La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
Nous sommes réunis ce matin pour examiner, en deuxième lecture, la proposition de loi visant à moderniser les outils et la gouvernance de la Fondation du patrimoine. Plus de deux ans après son dépôt sur le bureau du Sénat, le 15 mars 2019, vous allez enfin, dans quelques instants, pouvoir l'adopter définitivement. Je tiens à remercier la sénatrice Dominique Vérien, qui nous écoute depuis les tribunes du public, car elle a été à l'initiative de ce texte – je vous remercie, madame la sénatrice, pour votre engagement. Je tiens également à saluer le travail des rapporteurs, Jean-Pierre Leleux et Sabine Drexler qui se sont succédé au Sénat, et Béatrice Descamps à l'Assemblée.
Quand nous évoquons le patrimoine dans cet hémicycle, il peut exister des différences d'approche, mais nous arrivons souvent à nous rassembler. Je crois que c'est parce que nous y sommes tous très attachés. La France, c'est 44 000 monuments historiques et plus de 24 000 parcs et jardins, répartis sur l'ensemble du territoire. Chaque Français a près de chez lui un château, une église, un bâtiment historique auquel il tient. Notre patrimoine est parfois fragile ou attaqué ; il nous incombe donc de le protéger, de le restaurer, de le valoriser, et c'est vraiment le sens de mon action au ministère de la culture.
Dès le mois de septembre dernier, j'ai présenté des crédits en forte hausse dans le projet de loi de finances, complétés par un plan de relance ambitieux pour le secteur culturel, avec 614 millions d'euros sur deux ans, dédiés à la relance par et pour le patrimoine. Cet appui de l'État se manifeste déjà dans vos territoires : je pense à l'aqueduc de Roquefavour, dans les Bouches-du-Rhône, ou encore aux remparts de Dinan, dans les Côtes-d'Armor, où je me suis rendue il y a quelques semaines, et qui bénéficieront de ces crédits – il ne s'agit bien sûr que d'exemples parmi bien d'autres.
Le ministère de la culture contribue depuis plus de soixante ans à la préservation du patrimoine – il n'est certes pas le seul – et il a su, au fil des années, se doter d'outils et de partenaires essentiels. Parmi eux, bien sûr, les collectivités territoriales, mais aussi les fondations.
La Fondation du patrimoine est ainsi un partenaire très important depuis sa création en 1996 : elle a su, au fil des années, développer son action en mobilisant le mécénat d'entreprise ou en délivrant son propre label, tout en engageant des campagnes de souscription publique ou de financement participatif. Dès sa création, l'État lui a en effet confié la mission de délivrer un label en faveur du patrimoine non protégé au titre des monuments historiques, qui donne droit à un régime de déduction fiscale au titre de l'impôt sur le revenu. La Fondation a aussi contribué à l'initiative du loto du patrimoine, souhaité par le Président de la République, dont le succès ne se dément pas. Elle continue d'en assurer le pilotage en lien avec la mission confiée à Stéphane Bern et avec les DRAC, les directions régionales des affaires culturelles.
La présente proposition de loi s'inscrit dans la lignée des recommandations du rapport de la Cour des comptes de décembre 2018. Les magistrats de la Cour ont alors préconisé le réexamen du dispositif de label, afin de le rendre plus efficient, ainsi que la simplification de la composition du conseil d'administration de la Fondation, pour aller dans le sens d'une plus grande efficacité. L'objectif du texte est donc de rendre plus efficaces les actions de sauvegarde du patrimoine culturel local et de revitalisation confiées à la Fondation du patrimoine.
Le travail de l'Assemblée et du Sénat a permis d'aboutir à un texte de consensus ; nous ne pouvons que nous en féliciter.
Vous le savez, l'article 1er , qui permettait d'élargir le champ d'application du label, est devenu sans objet depuis l'examen du texte en première lecture l'an dernier. Les conditions de délivrance du label ont en effet été modifiées par l'article 7 de la troisième loi de finances rectificative pour 2020, promulguée en juillet dernier, qui en reprend intégralement les dispositions. Cela a permis une accélération de l'application du dispositif dont nous pouvons tous nous réjouir.
L'article 3 de la proposition de loi modifie quant à lui la composition du conseil d'administration de la Fondation. Il la rapproche du droit commun des fondations reconnues d'utilité publique. Vous êtes parvenus, me semble-t-il, à un point d'équilibre dont nous pouvons nous réjouir et qui se traduit par la réduction du nombre des membres du conseil d'administration de vingt-cinq à seize et par leur division en plusieurs catégories : représentants des fondateurs, mécènes, donateurs, personnalités qualifiées, représentants des collectivités territoriales et représentants des associations nationales de protection et de mise en valeur du patrimoine.
Mesdames et messieurs les députés – j'en termine –, la Fondation du patrimoine a vocation à compléter l'action du ministère de la culture avec ambition et efficacité. Je me félicite donc de votre initiative pour adapter son organisation et la rendre plus efficace. Au-delà, soyez assurés de mon entière mobilisation pour que le ministère de la culture remplisse pleinement sa mission de préservation, d'accompagnement et de valorisation du patrimoine. Je sais pouvoir compter à mon tour sur l'ensemble de la représentation nationale.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, Agir ens, LT et UDI-I.
Je tiens, moi aussi, à vous remercier, madame Vérien, d'assister à nos débats depuis les tribunes.
La parole est à Mme Béatrice Descamps, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.
C'est un grand honneur et une grande satisfaction pour moi de voir arriver à son terme l'examen de la proposition de loi visant à moderniser les outils et la gouvernance de la Fondation du patrimoine, déposée par notre collègue sénatrice Dominique Vérien. Après avoir été adoptée à l'unanimité en première lecture au Sénat, en octobre 2019, puis à l'Assemblée, en janvier 2020, elle fait l'objet d'une deuxième lecture, qui a eu lieu au Sénat en mars dernier, et occupe notre assemblée ce matin.
La commission des affaires culturelles et de l'éducation a voté le texte du Sénat sans modification et, puisqu'aucun amendement n'a été déposé, permettez-moi de croire qu'il en sera de même en séance publique.
La Fondation du patrimoine est devenue un acteur incontournable de la protection du patrimoine en France. Les débats successifs ont montré le caractère consensuel du texte, les deux chambres partageant les deux mêmes objectifs. Il s'agit, d'une part, de conforter la Fondation dans son rôle de défense du patrimoine non protégé, caractéristique du patrimoine rural : maisons, églises, lavoirs, moulins, petits châteaux, fermes fortifiées, patrimoine industriel… – c'est là que doit être le cœur de son action. Il s'agit, d'autre part, de simplifier la gouvernance de la Fondation pour la rendre plus efficace.
À ce stade de la navette parlementaire, il ne restait que deux articles en discussion : les articles 1er et 1er bis . L'article 1er a été supprimé par le Sénat en deuxième lecture, car ses dispositions ont été intégrées à la loi de finances rectificative de juillet 2020. Cette dernière précise le champ d'application du label délivré par la Fondation du patrimoine, label ouvrant droit à un régime de déduction fiscale pour travaux. L'article 1er bis procède, lui, à des coordinations rédactionnelles dans différents textes de loi.
Nous avons commencé l'examen de cette proposition de loi en 2019, soucieux de l'entretien du patrimoine, si cher à nos concitoyens, à nos territoires, conscients de sa fragilité, en particulier après l'incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, qui nous a tous bouleversés et à l'occasion duquel la Fondation du patrimoine a montré sa capacité à susciter des dons et à organiser la collecte nationale.
La crise sanitaire a interrompu une navette parlementaire qui aurait pu être beaucoup plus rapide. Mais cette crise a montré, en ces temps où les déplacements sont limités, l'attachement des Français pour leur patrimoine et l'engouement pour la découverte de nos régions. À la faveur du plan de relance, nous avons l'occasion de donner un nouvel élan à l'entretien et à la restauration du patrimoine, afin de préserver notre héritage commun, mais aussi de relancer l'emploi et l'économie dans l'ensemble du territoire. La Fondation du patrimoine a un rôle important à jouer, grâce aux effets de levier financier qu'elle peut créer et par sa capacité à fédérer les énergies autour des projets de restauration.
Si l'Assemblée adopte la proposition de loi dans les mêmes termes que le Sénat – donc définitivement –, ses dispositions pourront entrer en vigueur rapidement.
