Intervention de Alexis Corbière

Séance en hémicycle du mardi 28 septembre 2021 à 15h00
Ratification de l'ordonnance relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant aux plateformes — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexis Corbière :

Comme le dit le dicton, le diable est toujours dans les détails. En apparence, vouloir des élections pour assurer la représentation des travailleurs des plateformes semble une bonne chose ; dans la réalité, comme l'a très bien démontré notre collègue Boris Vallaud, votre proposition est non seulement peu convaincante, mais contre-productive.

L'ubérisation se généralise partout, or vous ne faites rien pour endiguer le développement de plateformes dopées par des avantages concurrentiels totalement déloyaux. Dans ma circonscription, à Montreuil, leur développement repose sur l'ouverture de ce que l'on appelle des dark kitchens, des restaurants fictifs qui ne fonctionnent que par et pour les livraisons. En conséquence, les petits restaurateurs sont dépassés, et de nombreux emplois détruits.

Avec ce texte, vous capitulez face aux plateformes en leur permettant d'écrire leurs propres normes et de faire régner leur propre loi. C'est la raison pour laquelle, disons-le clairement, elles soutiennent votre projet : elles pourront continuer de profiter du non-versement des cotisations sociales.

Plusieurs centaines de milliers de travailleurs dits indépendants – notons l'ironie qu'il y a à qualifier d'indépendants des travailleurs qui sont totalement dépendants, car jamais le lien de dépendance et de soumission n'a été si fort entre celui qui travaille et celui qui paie –, sous-payés, maltraités, sans réelles conditions de travail, sont des salariés déguisés : la Cour de cassation l'a dit au mois de mars dernier, comme l'intégralité des tribunaux saisis au niveau européen et même aux États-Unis, en Californie. Pourquoi ne pas profiter de l'occasion offerte par ce projet de loi pour en faire enfin des salariés et les protéger ?

Vous nous avez répondu en commission par des chiffres obscurs : 80 % des travailleurs des plateformes ne voudraient pas du salariat. C'est faux. De plus, de votre propre aveu, ces chiffres proviennent d'un sondage produit par la plateforme Uber ; c'est donc le patronat lui-même qui décide du chiffre que vous reprenez par la suite ! Bref, vous n'avez pas retenu la proposition du rapport de Jean-Yves Frouin qui plaidait pourtant, dès la première page, pour la reconnaissance du statut de salarié.

La majorité se divise sur le sujet : au Parlement européen, la députée En Marche Sylvie Brunet a proposé une présomption réfragable au salariat, c'est-à-dire le fait de considérer les travailleurs des plateformes pour ce qu'ils sont en réalité, à savoir des salariés ; vous vous y opposez.

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