discriminatoires.
Il importe évidemment que notre droit national soit conforme aux évolutions législatives européennes, et tout particulièrement dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne qui débutera le 1er janvier 2022. Le groupe LR ne peut donc que souscrire à l'objectif de ce texte. Toutefois, il est étonnant de constater que le Gouvernement a souhaité transposer un nombre aussi important de directives différentes en un seul et même texte fourre-tout.
En outre, le fait d'avoir voulu attendre la dernière minute pour entériner les évolutions du droit européen a amené la Commission européenne à mettre en demeure la France pour défaut de transposition. De plus, nous regrettons, comme je vous l'ai déjà dit, le recours trop régulier aux ordonnances qui vient ainsi dessaisir encore une fois les parlementaires pour répondre au défaut d'action du Gouvernement dans les temps.
Pour finir, un mot sur la modification de l'article 6. Nous déplorons les va-et-vient du Gouvernement et du rapporteur sur les compétences de l'Autorité de régulation des transports. La rédaction issue du Sénat aurait permis de donner l'ensemble des pouvoirs dont l'ART a besoin pour assurer la régulation des tarifs des redevances aéroportuaires en toute indépendance et répondait pleinement aux objectifs de la directive de l'Union européenne. Bien que ce principe ait été validé par les commissaires à l'Assemblée, le Gouvernement, soutenu par la majorité, a souhaité revenir sur cette rédaction en séance publique pour supprimer les pouvoirs accordés.
Malgré la volonté sénatoriale, la commission mixte paritaire n'a pas abouti à une réécriture de l'article 6, ce que déplore le groupe Les Républicains. Ce projet de loi…
…répond malgré tout aux attentes et c'est pourquoi les députés du groupe LR voteront…
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Mme Aude Bono-Vandorme et M. Damien Pichereau, rapporteurs, ainsi que Mme Stéphanie Kerbarh, applaudissent également.
Le projet de loi que nous examinons vise à renforcer la conformité de notre droit national avec celui de l'Union européenne dans le domaine des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances. À la veille de la présidence française du Conseil de l'Union européenne qui débutera le 1er janvier 2022, l'examen de ce texte intervient à un moment particulier. L'adoption de ce projet de loi doit permettre à la France d'être exemplaire en matière d'adaptation au droit de l'Union.
La dernière présidence française du Conseil remonte à 2008, et nous devrons attendre les années 2030 pour assumer à nouveau cette responsabilité. Dans un contexte marqué par la sortie de la crise sanitaire et économique, l'accélération de nos efforts climatiques et l'intensification de nos ambitions en matière de résilience et d'autonomie européennes, nos voisins attendent beaucoup de nous pour faire de cette présidence une réussite pour notre continent. La présidence du Conseil sera donc, pour notre pays, l'occasion de définir, pendant un semestre, les priorités de l'agenda politique européen au sein de l'un des organes clés dans la prise de décision à l'échelle communautaire.
Afin d'être à la hauteur de ces attentes et de garantir la crédibilité des actions que nous défendons au sein de l'Union européenne, nous devons tout d'abord nous assurer de la conformité du droit français avec le droit européen. C'est l'objet de ce projet de loi qui prévoit la transposition de douze directives et l'adaptation de notre droit à quinze règlements européens. Concernant les articles 31 et 32 de ce projet de loi, cet effort est d'autant plus nécessaire que la France fait l'objet d'une mise en demeure et d'une procédure d'infraction relatives à la transposition des directives liées à ces articles.
Les domaines touchés par ce projet de loi déposé initialement au Sénat au mois d'avril dernier sont variés. Ils concernent l'aviation civile, les transports terrestres et maritimes, la prévention des risques, les minerais de conflit, la protection et l'information environnementales, ainsi que des dispositions en matière économique et financière. Ainsi, ce texte répond aux priorités que souhaite donner la France à sa présidence du Conseil. Face à l'urgence climatique, il s'agit de consolider l'ambition écologique de la politique européenne. Face à la crise sanitaire et économique, nous devons œuvrer avec détermination pour renforcer l'Europe sociale. À ce titre, le groupe Démocrate salue particulièrement les avancées en matière sociale et écologique que propose ce projet de loi.
En ce qui concerne le volet social, nous sommes favorables aux mesures prévues par la loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière, dite loi DDADUE. Celles-ci comprennent : premièrement, le renforcement des droits sociaux en matière de repos et de travail de nuit des travailleurs de moins de 18 ans à bord des navires ; deuxièmement, la prise en compte de l'activité partielle pour la validation des droits à la pension des marins ; troisièmement, une amélioration des conditions de travail des conducteurs routiers en interdisant de rémunérer ces derniers en fonction de la rapidité de la livraison et en instaurant leur droit de retourner au centre opérationnel situé dans l'État membre de leur employeur ou à leur lieu de résidence pour y prendre leur temps de repos hebdomadaire.
Sur le plan environnemental, nous nous réjouissons du renforcement de la prévention des risques liés à l'état des eaux et de l'affermissement du régime des sanctions applicables aux violations de règles relatives aux substances particulièrement nuisibles à l'environnement et au climat. Il s'agit, par exemple, du mercure et des fluides frigorigènes, ou encore des polluants organiques persistants. Ces dispositions rendent plus opérables nos règles destinées à la limitation de l'usage et de la mise sur le marché de ces substances.
Enfin, le projet de loi permet également d'améliorer notre réponse au Brexit en pérennisant les aménagements réalisés dans l'Eurotunnel, dans le Pas-de-Calais, pour mieux effectuer les contrôles douaniers et sanitaires rendus nécessaires par la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Ce texte a donc un réel impact positif sur la situation concrète dans nos territoires.
Au vu de ces éléments, le groupe démocrate est favorable à l'adoption de ce projet de loi, sur lequel nous avons trouvé un compromis avec le Sénat le 13 septembre dernier. Résolument pro-européens, nous voterons ce texte qui souligne notre volonté d'être à la hauteur de nos responsabilités à l'égard de l'Union européenne.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme Aude Bono-Vandorme et M. Damien Pichereau, rapporteurs, ainsi que Mme Stéphanie Kerbarh, applaudissent également.
Sur l'ensemble du projet de loi, je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Chantal Jourdan.
Les temps que nous vivons témoignent de la nécessité d'une Europe forte et solidaire capable de prendre des décisions ambitieuses, notamment en matière de transition écologique, d'indépendance stratégique et surtout de soutien aux plus fragiles.
En janvier 2022, la France assumera pour la treizième fois la présidence du Conseil de l'Union européenne. Cette présidence intervient à un moment singulier, marqué par une actualité internationale et diplomatique dense, ainsi que par la crise sanitaire et climatique. Dans ce contexte, l'exercice de transposition du droit européen réalisé par le présent projet de loi est tout à fait logique. Je souhaite tout de même souligner que les questions complexes qui y sont traitées l'ont été dans des délais trop courts ne facilitant pas leur examen et leur appropriation par les parlementaires. C'est ce que le Conseil d'État a lui-même indiqué.
Ce texte, essentiellement technique, comporte certaines avancées qui méritent d'être soulignées. Par exemple, en matière d'environnement, le texte renforce le régime des sanctions applicables en cas de non-respect de la réglementation sur les hydrofluorocarbures, particulièrement nocifs. Nous saluons également la transposition de l'article 12 de la directive relative à la conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvages. Ensuite, concernant le domaine des transports, l'amélioration de la sécurité du transport des marchandises dangereuses et l'harmonisation des systèmes de télépéage sont des éléments positifs. Enfin, en matière de protection sociale, la traduction de la législation sur les minerais de conflit est un progrès. Le présent projet de loi permettra également une protection accrue des conducteurs routiers, notamment en ce qui concerne le temps de conduite et de repos.
Toutefois, beaucoup d'améliorations possibles ont été refusées. Concernant la protection des salariés du secteur des transports routiers, nous regrettons le rejet de la possibilité pour les partenaires sociaux d'avoir accès aux données relatives au détachement. En ce qui concerne les marins, la prise en compte des périodes d'activité partielle pour la validation des droits à pension est une bonne chose, mais il est regrettable que cette disposition ne s'applique qu'à compter du 1er janvier 2021. Cela ne permet pas de compenser à juste valeur les effets délétères de la crise sanitaire.
Je pense également aux propositions défendues par nos collègues socialistes du Sénat visant à renforcer le rôle de l'Autorité de régulation des transports, que la commission mixte paritaire n'a pas rétablies. Il est regrettable que l'ART, instance indépendante, soit compétente pour fixer les principes d'allocation d'actifs, de produits et de charges, mais pas pour fixer les modalités d'application de ces principes. Cela pourrait empêcher l'autorité de jouer pleinement son rôle de régulateur en matière de redevances aéroportuaires. Plus largement, l'ensemble des éléments qui auraient permis de renforcer les compétences de l'ART en les alignant sur celles d'autres autorités indépendantes ont été supprimés, ce que nous regrettons.
Ainsi, au regard des éléments issus des travaux de la commission mixte paritaire, en cohérence avec nos collègues du groupe socialiste au Sénat, notre groupe s'abstiendra sur ce texte.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 61
Nombre de suffrages exprimés 56
Majorité absolue 29
Pour l'adoption 49
Contre 7
Le projet de loi est adopté.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l'ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d'exercice de cette représentation et portant habilitation du Gouvernement à compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social avec les plateformes (n° 4361).
La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, le développement des plateformes numériques, qui s'est fortement accéléré depuis quelques années, remet en cause nos grilles de lecture habituelles du monde du travail. Le déséquilibre fréquent dans la relation entre les plateformes et les travailleurs qui y ont recours entraîne encore trop souvent des situations de fragilité pour ces derniers.
Cependant, je veux le dire clairement : le Gouvernement considère que le développement des plateformes ne doit pas être combattu par principe ou par idéologie. Notre devoir est d'accompagner le développement de ce modèle économique, qui est une source d'emplois et peut offrir un accès rapide à la vie professionnelle, tout en garantissant un socle de droits sociaux aux travailleurs concernés.
C'est tout le sens du projet de loi que je porte avec Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué aux transports, et dont nous débattons aujourd'hui. En créant les conditions d'un dialogue social structuré et organisé entre les plateformes et leurs travailleurs, nous leur donnons les moyens de définir des droits sociaux adaptés aux spécificités de ces secteurs d'activité ; plus encore, nous les y engageons.
Nous avons, ces dernières années, progressivement ancré dans la loi le principe de la responsabilité sociale des plateformes vis-à-vis de leurs travailleurs. Le législateur a posé les premiers jalons de la responsabilité sociale de ces plateformes en 2016, avec la loi El Khomri. Pour la première fois, a été reconnue la responsabilité des plateformes dans la prise en charge d'une assurance couvrant le risque d'accident du travail, mais également d'une contribution à la formation professionnelle ou des frais d'accompagnement des actions de formation permettant de faire valider les acquis de l'expérience. Plus encore, les travailleurs ont acquis le droit de constituer une organisation syndicale et d'exercer un refus concerté de fournir leurs services sans être sanctionnés.
La loi d'orientation des mobilités – LOM –, que j'ai eu l'honneur de porter, est allée plus loin, en instaurant de nouvelles garanties pour les travailleurs des plateformes de mobilité. À titre d'exemple, les plateformes doivent désormais communiquer, avant chaque proposition de prestation, la distance couverte et le prix minimal garanti de la course. Le choix a été fait de concentrer l'action sur les plateformes de mobilité dans le secteur des VTC et de la livraison. Le nombre de travailleurs concernés, leurs conditions de travail et l'ampleur des risques professionnels auxquels ils sont exposés, liés en particulier aux accidents de la route, justifient ce régime particulier. J'ai pleinement conscience que des plateformes émergent dans d'autres secteurs d'activité. Ces nouvelles pratiques nous invitent à la vigilance. Le Gouvernement n'aura aucune bienveillance pour ceux qui recourraient à de faux statuts.
Notre objectif est désormais d'aller plus loin que ce premier cadre, pour donner un coup d'accélérateur au renforcement des droits des travailleurs. C'est tout l'objet de ce projet de loi, qui vise à mieux protéger les droits des travailleurs, sans pour autant remettre en cause les statuts existants.
