Intervention de Dominique Da Silva

Séance en hémicycle du mardi 28 septembre 2021 à 15h00
Ratification de l'ordonnance relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant aux plateformes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Da Silva :

Ce projet de loi par voie d'ordonnance pose les bases d'un dialogue social entre les plateformes de mobilité et les travailleurs indépendants de VTC et de livraison. Nous sommes bien là pour accompagner le développement de ces deux secteurs dans l'intérêt du travail et des travailleurs d'abord. Notre objectif est bien de renforcer les droits des travailleurs indépendants qui recourent à ces plateformes. Le droit français ne reconnaît que deux statuts de travailleur : celui de salarié et celui d'indépendant. Ce dernier existe parce que des travailleurs choisissent d'être indépendants et recherchent l'autonomie dans leur activité professionnelle.

En commission, au nom du groupe La République en marche, j'ai défendu deux amendements qui ont été adoptés, afin d'apporter des précisions. Le premier réduit à douze mois le délai d'habilitation de l'ordonnance qui vient compléter les règles organisant le dialogue social avec les plateformes ; le second précise le rôle de médiation de l'ARPE en cas de suspension ou de rupture du contrat commercial à l'initiative de la plateforme. Il revient à la négociation collective de trouver la bonne solution et d'en fixer les justes moyens.

Je défendrai à nouveau deux amendements du groupe La République en marche visant à renforcer l'autonomie des travailleurs indépendants, par exemple la liberté de choisir l'itinéraire et le matériel utilisé pour répondre à la prestation de service. Ces travailleurs doivent également pouvoir choisir de manière plus éclairée d'accepter ou de refuser la prestation qui leur est proposée. Ils disposeraient ainsi d'une information plus complète, avec un délai raisonnable pour se prononcer sur la course.

Nous devons reconnaître le rôle des plateformes dans l'économie et dans notre vie quotidienne. Elles créent des emplois nouveaux et aident bon nombre de personnes à entrer sur le marché du travail, notamment celles pour lesquelles l'accès à l'emploi est difficile et auxquelles on ne propose pas un emploi salarié aussi facilement que certains le prétendent.

En réponse à ceux qui prônent le salariat pour les travailleurs de plateforme, j'aimerais revenir sur un point souvent évoqué ici et en commission : le cas de l'Espagne. La présomption de salariat récemment adoptée chez nos voisins espagnols a eu de nombreux effets sur les plateformes de livraison, mais la situation est loin d'être un long fleuve tranquille. Avec le retrait annoncé d'un acteur – Deliveroo –, les travailleurs auront le choix : soit devenir salariés d'une agence intermédiaire pour être mis à disposition des plateformes, comme Uber Eats – n'en déplaise à certains, ce n'est pas la fin de l'ubérisation ; soit rester indépendants, comme avec la plateforme espagnole Glovo, qui laisse aux travailleurs la liberté de choisir leurs horaires et de fixer la marge sur le prix du service.

Outre la limite d'un tel modèle en matière de légalité, j'ai lu que ces livreurs se plaignent de moins bien gagner leur vie désormais, car ils se font concurrence entre eux. Voulons-nous vraiment ces solutions pour les travailleurs indépendants dans notre pays ? Je ne le pense pas. Le dialogue social est le seul instrument capable d'offrir aux travailleurs de plateformes de meilleures conditions de travail.

Lors de l'examen en commission, nous avons aussi évoqué longuement la proposition de résolution de notre collègue députée européenne Sylvie Brunet. Elle ne suggère en aucun cas d'instaurer une présomption de salariat, mais fait valoir la nécessité de renverser la charge de la preuve. En clair, il appartient aux plateformes de démontrer qu'elles ne sont pas dans une relation de contrat de travail. Ce texte ne s'oppose pas à ce principe.

Nous sommes confrontés à un flou juridique auquel il est nécessaire de remédier. Les récentes jurisprudences françaises font état de divers critères pour qualifier la relation de salariat ou de travail indépendant. Lorsqu'il est fait usage de la géolocalisation, la Cour de cassation retient le lien de subordination, tandis que le jugement de la cour d'appel de Paris balaie cette affirmation. En fait, la requalification du contrat dépend de l'existence d'un contrôle hiérarchique pendant le trajet.

Il semble donc indispensable de statuer et d'opter pour des positions claires, au service des travailleurs indépendants. Je ne doute pas que les débats que nous aurons dans l'hémicycle viendront éclairer le chemin que nous propose ce projet de loi, que le groupe La République en marche votera avec conviction.

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