Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du mardi 18 mai 2021 à 15h00
Motion de rejet préalable (projet de loi organique) — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Comme vous le voyez, monsieur le ministre, j'avais prévu que la motion de rejet n'aboutirait pas et que j'aurais à intervenir en discussion générale.

Le présent projet entend restaurer la confiance dans l'institution judiciaire. Certaines mesures du texte s'inscrivent bien dans cette restauration – je pense notamment à l'encadrement dans le temps de l'enquête préliminaire, à l'ouverture au contradictoire, au traitement du secret de l'instruction, défaillant, et à la protection du secret de l'avocat, ou encore à la déontologie des professionnels du droit. Vous ne manquerez pas d'y voir le signe de notre attitude constructive puisque, si nous sommes capables de formuler les critiques les plus sérieuses sur ce texte, nous en reconnaissons aussi les avancées utiles.

Nous dirons néanmoins que ce texte souffre de l'absence de dispositions concernant le droit civil. La justice du quotidien est pourtant la véritable vitrine de l'état d'un tribunal. Plus un pays est démocratique et avancé, plus on s'y occupe des invisibles, nous dit-on. À ce propos, je ne peux taire mon inquiétude – mais je pense que le garde des sceaux me rassurera – devant le développement de la médiation et des actes d'avocat : si j'y suis très favorable et milite pour cela depuis plusieurs années, je voudrais être certaine en revanche que les frais de justice engendrés seront bien couverts par l'aide juridictionnelle, pour les plus démunis. L'accès à la justice passe par là.

J'ai déjà évoqué l'enregistrement et la diffusion des audiences dans ma défense de la motion de rejet, et je vous remercie d'ailleurs, monsieur le ministre, des éléments de réponse fort complets que vous avez apportés. Je partage votre analyse sur l'utilité de ce dispositif que je n'ai pas remis en question – j'ai pris la précaution de le préciser. En revanche, je souhaiterais qu'ensemble nous en définissions davantage les contours, pour éviter toute mauvaise surprise ensuite : nous ne serons peut-être pas toujours dans un état démocratique, et nous devons en être conscients.

Dans la même perspective, il nous faut faciliter l'accès à la documentation des audiences, et je regrette que l'amendement que nous avions déposé ait été écarté parce qu'il s'inscrivait pleinement dans l'accompagnement de cette mesure. Il faut pouvoir ouvrir les mémoires et les procès-verbaux, une fois les affaires jugées, aux universitaires, aux juristes, aux personnes qui s'intéressent à ces dossiers, voire aux romanciers, selon un régime qui ne soit pas le régime commun des archives.

Il est vrai que la juridiction judiciaire est beaucoup plus ouverte sur ce point que le Conseil d'État, dont la jurisprudence en la matière est très restrictive. Le projet de loi aurait pu fournir une occasion de rappeler que tous ces documents doivent être accessibles, notamment à la communauté scientifique.

En ce qui concerne l'enquête préliminaire, nos amendements visaient à réduire encore davantage le délai, mais nous nous rangeons à votre proposition de la limiter à deux ans, ce qui constitue déjà une belle avancée, dans le prolongement des travaux de la commission d'enquête sur l'indépendance de la justice présidée par Ugo Bernalicis et dont le rapporteur était Didier Paris. J'y ai participé de manière assidue et avec beaucoup d'intérêt. L'ouverture renforcée de l'enquête au contradictoire est une mesure importante à mettre au crédit de ce nouveau dispositif.

Je salue aussi la consolidation effective du secret professionnel de l'avocat. Elle était attendue, comme l'était l'extension du champ d'application de ce secret professionnel au travail de conseil des avocats, adoptée par voie d'amendements.

Je ne reviens pas sur l'extension des cours criminelles dont j'ai beaucoup parlé ni sur la réforme des réductions de peine. Concernant la déontologie et la discipline des professionnels du droit, permettez-moi de remercier les administrateurs de l'Assemblée nationale qui nous ont accompagnés dans le travail que nous avons mené avec Fabien Matras sur ce sujet – j'aurai l'occasion d'en reparler. Je vous remercie également, monsieur le ministre, car vous n'êtes pas étranger à l'adoption de l'amendement que nous avons conjointement déposé avec mon collègue.

J'ai regretté de ne pas avoir pu être présente en commission des lois, lors de l'adoption de cet amendement, qui était un événement important. Permettez-moi simplement de dire que ces dispositions sur la déontologie n'ont pas pour objectif d'instiller le soupçon sur ces professions mais au contraire de diffuser une culture de la déontologie, essentielle à nos yeux.

Sachez enfin que, puisque la motion de rejet n'a pas été adoptée et qu'il y a un texte en débat, eh bien, nous allons en débattre.

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