Mesdames et messieurs les députés, je veux l'affirmer clairement : je crois en la capacité du dialogue social de tirer vers le haut les droits des travailleurs ; je crois en la responsabilité des acteurs pour définir un cadre mieux-disant, tant au bénéfice des travailleurs que des plateformes elles-mêmes, qui font face à un véritable enjeu d'attractivité et de réputation, parce que c'est aussi notre histoire sociale française, qui est toute entière empreinte de ce dialogue social, et que bon nombre de droits ont été acquis par ce dialogue, au plus près des travailleurs et de leurs attentes, plus encore que par la loi.
Cependant, nous devons structurer ce dialogue social et le rendre exigeant, pour permettre aux travailleurs concernés de définir les solutions les plus adaptées à un environnement de travail très spécifique et en pleine mutation. C'est tout le sens de la mission confiée en janvier 2020 à Jean-Yves Frouin pour formuler des propositions sur la construction de ce dialogue social. Sur la base des propositions de la mission, Bruno Mettling a construit, en concertation avec tous les acteurs concernés, un projet de structuration du dialogue social pour les travailleurs des plateformes de mobilité.
La première brique de ce dialogue a été posée par l'ordonnance du 21 avril dernier, qu'il vous est proposé de ratifier dans ce projet de loi. Cette ordonnance permet aux travailleurs des plateformes d'avoir accès à une représentation.
Concrètement, pour chacun des deux secteurs d'activité – VTC et livraison à vélo –, une élection nationale, à tour unique et par vote électronique, sera organisée début 2022. Elle permettra aux travailleurs indépendants d'élire les organisations qui les représenteront. Lors du premier scrutin, pourront être reconnues représentatives les organisations qui recueilleront au moins 5 % des suffrages exprimés. Les représentants désignés par les organisations représentatives bénéficieront de garanties particulières, afin de les protéger de tout risque de discrimination du fait de leur mandat.
En parallèle, l'ordonnance du 21 avril prévoit la création de l'Autorité des relations des plateformes d'emploi, l'ARPE, établissement public dédié à la régulation des relations sociales entre plateformes et travailleurs indépendants qui y recourent. Les premiers décrets d'application de l'ordonnance seront publiés dans les prochaines semaines. Une mission de préfiguration est d'ores et déjà en train de préparer le lancement de l'ARPE ainsi que les élections à venir au début de l'année 2022.
J'insiste : ce texte rend possible un premier pas inédit vers une meilleure régulation sociale des plateformes.
Le cadre législatif doit encore être complété pour permettre l'organisation d'un véritable dialogue social. C'est tout l'objet de l'article 2, qui est une demande d'habilitation du Gouvernement à approfondir par ordonnance la structuration du dialogue social des travailleurs des plateformes.
Il s'agit d'abord de définir les modalités de représentation des plateformes de mobilité et de structurer un dialogue social en leur sein. L'objectif de cet article est également de déterminer toutes les règles permettant l'organisation des négociations, notamment les conditions de validité des accords, la définition de leur contenu, de leur forme et de leur durée. Ces règles seront définies au niveau du secteur d'activité ainsi qu'au sein des plateformes elles-mêmes. Nous entendons ainsi structurer le dialogue social pour qu'il soit à la hauteur des enjeux et permette véritablement de renforcer les droits des travailleurs des plateformes. Demain, les travailleurs indépendants et les plateformes pourront donc conclure des accords, notamment sur une rémunération minimale, sur la formation professionnelle et sur la santé au travail.
Nous proposons également de compléter les missions de l'ARPE en lui confiant la responsabilité d'arrêter la liste des organisations représentatives des plateformes, mais également de jouer un rôle de médiation en cas de différends entre les plateformes et les travailleurs. Enfin, une habilitation est prévue pour permettre au Gouvernement de renforcer les obligations applicables aux plateformes afin de préserver l'autonomie des travailleurs indépendants. Pour cela, nous souhaitons mieux informer les travailleurs lorsqu'ils reçoivent des propositions de prestation tout en préservant leur liberté de choisir et d'organiser leur activité.
Je vais être très claire : ces ordonnances n'enlèvent rien au pouvoir du juge de requalifier en salarié un travailleur qui ne serait pas réellement indépendant.
J'entends les craintes et les critiques que suscite le recours aux ordonnances. Ce choix se justifie par la nécessité de finaliser ce cadre de dialogue social avant le début de l'année 2022, date à laquelle seront organisées les premières élections des représentants des travailleurs des plateformes. Nous ne négligerons pas pour autant la concertation. La rédaction des ordonnances sera réalisée en lien avec les plateformes et les travailleurs, mais également les organisations syndicales et patronales.
La commission a décidé d'ajuster de dix-huit à douze mois le délai d'habilitation prévu dans le texte initial : le Parlement est pleinement dans son rôle. Je serai également à la disposition de votre assemblée pour vous rendre compte des travaux en cours avant la publication des ordonnances.
Mesdames et messieurs les députés, le texte dont nous nous apprêtons à débattre doit nous permettre de franchir une étape décisive pour les droits des travailleurs des plateformes. Cette question fera également partie des sujets portés dans le cadre de la présidence française de l'Union Européenne qui s'ouvre le 1er janvier prochain. C'est par un dialogue social structuré que nous parviendrons à mieux réguler ces formes d'emploi, en protégeant les travailleurs sans pour autant remettre en cause la pérennité de leur modèle d'activité.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
La parole est à Mme Carole Grandjean, rapporteure de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, nos pratiques économiques ont évolué depuis le début de la construction du modèle social français et européen. Si nous voulons continuer à faire de la France et de l'Europe des acteurs économiques compétitifs, il est nécessaire que le dialogue social et le droit viennent contribuer à renforcer la protection de tous les travailleurs. Dialoguer, protéger et faciliter sont les fers de lance des négociations sur le travail.
Les plateformes numériques – dont les plateformes de mobilité font partie –, qui mettent en relation, sous forme dématérialisée, des personnes en vue de la vente d'un bien ou d'un service, se sont beaucoup développées dans tous les pays et influent sur nos modes de consommation et les relations de travail. Mais alors que la place des travailleurs de plateforme dans l'économie française s'accroît, il n'existe pas de statistiques officielles permettant de quantifier précisément la part des travailleurs dont l'activité repose sur l'utilisation des plateformes. Ils seraient plusieurs centaines de milliers à être concernés au titre d'une activité principale ou accessoire ; ce nombre dépasserait même le million, toutes catégories de plateformes d'emploi confondues.
Il est nécessaire de préciser qu'en 2017, l'INSEE estimait le nombre des travailleurs dépendant des plateformes d'emploi, exclusivement ou non, pour exercer leur activité et la mise en relation avec leurs clients, à 200 000 travailleurs indépendants environ. Seule la moitié d'entre eux recourraient exclusivement à un intermédiaire à cette fin.
Selon l'étude d'impact accompagnant le projet de loi, le développement des plateformes numériques n'aurait pas d'effet significatif sur la progression du travail indépendant ; il favoriserait plutôt l'essor de l'activité et de l'emploi, parfois très sensiblement, dans certains secteurs de l'économie. Ainsi, le nombre de chauffeurs de VTC a connu une hausse spectaculaire en dix ans, passant de moins de 2 000 à plus de 33 000 entre 2008 et 2018. Cette même année, près de 50 000 travailleurs exerçaient leur activité par le biais d'une plateforme dans le secteur de la mobilité.
L'émergence des plateformes numériques d'emploi et, avec elle, l'apparition d'une nouvelle organisation du travail, n'ont pas manqué de soulever des interrogations d'ordre juridique, à la fois nombreuses et complexes – relatives, entre autres, au statut de ces travailleurs ou à leurs droits sociaux –, aussi bien en France qu'à l'étranger. Dans son rapport au Premier ministre, Jean-Yves Frouin observe que, dans la plupart des pays du monde, le manque de cadre et de normes régissant l'activité professionnelle exercée par l'intermédiation des plateformes numériques de travail entraîne des litiges qui, depuis plusieurs années, suscitent de manière récurrente mouvements de contestations, insatisfactions et contentieux.
Cette évolution spectaculaire des plateformes ne peut se faire sans régulation. En effet, le développement des plateformes a des conséquences sociales et politiques profondes, dont notre société doit penser les implications. D'ailleurs, la régulation de l'écosystème des plateformes numériques, sous une forme ou sous une autre, est d'ores et déjà une réalité, même naissante, dans un certain nombre de pays.
La France, considérée comme l'un des États les plus avancés dans la construction d'une législation destinée à améliorer les conditions de travail et la protection sociale des travailleurs des plateformes, a déjà défini plusieurs axes de régulation – Mme la ministre l'a rappelé. En 2016, la loi El Khomri a posé le principe de la responsabilité sociale des plateformes à l'égard des travailleurs indépendants, responsabilité qui consiste dans la prise en charge d'une assurance couvrant le risque d'accident du travail, une contribution à la formation professionnelle, la reconnaissance du droit de ces travailleurs à constituer une organisation syndicale, d'y adhérer et de faire valoir par son intermédiaire leurs intérêts collectifs, ou encore les conditions de mouvements de refus concerté de fournir leurs services organisés par ces mêmes travailleurs en vue de défendre leurs revendications professionnelles, qui ne pourraient, sauf abus, ni engager leur responsabilité contractuelle, ni constituer un motif de rupture de leurs relations avec les plateformes, ni justifier des mesures les pénalisant dans l'exercice de leur activité.
En 2018, avec la LOM, la majorité actuelle a ajouté une nouvelle pierre à l'édifice encore récent de la responsabilité sociale des plateformes numériques. Tous les travailleurs indépendants recourant pour leur activité à une ou plusieurs plateformes se sont vu reconnaître un droit d'accès à l'ensemble des données concernant leurs activités propres au sein de la ou des plateformes. De plus, des chartes déterminant les conditions et les modalités d'exercice de leur responsabilité sociale, définissant leurs droits et obligations ainsi que ceux des travailleurs avec lesquels elles sont en relation, peuvent être signées.
La loi d'organisation des mobilités a défini des règles sectorielles afin de clarifier les droits des travailleurs indépendants vis-à-vis des plateformes numériques relevant des deux secteurs d'activité. Les plateformes sont désormais tenues de communiquer aux travailleurs, lorsqu'elles leur proposent une prestation, la distance couverte par cette prestation et le prix minimal garanti dont ils bénéficieront ; elles ne peuvent mettre fin à la relation contractuelle qui les unit à ces travailleurs au motif qu'ils auraient refusé une ou plusieurs propositions de prestation de transport ou qu'ils auraient exercé leur droit à la déconnexion durant leurs plages horaires d'activité, qu'ils choisissent du reste librement ; enfin, pour plus de transparence, elles doivent publier sur leurs sites internet des indicateurs relatifs à la durée et au revenu d'activité des travailleurs en lien avec elles.
Enfin, avec la LOM, la loi d'orientation sur les mobilités, la majorité a ouvert la voie à la construction d'un véritable dialogue social entre les plateformes numériques et les travailleurs indépendants qui y recourent pour leur activité dans les secteurs de la conduite de VTC ou la livraison de marchandises, en autorisant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures relevant de la loi afin de déterminer les modalités de représentation de ces travailleurs et les conditions d'exercice de cette représentation. C'est sur ce fondement qu'a vu le jour l'ordonnance du 21 avril 2021, qui définit les modalités en question et charge un nouvel établissement public, l'Autorité des relations sociales des plateformes d'emploi, de la régulation des relations sociales entre les plateformes et les travailleurs, notamment en assurant la diffusion d'informations et en favorisant la concertation.
L'article 1er du projet de loi que nous allons examiner ratifie donc cette ordonnance inspirée des recommandations de la mission pilotée par Jean-Yves Frouin et de la task force dirigée par Bruno Mettling au terme d'un travail intense de concertation avec les acteurs intéressés, mais il ne s'agit que d'une étape dans le processus de mise en œuvre du dialogue social que j'ai évoqué, lequel suppose, comme vous le savez, l'adoption de mesures complémentaires.