Je me réjouis de ce consensus qui montre l'attachement des Français à la richesse inestimable de notre patrimoine, témoignage de notre histoire et de la diversité culturelle de nos territoires. Aussi, je remercie particulièrement et chaleureusement Dominique Vérien, notre collègue sénatrice, présente en ce moment dans les tribunes du public, à l'initiative de cette proposition de loi, et à qui j'adresse toutes mes félicitations. Je remercie également la Fondation du patrimoine, avec laquelle nous collaborons depuis plus d'un an pour travailler à l'aboutissement de ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, LR, Dem, Agir ens, LT et UDI-I.
Je me réjouis, madame Descamps, de vous revoir sur le banc des commissions même si, je dois l'avouer, le court intérim que j'ai eu l'occasion d'effectuer en commission, en tant que rapporteur suppléant, m'aura permis de découvrir beaucoup sur l'action de la Fondation du patrimoine et d'avoir des échanges constructifs sur son rôle essentiel pour dynamiser nos territoires ruraux.
La France est un beau pays qui tient à son patrimoine, à son histoire. Et si l'on cite souvent l'exemple des dons reçus à la suite de l'incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, le travail de la Fondation permet de mesurer l'engouement, tout aussi fort, pour les œuvres et monuments des territoires moins urbanisés. Ces ponts, ces moulins, ces abbayes et autres corps de ferme témoignent d'un passé dynamique de nos campagnes, où vivait la grande majorité de nos ancêtres, et montrent une façon de vivre à la française.
Ainsi, dans mon beau département de la Somme, l'un des plus ruraux – parmi ses 772 communes, seules Amiens, la capitale, et Abbeville ont plus de 20 000 habitants –, on compte de nombreux projets de rénovation d'édifices religieux. Je pense à l'abbatiale et à l'abbaye Notre-Dame de Ham, ville chère à mon cœur, mais aussi au projet concernant le château de Pont-Remy ou encore celui des halles de Quevauvillers. Je songe également à ma circonscription de 242 communes, durement touchée par la Première Guerre mondiale, mais où il reste encore des lieux propices au développement du tourisme, tels que la chapelle de Saint-Christ-Briost, petite commune de 400 habitants, chapelle pour la préservation de laquelle se bat une association de bénévoles – et je profite de l'occasion qui m'est offerte pour remercier la Fondation du patrimoine de s'intéresser à ce projet.
C'est donc avec un grand enthousiasme que nous parvenons au terme du parcours de ce texte sur l'important patrimoine de nos territoires ruraux, cela dans une grande sérénité et sous les yeux de la sénatrice Dominique Vérien, dont je salue l'initiative au nom du groupe UDI et indépendants – je la remercie moi aussi pour son travail et son engagement. Ce parcours a commencé grâce au groupe Union centriste au Sénat, et s'est poursuivi à l'Assemblée à l'occasion d'une niche parlementaire du groupe UDI-I, en janvier 2020, pour s'achever au cours de la présente semaine du Gouvernement.
D'une manière plus générale, il semble que nous soyons parvenus à réaliser un travail législatif de qualité grâce à l'engouement de l'ensemble des parlementaires, mais aussi grâce au Gouvernement qui a repris, dans une loi de finances rectificative pour 2020, l'une des mesures essentielles de la proposition de loi, à savoir l'extension du financement à des projets situés dans les villes de moins de 20 000 habitants.
Avec les années, la Fondation a prouvé sa grande capacité d'action partout sur le territoire et l'augmentation de ce budget conduit à penser que la limite jusqu'alors fixée à 2 000 habitants avait laissé de côté un patrimoine précieux non protégé dans nos petites villes et villages.
Dans un pays trop centralisé comme le nôtre, on a trop souvent tendance à oublier que la culture et le patrimoine ne se trouvent pas qu'à Paris et dans les grands centres urbains, et que la belle et grande diversité culturelle de nos campagnes et de nos petites villes contribue aussi au rayonnement de la culture à la française.
Les mesures que nous allons définitivement entériner aujourd'hui sont très attendues par les acteurs de la Fondation avec qui j'ai eu l'occasion d'échanger encore récemment. Je pense ici à la modification de la terminologie pour les immeubles inscrits au titre des monuments historiques, au rapprochement avec les statuts types des autres fondations reconnues d'utilité publique ou encore à l'accroissement des ressources financières.
Les parlementaires ne siégeront pas au conseil d'administration, mais nous resterons à coup sûr vigilants. Il sera de notre devoir de suivre avec attention l'évolution des travaux engagés par la Fondation chaque année, afin de nous assurer de l'entretien de notre patrimoine culturel et d'un accès à la culture le plus égal possible dans tous les territoires.
Enfin, j'espère que la question de la réaffectation des dons pourra prochainement trouver une solution juridique adaptée. Chaque année, des millions d'euros ne sont pas utilisés : nous ne pouvons pas laisser perdurer une telle situation alors que de nombreux projets, partout en France, auraient besoin d'un financement. Madame la ministre, cette question est évidemment complexe, mais je suis sûr qu'elle n'est pas insurmontable pour qui souhaiterait pérenniser la sauvegarde de notre patrimoine rural.
Le groupe UDI et indépendants soutiendra bien évidemment cette proposition de loi avec un grand enthousiasme. Nous remercions encore une fois nos rapporteures, Mme Vérien au Sénat et Mme Descamps à l'Assemblée nationale, pour leur travail et leur engagement.
Nous sommes saisis, à l'occasion de son examen en deuxième lecture, d'une proposition de loi visant à moderniser les outils et la gouvernance de la Fondation du patrimoine.
Le groupe Libertés et territoires considère que la mission première de la Fondation doit demeurer la protection du patrimoine non protégé, le patrimoine de proximité.
Dans un premier temps, je ne vous surprendrai pas en vous indiquant qu'au sein du groupe Libertés et territoires, nous sommes pleinement conscients de la valeur de ce qui constitue le patrimoine et accordons une grande importance à sa transmission, à sa valorisation et tout simplement à son entretien.
Cela va d'ailleurs bien au-delà du seul patrimoine bâti, habitable ou non, sur lequel se concentre l'activité de la Fondation. Comment ne pas évoquer en effet, alors que nous attendons une décision du Conseil constitutionnel – qui doit intervenir demain –, la situation de notre patrimoine immatériel ? Je pense aux langues et cultures de France, considérées par l'UNESCO, l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture, comme étant aujourd'hui en grand danger d'extinction, même si je reconnais qu'il s'agit d'une digression par rapport à l'objet de la proposition de loi.
La Fondation du patrimoine est importante, car elle contribue particulièrement à la sauvegarde de tout ce petit patrimoine auquel, comme un grand nombre de nos concitoyens, nous sommes très attachés. Elle concourt à l'attractivité et à la revitalisation des territoires, des enjeux auxquels notre groupe est naturellement sensible.
En contribuant à la transmission culturelle entre les générations, on renforce le lien social, l'identité culturelle et même la fierté de citoyens manifestement attachés à leur patrimoine, qu'il s'agisse du petit patrimoine rural ou de bâtiments plus emblématiques. Je pense par exemple au Parlement de Bretagne, qui avait brûlé à la suite d'une manifestation et qui a été totalement reconstruit.
La mission de sauvegarde du patrimoine permet aussi d'assurer la pérennité et la valorisation d'un savoir-faire et de techniques particulières. Force est de constater que les Français ne s'y trompent pas et que ces enjeux font partie de leurs préoccupations, comme en témoigne le succès du tirage du loto du patrimoine, mis en place en 2018.
Le rôle premier de la Fondation du patrimoine est d'œuvrer à la préservation du patrimoine de proximité. Même si ses missions ont été étendues, nous devons nous assurer qu'elle puisse mener à bien son projet originel, d'autant plus que la disparition de la réserve parlementaire en 2017 ne permet plus de soutenir certaines actions.
Je pense en particulier à certaines églises de mon territoire, construites pour la plupart au XIX
…car de tels travaux représentent un coût élevé pour des monuments qui ne sont pas classés. Cette tâche repose donc sur les municipalités. Pour elles, c'est une vraie question. En effet, si l'on ne voit plus la fameuse église au milieu du village, par exemple parce qu'elle a été détruite, il manquera forcément quelque chose. Il n'est pas non plus possible de laisser une ruine au milieu d'un bourg.
