Intervention de Paul Molac

Séance en hémicycle du jeudi 22 juillet 2021 à 15h00
Prévention d'actes de terrorisme et renseignement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Molac :

Selon le coordonnateur national du renseignement, 500 détenus purgent actuellement une peine de prison pour terrorisme en France, dont une centaine devraient sortir dans les deux prochaines années. S'y ajoutent 900 prisonniers de droit commun radicalisés. Il est donc nécessaire et justifié de prendre des mesures permettant de prévenir la récidive et de lutter contre la menace terroriste.

Ce projet de loi se compose de deux parties distinctes, l'une visant à pérenniser et renforcer les dispositions de la loi SILT de 2017, l'autre révisant la loi « renseignement » de 2015. Nous souhaitons exprimer une nouvelle fois notre étonnement quant au choix du Gouvernement de regrouper ces deux volets, d'autant que ce n'est pas seulement la position de notre groupe, mais aussi celle du Sénat qui diffère selon le texte, comme en témoigne l'échec de la commission mixte paritaire.

Nous sommes en effet très réservés concernant la pérennisation et l'aggravation de la loi SILT, que peu de données semblent justifier. La pérennisation de la loi SILT constitue une intégration dans le droit commun des mesures d'exception de l'état d'urgence, ce à quoi le groupe Libertés et territoires s'est toujours opposé, et pour ma part dès 2016.

L'échec de la commission mixte paritaire est dû principalement au refus des sénateurs d'accepter l'extension à vingt-quatre mois du régime des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance. Nous ne pouvons que suivre le Sénat, que vous auriez dû écouter sur ce point. L'extension à deux ans de la durée des MICAS donne un pouvoir totalement disproportionné à l'autorité administrative, au détriment du juge judiciaire. Le Conseil d'État considère d'ailleurs dans son avis que la mesure pose des difficultés constitutionnelles, sans que son efficacité soit par ailleurs suffisamment établie. Le Conseil constitutionnel avait quant à lui demandé que la durée des MICAS soit limitée à douze mois maximum.

Nous voyons d'autant moins la nécessité de mettre en œuvre cette disposition que le droit pénal a été aménagé ces dernières années afin de permettre un suivi judiciaire plus précoce des personnes susceptibles de passer à l'acte terroriste. Les dispositions du droit actuel sont déjà en mesure de répondre aux objectifs recherchés par le Gouvernement. Souvent, d'ailleurs, les MICAS recoupent des contrôles judiciaires.

En transférant autant de compétences à l'autorité administrative, au détriment de l'autorité judiciaire et de la séparation des pouvoirs, on court un risque significatif que ces dispositifs soient utilisés plus largement dans un autre contexte, par exemple contre des opposants politiques – écologistes, altermondialistes, Corses, Basques, voire Bretons –, d'autant plus que les voies de recours sont rendues plus difficiles sous le régime de la loi SILT. Les visites domiciliaires, qui peuvent être utilisées à la place de perquisitions judiciaires, souffrent des mêmes critiques.

La mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion, quant à elle, reprend les dispositions de la loi du 10 août 2020, à laquelle nous nous étions opposés et qui avait été censurée par le Conseil constitutionnel. Malgré les corrections apportées, cette mesure constitue une « peine après la peine », fondée sur les notions imprécises de dangerosité et de risque de récidive. Par ailleurs, son efficacité interroge compte tenu des nombreuses mesures existantes visant à prévenir le risque de récidive terroriste, comme le Conseil d'État l'avait souligné dans son avis relatif à la loi d'août 2020.

En revanche, nous accueillons plus favorablement les dispositions relatives au renseignement. Nous saluons le fait que la France poursuive sa volonté d'encadrer et de contrôler les actions de ses services de renseignement qui, avant la loi de 2015, agissaient en dehors de tout cadre légal. La loi de 2015 a constitué un progrès indéniable, grâce à la mise en place de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR. Plusieurs dispositions du présent projet de loi visent à renforcer les pouvoirs de la Commission et accroître les mesures d'encadrement. Le Sénat a encore accru les garanties, satisfaisant ainsi certains de nos amendements. Ainsi la CNCTR pourra demander une interruption du programme de recherche en cas de conservation des renseignements au-delà des durées légales.

Toutefois, certaines mesures ne nous paraissent pas suffisamment contrôlées et nous aurions aimé que le rôle de la CNCTR soit encore accru. L'extension des délais de conservations des données à des fins de recherche et de développement nous semble excessive et le principe d'un cloisonnement de ces données aurait dû être inscrit explicitement dans la loi.

En définitive, ce projet de loi rassemblant deux textes très différents, les membres de notre groupe se positionneront en fonction de l'équilibre qu'ils jugent le plus adéquat entre maintien de la sécurité publique et préservation des libertés fondamentales.

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