C'est pourquoi l'article 2 confie au Gouvernement le soin de prendre par ordonnances les dispositions nécessaires à la poursuite de l'édification de ce dialogue, ce qui implique premièrement de compléter les dispositions organisant le dialogue social de secteur en définissant notamment l'objet et le contenu des accords conclus à ce niveau, les conditions de leur application et l'articulation de ces accords avec les dispositions légales et réglementaires, les accords de plateforme ou les contrats conclus entre les travailleurs et les plateformes.
Cela implique, deuxièmement, d'arrêter les règles organisant le dialogue social au niveau de chacune des plateformes relevant des deux secteurs d'activité concernés en définissant, là encore, l'objet et le contenu des accords conclus à ce niveau, les conditions de leur négociation et de leurs conclusions et leur durée de validité, et leur articulation avec les autres textes créateurs de droits.
Troisièmement, cet article a pour objet de doter l'Autorité des relations sociales des plateformes d'emploi de nouvelles prérogatives consistant à fixer la liste des organisations représentatives des plateformes au niveau des secteurs, à homologuer au nom de l'État les accords de secteur et à exercer un rôle d'expertise, d'analyse et de proposition pour ce qui concerne l'activité des plateformes et de leurs travailleurs.
Parallèlement, l'article 2 du projet de loi autorise le Gouvernement à compléter les obligations incombant aux plateformes à l'égard des travailleurs, dans le but de renforcer l'autonomie de ces derniers dans l'exercice de leur activité, de telle sorte qu'il soit établi que celle-ci s'exerce réellement dans des conditions de travail indépendant, car il est nécessaire de définir les limites aux plateformes, dans un principe de responsabilité à l'égard des travailleurs indépendants.
Le délai d'habilitation, initialement fixé à dix-huit mois, est donc réduit à douze, à l'initiative de la commission des affaires sociales.
Il laissera au Gouvernement un temps suffisant pour mener à bien le travail de concertation préalable avec les différentes parties prenantes. Il lui permettra aussi de tenir pleinement compte des solutions que la Commission européenne aura retenues pour améliorer les droits des travailleurs des plateformes, ainsi que des lignes directrices qu'elle aura édictées pour ce qui concerne la compatibilité entre les accords issus de la négociation collective organisée au niveau des secteurs et des plateformes et le droit de la concurrence européen.
Les attentes sont fortes, comme l'ont une nouvelle fois démontré les propos des personnes que nous avons entendues. Elles sont légitimes et doivent, à l'évidence, être traduites en actes. Je reste donc convaincue que le dialogue social est incontournable pour un meilleur équilibre entre les différents acteurs des plateformes et qu'il est la condition d'un développement économique socialement responsable. Avec ce projet de loi, la majorité présidentielle s'emploie à faire de cet objectif une réalité.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
J'ai reçu de Mme Valérie Rabault et des membres du groupe Socialistes et apparentés une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Boris Vallaud.
Nous sommes là aujourd'hui pour examiner la loi de ratification de l'ordonnance du 21 avril 2021 relative à la représentation des travailleurs indépendants recourant aux plateformes.
Ratifier une ordonnance à l'élaboration de laquelle le Parlement n'aura pas été associé et qui prévoit par ailleurs d'autres ordonnances à l'élaboration desquelles il ne sera pas plus associé : convenez qu'il y a quelque chose d'incongru à prétendre renforcer le dialogue social en rétrécissant le débat parlementaire. Mais il est vrai que le quinquennat nous aura appris que vous n'êtes attachés ni à l'un ni à l'autre, ce qui est sans doute un grand tort au moment où la tentation autoritaire apparaît plus que jamais avoir la force sociale et l'organisation politique nécessaires pour prospérer, et où l'emballement de la défiance est partout. Pour sauver la démocratie, il y a besoin de plus de démocratie, et de démocrates exigeants.
Madame la ministre, nous sommes là et nous ne nous contenterons pas de signer au bas de la page, mais nous débattrons point par point de cette affaire sérieuse et complexe qu'est l'économie des plateformes, avec la haute conscience que nous sommes au cœur d'une grande révolution qui percute tous les cadres connus de la société passée ou, à tout le moins, prétend les discuter et, parfois, les conteste.
Nous voyons en effet surgir sous nos yeux – avec, il est vrai, notre complicité de consommateurs – un capitalisme numérique qui se joue des frontières, des États et de leurs règles, un management par les algorithmes qui se joue des femmes et des hommes qui travaillent aujourd'hui pour ces plateformes comme on travaillait hier à la mine. Ce n'est pas Zola, ni Hugo, ni les Thénardier, me direz-vous, mais c'est quand même la misère, ici, en France, à Paris,…
…aujourd'hui et maintenant. Des femmes et des hommes aux revenus de misère, sans protection sociale, parfois sans droit ni titre, des tâcherons malheureux, des travailleurs pauvres, parfois dissimulés et économiquement dépendants, des forçats du VTC ou du VTT, des prolétaires du clic, qui n'ont que leur force de travail pour vivre et qui, la plupart du temps, n'en vivent pas.
L'ubérisation de l'économie n'est pas nécessairement l'aube d'une révolution industrielle porteuse de tous les progrès. Ce peut être aussi, si nous n'y prenons garde, le seuil du pire de l'ère préindustrielle, et c'est bien cette alarme qui doit nous alerter aujourd'hui et nous réunir.
Mais quel est donc votre projet ? Quelles sont les intentions du législateur, au-delà des mots et de l'intitulé de cette loi de ratification ? À vous lire, madame la ministre, et à lire l'étude d'impact du Gouvernement, il s'agit de sécuriser le modèle des plateformes, mais de quel modèle parlez-vous, si ce n'est de celui que je viens de décrire, un modèle fondé sur l'optimisation fiscale et sociale agressive des multinationales, des VTC et de la livraison à domicile ? À vous lire, madame la rapporteure, dans le rapport dont vous avez eu la bienveillance de nous rendre destinataires, vous dites clairement, à propos de l'article 2 de cette loi, que l'objectif est de « réduire le faisceau d'indices susceptibles de révéler l'existence d'un lien de subordination »…
…« tel que celui-ci est défini par la jurisprudence entre les plateformes et les travailleurs », de telle sorte, ajoutez-vous, que « le risque de requalification par le juge du contrat liant les deux parties soit aussi réduit que possible ».
Voilà, mesdames, les choses dites avec clarté et sans ambages : il s'agit de faire échec à la jurisprudence des tribunaux, d'effacer les traces de la subordination, c'est-à-dire de la fausse indépendance, comme on efface les traces d'un forfait, et de faire échec à la possibilité de requalification en salariat. Vous prétendez instaurer le dialogue social, mais que restera-t-il à négocier lorsque sera acquise l'impossibilité de plaider et d'obtenir la requalification en salariat ? Rien, et votre promesse est en cela une impasse.
Cette impasse est patente depuis longtemps, puisque vos précédentes tentatives pour sécuriser le modèle des plateformes – je pense en particulier aux chartes – ont été annulées par deux fois par le Conseil constitutionnel, en 2018 et 2019. Elle consiste, en somme, à ne pas trancher entre le vrai salariat d'un côté et la vraie indépendance de l'autre, au risque d'abîmer l'un et l'autre et de créer subrepticement le tiers statut qu'à cor et à cri vous prétendez pourtant refuser. Mais les faits sont là, têtus – dans votre texte, au 4
À défaut, les entreprises qui discutent de l'organisation d'un marché et s'entendent sur les prix constituent un cartel ou une entente,…
…ce qui contrevient aux règles les plus élémentaires du droit de la concurrence national et européen. Je sais que c'est pour vous un détail que vous espérez voir régler à la faveur de la présidence française de l'Union européenne, mais je prétends, pour ma part, que ce n'en est pas un.
Vous ne tranchez pas et ouvrez de fait la possibilité d'un tiers statut. Vous ouvrez la voie, au-delà de la situation des travailleurs des plateformes, à une ubérisation croissante de nombreux secteurs économiques, et c'est là le danger.
L'impasse, c'est de ne pas suivre ce chemin qui se dessine désormais partout en Europe – en Grande-Bretagne, en Italie, en Espagne, en Allemagne ou, comme récemment, aux Pays-Bas, et jusque dans la terre promise de la nouvelle économie : en Californie. Décision de justice après décision de justice, les juges, à l'unisson, disent le lien de subordination des travailleurs des plateformes, caractérisent l'indépendance fictive et requalifient en salariat. En ce qui est pour Mme la rapporteure un « risque de requalification », je vois pour ma part les droits sociaux élémentaires d'hommes et de femmes qui travaillent pour une entreprise sous le régime du droit du travail.
MM. Alain David et Pierre Dharréville applaudissent.
L'impasse, c'est de ne pas voir ce qui se passe ailleurs, en Espagne, par exemple, où le gouvernement de Pedro Sanchez a institué une présomption de salariat. C'est de ne pas regarder Just Eat, de ne pas voir que le salariat et les plateformes, ça marche ailleurs. C'est de ne pas entendre la Confédération européenne des syndicats, c'est de ne pas même écouter une députée européenne de votre « grand mouvement », élue du MODEM, qui invite la Commission, « en vue de faciliter la classification correcte des travailleurs des plateformes, à introduire dans sa proposition à venir une présomption réfragable d'une relation de travail » dans le cas de ces travailleurs et à prévoir un renversement de la charge de la preuve afin que ce soit à l'employeur de prouver qu'il n'existe pas de relation de travail. C'est exactement le sens des propositions formulées voilà quelques mois par nos collègues sénateurs socialistes – je pense à Monique Lubin et à Olivier Jacquin – dans le cadre d'une proposition de loi qu'ils avaient déposée et que nous faisons nôtre aujourd'hui avec nos amendements.
Pourquoi, chers collègues, prenez-vous ainsi l'histoire à contresens ? Pourquoi regardez-vous l'avenir avec de vieilles lunettes ? Parce que, nous dites-vous, 80 % des travailleurs des plateformes souhaitent être indépendants, produisant à l'appui de votre assertion des chiffres qui, de votre propre aveu, sont ceux des plateformes elles-mêmes et qui ne nous ont d'ailleurs été confirmés par aucun des interlocuteurs que nous avons auditionnés dans le cadre de la préparation de cette loi et dont certains sont ici aujourd'hui – que je salue.
Dans un effort de compréhension et de bienveillance dont vous savez que je suis capable à votre endroit, admettons qu'un grand nombre de travailleurs de plateformes souhaitent être indépendants. Le sont-ils effectivement, lorsqu'ils ne choisissent ni leurs prix, ni leurs clients, ni leurs conditions de travail, dictées dans des « conditions générales d'utilisation » aussi obscures que les algorithmes qui les guident sont secrets ? Lorsque la dépendance économique est telle qu'il faut travailler de soixante à soixante-dix heures pour gagner l'équivalent d'un SMIC ? Il ne suffit pas de vouloir être indépendant pour l'être – c'est évidemment une réalité économique dure et implacable, mais c'est aussi l'état du droit du travail que, je le sais, madame la ministre, madame la rapporteure, aucune de vous n'ignore. L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité, l'office du juge étant d'apprécier le faisceau d'indices qui lui est soumis pour dire si cette qualification peut être retenue. Voilà le droit tel qu'il a encore été rappelé par la cour d'appel de Paris le 16 septembre dernier, et que votre projet entend désormais faire mentir.
Vous faites fausse route, et de la plus mauvaise des manières : non seulement en esquivant le débat parlementaire à grand renfort de nouvelles ordonnances, mais également dans l'incroyable imbroglio de votre calendrier. Vous prévoyez en effet de faire élire des représentants des travailleurs des plateformes avant même qu'ils ne connaissent précisément l'objet et le contenu des futurs accords qu'ils auront à négocier. Admettez que c'est une curieuse façon d'annoncer cette campagne, et que c'est un curieux dialogue que vous envisagez d'instituer, a fortiori lorsque je vois votre doute et votre indécision lorsqu'il s'agit de déterminer les conditions dans lesquelles les plateformes elles-mêmes seront représentées. C'est à peine si vous avez consenti, en commission, à nous dire que le chiffre d'affaires pourrait faire le poids dans la représentation, laissant augurer que la domination économique dans l'institution chargée d'instituer ce dialogue social sera du même ordre que le monopole que nous constatons sur le marché des VTC et de la livraison. C'est un rapport de forces qui s'annonce déséquilibré et qui ne produira que ce qu'il pourra produire. Ce sera bien modeste.