La solution consisterait peut-être à envisager un usage des églises plus large qu'aujourd'hui. Je vous rappelle qu'au Moyen Âge les églises étaient tout simplement la maison commune. On y donnait aussi des fêtes, et s'y tenaient des assemblées où se rendaient les habitants – j'allais parler de citoyens, mais ce n'étaient pas encore des citoyens à cette époque. On pourrait donc élargir la fonction des églises pour qu'elles deviennent de véritables lieux de culture et ne soient pas seulement des lieux religieux.
L'article 1er , dont les dispositions ont finalement été intégrées à la loi de finances rectificative de juillet 2020, devrait permettre de soutenir plus de projets en ouvrant la labellisation aux communes de moins de 20 000 habitants et à de nouveaux sites patrimoniaux, comme les jardins et les parcs. Nous y sommes favorables tant que cela ne conduit pas à délaisser le petit patrimoine rural.
Comme nous l'avons rappelé lors des débats sur la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, nous nous interrogeons sur la répartition territoriale des moyens de conservation du patrimoine. Alors que les conditions des travaux de restauration et l'état de salubrité de notre patrimoine interpellent, rappelons que 65 % des crédits du patrimoine sont versés en Île-de-France : le reste du territoire doit donc se partager un tiers des crédits. Je pourrais donner d'autres exemples : 90% des crédits du ministère de la culture sont dépensés en région parisienne, et 67 % des crédits alloués à la politique du tourisme sont consacrés à cette même région – et seulement 2 %, par exemple, à la Bretagne, qui est pourtant une grande région touristique.
Je conclus en constatant qu'au pays de l'égalité, il semblerait que certains soient plus égaux que d'autres.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et SOC. – Mme Sandrine Mörch et Mme Souad Zitouni applaudissent également.
Créée il y a plus de vingt ans, la Fondation du patrimoine a pour mission de contribuer à la préservation et à la réhabilitation du patrimoine de notre pays, en particulier dans les territoires ruraux, dont je suis un représentant. Elle est déjà intervenue pour plus de 30 000 projets. En Ariège par exemple, elle a participé notamment à la restauration de l'église de Laroque-d'Olmes, à celle du clocher de Noguès à Lescure ou encore à la réalisation du parc ornithologique du Domaine des oiseaux à Mazères, pour ne citer que quelques projets emblématiques de mon département.
Dans certaines villes de l'Ariège, comme Foix ou Pamiers, certains immeubles, véritables emblèmes du patrimoine ariégeois, sont laissés à l'abandon depuis des décennies faute de moyens pour réaliser les travaux nécessaires. Le coût estimé de la rénovation, lorsque celle-ci est encore possible, atteint aujourd'hui des niveaux insupportables. Il s'agit d'un vrai problème pour de nombreux élus locaux, qui se retrouvent souvent démunis pour enrayer ce phénomène de dégradation du patrimoine.
L'ambition affichée de cette proposition de loi est de moderniser les outils et la gouvernance de la Fondation du patrimoine. Sur le principe, nous y sommes bien entendu favorables, mais le fonctionnement actuel de cet organisme et les mesures proposées par le groupe UDI et indépendants ne nous satisfont guère.
Tout d'abord, nous considérons le principe même de la défiscalisation de l'impôt sur le revenu à hauteur de 50 à 100 % du montant des travaux réalisés par les propriétaires comme contestable. L'extension de cet outil incitatif aux propriétaires d'immeubles habitables situés dans des communes de moins de 20 000 habitants implique un élargissement considérable de l'assiette des propriétaires qui pourront en bénéficier.
Voilà encore une mesure à destination de quelques concitoyens plus fortunés qui pourrait sembler malvenue, surtout dans le contexte actuel, puisqu'elle permettrait aux propriétaires de belles demeures de réaliser leurs travaux aux frais des contribuables. Malheureusement, nous ne pourrons pas voter aujourd'hui contre cette regrettable disposition, la loi de finances rectificative l'ayant déjà introduite dans notre droit.
Dans un autre registre, les propositions du texte en matière de gouvernance du conseil d'administration de la Fondation nous scandalisent réellement. En supprimant la limite d'un tiers des voix pouvant revenir à l'un des représentants d'entreprises privées et en remplaçant la notion de majorité absolue par celle de majorité simple, la proposition de loi ne fera qu'accentuer la mainmise d'entreprises telles que L'Oréal, Sodexo, Vivendi, Crédit agricole ou encore Danone sur l'administration d'une fondation dite d'utilité publique. Nous souhaiterions au contraire que les représentants d'entreprises privées soient minoritaires au sein du conseil d'administration.
Enfin, sous couvert de diversification du type de dons réalisables par les entreprises, le texte pourrait, à nos yeux, ouvrir de nouvelles possibilités d'optimisation fiscale par le biais du mécénat d'entreprise. Or nous pensons que les sommes échappant aujourd'hui à l'impôt constituent déjà une véritable gabegie financière. En effet, à en croire les chiffres publiés par le CEPII, le Centre d'études prospectives et d'informations internationales, environ 36 milliards d'euros sont délocalisés chaque année par des entreprises françaises dans des filiales à l'étranger, soit 1,6 % du PIB. Cela représenterait une perte de 14 milliards d'euros pour l'État.
Le groupe La France insoumise propose de développer une tout autre vision de ce que devrait être la politique de sauvegarde et de restauration du patrimoine de notre pays. Nous pensons qu'il serait nécessaire de créer un organisme entièrement public doté de fonds d'investissement majoritairement publics et d'un modèle de gouvernance permettant une large représentativité de toutes les franges de la société civile.
Si les montants considérables consentis à la défiscalisation revenaient sous forme d'impôts à État, ils permettraient de réaliser les investissements nécessaires là où c'est le plus utile, selon des critères définis de manière transparente et démocratique, et non plus au bon vouloir de l'« expertocratie » actuelle ou d'intérêts privés dissimulés derrière le masque de l'altruisme.
Vous l'avez compris, à l'aune des arguments que je viens de développer, le groupe La France insoumise votera contre cette proposition de loi.
La proposition de loi visant à moderniser la Fondation du patrimoine, que nous examinons aujourd'hui et qui a été déposée il y a deux ans, a pour objectif de permettre à plus de propriétaires privés de bénéficier d'aides afin de rénover des maisons ou des bâtiments de caractère tout en améliorant l'efficacité de cet organisme.
Reconnaissons qu'il reste assez peu de chose de la proposition de loi telle qu'elle avait été présentée il y a deux ans. Cependant la Fondation du patrimoine est solide, avec son réseau de 22 délégations régionales et de 100 délégations départementales, animées par 600 bénévoles. En 2019, elle a collecté les dons de 281 000 donateurs et de 6 000 entreprises privées.
Nous l'avons déjà dit lors des examens précédents, nous considérons que cette proposition de loi ne détourne pas la Fondation du patrimoine de son cœur de métier, c'est-à-dire le soutien à la protection du patrimoine rural – et c'est ce qui nous importe. Cet organisme permet, par son action, de restaurer et de conserver notre patrimoine local.
Les mesures d'assouplissement des conditions de délivrance du label de la Fondation vont dans le bon sens, qu'il s'agisse de l'éligibilité des parcs et jardins ou de l'extension de son périmètre géographique aux sites classés au titre du code de l'environnement et à toutes les communes de moins de 20 000 habitants – ce label étant par exemple jusqu'ici réservé, pour ce qui concerne le critère de population, aux communes de moins de 2 000 habitants.
Sont aujourd'hui exclus du label les immeubles habitables, en dehors de ceux qui sont situés dans des zones rurales et des sites patrimoniaux remarquables (SPR), soit toute une partie du patrimoine ne pouvant prétendre à un classement en SPR mais située dans des communes de plus de 2 000 habitants.
On compte 44 000 éléments patrimoniaux immobiliers classés, dont 2 000 sont considérés en péril et 11 000 en mauvais état. Cependant, si l'on considère que toute une partie du patrimoine oubliée par le label est passée sous les radars du classement, les chiffres sont bien plus alarmants. Dans ce cadre, l'élargissement du label est positif même s'il faut s'interroger, une nouvelle fois, sur le désengagement de l'État dans la conduite des politiques de conservation.
