J'ai déjà défendu devant la commission des lois cet amendement que chacun pourra comprendre. Prenons l'exemple d'Yves – c'est le calendrier qui dicte ce prénom –, qui est auditionné, lors d'un interrogatoire de première comparution devant le juge d'instruction, pour des faits d'atteinte sexuelle sur un mineur, pour lesquels il a été dénoncé. Dans quelques minutes, il sera devant le juge des libertés et de la détention (JLD). Yves est persuadé de son innocence et accepte d'être filmé lors de l'interrogatoire et de l'audience devant le JLD. Pourquoi ? Parce qu'il veut clamer haut et fort sa non-culpabilité. L'enquête se poursuit et, un ou deux ans plus tard, alors que sa femme, sa concubine, sa compagne, ou son compagnon l'aura quitté, une ordonnance de non-lieu est rendue ou l'arrêt des poursuites décidé ; Yves refait sa vie et, quatre ans plus tard, un soir, à vingt heures, en allumant sa télévision, il se voit sur l'écran, même flouté. Il aura évidemment été porté atteinte à son droit à l'oubli.
C'est la raison de l'amendement, peut-être un peu brut de décoffrage, qui vise à exclure la diffusion en cas d'ordonnance de non-lieu ou d'arrêt des poursuites. Après l'adoption de l'amendement fort judicieux de notre collègue Laetitia Avia visant à octroyer un délai de quinze jours pour se rétracter, le Gouvernement et la majorité pourraient sous-amender mon amendement afin d'instaurer un délai identique pour le bénéficiaire d'une ordonnance de non-lieu ou d'un arrêt des poursuites, ce qui lui assurerait un véritable droit à l'oubli.
Ce que je m'apprête à faire est particulièrement lâche, mais je sais que le sujet tient à cœur au garde des sceaux : c'est exactement l'affaire d'Outreau.