Le chemin qu'il faudrait prendre, il est celui que nous avons décrit. Il n'est ni singulier ni solitaire ; c'est celui de la facilitation de la reconnaissance du salariat par la présomption de salariat, qui se distingue de l'assimilation – chacun aura le choix de saisir ou non le juge –, par l'inversion de la charge de la preuve – parce que nous sommes confrontés à un rapport de force qu'il faut rééquilibrer –, par la possibilité de l'action collective, par la publicité des algorithmes devant les tribunaux, par le recours aux coopératives d'activités et d'emplois, par un travail aussi sur l'autonomie dans l'organisation du travail salarié, comme cela existe déjà pour certains métiers dans notre droit du travail.
Il vous est loisible de reprendre le travail avec nous, de choisir ce chemin qui est celui que l'Europe emprunte, que des gouvernements ont déjà choisi de retenir.
Votre loi, en définitive, est un progrès en trompe-l'œil, et permettez-moi d'achever en citant Victor Hugo qui, le 9 juillet 1849, à cette tribune même, voulant éradiquer la misère avait ces mots que nous pourrions faire nôtres, que vous devriez faire vôtres : « Vous n'avez rien fait, j'insiste sur ce point, tant que l'ordre matériel raffermi n'a pas pour base l'ordre moral consolidé ! »
J'invite chacune et chacun de mes collègues à reprendre ce travail plutôt que de demeurer dans une situation insatisfaisante et dangereuse pour l'avenir de notre droit du travail.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.
Je vous ai écouté attentivement, monsieur le député.
Il n'y a pas beaucoup de nouveauté par rapport aux propos que vous avez tenus en commission. Le sujet est important, et il mérite mieux que la caricature à laquelle vous venez de vous livrer…
Exclamations sur les bancs du groupe SOC.
…d'autant que nous nous inscrivons dans la ligne ouverte par la loi El Khomri sur la responsabilité sociale des plateformes, ce qui devrait vous interroger sur la position que vous venez de décrire comme étant celle soutenue par ce projet de loi : elle est dans la droite ligne de la loi El Khomri.
Par ailleurs, contre l'avis des travailleurs, vous souhaitez imposer un statut de salarié.
En rupture avec l'histoire sociale de notre pays, vous considérez qu'il n'y a rien à attendre du dialogue social.
Rires et exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR.
Ce n'est pas mon point de vue et je pense, au contraire, que beaucoup de droits dans notre pays se sont construits et continueront de se construire par des accords d'entreprise, par des accords de branche, par des accords nationaux interprofessionnels, tels que ceux qui ont été négociés à la fin de l'an dernier sur la santé au travail et sur le télétravail.
Nous souhaitons en effet la poursuite d'une activité économique créatrice d'emplois, qui peut par ailleurs permettre une insertion professionnelle rapide pour un certain nombre de travailleurs, tout en garantissant un socle de droits sociaux.
Contrairement à ce que vous sous-entendez – et le répéter n'en fera pas une vérité –, aucune disposition du projet de loi qui vous est présenté aujourd'hui n'empêchera un juge de requalifier en salarié un travailleur dont l'indépendance ne serait pas garantie.
Plutôt que de polémiquer, il me semble donc important de permettre au dialogue social de se structurer au plus vite dans ce secteur, pour donner à ces travailleurs le socle de droits sociaux auxquels ils peuvent prétendre.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Nous ne pouvons qu'être en profond désaccord avec les propos que vous venez de tenir. Nous sommes en désaccord, considérant que nous allons apporter une nouvelle pierre à l'édifice du progrès social que nous avons déjà commencé à bâtir. Nous sommes en désaccord parce que nous pensons que le dialogue social est une méthode qui permet de continuer à construire la protection et l'autonomie des travailleurs concernés. Nous sommes en désaccord parce que, si vous ne reconnaissez que la seule voie du salariat,…
…nous considérons pour notre part que le travailleur peut choisir l'une ou l'autre voie, l'un ou l'autre statut, et que l'attachement à cette liberté, quel que soit le projet professionnel retenu, est parfaitement légitime.
Dans le secteur de la mobilité, le salariat est possible : certaines plateformes, par exemple dans la livraison, proposent des emplois salariés, d'autres non, libre aux travailleurs de candidater pour l'un ou l'autre modèle.
Je m'étonne que le fait de renforcer le cadre dans lequel s'exercent ces activités, pour ce qui concerne notamment l'autonomie dont peuvent bénéficier ces travailleurs, vous dérange, alors que, précisément, si nous imposons certaines limites aux plateformes et réaffirmons un certain nombre de principes protégeant le travailleur indépendant, c'est pour que les plateformes sachent jusqu'où elles peuvent aller et les limites à ne pas dépasser. C'est important non seulement pour limiter les contentieux mais également pour permettre aux travailleurs indépendants d'exercer leur métier dans de bonnes conditions. L'un n'empêche pas l'autre, cela doit être l'un et l'autre, et non l'un ou l'autre.
Les travailleurs indépendants pourront, grâce aux représentants des travailleurs de plateforme, organiser des négociations par branche ou par plateforme. Ces négociations élargies aboutiront à des cadres plus protecteurs. Elles entraîneront une réduction des contentieux, ce qui est l'un des objectifs de ce projet de loi, mais elles seront surtout source d'une amélioration des conditions de travail, tout en permettant à l'ensemble des acteurs d'être impliqués dans la manière dont ils conduiront leur activité.
Je trouve assez surprenant que cela puisse être contesté à ce stade des discussions, et je suis donc défavorable à l'adoption de cette motion de rejet.
J'indique à M. Vallaud, qui le souhaitait, qu'il ne peut répondre à la ministre ni demander un rappel au règlement, dès lors que nous sommes dans les explications de vote. Il pourra s'exprimer dans le cadre de la discussion générale.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Pierre Dharréville.
J'ai moi aussi écouté attentivement Boris Vallaud, et, cela ne vous surprendra pas, j'ai trouvé sa démonstration très convaincante. Je regrette d'ailleurs, madame la ministre, que vous vous soyez vous-même livrée à une sorte de caricature de son propos ,
Mme la ministre sourit
car nous devons avoir un vrai débat sur l'évolution des cadres sociaux et la manière dont sont menées certaines offensives pour les détruire et organiser, un peu partout, le dumping social.
Quand la majorité prétend faire œuvre sociale, je me méfie, bien évidemment – et je parle d'expérience
M. Boris Vallaud sourit
–, car, de ce point de vue, elle ne m'a jamais montré de résultats probants. La rapporteure elle-même en a rappelé l'un des objectifs, consistant à sécuriser juridiquement des édifices un peu branlants et qui font, à juste titre, l'objet de différentes procédures contentieuses.
On peut s'interroger enfin sur cette précipitation, sans doute liée à l'accumulation de procédures, qui vous incite à sécuriser ce type d'activités.
Nous nous opposerons donc évidemment à votre volonté de légiférer par ordonnances, comme sous le manteau, alors que nous aurions besoin, sur ce sujet, d'un vrai débat, que nous risquons de ne pas véritablement avoir ce soir.
L'enjeu de ce texte est de taille, puisque le développement des plateformes numériques en France a été exponentiel et a permis d'investir de nouveaux champs de l'économie. La révolution, liée à la numérisation de nos activités, s'est traduite par de nouvelles formes d'emploi et concerne pour le secteur de la mobilité plus de 100 000 personnes aujourd'hui en France. Il est de notre devoir de garantir le développement de ces plateformes, tout en adaptant au mieux notre droit à ces nouvelles formes d'emploi.
La loi El Khomri a instauré en 2016 la responsabilité sociale pour les plateformes, qui s'est traduite en termes d'assurance couvrant le risque d'accident du travail, en termes de formation, mais également en termes de protection des travailleurs qui souhaiteraient s'organiser en syndicat. Le mouvement était bien engagé sous le précédent quinquennat, et nous le poursuivons de façon sérieuse et cohérente.
La loi d'orientation des mobilités, que nous avons votée en 2019, a également renforcé les dispositions concernant les plateformes de livraison et VTC, en permettant aux travailleurs de choisir librement leurs plages de travail, d'avoir droit à la déconnexion ou encore de protéger les travailleurs des pénalités qui pourraient leur être imposées.
Dans cette continuité, nous souhaitons tout simplement permettre la structuration d'un dialogue social entre les différentes parties prenantes, parce que les travailleurs tiennent à leur statut d'indépendant, plébiscitent la souplesse de leur organisation de travail et ne veulent pas dépendre d'un employeur.
Cette nouvelle forme d'emploi n'est pas du salariat, mais n'offre pas encore toutes les garanties d'indépendance vis-à-vis du donneur d'ordre. Ce n'est ni en niant l'émergence et l'intérêt de ces nouvelles activités, ni en voulant faire rentrer au chausse-pied, par idéologie et contre le gré des principaux concernés, cette forme de travail dans le salariat – qui ne lui correspond pas – que nous résoudrons la question. Au contraire, c'est en reconnaissant les atouts et les spécificités de cette nouvelle forme de travail, dans le respect du dialogue social, que nous relèverons ce défi. Bien entendu, le groupe La République en marche ne votera donc pas cette motion.
Le groupe UDI et indépendants n'a pas pour habitude de voter les motions de rejet, en particulier au commencement de la procédure législative, car nous pensons qu'il faut que les débats aient lieu.
La question de la frontière entre le salariat et le travail indépendant s'est souvent posée lorsque sont apparues de nouvelles formes de travail remettant en cause les conceptions classiques. Nous considérons ainsi que c'est au législateur de débattre et de statuer sur la définition du statut juridique des travailleurs des plateformes.
Depuis 2016, notre pays s'est peu à peu doté d'un dispositif législatif permettant de réguler les plateformes et les liens qui les unissent aux travailleurs qui y ont recours. C'est cependant la jurisprudence qui, jusqu'à présent, a permis de qualifier le statut de ces personnes. Dans un premier temps, les jugements rendus par les conseils de prud'hommes et les arrêts rendus par les cours d'appel ont majoritairement rejeté les demandes de requalification en salariat, au motif que la liberté du travailleur de déterminer ses zones et ses horaires de travail excluait tout lien de subordination. Toutefois, deux décisions récentes de la Cour de cassation sont allées dans le sens inverse.
Bien que nous regrettions le choix de légiférer sur ce sujet par ordonnances, comme à notre habitude, nous considérons qu'il ne faut pas rejeter un texte avant même d'avoir pu en débattre et avant même que les amendements de chacune et chacun aient pu être examinés. En conséquence, le groupe UDI et indépendants votera contre cette notion de rejet.
Il est dommage que certains voient de la polémique là où il y a débat. La motion de rejet défendue par notre collègue Boris Vallaud visait précisément à pointer une différence fondamentale entre vous et nous.
Vous nous dites, madame la ministre, vouloir préserver des activités économiques créatrices d'emplois. Fort bien, mais de quels emplois parlons-nous ? C'était tout l'objet du propos de Boris Vallaud.
Vous vous attaquez à un sujet grave, qui focalise des attentes particulièrement fortes. Or ces attentes, nous pouvons d'ores et déjà le dire, seront déçues. Les travailleurs des plateformes auront probablement l'occasion de vous le dire, mais ils vont y voir un abandon à leur triste sort : pas de dialogue social, un tiers statut qui confirme, voire, officialise l'ubérisation, pas même le début d'une présomption de salariat, et des conditions de travail qui ne changeront pas ou si peu que nous avons le sentiment que ce texte est en réalité un rendez-vous manqué. Nous le regrettons évidemment, c'est pourquoi nous voterons cette motion de rejet.
