Intervention de Delphine Bagarry

Séance en hémicycle du mardi 28 septembre 2021 à 15h00
Ratification de l'ordonnance relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant aux plateformes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine Bagarry :

Sur les recommandations de la mission Mettling, l'ordonnance relative à la représentation des travailleurs indépendants recourant aux plateformes a été publiée au printemps. Dans la lignée de la responsabilité sociale des plateformes, créée en 2016, et des garanties nouvelles apportées en 2019, cette ordonnance doit corriger un angle mort du code du travail.

En effet, l'essor des plateformes d'emploi s'est accompagné de la création d'un néologisme : l'ubérisation. Ce mot désigne la création de nouvelles formes d'emploi, toujours plus précaires. De fait, ces catégories de travailleurs disposent de droits assurantiels minimaux et voient leurs conditions de travail dictées unilatéralement par les plateformes et leurs algorithmes.

Afin de sortir de cette zone d'ombre, alors que les tribunaux français et européens reconnaissent qu'un lien de subordination peut exister entre des travailleurs et leur plateforme, plusieurs options étaient possibles. L'une d'elles, la présomption de salariat, aurait permis d'octroyer par défaut le statut de salarié à l'ensemble des travailleurs des plateformes. Toutefois, il faut le dire, si le salariat peut faire partie des revendications majoritaires des livreurs, ce n'est pas le cas des chauffeurs VTC, qui souhaitent être vraiment indépendants des plateformes, c'est-à-dire autonomes.

À l'issue des travaux de la mission Mettling, en nous demandant de ratifier les présentes ordonnances et de voter une nouvelle habilitation, vous faites le choix du dialogue social. Bien que par nature très attachée à l'effectivité de l'accès aux droits sociaux offerts par notre système de protection sociale, je ne m'oppose pas au choix du Gouvernement, parce qu'il respecte la volonté des travailleurs des plateformes.

Toutefois, et c'est l'objet des amendements déposés par Aurélien Taché, que j'ai cosignés, nous considérons que la réponse apportée n'est pas encore suffisante. Il ne peut y avoir de réelle indépendance sans maîtrise du contenu des algorithmes. Aussi, nous demandons que l'Autorité des relations sociales des plateformes d'emploi ait accès aux informations relatives aux algorithmes et à la manière dont les plateformes collectent et utilisent les données personnelles des travailleurs. Cette transparence est la condition sine qua non de leur indépendance, supposée ou réelle.

De surcroît, le délai de l'habilitation est trop long. Avec l'article 48 de la loi d'orientation des mobilités, il impliquerait d'attendre plus de deux ans, alors que partout ailleurs la régularisation de ces secteurs est en marche. Les travailleurs dénoncent les délais dilatoires des plateformes pour mener les négociations. Il faut définir un cadre de négociations clair et stable au plus tôt, avant la prochaine élection présidentielle. L'État a la responsabilité de donner la main aux travailleurs pour mener leurs négociations sur leurs conditions de travail.

Enfin ces ordonnances n'apportent qu'une réponse partielle aux multiples difficultés que ces travailleurs rencontrent ; la principale est que leurs droits sociaux ne leur permettent pas de disposer d'une vraie couverture sociale. Notre système de sécurité sociale ne peut les laisser de côté alors que le Haut Conseil du financement de la protection sociale a pointé l'iniquité dont ils sont victimes par rapport aux salariés et aux autres indépendants.

La responsabilité sociale des plateformes n'a pas abouti à créer une vraie couverture des accidents du travail. Il faut faire entrer ces travailleurs de plain-pied dans la branche ATMP (accidents du travail et maladies professionnelles). Leur bas salaire les contraint à verser des cotisations minimales, donc à bénéficier des droits sociaux minimaux. Il faut que leurs droits à la retraite et au chômage soient assurés.

Chers collègues, pour les travailleurs de plateformes, nous ne pouvons plus nous permettre de laisser passer les trains ; il est nécessaire de leur donner dès à présent les outils pour qu'ils prennent leur destin en main et disposent de droits effectifs.

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