La proposition de loi prévoit également la réforme du conseil d'administration de la Fondation du patrimoine, et c'est certainement sur ce point que nous exprimons les plus grandes réserves. Réduire le nombre de ses membres pour la rendre plus opérationnelle et rapprocher sa composition de celle du droit commun des fondations reconnues d'utilité publique, pourquoi pas ? Mais cette prétendue recherche d'efficacité se fait en faveur des entreprises privées qui y siègent alors qu'il s'agit de l'administration d'une fondation d'utilité publique, ce qui va au-delà d'une recherche de plus d'opérationnalité. Nous considérons qu'en donnant une telle prépondérance aux entreprises privées, cette disposition s'éloigne de l'efficacité recherchée.
Voilà les réserves que nous, députés du groupe GDR, souhaitions de nouveau formuler, mais nous restons fidèles à ce que nous avions dit les fois précédentes, à savoir que notre vote sera favorable.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Mme la rapporteure et Mme Fiona Lazaar applaudissent également.
Nous sentons dans cet hémicycle, mais aussi dans nos territoires et dans les médias, un engouement de nos concitoyennes et de nos concitoyens pour le patrimoine, cet élément structurant de notre culture commune. Nous avons pu à nouveau mesurer cet engouement populaire hier, lors de la réouverture des lieux culturels que nous sommes toutes et tous heureux de retrouver.
J'aimerais saluer le travail considérable mené par la Fondation du patrimoine et détailler les avancées que représente cette proposition de loi rapportée aujourd'hui par notre collègue Béatrice Descamps. Ce texte répond pleinement à certaines attentes, sachant que la Fondation du patrimoine, depuis près de vingt-cinq ans, c'est 30 000 projets de sauvetage du patrimoine local, la participation au loto du patrimoine, et des moyens de financement innovants qu'il faut encourager afin de donner un nouveau souffle à cet organisme.
L'heure est à la modernisation, ce qui nous permet de moderniser le code du patrimoine. Cette proposition de loi prévoit ainsi de réduire, pour le rendre plus efficace, le nombre de personnes composant le conseil d'administration de la Fondation du patrimoine, qui comportera des personnes qualifiées pour aller encore plus loin dans l'expertise qu'elle a acquise. Il est également prévu que le Parlement sera tenu au courant des activités de cette fondation grâce à la remise d'un rapport.
Je me félicite aussi que plusieurs articles de cette proposition de loi aient déjà trouvé une concrétisation par un autre véhicule législatif qui a déjà été évoqué, à savoir la troisième loi de finances rectificative pour 2020, qui prévoit l'élargissement du champ d'application du label délivré par la Fondation du patrimoine permettant de bénéficier d'un régime de déductions fiscales sur l'impôt sur le revenu.
Je voudrais aborder plus globalement la question de la place du mécénat dans le financement de la préservation de notre patrimoine : nous devons l'encourager. La Fondation du patrimoine y contribue, mais nous pourrions encore aller plus loin dans le développement du mécénat, non seulement financier mais aussi de compétences, y compris en termes d'innovation, parce que la France a un savoir-faire particulier que l'on devrait mettre au service du patrimoine à travers l'implication de toutes et de tous dans sa préservation. La valorisation des métiers d'art et des savoir-faire d'excellence, c'est aussi un instrument de la relance.
Mais faire plus de mécénat, ce n'est pas pour autant oublier les devoirs de l'État et des collectivités locales, raison pour laquelle le Gouvernement a mobilisé des sommes sans précédent, vous l'avez rappelé, madame la ministre, pour assurer la sauvegarde de notre culture partout et pour tous, soit, globalement, plus de 9 milliards d'euros pour la culture, le plan de relance et diverses aides sectorielles, et, spécifiquement, pour le patrimoine : 80 millions d'euros pour le plan cathédrales, 614 millions d'euros pour la relance par et pour le patrimoine.
La relance passe aussi par l'attractivité – qui est vecteur d'emplois – dont le patrimoine, surtout en France, est vraiment un acteur majeur. Je rappelle que notre pays compte 45 000 sites historiques protégés et 45 sites inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO. Oui, nous sommes un pays de patrimoine et je n'ai pas besoin de rappeler l'importance du tourisme et son lien avec le patrimoine.
Je tiens à souligner que nous préparons l'avenir : il y a la relance, mais aussi, au cœur du budget de l'État, dans la dernière loi de finances, une hausse de près de 5 % des crédits alloués à la protection du patrimoine. Je pense même que nous pourrions imaginer faire encore davantage, au vu de l'engouement autour du soutien des différentes fondations après l'incendie de Notre-Dame de Paris.
Il serait intéressant, et ce point m'est cher, d'approfondir l'idée d'une souscription populaire, pas seulement pour le patrimoine du Moyen Âge ou de la Renaissance, mais aussi pour le patrimoine du XX
Le parcours de cette proposition de loi, qui aura connu plusieurs lectures au Sénat et à l'Assemblée nationale depuis 2019, est à l'image de la protection de notre patrimoine, un processus marqué par le temps long, les itérations, les rebondissements de notre histoire et de notre procédure parlementaire, dont l'issue est toutefois favorable grâce à un texte précieux. Le groupe La République en marche votera donc avec engouement cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, Agir ens et UDI-I.
Je suis très heureuse d'intervenir devant vous ce matin au lendemain de la réouverture des lieux de culture dans notre pays, au lendemain du déconfinement de la culture – nos routes se sont d'ailleurs croisées, madame la ministre, dans un lieu qui rendait hommage à la puissance créatrice de deux génies. Nous examinons, en deuxième lecture, la proposition de loi de la sénatrice de l'Yonne Dominique Vérien – que je tiens à saluer de manière tout à fait amicale et reconnaissante –, visant à moderniser les outils et la gouvernance de la Fondation du patrimoine. Ce texte a été adopté à la quasi-unanimité en première lecture par notre assemblée, il y a déjà plus d'un an.
Depuis bientôt vingt-cinq ans, la Fondation du patrimoine, dont je veux souligner le rôle fondamental, est un outil très précieux de notre politique de conservation et de restauration du patrimoine. Nous tous ici ne pouvons qu'être sensibles aux dimensions historique, culturelle et mémorielle de notre patrimoine, ainsi qu'à son rôle essentiel dans la définition de notre identité nationale et de nos identités locales et régionales. Toutefois, la crise sanitaire que nous traversons depuis plus d'un an et dont nous espérons tous commencer à sortir progressivement a eu des conséquences aussi sur notre patrimoine, au premier rang desquelles certains retards dans des opérations de conservation et de restauration : à la fin du mois de décembre dernier, par exemple, la société de billetterie en ligne Patrivia évaluait à plus de 50 % la perte du chiffre d'affaires des 44 000 monuments historiques français – et encore cette évaluation avait-elle été établie sans prendre en compte les pertes occasionnées par les frais engagés dans la perspective de réouverture le 15 décembre dernier, perspective qui s'était évanouie.
Dans ce contexte, il semble plus que nécessaire de renforcer le rôle et la mission de la Fondation du patrimoine, qui se charge de mobiliser le secteur privé pour la sauvegarde et pour la valorisation de notre patrimoine non protégé en lui permettant de travailler encore plus efficacement.
Tout récemment, le groupe d'études « patrimoine » de notre assemblée, que j'ai le plaisir de coprésider avec notre collègue Raphaël Gérard, a auditionné le nouveau directeur général des patrimoines et de l'architecture, Jean-François Hebert, et nous avons insisté sur le vif intérêt que nous portons à la mise en œuvre de la politique patrimoniale du ministère de la culture ainsi que sur la très grande vigilance dont cette politique fait l'objet de notre part.
Comme le président de la Fondation du patrimoine, Guillaume Poitrinal, l'a fait récemment dans la presse, je tiens à tirer moi aussi la sonnette d'alarme : nous assistons, depuis plusieurs années, à la multiplication d'incendies qui détruisent notre patrimoine. Inutile d'évoquer l'incendie qui abîma considérablement la cathédrale Notre-Dame de Paris, mais je rappelle que la cathédrale de Nantes a brûlé en juillet 2020, l'église corrézienne Saint-Christophe de Voutezac en janvier 2021, la collégiale Saint-Nicolas d'Avesnes-sur-Helpe, dans le Nord, en avril 2021, et, tout récemment, la petite église Saint-Pierre de Romilly-la-Puthenaye, en Normandie, et l'Hôtel de Dion à Saint-Omer.
