Intervention de Julien Aubert

Séance en hémicycle du samedi 17 avril 2021 à 9h00
Lutte contre le dérèglement climatique — Article 67

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Aubert :

…ce qui n'est pas très honorable et n'encourage ni à la participation ni au débat. Passons !

Les dispositions du titre VI prévoient principalement, d'une part, de renforcer les peines pour des délits déjà existants en matière d'installations classées, d'activités relevant de la loi sur l'eau et de transport de marchandises dangereuses. D'autre part, elles élargissent l'actuel délit de pollution des eaux pour en faire un délit général de pollution des eaux et de l'air. Au surplus, afin de tenter de plaire à la Convention citoyenne pour le climat, il est prévu que ces infractions constituent un écocide lorsqu'elles sont commises en ayant connaissance de leur caractère grave et durable.

Le groupe Les Républicains souhaite exprimer ses plus vives inquiétudes à propos de ces mesures. Rappelons en effet que nous ne partons pas de zéro : la France dispose déjà d'une large palette de sanctions administratives et pénales, qui ont fait sa réputation dans le monde entier, ainsi que d'incriminations spécifiques, comme le terrorisme écologique ou les atteintes à l'environnement en bande organisée, arsenal législatif de protection de l'environnement qui a d'ailleurs principalement été constitué, disons-le en passant, à l'initiative de notre famille politique, avec la Charte de l'environnement de 2005 et la loi de 2008 sur la responsabilité environnementale. Prendre les remarques qui vont suivre comme une marque de désintérêt à l'égard de la protection de l'environnement serait donc nous faire un bien mauvais procès, car nous ne pouvons que nous inquiéter lorsque nous étudions attentivement les dispositions de ce titre VI. Je précise en outre que mes préconisations vaudront aussi défense des amendements qui suivront.

Les rédactions retenues dans le texte laissent planer des incertitudes qui risquent de nuire à nos entreprises et à l'exigence de sécurité juridique, sans pour autant permettre une protection significative de l'environnement. Ainsi, l'article 67 prévoit des sanctions pénales aggravées pour les faits prévus notamment aux articles L. 173-1 et L. 173-2 du code de l'environnement, en cas d'exposition à un risque immédiat d'atteinte grave et durable à la faune, à la flore ou à la qualité de l'eau. Cette notion, qui relèvera de l'appréciation du juge, à l'exception du caractère durable, pour lequel vous fixez un seuil minimal de dix ans, sera source d'insécurité juridique pour de nombreuses entreprises de bonne foi qui, compte tenu de l'environnement juridique très complexe – c'est un euphémisme – dans lequel elles doivent évoluer dans notre pays, peuvent se trouver momentanément et involontairement en situation de non-conformité au regard de certaines prescriptions réglementaires. Il est bien de faire de la France un paradis écologique, mais il serait bon qu'elle ne devienne pas un enfer normatif. Ainsi, une entreprise qui ne ferait que dépasser de manière involontaire un seuil de consommation énergétique pourrait se trouver en situation d'exploitation sans autorisation, pouvant faire l'objet d'une condamnation sur le fondement de cet article.

En plus d'être imprécise, cette initiative législative paraît prématurée et source d'incohérences avec le droit européen, qui est lui-même en pleine évolution. En effet, la Commission européenne vient d'ouvrir une consultation sur ce point.

Pour ce qui est, enfin, du délit d'écocide, il se trouve que ni les membres de la Convention citoyenne, qui ont attribué à cette mesure la note de 2,7 sur 10, ni le Conseil d'État qui « ne peut pas donner un avis favorable à ces différentes dispositions » ne trouvent satisfaction dans l'article qui la contient. Il s'agit d'une mesure mal pensée, impraticable et dangereuse – je suis tenté de dire que ce n'est ni fait ni à faire.

Cette disposition présentant une vraie fragilité, le groupe Les Républicains proposera de supprimer l'article 68, malgré le caractère très novateur du délit criminel, notion juridique qui, jusqu'ici, n'existait pas, mais que vous proposez d'intégrer dans notre code. Cet article est hypocrite et nous proposons de remplacer la formulation proposée par celle de « délit d'atteinte à l'environnement ». En effet, le dispositif proposé ne correspond, pour ce qui concerne l'écocide, ni à une réalité sémantique ni aux vœux de la Convention citoyenne.

Le développement durable doit être la consignation des dimensions environnementale et sociale, mais aussi économique de notre société, et nous prônerons, lors de ces débats, non pas une écologie punitive, mais une écologie pragmatique et humaniste.

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