Intervention de éric Dupond-Moretti

Séance en hémicycle du jeudi 20 mai 2021 à 9h00
Modernisation des outils et gouvernance de la fondation du patrimoine — Article 7

éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice :

Un tout petit mot peut-être. Les infractions à la législation sur les stupéfiants qualifiées criminelles ne sont pas jugées par le jury populaire, pas davantage que les infractions terroristes criminelles.

J'avais des craintes à l'encontre de la cour criminelle départementale. Parce que je veux être réaliste et que je ne suis pas ici pour concrétiser ma fantasmagorie d'ancien avocat, je suis contraint de reconnaître son bon fonctionnement. J'ai regardé les choses avec beaucoup d'objectivité, j'ai pris connaissance du rapport parlementaire et de celui de M. Getti – qui est un grand président de cour d'assises –, assisté de nombreux magistrats. L'expérimentation fonctionne depuis septembre 2019 et nous ne pouvons conserver deux systèmes criminels. Il faut homogénéiser, et ce vecteur législatif nous en fournit l'occasion.

Je voudrais vous dire également que le taux d'acquittement est identique – 6 % – dans les cours criminelles départementales et les cours d'assises.

Pour les infractions les plus graves, les Français comparaîtront toujours devant la cour d'assises, et – c'est très important – elle demeurera la juridiction d'appel des cours criminelles départementales.

Je n'ajouterai qu'un point : cette mesure résout le grave problème de la correctionnalisation des viols, très mal ressentie par les victimes. Parfois, disons-le, la juridiction correctionnelle est aussi sévère que l'aurait été la juridiction criminelle. Néanmoins, dire qu'un viol n'en est pas un à cause d'une embolie de la juridiction est une position qui est symboliquement extraordinairement difficile à tenir.

Lors de l'examen de la proposition de loi Billon visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste, nous avons créé de nouveaux crimes, qui seront jugés par les cours départementales. Là encore, il existe un risque d'embolisation.

Dans le cadre de cette juridiction, les délais sont beaucoup, beaucoup plus rapides, ce qui n'est pas rien. La fluidité participe à la proximité. Nos compatriotes ont du mal à comprendre qu'il faille parfois attendre quarante mois une audience de cour d'assises.

Il faut prendre tous ces éléments en considération. Je n'ai pas souhaité démolir, parce que je veux construire. On m'a beaucoup reproché les propos que j'ai tenus ; je ne les renie aucunement. Beaucoup d'avocats également parlementaires ont dit comme moi qu'ils avaient craint un moment la disparition de la cour d'assises. C'est pourquoi je réaffirme son importance, en tant que manifestation de la pleine souveraineté populaire.

J'émets donc un avis défavorable à ces amendements de suppression. Qu'on le veuille ou non, cette juridiction, objectivement, fonctionne bien. L'idée n'est pas de démolir, mais de pérenniser un dispositif qui fonctionne. Voilà pourquoi je souhaite que la cour criminelle départementale soit pérennisée.

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