Comme le dit le dicton, le diable est toujours dans les détails. En apparence, vouloir des élections pour assurer la représentation des travailleurs des plateformes semble une bonne chose ; dans la réalité, comme l'a très bien démontré notre collègue Boris Vallaud, votre proposition est non seulement peu convaincante, mais contre-productive.
L'ubérisation se généralise partout, or vous ne faites rien pour endiguer le développement de plateformes dopées par des avantages concurrentiels totalement déloyaux. Dans ma circonscription, à Montreuil, leur développement repose sur l'ouverture de ce que l'on appelle des dark kitchens, des restaurants fictifs qui ne fonctionnent que par et pour les livraisons. En conséquence, les petits restaurateurs sont dépassés, et de nombreux emplois détruits.
Avec ce texte, vous capitulez face aux plateformes en leur permettant d'écrire leurs propres normes et de faire régner leur propre loi. C'est la raison pour laquelle, disons-le clairement, elles soutiennent votre projet : elles pourront continuer de profiter du non-versement des cotisations sociales.
Plusieurs centaines de milliers de travailleurs dits indépendants – notons l'ironie qu'il y a à qualifier d'indépendants des travailleurs qui sont totalement dépendants, car jamais le lien de dépendance et de soumission n'a été si fort entre celui qui travaille et celui qui paie –, sous-payés, maltraités, sans réelles conditions de travail, sont des salariés déguisés : la Cour de cassation l'a dit au mois de mars dernier, comme l'intégralité des tribunaux saisis au niveau européen et même aux États-Unis, en Californie. Pourquoi ne pas profiter de l'occasion offerte par ce projet de loi pour en faire enfin des salariés et les protéger ?
Vous nous avez répondu en commission par des chiffres obscurs : 80 % des travailleurs des plateformes ne voudraient pas du salariat. C'est faux. De plus, de votre propre aveu, ces chiffres proviennent d'un sondage produit par la plateforme Uber ; c'est donc le patronat lui-même qui décide du chiffre que vous reprenez par la suite ! Bref, vous n'avez pas retenu la proposition du rapport de Jean-Yves Frouin qui plaidait pourtant, dès la première page, pour la reconnaissance du statut de salarié.
La majorité se divise sur le sujet : au Parlement européen, la députée En Marche Sylvie Brunet a proposé une présomption réfragable au salariat, c'est-à-dire le fait de considérer les travailleurs des plateformes pour ce qu'ils sont en réalité, à savoir des salariés ; vous vous y opposez.
Enfin, je trouve piquant qu'en répondant à notre collègue Boris Vallaud, vous vous soyez réclamés de la loi El Khomri ; en termes de dialogue social, cette loi avait été rejetée par l'ensemble des organisations syndicales, tout comme la réforme de l'assurance chômage. Cela montre bien la qualité du dialogue social que vous privilégiez.
Nous ne nous associerons pas à la motion de rejet préalable, car nous souhaitons que le débat ait lieu et, surtout, car nous ne sommes pas convaincus par le contenu exposé par notre collègue Boris Vallaud, lequel ne portait pas directement sur l'objet du projet de loi.
Qu'il y ait entre nous une véritable fracture idéologique, qu'il existe une opposition doctrinaire entre votre point de vue et le nôtre sur le travail indépendant, c'est une évidence, et nos débats sur le projet de loi vont le démontrer. Nous, nous croyons au travail indépendant. Nous considérons que c'est une forme d'activité économique voulue par un certain nombre d'hommes et de femmes, qui peuvent y trouver matière à expression. Forcément, l'indépendance implique des relations d'affaires et des rapports contractuels qui sont, par nature, différents du salariat.
Il faut apporter une régulation aux excès éventuels, mais nous considérons qu'il n'y a pas lieu de remettre en question l'existence même du travail indépendant. C'est la raison pour laquelle nous ne voterons pas pour cette motion.
Monsieur Corbière, ce n'est pas moi qui vous ai coupé la parole à la fin de votre intervention, mais le système automatique dont nous sommes dotés : même quand vous dites du mal des socialistes, je ne me sens pas obligé d'intervenir.
Sourires.
On peut s'interroger à l'envi sur la question des plateformes mais, à ce stade de la discussion, nous considérons que le texte proposé vise à respecter la volonté d'indépendance exprimée par les travailleurs tout en leur permettant de construire le droit collectif à travers le dialogue social.
Je ne vous apprends rien en disant que c'est par le dialogue social que se sont construits, historiquement, les droits des travailleurs. Le texte a au moins le mérite de poser le débat en ces termes, et il mérite toute notre attention. Comme à son habitude, le groupe Agir ensemble rejettera la motion proposée, car nous considérons que le débat doit se faire ici, parmi nous.
Si les dispositions sur lesquelles nous sommes amenés à nous prononcer aujourd'hui ne permettront pas de régler tous les contentieux potentiels liés aux travailleurs des plateformes, elles entrent toutefois en adéquation avec certaines recommandations formulées en 2020 et en 2021 par des rapports du Sénat et de l'Assemblée nationale. Ces recommandations s'attachent notamment à promouvoir les conditions d'un dialogue social entre les travailleurs indépendants et les plateformes afin de garantir des conditions d'activité protectrices. C'est justement l'objet du texte qui nous est soumis aujourd'hui. Par ailleurs, les dispositions législatives du texte renvoient à une véritable démarche d'encadrement en cours de construction au sein de l'Union européenne.
Adopter la motion de rejet préalable que vous nous soumettez constituerait un retour en arrière au regard de la responsabilité qui nous incombe d'agir en faveur de la consolidation des droits sociaux des travailleurs. En conséquence, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés s'oppose à la motion de rejet préalable.
La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs.
Ces dernières années, nous avons assisté au développement fulgurant des plateformes numériques de mise en relation entre des travailleurs indépendants fournissant un service et les utilisateurs de celui-ci. Le développement de ces plateformes recouvre dans les faits des situations d'emploi très hétérogènes. Pour certains, il s'agit d'être pleinement indépendants, de travailler sur un temps ou des horaires choisis, parfois en complément d'une autre activité, sur des missions de nature diverse pouvant se révéler très qualifiées. Pour d'autres, il s'agit parfois d'un choix par défaut sur un marché du travail où ils ne trouvent pas leur place ; souvent affiliés à un mono-employeur, ils subissent des conditions de travail difficiles, essayant tant bien que mal de s'assurer un revenu décent et aspirant, pour nombre d'entre eux, au salariat ou, tout au moins, à un statut plus protecteur.
La croissance effrénée du recours aux applications de chauffeurs VTC ou de livraison alimentaire en deux-roues a quelque peu décontenancé le législateur. Les textes en vigueur ne prévoyaient pas d'encadrement juridique et social de cet écosystème créé ex nihilo. Toutefois, depuis 2016, notre pays s'est peu à peu doté d'un arsenal législatif permettant une régulation des plateformes et une protection des travailleurs qui y ont recours.
Afin de sécuriser le secteur, il convient d'éviter un entre-deux juridique entre le salariat, en requalifiant les situations qui en relèvent manifestement – quitte à inverser, le cas échéant, la charge de la preuve –, et le travail indépendant, lequel doit donner lieu, par un dialogue social dédié, à un socle de droits plus protecteur.
La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels avait posé le principe de la responsabilité sociale des plateformes à l'égard des travailleurs indépendants. Sous cette législature, la loi d'orientation des mobilités du 24 décembre 2019, la LOM, a ouvert un droit d'accès à l'ensemble des données concernant leur activité à tous les travailleurs indépendants recourant à ces plateformes et instauré une charte définissant les droits et obligations de celles-ci, ainsi que celles des travailleurs avec lesquels elles sont en relation.
Le texte que nous examinons vient apporter une pierre de plus à cette construction nécessaire et attendue par l'ensemble des acteurs. La ratification de l'ordonnance du 21 avril dernier permettra d'entériner les règles de représentativité des travailleurs indépendants ainsi que les conditions d'exercice de cette représentation. La nouvelle habilitation contenue dans le second article du texte permettra, quant à elle, de densifier cette première étape en précisant les modalités de représentativité des travailleurs indépendants et des plateformes par secteur d'activité ainsi que les modalités de négociation et de conclusion des accords. Ces dispositions sont en adéquation avec une partie des conclusions des rapports d'information parlementaires présentés devant la commission des affaires sociales du Sénat le 20 mai 2020 et devant la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale le 20 janvier 2021.
Par ailleurs, ces évolutions législatives font écho à un travail mené au niveau européen. En effet, le 16 septembre dernier, notre collègue Sylvie Brunet a présenté devant le Parlement européen un rapport sur les conditions de travail, les droits et la protection sociale des travailleurs des plateformes qui corrobore les initiatives présentées dans ce texte par le Gouvernement et pose les jalons d'une réforme visant à consolider un socle européen des droits sociaux duquel les travailleurs des plateformes ne sauraient être exclus. Alors que la France va bientôt assumer la présidence tournante de l'Union européenne, il nous paraît indispensable qu'elle impulse une véritable dynamique de régulation de cet écosystème à l'échelle des États membres.
Par cohérence avec la disposition sur l'habilitation adoptée lors de l'examen de la LOM en 2019 et en s'appuyant sur les recommandations des travaux parlementaires, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés votera sans réserve en faveur de ce texte qui constitue une étape indispensable au renforcement du cadre juridique et social d'activités dont le développement devrait se poursuivre, au moins sur le moyen terme.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
En Californie, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas récemment et surtout en France, les décisions de justice semblent toutes prendre le même chemin, celui de la requalification des contrats des livreurs ou des chauffeurs de VTC en contrats de travail salarié. Si ces décisions n'ont pas abouti à une jurisprudence claire et stable ni à un bouleversement des pratiques de la part des plateformes, toutes convergent vers un point : l'affirmation du fait que le statut des travailleurs recourant aux plateformes ne relève pas du statut d'indépendant. Tel est le cas de ces plateformes comme Uber, Deliveroo ou d'autres qui ont surgi dans notre quotidien et bouleversé nos habitudes. Ces nouveaux acteurs modernisent peut-être nos modes de consommation, mais à quel prix ? Où est le progrès, si le droit du travail est fragilisé, si les droits sociaux régressent ?
Comment parler de ces plateformes sans dire un mot de la précarité de la plupart de leurs travailleurs ? Elle est largement aggravée par la mise en concurrence dans laquelle ils sont placés, par les conditions de travail difficiles de ces forçats du bitume soumis aux horaires décalés et aux intempéries, par la tyrannie de la notation des utilisateurs, mais aussi par plusieurs contournements de la réglementation existante. Les périodes de confinement ont mis leur activité et leur fragilité en lumière, mais leur combat pour le respect de leurs droits et l'amélioration de leurs conditions de travail ne date pas d'hier.
Quand le législateur ne prend pas ses responsabilités, la jurisprudence le supplée. A contrario, en Espagne, la loi a acté, le 11 mars dernier, que ces travailleurs que nous appelons indépendants seraient par défaut considérés comme des salariés.
Le projet de loi que nous abordons aujourd'hui a une ambition bien moindre. Il propose la mise en place d'un dialogue social. Évidemment, le dialogue social est primordial et doit être encouragé partout où il est possible, mais il doit également être crédible. Or de quel dialogue parlons-nous ? Un dialogue asymétrique, qui opposera des plateformes tentaculaires à des travailleurs toujours précaires. Peut-on sincèrement espérer un dialogue stable et équilibré, alors même que nous savons qu'en moyenne, un livreur de repas ne reste sur une plateforme qu'une dizaine de mois ?
Bien sûr, c'est sans doute vrai, la plupart de ces travailleurs ne souhaitent pas devenir salariés. Mais alors, devons-nous maintenir un statu quo qui fragilise aussi bien le statut d'indépendant que celui de salarié, qui remet en cause notre histoire en matière de droit du travail et de droits sociaux ?