Si certains de ces incendies sont d'origine criminelle, les autres sont souvent dus à un déficit d'entretien, faute de moyens financiers. Nous devons à tout prix permettre à la Fondation du patrimoine, qui joue un rôle essentiel dans la collecte de fonds, de déployer ses talents et son énergie d'autant que, cela a été rappelé, l'engouement de nos compatriotes pour le patrimoine ne se dément pas, bien au contraire : même en cette période de relative sortie de crise pandémique, ils manifestent toujours une véritable appétence pour la visite de nos lieux patrimoniaux, et le succès du loto du patrimoine, porté par l'enthousiasme communicatif de Stéphane Bern, est net. Les collectes de dons, qui continuent de connaître un vrai succès témoignent du fait que notre patrimoine est essentiel pour faire nation.
Patrimoine protégé comme non protégé, patrimoine architectural d'origine historique comme patrimoine industriel, grands châteaux emblématiques comme modestes éléments du patrimoine rural, l'intérêt que nos compatriotes leur portent attestent de leur véritable amour pour le patrimoine français.
Comme en commission des affaires culturelles, il y a quelques jours à peine, le groupe Les Républicains votera en faveur de cette proposition de loi déposée par la sénatrice Dominique Vérien, dans les termes adoptés lors de sa dernière lecture par le Sénat et sur la base de l'excellent rapport de notre collègue Béatrice Descamps, dont je souligne la qualité du travail. Nous espérons qu'aujourd'hui encore, comme en commission, cette proposition de loi sera adoptée à une majorité très large afin que la Fondation du patrimoine puisse poursuivre sa mission si importante le plus sereinement et le plus efficacement possible.
La culture est essentielle, et le patrimoine l'est aussi tout à fait.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, Agir ens, LT et UDI-I, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La deuxième lecture de la proposition de loi visant à moderniser les outils et la gouvernance de la Fondation du patrimoine est l'occasion de rappeler, une nouvelle fois, notre attachement profond, partagé par les Français, à la protection du patrimoine. Nos propos sur le sujet peuvent paraître redondants, mais ils sont toujours aussi indispensables, car la sauvegarde et la valorisation du patrimoine contribuent pleinement à l'attractivité des territoires, à leur dynamisme, et jouent un rôle économique essentiel en raison des 500 000 emplois non délocalisables qui y sont associés.
Comme le déclarait Stéphane Bern, à l'orée de sa mission : « Notre patrimoine, c'est la chance de la France, y compris sur le plan économique, c'est notre trésor, notre pétrole ! » Il serait d'ailleurs souhaitable, je glisse cela au passage, que l'ensemble des EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale, inscrivent la sauvegarde du patrimoine dans ce qui relève de l'intérêt communautaire, car telle n'est pas toujours leur pratique.
Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés salue les avancées de cette loi qui va participer à l'étayage de 9 000 monuments dégradés et 3 000 autres menacés de péril en France. Je suis moi aussi, madame la ministre, la triste spectatrice dans la commune dont j'ai été maire du délabrement rapide du seul bâtiment remarquable, son église non classée du XIX
Rappelons les points majeurs du texte : déduction fiscale aux propriétaires réalisant des travaux contre l'engagement de rendre accessible au public le bien concerné ; élargissement du bénéfice du label pour le patrimoine non protégé et extension aux immeubles non bâtis ; octroi du label en majorité à des immeubles appartenant au patrimoine rural.
Ces mesures d'élargissement bienvenues ont finalement été intégrées à l'article 7 de la loi du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020, afin que le label puisse jouer rapidement, pour le secteur du patrimoine, un rôle plus efficace dans le cadre de la relance des activités.
La Fondation va aussi pouvoir gagner en efficacité, grâce à la modification de la composition de son conseil d'administration, adoptée en première lecture, et surtout pouvoir bénéficier de dotations en actions ou parts sociales d'entreprises. Je rappelle que le partenariat avec les entreprises – qu'il s'agisse de grandes entreprises qui bénéficient d'un véritable maillage territorial, ou d'entreprises de taille intermédiaire ou de petites et moyennes entreprises, parfois familiales, qui impriment leur territoire et sont attachées à l'idée de transmission – est crucial pour la sauvegarde des sites menacés. Ce partenariat doit être sans cesse encouragé par de nouvelles passerelles entre fondations et entreprises. Il constitue un parfait complément à la participation active des citoyens grâce à leurs dons et à leur participation au désormais très populaire loto du patrimoine.
La deuxième lecture du texte nous propose essentiellement, à travers l'article 1er bis , de substituer à l'expression obsolète « immeubles bâtis ou non bâtis classés monuments historiques, inscrits à l'inventaire supplémentaire », les mots « immeubles bâtis ou non bâtis classés ou inscrits au titre des monuments historiques ». Nous sommes évidemment favorables à cette actualisation proposée par le Sénat, qui a été votée en commission.
Ainsi, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés votera le texte avec enthousiasme. Nous remercions la rapporteure pour le travail accompli et sommes ravis de la retrouver ce matin parmi nous. Nous saluons également le travail de Mme la sénatrice Dominique Vérien. Le groupe Dem est profondément convaincu que l'attention et le soin portés aux œuvres d'hier, façonnées par les hommes d'hier, sont le ferment d'un avenir où l'on saura respecter l'homme de demain.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Agir ens, LT et UDI-I.
C'est un honneur et un grand plaisir de prendre la parole à la tribune pour parler de culture, cela nous changera des questions relevant de la compétence de la commission des lois. En premier lieu, je tiens à excuser Michèle Victory, qui ne peut être présente. Je me fais son interprète pour vous dire tout le bien que je pense de cette proposition de loi, de la Fondation du patrimoine et de l'action menée par le ministère de la culture en faveur du patrimoine bâti, du patrimoine vivant et plus largement du patrimoine culturel dans son ensemble qui ancre, dans nos territoires, à la fois notre histoire et notre avenir.
La Fondation du patrimoine, à entendre les différents interlocuteurs, est une association très connue. Elle a participé à de nombreuses actions de sauvegarde délicates et compliquées qui ont été menées dans nos territoires. En tant que vice-présidente du conseil général de Saône-et-Loire chargée de la culture et du patrimoine, j'ai été amenée à travailler en 2011 avec la Fondation du patrimoine pour l'associer à une politique départementale. Certes modeste au regard des crédits qui pouvaient être consacrés à la vaste opération en question, il n'en demeure pas moins que nous avions su trouver un système incitatif en faveur d'une souscription qui permettait de susciter l'intérêt des citoyens pour le patrimoine. Sans les citoyens, l'État et les collectivités sont démunis. C'est par cette ouverture aux citoyens et à la citoyenneté de tout notre travail architectural que la Fondation du patrimoine marque sa singularité et son intérêt.
Permettez-moi de mettre en lumière les grandes difficultés auxquelles est confronté, en particulier, le patrimoine bâti. À titre d'exemple, les quelque 500 communes de mon département comptent plus de 300 églises romanes. Certaines communes ont même deux églises romanes classées monuments historiques à leur charge – je pense à Martailly-lès-Brancion, près de Tournus et du château de Brancion. Cette commune, soutenue depuis peu par le département afin de restaurer le toit de lave de ses deux églises romanes, connaît de graves difficultés du fait de l'abandon des plans de financement très utiles construits sur la répartition suivante : 50 % pour l'État, 25 % pour la région et 25 % pour le département. Les communes n'avaient ainsi quasiment rien à payer, ce qui constituait finalement un bon moyen pour permettre aux collectivités d'assurer la transmission du patrimoine. Si l'État répond présent, je ne peux que regretter le désengagement des départements et des régions de ce type de projet. Nous organiserons prochainement une réunion à Martailly-lès-Brancion pour essayer de mobiliser des financements. La Fondation du patrimoine est bien sûr invitée, mais elle ne peut pas faire l'impossible.
Face à ces difficultés, nous devons réfléchir collectivement. D'ailleurs, la proposition de loi nous y invite avec l'extension du label, qui me paraît tout à fait intéressante. Ne nous leurrons pas : le régime de déduction fiscale constitue un outil extrêmement efficace permettant de susciter un intérêt pour les projets de restauration tout en assurant un soutien financier indirect de l'État. Nous sommes donc très favorables à l'extension du label et, plus globalement, aux diverses possibilités qui seront ainsi offertes à la Fondation du patrimoine de développer son activité et de manifester son soutien aux différents projets.
