Intervention de Raphaël Gérard

Séance en hémicycle du lundi 12 avril 2021 à 16h00
Lutte contre le dérèglement climatique — Article 40

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRaphaël Gérard :

Sans contester l'objectif de lutte contre la précarité énergétique qui affecte des millions de nos concitoyens, j'appelle votre attention sur le fait que l'esprit de rénovation massive qui accompagne ce projet de loi est susceptible d'entrer en contradiction, dans certains cas, avec la logique de préservation du patrimoine.

De fait, les propriétaires qui souhaiteront vendre leur bien pour répondre à l'obligation posée par l'article 40 en matière d'audit énergétique pourraient être encouragés à recourir à des outils conventionnels pour mesurer la performance énergétique de leur bâtiment et identifier, le cas échéant, les travaux à réaliser. Or les outils conventionnels ne sont pas toujours adaptés à la rénovation du bâti patrimonial.

D'une part, les travaux de rénovation standardisés pourraient favoriser les pathologies et affaiblir la durabilité de ce patrimoine. À titre d'exemple, nous constatons les effets néfastes des rénovations réalisées sur les maisons à pans de bois dans les années 1970 à 1990 avec des techniques modernes – doublage en placoplâtre, sol en plastique, isolation en laine de roche ou en polystyrène. Des bâtiments qui étaient restés sains pendant plusieurs siècles se sont dégradés de manière impressionnante en une quarantaine d'années, ce qui entraîne aujourd'hui des coûts très importants pour leurs propriétaires.

D'autre part, dans le cas des bâtiments situés dans un site patrimonial remarquable ou dans le périmètre de protection des abords d'un monument historique, les travaux font l'objet de procédures d'autorisation spécifiques, avec des prescriptions visant à sauvegarder la qualité architecturale et paysagère du bâti. Non seulement le non-respect des spécificités patrimoniales exposerait plus souvent les propriétaires à des litiges en raison des conflits de normes créés par l'article 40, mais il mettrait aussi en péril les programmes de revitalisation des centres anciens comme « Action cœur de ville » et « Petites villes de demain », qui font du patrimoine et de la qualité du cadre de vie un facteur d'attractivité des territoires.

Pour toutes ces raisons, je pense utile de préciser que les propositions de travaux susceptibles d'être formulées dans le cadre de l'audit énergétique doivent être compatibles avec les prescriptions du code du patrimoine. Cela permettrait d'introduire davantage de concertation et de promouvoir, en matière de rénovation du bâti ancien, une approche globale qui tienne compte des enjeux tant culturels qu'écologiques.

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