J'ai parlé de la question centrale du statut, que le texte n'aborde pas, mais d'autres interrogations demeurent, et le recours à des ordonnances ne nous rassure pas. Si nous avons bien compris, le texte propose la mise en place d'un dialogue social en deux temps : d'abord un dialogue sectoriel prévu à l'article 1er , puis un dialogue au sein de chaque plateforme qui fera l'objet d'une future ordonnance, prévue à l'article 2. Il faudrait préciser dès à présent comment se fera l'articulation entre ces deux strates : l'accord de secteur aura-t-il vocation à s'imposer à toutes les plateformes ou les accords de plateforme pourront-ils déroger aux accords de secteur ?
En outre, la question du champ d'application de la négociation ne semble pas tout à fait tranchée, puisque celui-ci sera défini par la future ordonnance. Couvrira-t-il les questions de santé et de sécurité ? Qu'en sera-t-il de la protection sociale et de la rémunération minimale ? Surtout, comment s'assurer que les négociations aboutissent au respect d'un socle minimal de garanties ?
Madame la ministre, nous reconnaissons de légères avancées : les obligations de transparence à l'égard des travailleurs ; le libre choix des plages de travail, ou encore le droit à la déconnexion. Pourtant, celles-ci ne sont pas suffisantes au vu des conditions de travail des utilisateurs de ces plateformes. Même si les récentes décisions de justice peuvent nous réjouir, elles ne suffiront pas, car c'est bien à la loi qu'il revient de changer les choses.
Or, en choisissant de ne légiférer que sur le dialogue social, avec les risques d'asymétrie que j'évoquais tout à l'heure, le risque est grand que le secteur ne soit finalement pas régulé. Plus grave, la future ordonnance sera rédigée de manière à limiter les motifs permettant de requalifier les contrats concernés en contrats de travail. Cela va à l'encontre des décisions de justice qui ont souligné que certaines relations relevaient d'un salariat déguisé en travail indépendant.
Enfin, cela va à rebours du chemin qui se dessine en France et en Europe, avec un risque : que ce projet de loi et les timides tentatives de régulation menées jusqu'à ce jour échouent à assurer la protection de ces travailleurs précaires.
M. Pierre Dharréville applaudit.
Le groupe Agir ensemble se réjouit de l'inscription à l'ordre du jour d'un texte visant à sécuriser les droits des chauffeurs de VTC et des livreurs de repas recourant aux plateformes numériques pour exercer leur activité. Ces travailleurs, qui représentent près de 100 000 personnes en France, n'ont bien souvent d'indépendants que le nom,…
…tant les conditions d'exercice de leur activité dépendent des règles édictées par les plateformes numériques pour lesquelles ils travaillent. Ils ne choisissent ni le client, ni le prix, ni les conditions d'exécution de la prestation, et sont passibles de sanctions pouvant aller jusqu'à la désactivation de leur compte, en cas de manquement aux obligations fixées par la plateforme.
Ce déséquilibre des pouvoirs est amplifié par la faiblesse du dialogue social et le fait que ces travailleurs ne jouissent pas des droits et des protections liés au salariat. Gardons pourtant bien à l'esprit que la plupart d'entre eux sont attachés à leur statut d'indépendant et ne souhaitent pas une requalification de leur contrat commercial en contrat de travail. Ils ne veulent pas des contraintes liées aux relations hiérarchiques et tiennent à conserver la liberté de choisir leurs horaires et leurs journées de travail. Certaines plateformes ayant voulu salarier leurs travailleurs ont d'ailleurs rencontré des difficultés à recruter.
S'il nous faut respecter la volonté d'indépendance exprimée par les travailleurs des plateformes, il est toutefois nécessaire de leur permettre de construire des droits collectifs à travers le dialogue social. C'est la seule voie et la bonne méthode pour y parvenir. C'est par le dialogue social que se sont construits historiquement les droits des travailleurs. C'est encore à travers lui que naîtront ceux des travailleurs des plateformes.
L'essor de ces nouvelles formes de travail, qui reposent essentiellement sur le recours aux algorithmes, ouvre certes de nouvelles perspectives économiques, mais aussi de nouveaux défis sociaux. Il nécessite donc une adaptation de notre législation pour garantir un dialogue social équilibré entre parties prenantes, cadre de négociation qui permettra aux travailleurs des plateformes de défendre leurs revendications et de conquérir de nouveaux droits. Les premières briques d'un tel espace de dialogue entre plateformes et travailleurs indépendants ont été posées par l'ordonnance du 21 avril 2021 que nous sommes appelés à ratifier aujourd'hui. Fruit d'un travail de concertation avec les partenaires sociaux, elle crée une nouvelle autorité chargée de réguler les relations sociales entre plateformes et travailleurs indépendants, l'Autorité des relations sociales des plateformes d'emploi, et prévoit l'organisation d'un scrutin national permettant aux travailleurs des plateformes de désigner leurs représentants en 2022.
Ce projet de loi nous invite à aller encore plus loin dans la structuration du dialogue social, en habilitant le Gouvernement à fixer par ordonnance les règles du jeu de la négociation, les nouvelles missions de l'autorité de régulation et les modalités selon lesquelles les accords de secteur pourraient être rendus obligatoires pour l'ensemble des plateformes. Parce qu'il est urgent de donner corps à ce cadre de négociation, la commission des affaires sociales a adopté un amendement de notre collègue Agnès Firmin Le Bodo visant à réduire de dix-huit à douze mois le délai accordé au Gouvernement pour prendre ces dispositions par voie d'ordonnance.
Parce qu'il ne peut y avoir de travailleurs de seconde zone, notre groupe votera en faveur de ce texte qui permettra de mieux protéger les travailleurs précaires des plateformes de VTC et de livraison de repas par la construction d'un dialogue social de qualité, condition nécessaire à la conquête de nouveaux droits sociaux.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Mme Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales, et Mme Carole Grandjean, rapporteure, applaudissent également.
Le présent texte vise à instaurer le dialogue social entre les plateformes et les travailleurs qui y recourent. L'arrivée des plateformes sur le marché du travail a bouleversé notre conception du travail et nos modes de consommation. On ne peut nier que les plateformes, qui entendent valoriser le travail indépendant et permettent à un public très éloigné de l'emploi d'y accéder, créent un nouveau modèle économique et un nouveau modèle d'emploi.
Durant la crise sanitaire, notamment durant les confinements les plus stricts, les applications de livraison de plats à emporter se sont démocratisées. Le click and collect et la livraison de commandes à domicile sont de nouveaux modes de consommation très prisés. Il en va de même pour le transport, avec l'essor du VTC dans les grands centres urbains, où tout est fait pour diminuer la circulation de voitures particulières.
Si les travailleurs de ces plateformes sont considérés comme des indépendants, force est de constater qu'ils ne sont pas des indépendants comme les autres. C'est d'ailleurs ce qu'a mis en lumière la Cour de cassation dans son arrêt du 4 mars 2020, en rappelant que le travailleur « ne constitue aucune clientèle propre, ne fixe pas librement ses tarifs ni les conditions d'exercice de sa prestation de transport. » Le juge a d'ailleurs considéré que le faisceau d'indices dont il disposait tendait à caractériser le lien de subordination entre le travailleur et la plateforme, donc à démontrer l'existence d'un contrat de travail.
Or nous considérons qu'il revient au législateur de déterminer la nature de ce lien. En outre, si ces particularités doivent être prises en compte, ce ne sera certainement pas par la requalification du contrat qui lie le travailleur à la plateforme en contrat de travail. Certains de ces travailleurs ne souhaitent pas devenir des salariés des plateformes : ils veulent rester indépendants.
Toutefois, la nature singulière de leurs relations avec la plateforme commande qu'ils soient davantage protégés. Cela pose la question d'une participation plus importante des plateformes dans le financement de la protection sociale. Cela pose également la question du lien entre le niveau des prestations, celui des cotisations et celui du revenu. Une meilleure prise en compte de ces spécificités peut passer par le dialogue social, auquel le groupe UDI et Indépendants est d'ailleurs très attaché. C'est ce que le Gouvernement propose au travers de l'ordonnance soumise aujourd'hui à ratification. Mais faut-il légiférer pour instaurer le dialogue social ? Nous ne le croyons pas, car la solution se trouve manifestement ailleurs.
Pour réguler ce dialogue, il est en outre question de créer une énième agence, l'Autorité des relations sociales des plateformes d'emploi. C'est un mal français : à chaque problème sa commission ! Nous avons interpellé le Gouvernement à plusieurs reprises sur le nombre et la prolifération des agences de l'État – ainsi notre collègue Guy Bricout a-t-il posé plusieurs questions au Gouvernement sur ce point. En France, on compte plus de 1 200 agences et autres autorités de l'État. Nous ne pouvons plus continuer à fonctionner de cette manière ! Combien de fois, dans cet hémicycle, parlons-nous de simplification des procédures et des démarches ? Combien de fois nous étendons-nous sur la complexité et le poids de l'administration ? Ne tombons pas, une fois encore, dans le vieux réflexe de la multiplication des autorités pour réguler, encadrer, complexifier et finalement décourager ! En somme, il nous faut trouver un équilibre permettant d'améliorer la protection de ces travailleurs sans dénaturer le service proposé par la plateforme. Notre groupe considère que ce projet de loi ne l'instaure pas, pour les raisons évoquées. Nous défendrons donc des amendements de suppression d'article et voterons contre ce texte.
Commander un repas apporté par un livreur – à vélo, désormais – ou commander une course à un chauffeur de VTC, cela paraît anodin ; c'est pratique. La demande ne manque pas, mais combien parmi ceux qui commandent sont véritablement au courant de la vie que mènent celles et ceux qui leur rendent ce service ? Combien savent qu'ils ne bénéficient ni des congés payés, ni d'aucune protection sociale, et que le droit du travail ne leur bénéficie pas ?
Évidemment, le modèle des plateformes va s'étendre à bon nombre de secteurs d'activité ; c'est déjà le cas. Et vous allez encourager l'expansion de ce modèle économique particulier à d'autres services.
Le succès des plateformes repose sur un avantage concurrentiel totalement déloyal, le non-versement de cotisations sociales, en raison du recours à des indépendants qui n'en sont pas – j'y reviendrai. Cela permet des économies substantielles par rapport aux taxis ou aux autres entreprises traditionnelles de livraison. La stratégie des plateformes est connue : casser les prix, quitte à perdre de l'argent pour évincer la concurrence, avant d'atteindre la rentabilité grâce à une position hyperdominante.
La Cour de cassation a confirmé le 4 mars 2020 la décision de la Cour d'appel de Paris du 10 janvier 2019, estimant que le lien qui unissait un chauffeur de la compagnie Uber à celle-ci était bien un contrat de travail, et actant l'existence d'un lien de subordination entre les deux lors de la connexion à la plateforme numérique, car c'est bien d'un travail subordonné qu'il s'agit.
Or, en construisant avec ce projet de loi un cadre spécifique pour cette activité, le Gouvernement entérine le fonctionnement actuel des plateformes et institutionnalise l'ubérisation qu'il appelle de ses vœux. Bien sûr, vous appelez à des élections nationales par vote électronique et à des garanties pour les personnes élues. En apparence, cela semble représenter une avancée pour les indépendants. En réalité, vous créez un précariat massif qui ouvre une brèche dangereuse, avec, à terme, l'instauration d'un statut tiers d'indépendant avec certains droits et protections liés au salariat, à rebours du modèle de salariat stable.
Les positions des plateformes sont connues ; elles sont extrêmement favorables à votre texte de loi. Elles se sont d'ailleurs déclarées satisfaites, alors que tout indique que le passage au salariat est la meilleure des solutions et qu'il n'a été écarté que par pure idéologie.
Vous objectez que les travailleurs des plateformes ne souhaitent surtout pas le salariat. La vérité est que l'on confond souvent celles et ceux qui complètent leurs revenus par le recours à des plateformes et celles et ceux qui sont exclus de l'emploi et en sont entièrement dépendants. Or beaucoup de ces derniers voudraient bénéficier des mêmes droits que ceux des salariés, mais vous ne le souhaitez pas. C'est pourtant une situation de dépendance, de fragilité économique.