Notre principale réserve porte bien sûr sur le poids – qui sera prépondérant, si j'ai bien compris – des entreprises privées au sein du conseil d'administration de cette fondation d'utilité publique. J'y vois là un lien et une ouverture vers le mécénat, que la Fondation du patrimoine souhaite rendre plus présent en sollicitant les entreprises privées. Nous devrons être vigilants sur ce point, et vérifier si cela produit les effets heureux que vous espérez, madame la ministre.
Reste que le groupe Socialistes et apparentés accueille très favorablement la proposition de loi et votera le texte. Je sais que vous recherchez un vote conforme qui marquera la fin d'une longue histoire. Je remercie de nouveau Mme la sénatrice, Mme la rapporteure et Mme la ministre, ainsi que tous les bénévoles qui travaillent pour le patrimoine et qui nous aident à le sauvegarder.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, LR, Dem, Agir ens, LT, UDI-I et GDR.
L'identité de la France s'exprime à travers la richesse de notre patrimoine. Plus qu'une somme de monuments, le patrimoine est une part importante de ce que nous sommes et constitue notre lien avec les générations précédentes, comme avec les générations futures.
Notre patrimoine présente une extrême diversité dont nous pouvons être fiers. À côté des cathédrales que le monde nous envie, se dressent une multitude de monuments plus discrets mais tout aussi constitutifs de ce qu'est la France. Les ponts, les fontaines, les lavoirs et les chapelles qui font le charme de notre terroir nécessitent une attention et un effort particulier de la part de l'État. Si les grands monuments n'ont pas de difficulté à attirer les mécènes, ce petit patrimoine tout aussi précieux connaît lui aussi les affres du temps et nécessite de ce fait une attention particulière de la part des pouvoirs publics. Nous avons la responsabilité de tout faire pour mieux préserver ce capital historique, culturel, identitaire même, et bien sûr économique dans la mesure où il est une source d'attractivité pour notre pays et un vecteur de relance qu'il ne faut pas négliger.
La Fondation du patrimoine a été créée en 1996 dans cet objectif. Elle accompagne aujourd'hui les particuliers, les collectivités territoriales et les associations dans des projets de restauration du patrimoine de proximité. En vingt ans, et grâce à ses bénévoles que je tiens à saluer, la Fondation a participé à plus de 30 000 projets de sauvetage du patrimoine local. Elle s'appuie en cela sur trois leviers principaux que sont le label, la souscription publique et le mécénat d'entreprise. Elle était également le principal partenaire du loto du patrimoine et a joué un rôle fondamental dans la restauration en cours de Notre-Dame de Paris.
Si la Fondation du patrimoine a contribué à d'évidents succès depuis cinquante ans, un certain nombre de leviers permettraient de la rendre plus efficace et, surtout, d'étendre son champ d'action pour y inclure des bijoux patrimoniaux aujourd'hui en danger. À cet égard, la proposition de loi contient plusieurs avancées, que je tiens à saluer au nom du groupe Agir ensemble.
Elle permettra à la Fondation du patrimoine d'étendre son label au patrimoine habitable non protégé situé dans des zones rurales, bourgs et petites villes de moins de 20 000 habitants, contre 2 000 actuellement. Il s'agit là d'une réelle avancée pour les petites villes qui ne pouvaient pas bénéficier pleinement des dispositifs de soutien. Je pense notamment à la ville d'Aire-sur-la-Lys, dans ma circonscription, qui abrite un patrimoine exceptionnel comme l'ancien hôpital Saint-Jean-Baptiste, qui pourrait bénéficier d'un accompagnement renforcé grâce à cette proposition de loi.
Le texte permettra également d'étendre le label au patrimoine non bâti, qui en est aujourd'hui exclu. Ce label pourra ainsi bénéficier aux parcs et jardins, qui constituent, dans certains territoires, de véritables joyaux patrimoniaux.
La proposition de loi contient également un certain nombre d'avancées pour renforcer l'efficacité du fonctionnement de la Fondation. À ce titre, notre groupe salue les dispositions modifiant l'organisation du conseil d'administration, réduisant le nombre de ses membres et améliorant le contrôle de la gestion de la Fondation par le Parlement.
Nous saluons enfin la possibilité, pour la Fondation, de bénéficier de dotations en actions ou en parts sociales d'entreprises. L'article 4, réécrit par le Sénat, présente désormais tous les garde-fous permettant une bonne applicabilité de la mesure : cette possibilité devra en effet respecter le caractère non lucratif et désintéressé qui caractérise la gestion de la Fondation.
Toutes ces modifications permettront à la Fondation du patrimoine de doubler le nombre de labels attribués, qui atteindra près de 2 000 labels par an, dont au moins la moitié sera consacrée au patrimoine rural.
Cette proposition de loi est une bonne chose pour nos territoires. Elle répond à une demande forte du monde associatif et des communes, notamment celles qui s'engagent dans des projets de revitalisation et redynamisation de leur centre-ville ou centre-bourg. Il aura fallu attendre longtemps pour parvenir à ce vote, puisque cela fait maintenant plus d'un an que nous avons adopté le texte en première lecture. Je forme le vœu que ce texte puisse s'appliquer le plus rapidement possible. C'est pourquoi je vous invite, au nom du groupe Agir ensemble, à le voter afin qu'il soit adopté par le plus grand nombre possible d'entre nous.
Applaudissements sur les bancs des groupes Agir ens, LT et UDI-I.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées n'ont pu parvenir à un texte identique.
Il n'y a pas lieu de mettre aux voix l'article 1er , dont la suppression par le Sénat a été maintenue par la commission et qui ne fait l'objet d'aucun amendement de rétablissement.
Sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'épidémie de covid-19 a fortement touché le secteur du patrimoine. À l'heure de la réouverture des lieux de culture, j'en profite pour dire le grand bonheur que cela représente pour chacun d'entre nous. Nous saisissons combien les Français sont attachés à la richesse et à la beauté de tous les lieux d'art et d'histoire qui composent le patrimoine de notre pays. Plus que jamais, nous avons besoin de le protéger et de le chérir. Nous nous réjouissons donc de l'examen de cette proposition de loi visant à étendre les actions de sauvegarde du patrimoine culturel en réformant l'octroi du label attribué par la Fondation du patrimoine. Elle permettra également une modernisation de son fonctionnement et de nouvelles marges de manœuvre financières.
Depuis sa création par la loi du 2 juillet 1996, la Fondation a montré toute son efficacité et son utilité au service du patrimoine national. Elle est au cœur de la vie culturelle des Françaises et des Français. Récemment encore, elle a été le principal partenaire du loto du patrimoine, créé à l'initiative de Stéphane Bern et dont nous connaissons tous le succès. Elle a également joué un rôle déterminant dans le chantier de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Le secteur du patrimoine constitue un vecteur de relance économique essentiel qu'il nous faut pleinement valoriser. Les emplois y sont non délocalisables et répartis sur tout le territoire.
Madame la ministre, je connais votre engagement et celui du Gouvernement en faveur de la culture et tout particulièrement du patrimoine et de sa protection. Notre patrimoine, comme notre langue, c'est notre histoire et notre identité. Il nous faut le chérir et continuer à le faire vivre. Je profite de cette occasion pour saluer votre engagement et celui de vos collaboratrices et collaborateurs, et pour remercier la Fondation du patrimoine, de même que tous les professionnels, toutes les associations et tous les bénévoles pour leur engagement exemplaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.
L'article 1er bis est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 37
Nombre de suffrages exprimés 37
Majorité absolue 19
Pour l'adoption 35
Contre 2
La proposition de loi est adoptée.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Mme Marie-George Buffet applaudit également.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix heures, est reprise à dix heures dix.
Suite de la discussion d'un projet de loi
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'article 4.
L'article 4 prévoit l'aggravation des peines en cas de violation du secret de l'enquête et de l'instruction. Si les auteurs du présent amendement souhaitent préserver le secret de l'instruction, garantie indispensable du bon fonctionnement d'une justice équitable, ils déplorent l'aggravation des sanctions prévues à cet article alors que les condamnations en la matière sont aujourd'hui restreintes. Ils estiment préférable d'en rester aux peines déjà inscrites dans le code pénal.
Les amendements n° 399 de M. Jean-Félix Acquaviva et 612 de M. Pierre Vatin sont défendus.
La parole est à M. Stéphane Mazars, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur les amendements.
