Je vais essayer de répondre à ces nombreux amendements en vous exposant à la fois l'état du droit commun existant, ce que nous avons fait en commission et ce que je souhaite vous proposer en séance.
Actuellement, lorsqu'un projet commercial est envisagé sur un territoire, il doit d'abord trouver une surface foncière sur laquelle s'implanter ; le terrain doit être constructible et répondre aux exigences liées à l'accueil d'une zone commerciale. Ces informations se trouvent dans le document d'aménagement commercial, qui est élaboré dans le cadre des SCOT – schémas de cohérence territoriale.
Il doit ensuite obtenir un permis de construire, bien souvent conditionné à une étude d'impact ; il faut donc déjà qu'il parvienne à passer l'étape des études environnementales. S'ensuit l'examen, en vue de la validation administrative et commerciale, par la fameuse CDAC, qui vérifie la conformité du projet avec les besoins du territoire et décide ou non de le valider. Si la CDAC donne un avis positif, un recours peut éventuellement être déposé auprès de la CNAC, la commission nationale d'aménagement commercial, qui aujourd'hui valide moins d'un projet sur deux. Enfin, si ce dernier cap est franchi, le projet peut voir le jour.
En commission, nous avons répondu à plusieurs attentes. D'une part, nous avons tenu compte de l'avis du Conseil d'État selon lequel « l'énoncé d'une interdiction générale, qui correspond à la volonté d'un moratoire sur les installations de commerces entraînant une artificialisation en périphérie urbaine, doit être accompagné de la possibilité de dérogations accordées au cas par cas ». C'est ce que nous avons fait en commission en allant plus loin que le texte initial : nous avons introduit quatre critères obligatoires et cumulatifs rendant possible l'obtention d'une dérogation.
Nous avons ainsi décidé qu'une dérogation peut être accordée à un projet s'il « s'insère en proximité avec le tissu urbain existant dans un secteur au type d'urbanisation adéquat », s'il « répond aux besoins du territoire » et s'il obéit à l'un des critères que nous avons établis, parmi lesquels l'insertion « dans le secteur d'intervention d'une opération de revitalisation de territoire ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville [(QPV)] », ou encore au sein d'un projet déjà identifié et démarré avant la promulgation de la loi – ce que l'on appelait auparavant les ZACOM, les zones d'aménagement commercial.
Nous avons donc durci le dispositif en définissant des critères que nous avons rendus cumulatifs et qui sont désormais précisés de manière explicite, alors que la version initiale ne comportait qu'un faisceau d'indices susceptible de laisser une certaine liberté d'appréciation lors de l'examen du projet. Ces critères permettent de déterminer clairement si l'autorisation d'exploitation commerciale peut être délivrée, d'autant que nous avons identifié les zones dans lesquelles la stratégie et la planification territoriales permettent d'accueillir de tels projets.
Je voudrais aussi rappeler d'où l'on vient en évoquant la Convention citoyenne pour le climat. J'aurai peut-être l'occasion de le répéter puisque de nombreux amendements en parlent, en faisant comme si elle avait demandé un moratoire à la fois sur le commerce, sur le e-commerce et sur la logistique. Voici la proposition formulée par la Convention citoyenne – je l'avais déjà citée en commission : « Pour les zones commerciales et zones artisanales, prendre une mesure au niveau national d'interdiction de nouvelle surface artificialisée, sauf dans les zones où la densité de surface commerciale et artisanale par habitant est très inférieure à la moyenne départementale. » Une telle proposition laisse beaucoup de possibilités pour ouvrir des commerces ; en effet, de nombreuses zones se situent en dessous de cette moyenne, qui augmente d'ailleurs mécaniquement à chaque nouvelle ouverture. Un tel système se mordrait la queue en permanence.
La réponse que nous avons apportée va donc beaucoup plus loin : nous interdisons purement et simplement les dérogations pour les surfaces de plus de 10 000 mètres carrés, et nous introduisons des critères très stricts pour les autres. Je vous proposerai même un peu plus tard d'aller encore plus loin, s'agissant à la fois des zones commerciales et de la logistique.
Comme je le dis depuis le début, je me suis attaché à deux priorités. D'abord, ce sont les enjeux liés à l'artificialisation des sols que je veux traiter – c'est bien le sujet du présent chapitre ; or le e-commerce ne représente que moins de 1 % de ce phénomène, et les zones commerciales à peine davantage. Mais j'entends ce que vous dites : il s'agit dans notre société d'une question sensible, politique ; il est impossible de ne pas l'aborder et de la laisser sans réponse.
J'ai donc souhaité apporter une réponse appuyée sur une stratégie de planification territoriale, elle-même élaborée en fonction des besoins spécifiques à chaque territoire. Je pense que dans certaines zones telles que les quartiers prioritaires de la ville, il est tout à fait légitime qu'une zone commerciale de 1 000, 2 000 ou 3 000 mètres carrés puisse venir s'installer. Nous devons aussi nous employer à revitaliser certains territoires, et le commerce peut y participer car il n'est pas seulement synonyme de difficultés : il peut être un acteur majeur permettant de redynamiser certaines villes ou certains quartiers dans lesquels l'activité commerciale est très faible et qui en ont besoin. N'oublions pas que le commerce emploie des gens qui sont bien souvent éloignés du monde du travail ; il leur permet de se réinsérer professionnellement et de faire évoluer leur carrière. Dans certaines zones bien identifiées, lorsque c'est cohérent et lorsque cela s'inscrit dans un projet de territoire tel que les ORT ou les QPV, il est donc important de laisser la possibilité à certains commerces de s'installer.
Les amendements en discussion ne vont pas dans le sens que ce que je propose ; j'émettrai donc un avis défavorable, mais je proposerai un peu plus tard dans la soirée d'autres amendements dont j'espère qu'il nous permettront d'aller encore un peu plus loin, s'agissant à la fois du commerce, du e-commerce et de la logistique.