Vos choix vont à rebours de la tendance qui se manifeste ailleurs en Europe. Des décisions importantes ont été prises dans plusieurs pays comme le Royaume-Uni, la Suisse et les Pays-Bas. L'Espagne est allée plus loin encore, en introduisant la présomption salariale pour les livreurs à vélo, après concertation avec les partenaires sociaux. Les plateformes ont ainsi été obligées de salarier leurs travailleurs avant le 12 août 2021.
Votre choix, c'est d'entériner l'acceptation d'une concurrence déloyale. Les modalités concrètes du dialogue social sont renvoyées une nouvelle fois à des ordonnances – qui nous rappellent celles prises aux premières heures du quinquennat, sur le code du travail – et nuisent à la précision de notre appréciation.
Surtout, alors que vous avez mené campagne il y a quelque temps sur l'« Europe qui protège », vous contredisez ici entièrement la décision prise la semaine dernière au Parlement européen – le présent texte est ainsi une sorte de diversion après l'échec cuisant que celle-ci représente.
Oui, grâce à de nombreux parlementaires, dont ma collègue la députée européenne Leïla Chaibi, nous avons permis que le Parlement européen reconnaisse officiellement le caractère trompeur du statut d'indépendant des chauffeurs Uber. Ainsi d'un côté y a-t-il celles et ceux qui souhaitent que les travailleurs aient accès aux congés payés, à la protection sociale et au droit du travail – le Parlement européen, de nombreux juges et les syndicats mobilisés depuis tant d'années sur cette question – ; de l'autre côté, il n'y a que vous, Uber et M. Macron, qui n'avez qu'un mot à la bouche : avoir le beurre et l'argent d'Uber.
Je vais vous épargner les redites de mes propos de tout à l'heure, que vous avez tenus pour des caricatures ; mais cela s'appelle le débat parlementaire. Il est toujours préférable de répondre point par point plutôt que par une forme d'invective qui esquive la profondeur des débats.
Vous avez d'abord dit que vous preniez le chemin engagé par la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite El Khomri, en 2016. C'est tout à fait juste, mais c'était il y a plus de cinq ans. Depuis, il s'est passé bien des choses : il y a eu des travaux de chercheurs, des mouvements de chauffeurs de VTC et de livreurs, la révélation de travail au noir de clandestins, de gens sans droit ni titre. Nous avons vu la réalité économique qui était celle de ces travailleurs des plateformes – je l'évoquais tout à l'heure – devant travailler 60 à 70 heures par semaine pour gagner un SMIC. Et puis il y a eu cette jurisprudence, partout en Europe et en France même, qui a reconnu la réalité de la fausse indépendance.
Je voudrais dire à mon collègue Viry que je suis favorable à la vraie indépendance. Mais ce dont nous parlons, c'est de la fausse indépendance, qui n'est ni la vraie indépendance ni le vrai salariat, mais le vrai tâcheronnage, la vraie précarité, la vraie dureté dans la vie quotidienne, la vraie exploitation par des plateformes numériques d'hommes et de femmes qui n'ont que leur force de travail pour vivre et qui n'en vivent pas. C'est de cela qu'il s'agit.
Alors oui, je crois qu'il faut défendre à la fois le vrai salariat et la vraie indépendance, ainsi que le fait de pouvoir, dans un cas comme dans l'autre, se créer des droits par le travail. Mais ce que vous proposez, madame la ministre, ce sont en réalité les commencements d'un tiers statut. On le voit bien, notamment dans les sujets qui seront soumis au dialogue social. Ce n'est pas l'intégralité des droits sociaux ; mon collègue Quatennens l'évoquait tout à l'heure.
Vous êtes en train de créer une sorte de « lumpensalariat », composé de travailleurs qui n'auront pas les droits intégraux du salariat, mais tout de même suffisamment pour qu'on ne puisse pas faire valoir le faisceau d'indices qui permet au juge la requalification. C'est ce qu'écrit votre rapporteur ; c'est ce que vous défendez en prétendant défendre le modèle des plateformes. Vous dites que ça se fait contre l'avis des travailleurs : je me permettais de rappeler le droit, celui que votre ministère est chargé d'appliquer.
C'est ce que nous faisons, je vous remercie !
Je le disais in extenso, vous ne le contestez pas. C'était la décision du 16 septembre dernier de la cour d'appel de Paris : il ne suffit pas de vouloir être indépendant pour l'être ; la réalité des juges commençant à se prononcer, c'est qu'il n'y a pas d'indépendance : c'est de la fausse indépendance. Lorsque l'on propose la présomption de salariat ou l'inversion de la charge de la preuve, vous le distinguez bien de l'assimilation. Dans aucun de nos amendements nous ne proposons de dire que tous les travailleurs des plateformes en sont des salariés. Nous proposons de rétablir un équilibre dans le rapport de force pour que ceux qui le veulent, soit de façon individuelle, soit dans des actions collectives, puissent le faire valoir devant les juges de façon équilibrée, parce que nous sommes dans un rapport qui est déséquilibré.
Je ne vois pas pourquoi vous disconviendriez de propositions suggérées au Parlement européen par des députés de vos rangs, qui parlent de relations de travail et non de relations contractuelles ; ni pourquoi vous tiendriez le gouvernement espagnol pour imbécile, irresponsable et se trompant de chemin quand il fait le choix de la présomption de salariat.
Vous évoquez le dialogue social, mais est-ce qu'il s'agit de dialogue social ?
Non, il s'agit d'une discussion minimale pour faire échec à la requalification. Et quand il sera acquis qu'on ne peut pas requalifier, que se passera-t-il ? Il n'y aura plus rien à négocier. Comme je le disais en commission, votre proposition est mieux que pire ; mais elle est pire que bien. Nous devons avoir à l'esprit que ce que nous faisons aujourd'hui fera école pour d'autres métiers et que nous risquons une société ubérisée.
Vous n'êtes pas contre le respect des droits sociaux et fiscaux par les entreprises ; s'il n'y a pas de respect des normes sociales, s'il n'y a pas de paiement juste de l'impôt, y a-t-il un modèle économique ? Il n'y en a pas. Ce que nous proposons, c'est précisément cela : rétablir la loyauté de la concurrence et protéger aussi bien les plateformes que les salariés. Pour votre part, vous ne protégez que les plateformes.
Le travail transforme le réel et les sociétés ; il transforme la matière et les relations ; il transforme aussi les corps et les esprits. Il faut prendre soin du travail qui est au cœur des dynamiques humaines. Mais nul ne peut ignorer que, le travail produisant des richesses, il est instrumentalisé et maltraité par le capital. Il s'en trouvera sans doute pour juger cette vérité ringarde, et croyez bien que j'aimerais passionnément qu'elle le soit ! Mais la course aux profits est un moteur puissant qui défigure l'humanité avec créativité : une créativité sans mémoire, quand elle n'est pas sans conscience.
Voici donc venir de nouvelles machines – les plateformes – auxquelles être enchaîné par un enchaînement moderne, numérique, 4.0, qui a les apparences de l'indépendance et le goût de la désillusion. Il s'en trouvera sans doute encore pour nous les vendre comme le grand progrès social de notre temps, et croyez bien que j'aimerais qu'elles le soient ! Mais la réalité ne ressemble pas à la photo marketing sur l'emballage. Bien souvent, ils et elles sont les nouveaux galériens ; ils et elles le savent, ceux qui sillonnent ainsi les rues de nos villes ; ils ont saisi cette opportunité de gagner leur vie, mais en connaissent les limites.
Les plateformes constituent un moyen pour des entreprises – souvent financiarisées – de se dédouaner de presque toute responsabilité, de contourner les règles et notamment les obligations liées à la protection sociale, tout en demeurant prescriptrices de travail. Elles espèrent ainsi dégager des marges de profit en pariant sur le dumping social. C'est une vieille histoire, celle du travail à la tâche. La relation des travailleurs des plateformes à leur employeur est encore plus asymétrique que celle qui s'instaure dans le salariat, qui a des défauts, mais qui garantit des droits.
Le modèle des plateformes n'est pas socialement tenable et ses promoteurs reconnaissent eux-mêmes qu'il ne l'est pas non plus économiquement, pour l'heure. Mais à quel prix pourrait-il le devenir ? Je pose la question. En attendant, il tire vers le bas tout un secteur et c'est un modèle extensible qui commence déjà à essaimer. Si l'on vous suit, on verra ces plateformes s'immiscer de plus en plus entre l'offre et la demande de services, et ce ne sera pas pour la réguler.
La proposition que vous faites s'inscrit toujours dans la même optique de normalisation après une première tentative de charte sociale basée sur de vagues engagements volontaires. Vous actez cette dégradation et encouragez ce système low-cost, qui fabrique des travailleurs pauvres courant après la course. Il s'agit toujours de faire semblant ; c'est inévitable quand on ne veut pas sortir de l'ambiguïté et qu'on se complaît dans la tactique du « en même temps ».
Le système des plateformes est l'antithèse du progrès social. C'est d'ailleurs parce qu'il contrevient aux règles qu'il subit de nombreuses décisions de justice défavorables et que des procédures s'accumulent. En Espagne, sous l'impulsion de notre amie Yolanda Díaz, ministre du travail, c'est tout simplement la requalification en contrat de travail qui a été actée dans la loi, par le biais de la présomption de salariat.
Vous venez de surcroît de nous demander une énième fois de vous autoriser à légiférer par ordonnance, ce que rien ne justifie. C'est déjà ainsi, je le rappelle, que la majorité a haché menu le code du travail dès 2017. Mais avec à chaque fois un peu plus de colère, j'ai envie de vous dire tout simplement : « ça suffit ! ». Bien sûr, je ne saurais rien vous confier en matière sociale au regard du passif, mais c'est par principe que notre assemblée devrait refuser de jouer ainsi ce rôle. Si vous voulez faire une réforme, préparez-la, discutez-la et présentez-la pour de vrai. Respectez le Parlement !
Le système que vous voulez conforter pousse encore plus loin ce que l'ergologue Yves Schwartz appelle « le blanchiment des résultats de l'activité ». Chacun, chacune, est rendu seul responsable de son résultat et l'on se désintéresse des moyens qu'il doit mobiliser pour y parvenir. Les plateformes sont bien un système sophistiqué de blanchiment de richesses produites par du travail mal reconnu, mal protégé et mal rémunéré.
Il n'est qu'à relire Aragon dans Les cloches de Bâle pour comprendre que nous revenons sur nos pas, vers le travail à la tâche, une voie sans issue. S'il s'avère que s'inventent là de nouveaux métiers, il n'y a aucune raison que cela se fasse au rabais. On a tellement raconté, pendant le confinement, qu'il fallait reconnaître tous les métiers… Vous nous direz qu'il existe des personnes à qui ce statut convient et nous vous répondrons qu'il faut refuser de les enfermer dans un tiers statut qui n'aura que des inconvénients.
Les sondages patronaux n'en disent rien : de plus en plus, les chauffeurs-livreurs se mobilisent justement pour exiger une autre condition. Ils ont trimé, ils triment et ils sont maintenant de plus en plus nombreux et nombreuses à estimer que leur travail et leur personne doivent être autrement considérés. Les uns comme les autres cherchent à élargir leur espace, à inventer le cadre de leur équilibre, de leur santé, de leur épanouissement dans le travail. Votre loi va limiter ce cadre ; elle vole au secours non pas des travailleurs, mais des plateformes. Nous ne soutiendrons pas l'ubérisation de l'économie.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et FI.
Ce projet de loi par voie d'ordonnance pose les bases d'un dialogue social entre les plateformes de mobilité et les travailleurs indépendants de VTC et de livraison. Nous sommes bien là pour accompagner le développement de ces deux secteurs dans l'intérêt du travail et des travailleurs d'abord. Notre objectif est bien de renforcer les droits des travailleurs indépendants qui recourent à ces plateformes. Le droit français ne reconnaît que deux statuts de travailleur : celui de salarié et celui d'indépendant. Ce dernier existe parce que des travailleurs choisissent d'être indépendants et recherchent l'autonomie dans leur activité professionnelle.
