Intervention de Ugo Bernalicis

Séance en hémicycle du mercredi 19 mai 2021 à 15h00
Motion de rejet préalable (projet de loi ordinaire) — Article 2

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Nous proposons de substituer aux dispositions fixant une durée limite à l'enquête préliminaire un autre dispositif qui permettrait, tout d'abord, que ce soit un magistrat du siège, indépendant, qui décide de la poursuite de l'enquête préliminaire, et non, comme le texte le prévoit actuellement, le procureur de la République, qui n'est autre que le supérieur hiérarchique du parquetier chargé de l'enquête. En l'espèce, puisqu'il existe déjà, nous proposons que ce rôle revienne au juge des libertés et de la détention (JLD).

Nous proposons également l'instauration d'une clause de révision annuelle, alors que le texte ne prévoit de révision qu'après deux ans d'enquête – trois en cas de prorogation d'un an. Ces délais sont respectivement portés à trois et deux ans pour les affaires relevant de la délinquance, de la criminalité organisée ou du terrorisme. Avec le dispositif que nous proposons, si le JLD l'autorise, l'enquête préliminaire pourrait alors durer cinq, six, voire sept ans, pourvu qu'il y ait un contrôle annuel de proportionnalité du cadre de l'enquête préliminaire au regard des enjeux et des objectifs recherchés. C'est la mesure qui nous semble la plus proportionnée et la plus efficace pour remplir les différents objectifs fixés par le texte.

Nous l'avons déjà dit en commission – sans recevoir aucune réponse, d'ailleurs : si nous instaurons des durées d'enquête préliminaire, nous allons au-devant de problèmes, notamment s'agissant des enquêtes à caractère économique et financier. En effet, de telles investigations, lorsqu'elles dépassent le cadre du territoire national et dépendent des juridictions d'autres États, peuvent parfois durer trois ans et demi ou quatre ans : non pas que le magistrat ne fasse pas son travail ou serait volontairement être long, ou parce que les policiers seraient surchargés ou mauvais, mais simplement parce que les réponses dépendent d'autres États. Dans de tels cas, l'enquête préliminaire ne pourra jamais être terminée dans le délai de deux, voire trois ans.

Je ne voudrais pas que ces enquêtes viennent ensuite alourdir les cabinets des juges d'instruction spécialisés dans la lutte contre la délinquance économique et financière, qui sont déjà surchargés. Jacques Maire et moi avons publié, il y a deux ans, un rapport sur l'évaluation de la lutte contre la délinquance financière. Notre rapport d'application, qui sera bientôt publié – nous vous en informerons –, pointe l'extrême faiblesse des moyens accordés à cette lutte. Le dispositif que nous proposons nous permettrait d'éviter la situation actuelle, tout en bénéficiant d'un contrôle exercé par un magistrat du siège indépendant. Il nous semble le plus à même d'atteindre les objectifs politiques de l'article.

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