J'ai fait le choix de manger goulûment cet après-midi une partie du temps qui me reste pour le consacrer à deux interventions, dont voici la première, pour essayer d'aller au fond des choses.
Tout d'abord, je rappelle le titre du texte, qu'on nous a plusieurs fois répété depuis le début de l'examen : « Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ».
Aujourd'hui nous examinons les conséquences de l'alimentation sur le dérèglement climatique ; il s'agit de prendre à bras-le-corps le sujet de la résilience face aux effets de ce dernier. Nous sommes dans le titre V « Se nourrir », dont le premier chapitre s'intitule « Soutenir une alimentation saine et durable pour tous peu émettrices de gaz à effet de serre ». La question est de savoir si notre alimentation est ou non émettrice de gaz à effet de serre.
Il faut éviter les raccourcis. Depuis le début de l'examen, toutes nos propositions qui n'étaient pas en lien direct avec le projet de loi ont été évacuées, au titre de l'article 40 de la Constitution notamment. Restons donc dans le corps du sujet et ne dévions pas vers d'autres considérations, qui certes ont été abordées par la Convention citoyenne, mais que le Gouvernement a fait le choix d'écarter.
Mon intervention veut couper court aux fausses interprétations scientifiques. On nous a beaucoup dit qu'il fallait des données documentées ; je veux bien documenter mes positions. Je tiens à disposition de ceux qui voudront les consulter plus précisément les références scientifiques que je vais résumer dans mon propos. On entend effectivement de fausses interprétations scientifiques, qui se sont malheureusement répandues, relatives à l'évaluation du bilan carbone supposé de la consommation de viande, particulièrement de viande bovine. Elles servent de première justification au déploiement d'expérimentations dont nous allons parler. Soyons clairs, c'est de cela qu'il s'agit, sinon on sort du sujet. Je ferai donc référence aux dernières études scientifiques, qui démontrent que le mode d'élevage est déterminant pour le bilan carbone de la viande consommée.
Les membres du GREFFE (groupe scientifique de réflexion et d'information pour un développement durable) m'ont transmis leurs analyses. Cette association regroupe de nombreux chercheurs de l'INRAE (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement), qui ne sont pas, bien au contraire, des productivistes. J'ai lu leurs derniers ouvrages ; Biodiversité , a griculture et services écosystémique s est préfacé par Marc Dufumier, que beaucoup ici connaissent. Jean-Pierre Jouany, directeur de recherche honoraire de l'INRAE, cite le cas de vaches laitières élevées dans un système à l'herbe en France. Les résultats sont sans équivoque et largement transposables à tous les systèmes allaitants herbagers français.
La première dimension concerne la mesure des bilans carbone des vaches laitières élevées à l'herbe. On ne parle pas du stockage de carbone dans le sol des prairies. Le système agroécologique prairial présente comme premier avantage la captation et le piégeage du carbone atmosphérique. D'abord, les espaces herbacés mobilisent le CO
Ensuite, le développement racinaire des plantes et les déchets végétaux sont à l'origine de la formation d'humus, qui constitue la principale forme de stockage de carbone dans les sols prairiaux. Ainsi, ces sols contiennent deux fois plus de carbone que l'atmosphère et constituent le plus important réservoir de carbone de la planète.