En commission, au nom du groupe La République en marche, j'ai défendu deux amendements qui ont été adoptés, afin d'apporter des précisions. Le premier réduit à douze mois le délai d'habilitation de l'ordonnance qui vient compléter les règles organisant le dialogue social avec les plateformes ; le second précise le rôle de médiation de l'ARPE en cas de suspension ou de rupture du contrat commercial à l'initiative de la plateforme. Il revient à la négociation collective de trouver la bonne solution et d'en fixer les justes moyens.
Je défendrai à nouveau deux amendements du groupe La République en marche visant à renforcer l'autonomie des travailleurs indépendants, par exemple la liberté de choisir l'itinéraire et le matériel utilisé pour répondre à la prestation de service. Ces travailleurs doivent également pouvoir choisir de manière plus éclairée d'accepter ou de refuser la prestation qui leur est proposée. Ils disposeraient ainsi d'une information plus complète, avec un délai raisonnable pour se prononcer sur la course.
Nous devons reconnaître le rôle des plateformes dans l'économie et dans notre vie quotidienne. Elles créent des emplois nouveaux et aident bon nombre de personnes à entrer sur le marché du travail, notamment celles pour lesquelles l'accès à l'emploi est difficile et auxquelles on ne propose pas un emploi salarié aussi facilement que certains le prétendent.
En réponse à ceux qui prônent le salariat pour les travailleurs de plateforme, j'aimerais revenir sur un point souvent évoqué ici et en commission : le cas de l'Espagne. La présomption de salariat récemment adoptée chez nos voisins espagnols a eu de nombreux effets sur les plateformes de livraison, mais la situation est loin d'être un long fleuve tranquille. Avec le retrait annoncé d'un acteur – Deliveroo –, les travailleurs auront le choix : soit devenir salariés d'une agence intermédiaire pour être mis à disposition des plateformes, comme Uber Eats – n'en déplaise à certains, ce n'est pas la fin de l'ubérisation ; soit rester indépendants, comme avec la plateforme espagnole Glovo, qui laisse aux travailleurs la liberté de choisir leurs horaires et de fixer la marge sur le prix du service.
Outre la limite d'un tel modèle en matière de légalité, j'ai lu que ces livreurs se plaignent de moins bien gagner leur vie désormais, car ils se font concurrence entre eux. Voulons-nous vraiment ces solutions pour les travailleurs indépendants dans notre pays ? Je ne le pense pas. Le dialogue social est le seul instrument capable d'offrir aux travailleurs de plateformes de meilleures conditions de travail.
Lors de l'examen en commission, nous avons aussi évoqué longuement la proposition de résolution de notre collègue députée européenne Sylvie Brunet. Elle ne suggère en aucun cas d'instaurer une présomption de salariat, mais fait valoir la nécessité de renverser la charge de la preuve. En clair, il appartient aux plateformes de démontrer qu'elles ne sont pas dans une relation de contrat de travail. Ce texte ne s'oppose pas à ce principe.
Nous sommes confrontés à un flou juridique auquel il est nécessaire de remédier. Les récentes jurisprudences françaises font état de divers critères pour qualifier la relation de salariat ou de travail indépendant. Lorsqu'il est fait usage de la géolocalisation, la Cour de cassation retient le lien de subordination, tandis que le jugement de la cour d'appel de Paris balaie cette affirmation. En fait, la requalification du contrat dépend de l'existence d'un contrôle hiérarchique pendant le trajet.
Il semble donc indispensable de statuer et d'opter pour des positions claires, au service des travailleurs indépendants. Je ne doute pas que les débats que nous aurons dans l'hémicycle viendront éclairer le chemin que nous propose ce projet de loi, que le groupe La République en marche votera avec conviction.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Mes chers collègues, il reste deux orateurs inscrits dans la discussion générale, M. Viry et Mme Bagarry. Je propose de les écouter avant de lever la séance. Ils auront à cœur de respecter le temps de parole qui leur a été attribué.
La parole est à M. Stéphane Viry.
Ces dix dernières années, la France a connu une forte hausse du nombre de travailleurs indépendants, en raison d'une législation incitative et du développement des plateformes d'intermédiation, notamment de mise en relation, qui concernent des chauffeurs de VTC et des livreurs de marchandises.
Nous sommes invités à nous prononcer sur le projet de loi visant à ratifier l'ordonnance du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d'exercice de cette représentation et portant habilitation du Gouvernement à compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social avec les plateformes.
En préambule, je salue l'engagement de tous ceux qui ont choisi le statut de travailleur indépendant pour exercer leur activité : plus de 3 millions de Français sont ainsi libres d'exercer leur profession comme bon leur semble, de manière autonome, y compris en recourant à des plateformes de mise en relation. Nous ne pouvons pas, dans notre pays, décider ou accepter que toute activité économique relève du seul salariat, ni imputer aux travailleurs indépendants ayant recours aux plateformes une présomption de salariat, comme cela a été le cas dans d'autres pays européens – ce serait une fuite en avant rocambolesque.
Le travail indépendant est pour la France une source d'activité et de valeur ajoutée, mais aussi une source d'emplois. Il permet par exemple à des personnes éloignées de l'emploi de travailler : elles décident de recourir à ce statut pour sortir du chômage. Il en va de même des personnes sans activité de longue durée, ainsi que des étudiants qui exercent une activité de cette nature pour subvenir à leurs besoins. Le texte que nous examinerons ce soir poursuit donc deux objectifs : structurer le dialogue social et autoriser le Gouvernement à prendre les mesures nécessaires à son organisation.
Vous le savez, madame la ministre, le groupe Les Républicains est fortement attaché au dialogue social et à la négociation des partenaires sociaux. C'est d'ailleurs notre groupe qui, à plusieurs reprises, a défendu le dialogue social lorsque le Gouvernement a tenté de l'attaquer, par exemple en préparant la réforme des retraites ou celle de l'assurance chômage. Notre groupe reste opposé à la nationalisation du dialogue social, or ce projet de loi tend à étatiser ce dernier, notamment pour les plateformes visées par le texte. Dans la majorité des cas, et en particulier en ce qui concerne le transport et les VTC, on parle d'indépendants qui choisissent de travailler ou non avec certaines plateformes de mise en relation. Il leur revient donc de s'organiser au mieux, afin de se faire entendre par ces mêmes plateformes.
Le cas des plateformes de livraison est différent ; on doit reconnaître qu'il peut s'agir de salariat déguisé et de conditions d'exercice professionnel particulièrement difficiles. Il faut ajouter que certaines plateformes embauchent principalement des personnes qui ont du mal à s'organiser pour se faire entendre. Dans ces conditions, on peut envisager d'instaurer, au niveau national, un dialogue social réservé aux travailleurs indépendants de plateformes ; il faut mesurer les implications de ce choix.
À ce stade de nos discussions, j'entends que la création d'une autorité des relations sociales des plateformes, placée sous le contrôle du ministère du travail et du ministère des transports, serait un moyen de contrôler la représentation, d'apporter des solutions aux conflits, de réguler le recours aux plateformes et d'instaurer une médiation entre les plateformes et les travailleurs indépendants. Selon le texte, la représentation de travailleurs indépendants serait issue d'une élection nationale à tour unique et par vote électronique, organisée tous les quatre ans par l'ARPE.
Par ailleurs, madame la ministre, je redoute que cette vision du dialogue social que le Gouvernement promeut ne conduise à la création d'un statut hybride, incertain et source de complexité. Nous nous opposons à la version de votre texte qui aboutit à la création d'un troisième statut,…
…lequel tend à assimiler les travailleurs des plateformes à des salariés, sans pour autant leur donner le statut de ces derniers.
Pire encore, selon moi, les travailleurs des plateformes seront soumis à des règles propres, attachées à ce statut tiers, mais se verront sans aucun doute attribuer le statut de travailleur indépendant.
Il est certes nécessaire de mettre fin à la précarité que subissent des travailleurs de plateformes indépendants, même s'il aurait été plus opportun de requalifier en salariés ces travailleurs indépendants économiquement dépendants. Vous l'avez compris dans mon propos, la définition d'un statut hybride présente certains risques relatifs à la sécurité juridique des travailleurs – nous aurons l'occasion d'en parler lors de l'examen des amendements.
Tous ces arguments laissent penser qu'étatiser le dialogue social n'était pas la meilleure solution. Pour cette raison, le groupe Les Républicains défendra des amendements visant à faire évoluer votre texte.
Sur les recommandations de la mission Mettling, l'ordonnance relative à la représentation des travailleurs indépendants recourant aux plateformes a été publiée au printemps. Dans la lignée de la responsabilité sociale des plateformes, créée en 2016, et des garanties nouvelles apportées en 2019, cette ordonnance doit corriger un angle mort du code du travail.
En effet, l'essor des plateformes d'emploi s'est accompagné de la création d'un néologisme : l'ubérisation. Ce mot désigne la création de nouvelles formes d'emploi, toujours plus précaires. De fait, ces catégories de travailleurs disposent de droits assurantiels minimaux et voient leurs conditions de travail dictées unilatéralement par les plateformes et leurs algorithmes.
Afin de sortir de cette zone d'ombre, alors que les tribunaux français et européens reconnaissent qu'un lien de subordination peut exister entre des travailleurs et leur plateforme, plusieurs options étaient possibles. L'une d'elles, la présomption de salariat, aurait permis d'octroyer par défaut le statut de salarié à l'ensemble des travailleurs des plateformes. Toutefois, il faut le dire, si le salariat peut faire partie des revendications majoritaires des livreurs, ce n'est pas le cas des chauffeurs VTC, qui souhaitent être vraiment indépendants des plateformes, c'est-à-dire autonomes.
À l'issue des travaux de la mission Mettling, en nous demandant de ratifier les présentes ordonnances et de voter une nouvelle habilitation, vous faites le choix du dialogue social. Bien que par nature très attachée à l'effectivité de l'accès aux droits sociaux offerts par notre système de protection sociale, je ne m'oppose pas au choix du Gouvernement, parce qu'il respecte la volonté des travailleurs des plateformes.
Toutefois, et c'est l'objet des amendements déposés par Aurélien Taché, que j'ai cosignés, nous considérons que la réponse apportée n'est pas encore suffisante. Il ne peut y avoir de réelle indépendance sans maîtrise du contenu des algorithmes. Aussi, nous demandons que l'Autorité des relations sociales des plateformes d'emploi ait accès aux informations relatives aux algorithmes et à la manière dont les plateformes collectent et utilisent les données personnelles des travailleurs. Cette transparence est la condition sine qua non de leur indépendance, supposée ou réelle.
De surcroît, le délai de l'habilitation est trop long. Avec l'article 48 de la loi d'orientation des mobilités, il impliquerait d'attendre plus de deux ans, alors que partout ailleurs la régularisation de ces secteurs est en marche. Les travailleurs dénoncent les délais dilatoires des plateformes pour mener les négociations. Il faut définir un cadre de négociations clair et stable au plus tôt, avant la prochaine élection présidentielle. L'État a la responsabilité de donner la main aux travailleurs pour mener leurs négociations sur leurs conditions de travail.
Enfin ces ordonnances n'apportent qu'une réponse partielle aux multiples difficultés que ces travailleurs rencontrent ; la principale est que leurs droits sociaux ne leur permettent pas de disposer d'une vraie couverture sociale. Notre système de sécurité sociale ne peut les laisser de côté alors que le Haut Conseil du financement de la protection sociale a pointé l'iniquité dont ils sont victimes par rapport aux salariés et aux autres indépendants.
La responsabilité sociale des plateformes n'a pas abouti à créer une vraie couverture des accidents du travail. Il faut faire entrer ces travailleurs de plain-pied dans la branche ATMP (accidents du travail et maladies professionnelles). Leur bas salaire les contraint à verser des cotisations minimales, donc à bénéficier des droits sociaux minimaux. Il faut que leurs droits à la retraite et au chômage soient assurés.
Chers collègues, pour les travailleurs de plateformes, nous ne pouvons plus nous permettre de laisser passer les trains ; il est nécessaire de leur donner dès à présent les outils pour qu'ils prennent leur destin en main et disposent de droits effectifs.
La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 21 avril 2021 relative aux travailleurs indépendants.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures dix.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra