Nous sommes invités à examiner une proposition de loi visant à limiter les impacts négatifs de la publicité. Chaque jour, nous sommes en moyenne exposés à des centaines de messages publicitaires, que ce soit par la radio, la presse, la télévision, les applications mobiles, les téléphones portables, dans nos boîtes aux lettres ou sur la voie publique.
La célèbre phrase de l'ancien PDG de TF1, Patrick Le Lay, selon laquelle il vendait aux annonceurs du « temps de cerveau humain disponible », le rappelle : la publicité exerce une fonction structurante sur nos vies et influence nos choix, bien souvent au détriment d'un mode de consommation raisonné et responsable. Parmi tous les messages qui nous sont envoyés quotidiennement, près de 12 % des publicités environnementales ne respectent pas les règles déontologiques en vigueur, selon le dernier bilan de l'ARPP, publié en 2020 : ce taux est presque le double de celui du bilan précédent.
Ces constats font de la publicité un levier sur lequel il faut travailler pour envisager une société moins consommatrice, plus responsable et durable. Comment ne pas mentionner le manque d'ambition de la loi climat, contre laquelle le groupe Socialistes et apparentés et moi-même nous sommes clairement prononcés hier ? La seule interdiction réelle à laquelle procède le texte porte sur la publicité directe pour les énergies fossiles, déjà très minoritaire, et cela sans même prohiber la publicité pour les produits qui les utilisent, comme les véhicules de type SUV, particulièrement polluants.
De telles mesures ne sont pas à la hauteur des enjeux. C'est d'autant plus regrettable que, selon un sondage réalisé par Greenpeace France, 65 % des Français seraient favorables à l'interdiction des publicités pour les marques contribuant au changement climatique. C'est pourquoi, lors de l'examen du projet de loi climat, nous avons défendu, avec certains collègues, l'interdiction de la publicité en faveur des produits et services présentant un impact environnemental excessif sur le climat ; nous avons aussi défendu la fin de la promotion des modèles SUV.
Ainsi, vous l'aurez compris, nous partageons l'objectif du présent texte, qui vise à mieux réguler la publicité portant atteinte à l'environnement. Toutefois, nous exprimons des réserves quant à certaines dispositions qui nous semblent excessives et qui, nous le craignons, pourraient s'avérer contreproductives. Il s'agit en particulier de l'interdiction de toute publicité pour les téléphones portables, les vols reliant deux villes situées en France métropolitaine et les offres de voyage incluant des vols internationaux long courrier dans le cadre de séjours de moins de sept jours.
Enfin, nous pensons qu'il est urgent d'instaurer un nouveau modèle de régulation efficace et juste. Le constat de l'échec de l'autorégulation du secteur de la publicité est aujourd'hui sans appel : les engagements volontaires des entreprises sont inefficaces. Le cas de la publicité alimentaire en direction des enfants est éclairant : comment pouvons-nous encore accepter des publicités pour des produits gras ou sucrés, particulièrement néfastes à la bonne santé de nos enfants ?
La Cour des comptes, la commission d'enquête parlementaire sur l'alimentation industrielle et Santé publique France ont d'ailleurs pointé du doigt, ces dernières années, les grandes faiblesses de la charte alimentaire du CSA. Le nouveau modèle que j'ai évoqué pourrait passer, à court terme, par la redéfinition du rôle des administrations existantes et, à moyen terme, par la création d'une autorité administrative indépendante mandatée pour rédiger un corpus de règles et organiser leur mise en œuvre.
Nous partageons la conviction que la saturation publicitaire de l'espace public et numérique est contraire à notre bien-être durable et appauvrit nos imaginaires. Toutefois, je l'ai dit, nous regrettons le caractère excessif de certaines dispositions et l'absence de réforme du modèle de régulation. Le groupe Socialistes et apparentés s'abstiendra donc sur ce texte.