Avis défavorable. Il est vrai, madame Buffet, que trop peu de poursuites et de condamnations interviennent en cas de violation du secret professionnel de l'enquête et de l'instruction. Néanmoins, nous sommes très attachés à ce principe. C'est pourquoi nous avons voulu durcir le quantum des peines encourues, étant précisé qu'elles permettront d'être plus efficaces sur le plan procédural. En effet, il sera désormais possible d'effectuer des perquisitions sans l'assentiment de la personne concernée, et de recourir à la procédure de comparution immédiate.
Nous affirmons aujourd'hui notre volonté très forte de sanctionner plus durement et efficacement ceux qui enfreignent le secret de l'enquête.
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement.
Disons-le : on condamne rarement. Il n'y a pas péril en la demeure, d'autant que les coupables, ceux qui sont à l'origine de l'infraction, sont souvent chargés de rechercher les coupables. Le serpent se mord rarement la queue, tout de même.
Cependant, autoriser la pratique de la perquisition est un acte utile qui permettra de mieux sanctionner ces infractions, qui ont d'ailleurs des conséquences souvent gravissimes, en particulier pour celui qui en est victime. Nous sommes ici sur le terrain symbolique et c'est la raison pour laquelle, symboliquement, je suis fermement défavorable à ces amendements.
L'amendement n° 217 de Mme Marine Le Pen est-il défendu ?
La parole est à Mme Catherine Pujol, pour le soutenir.
L'article 4 renforce, certes, le secret de l'instruction, mais il ne modifie pas la logique actuelle : il ne fait que rendre la révélation plus difficile ou risquée. La défense du principe du secret de l'instruction est une nécessité, nous en sommes tous convaincus, tant il est violé de manière répétée, parfois par l'institution judiciaire elle-même. Or ce principe est essentiel pour la protection des libertés fondamentales, de la présomption d'innocence, mais aussi de l'institution judiciaire, car la justice doit être rendue par un tribunal judiciaire et non pas par un tribunal médiatique.
Il convient donc de renforcer les sanctions relatives à la violation du secret de l'instruction, en s'inspirant du modèle britannique, particulièrement sévère à l'encontre des atteintes portées à cette garantie fondamentale de la liberté et de la dignité des personnes.
Cet amendement propose de rendre absolu le secret de l'instruction, les seules informations pouvant être rendues publiques – l'ouverture d'une enquête, l'ouverture d'une instruction, les mises en examen et les ordonnances de renvoi – étant définies par la loi. L'interdiction de diffusion s'applique à tout le monde, y compris à la presse. Elle ne remet nullement en cause le principe du secret des sources des journalistes, mais elle empêche ces derniers de diffuser des informations dont ils auraient eu connaissance, afin de laisser à la seule institution judiciaire le rôle social de juger.
Bien sûr, ce serait tellement plus facile !
Bien entendu, cette mesure nécessite concomitamment que le parquet et l'instruction poursuivent systématiquement les violations de ce principe.
C'est ça !
Nous ne pourrons évidemment pas vous suivre sur ce terrain. Nous poursuivrons ceux qui violent le secret de l'instruction, mais il ne peut pas y avoir un veto a priori tel que vous l'imaginez. Par conséquent, ce sera un avis défavorable.
C'est dommage que la rédactrice de l'amendement ne soit pas là pour le défendre. Ce qui est prévu, c'est tout simplement la mise au pas de la presse. C'est quand même extraordinaire, et cela en dit long sur son programme et ses intentions ! Au fond, la presse n'aurait plus le droit de faire son métier ; elle pourrait annoncer une enquête préliminaire, mais surtout pas ce qu'elle recouvre !
Certains éléments peuvent venir à la connaissance de la presse sans relever forcément d'une violation du secret de l'instruction. Notre texte règle ces questions, vous devriez tous vous en féliciter et le voter allégrement.
Pour les auteurs de cet amendement, lors de l'instruction, une mise en examen et une information comme le chef de poursuites par exemple, ce n'est pas intéressant ? Et surtout, nous sommes dans un système, madame Pujol, où le garde des sceaux appelle la police pour faire sortir des informations : c'est ce que vous avez osé raconter il y a quelques jours. Beau programme : inquiétant programme !On va mettre la presse au pas : rien ne vous gêne, décidément.
Toucher à la liberté des journalistes, à leur droit d'investigation, c'est remettre en cause la liberté d'expression qui est au centre de nos principes républicains. Cet amendement est significatif du projet de société que portent son auteure et vous-même, madame, qui l'avez présenté. Pour notre part, jusqu'au bout nous défendrons la liberté des journalistes. Dans les affaires judiciaires, les investigations des journalistes ont apporté beaucoup,…
Bien sûr !
Nous y reviendrons lorsque nous aborderons les amendements relatifs aux cold cases : ils ont sans doute joué un rôle dans la prise en compte de ces affaires. Nous voterons contre cet amendement qui nous paraît extrêmement dangereux.
Au nom du groupe Les Républicains, je souhaite dire que nous voterons résolument et fermement contre cet amendement.
Merci, madame.
Par ma voix, ma famille politique, celle de la droite républicaine, réaffirme son attachement à la liberté de la presse, à la liberté de l'exercice du métier de journaliste. Nous avons eu l'occasion, depuis le début de la présente législature, de le dire à plusieurs reprises, par exemple au moment de l'examen ici, en première lecture, de la proposition de loi relative à la sécurité globale, lorsque nous avons défendu une version alternative à la rédaction de l'article 24, initialement proposée par les services du ministère de l'intérieur, comme au moment de l'examen de la proposition de loi, adoptée définitivement depuis, qui était alors « relative à la lutte contre les fausses informations » avant que son titre ne soit modifié.
Nous réaffirmons notre attachement viscéral à cette liberté de la presse qui fait partie des libertés fondamentales dans la République française.
Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés exprime la même stupeur, la même indignation face à cet amendement.
On nous prépare une belle société !
Nous voterons évidemment contre et défendrons toujours la liberté d'expression et le libre travail des journalistes.
L'amendement n° 217 n'est pas adopté.
Je m'exprime au titre des articles 98 et 99 du règlement relatifs aux dépôt et à l'examen des amendements.
Un nouvel amendement du Gouvernement vient de tomber ce matin, sur la question de la suppression des rappels à la loi. Déjà hier, s'agissant de l'exécution des peines, le lien était très indirect avec le texte – l'amendement ne modifiait pas le même code que celui sur lequel nous travaillons –, mais là, on n'entre dans absolument aucun des chapitres du texte.
Cet amendement vient donc s'ajouter aujourd'hui et il n'y a toujours pas de censure au titre de l'article 45 de la Constitution. Ce n'est pas contre vous, monsieur le ministre – vous avez le droit de déposer vos amendements –, mais la présidence de l'Assemblée nationale a une appréciation pour le moins différenciée. Je ne sais s'il faut que je trouve moi aussi des policiers pour faire une manifestation devant l'Assemblée nationale en vue d'avoir des amendements qui passent le filtre de l'article 45.
Mme Constance Le Grip s'exclame.
Vous aurez du mal à avoir ceux de Nanterre à vos côtés !
Il vise la partie de l'article 4 qui donne la possibilité à un officier de police judiciaire (OPJ) de communiquer des éléments d'une enquête à la place et sous le contrôle du procureur de la République. J'ai continué à réfléchir entre la commission et la séance et je maintiens cet amendement, car je ne vois pas ce que viendrait faire l'OPJ en cette matière, surtout quand on constate que l'expression des policiers est parfois problématique.
Si c'était pour lire le communiqué ou ce que raconte le procureur, à la limite pourquoi pas, mais ce n'est pas ce que dit l'article. Que ce soit « sous le contrôle » du procureur, encore heureux : c'est la moindre des choses. En fait, le problème n'est pas l'expression des policiers, mais celle des syndicats qui se permettent de dire n'importe quoi sur les enquêtes en cours. J'espère qu'il y aura une circulaire de politique pénale pour que ceux qui violent le secret de l'enquête sous couvert de responsabilités syndicales soient eux aussi inquiétés, car on ne peut pas continuer de la sorte. C'est d'ailleurs déjà possible dans l'état actuel de la loi. N'allez cependant pas, monsieur le ministre, jusqu'à perquisitionner chez les syndicalistes qui racontent n'importe quoi sur les chaînes d'information, car cela risquerait de créer des crises en cascade et d'être problématique pour le pays.
En revanche, que l'on donne davantage de moyens au procureur de la République pour communiquer, cela me semble essentiel. Un procureur et un policier n'ont pas le même rôle dans une enquête. Si le policier sort des clous, c'est lui qui devra assumer cette responsabilité alors qu'elle revient d'abord et avant tout au procureur.
Vous dites qu'entre la commission et la séance, vous avez réfléchi. Entre la commission et la séance, il y a eu les événements dans les Cévennes, la semaine dernière. La communication déléguée par le procureur de la République aux gendarmes a été très utile, bien moins axée sur la procédure pénale que sur les préventions à prendre en matière de sécurité si, à la suite des battues, vous vous retrouviez face à la personne en fuite. C'est un parfait exemple de l'utilité de ce moyen de communication. Je pense qu'il est important que le procureur de la République puisse maîtriser la communication de ses OPJ, ce qui sera le cas avec ce texte, et que la communication des OPJ soit un peu à côté, en retrait ou au-delà, je ne sais trop comment il faudrait le dire, de celle que nous avons l'habitude d'entendre sur les plateaux de télévision ou les réseaux sociaux, qui est certes celle de représentants des forces de l'ordre, mais de représentants syndicaux. Avis défavorable.
Une précision importante : dans le groupe de travail constitué pour réfléchir à ces questions, les procureurs étaient partants pour déléguer une partie de la communication, qui est normalement leur domaine réservé. L'exemple qui vient d'être cité montre à quel point c'est utile. Je trouve votre raisonnement assez paradoxal : vous vous plaignez, et je l'entends, que certains syndicalistes violent, à l'occasion de leur participation à telle ou telle émission, le secret de l'enquête, or nous mettons justement un peu d'ordre dans ces désordres, qui sont anormaux, je le concède. Un syndicaliste peut s'exprimer sur un tas de choses, mais pas sur une enquête en cours, il n'est pas au-dessus de la loi. Ici, nous permettons justement à un OPJ de communiquer sur les procédures avec l'accord et sous le contrôle du procureur. C'est aussi une demande des procureurs : entendons-les.
Je répète à l'envi que, sur le terrain, les policiers, les gendarmes, les procureurs, les magistrats travaillent ensemble et qu'ils travaillent bien. C'est une demande des uns et des autres, il n'y a pas de raison de ne pas les entendre. Avis défavorable.
L'exemple du drame des Cévennes et de la communication qui s'en est ensuivie montre qu'il n'y a pas besoin de vos dispositions nouvelles : vous apportez vous-mêmes la démonstration que la loi le permet déjà.
Non, il s'agit d'encadrer les choses !
Je le sais d'autant plus qu'en 2012, quand je suis arrivé au ministère de l'intérieur, le nouveau ministre, que je ne porte pas particulièrement dans mon cœur, passait instruction aux chefs de police pour dire qu'ils pouvaient communiquer sur ces missions d'ordre public – une battue va être organisée, telle route sera bloquée… – qui relèvent du ministère et se distinguent de l'enquête en tant que telle. Je préfère, parce que c'est aujourd'hui dans le code de procédure pénale, à l'article 11, que ce soient les procureurs qui s'en chargent et assument éventuellement la responsabilité d'avoir donné trop d'informations, ou des informations qui se révèlent par la suite inexactes.
Ils l'assumeront de toute façon, puisque c'est sous leur responsabilité !
Regardez ce qui s'est passé à Nice. Imaginez, dans l'affaire de Mme Geneviève Legay, que l'on ait envoyé en conférence de presse les policiers, chargés d'ailleurs à la fois du dispositif de maintien de l'ordre sur place et de l'enquête interne, communiquer sur leurs propres actions. Ç'aurait été pire encore. Là, seul le procureur a été mis en cause, et c'est normal, c'était de sa responsabilité. Il a été muté d'office, on connaît la suite de l'histoire. Voilà des exemples, sans rapport avec les Cévennes, qui montrent que ce genre de propositions est à manier avec des pincettes.
L'amendement n° 660 n'est pas adopté.
L'article 4 est adopté.
L'objectif de cet amendement n'est pas de censurer, mais de poser les termes d'un débat important. Monsieur le ministre, vous avez été, lors du premier procès d'Outreau, l'avocat de la pauvre boulangère traînée dans la boue pendant des années. De l'affaire Dreyfus au petit Grégory et sa maman soupçonnée d'infanticide, quid de la reconstruction psychologique après de longs procès ? Le temps judiciaire aujourd'hui n'est pas celui des médias.
L'amendement vise en conséquence à empêcher la diffusion de l'identité plutôt que de l'image d'une personne présumée innocente dans le cadre d'une procédure judiciaire. Et, je vous en conjure, ne me faites pas le procès de ne pas aimer les médias : je dois être la seule parmi nous à avoir passé plus de 20 % de sa vie en dictature et je sais ce que c'est que de ne pouvoir porter sa parole dans la presse. Mais devant des séquelles psychologiques importantes, des carrières brisées, la fille qui a vécu comme moi en dictature vous dit que ce que l'on a de plus cher dans une démocratie, c'est notre dignité et notre réputation. Je suis ouverte au débat, mais la justice ne doit pas se rendre dans les médias, vous l'avez dit en tant qu'avocat dans plusieurs procès, monsieur le ministre. La justice se rend dans les tribunaux.
Madame Krimi, on connaît votre engagement sur ce sujet depuis le début de la législature. À chaque fois que vous avez pu le faire, vous avez pris la parole pour défendre votre position. Cependant, votre proposition est maximaliste ; elle ne peut être retenue dans le cadre de ce projet de loi. Si l'on pousse votre raisonnement jusqu'au bout, il deviendrait impossible de révéler l'identité de quelqu'un comme le fuyard des Cévennes recherché, la semaine dernière, par toutes les polices de France. Cela poserait une vraie difficulté pour le déroulement de l'enquête, notamment en matière opérationnelle – et ce serait la mort des chroniques judiciaires, ce qui ne toucherait peut-être pas toujours le grand public. Je vous demande donc de retirer votre amendement.
Ma position est exactement la même, madame la députée. Je comprends parfaitement votre préoccupation et le sens de votre amendement, mais il est en effet maximaliste. Disons-le très clairement, la personnalité de celui qui est suspecté, mis en examen et renvoyé devant la juridiction correctionnelle ou devant la cour d'assises n'est parfois pas étrangère à l'émoi suscité dans la population. C'est donc aller un peu trop loin que de vouloir anonymiser à ce point le suspect, quel que soit d'ailleurs le stade où en est la procédure. Ce serait à mon avis excessif et, même si je sais que ce n'est pas ce que vous voulez, ce serait de nature à entraver l'exercice libre de la presse libre, dans un pays libre et encore démocratique.
Je sais que ma proposition est maximaliste et je vais bien évidemment retirer mon amendement, mais il est important que nous ayons ce débat. On ne sait plus gérer les réseaux sociaux !
Ça, c'est sûr !
Quelque chose se passe dans les démocraties depuis 2005, 2006 ou 2007, que l'on ne sait plus gérer. Dans nos sociétés, on ne sait plus faire face à la complexité. Tout doit être simple : vous êtes pour les animaux ou vous êtes contre, vous êtes pour les femmes ou vous êtes contre. Il n'y a plus de place pour la complexité. Et je pense que jeter des gens en pâture de cette manière contribue à ce phénomène.
Ma pensée va ce matin à toutes ces vies brisées que vous avez vous-même eu l'occasion de défendre ces dernières années, mais j'insiste : la réflexion doit se poursuivre même s'il faut prendre en compte le caractère opérationnel de l'information. Quand quelqu'un est en fuite sur le territoire et que des faits montrent qu'il est dangereux, on peut bien évidemment divulguer son identité, mais s'agissant d'hommes ou de femmes politiques, par exemple, ou même de personnes qui ne sont pas du tout connues, je vous assure qu'il y a matière à réfléchir sur ce sujet, et cela ne se fera pas sans travailler avec la presse.
Je voudrais vous apporter, madame la députée, une petite précision de taille – elle est passée sous les radars : il est désormais obligatoire pour les plateformes en ligne de retirer dans l'heure les contenus de nature terroriste. Je tiens à le dire, c'est une très grande victoire obtenue par le Président de la République.
Pour illustrer ce que vous dites à propos des réseaux sociaux, vous étiez présente hier et vous avez entendu mes échanges avec M. le député Chenu, qui n'est plus là aujourd'hui, qui n'était pas là avant-hier et qui n'est resté que quelques minutes. Dans les secondes qui ont suivi notre échange, qui m'avait semblé ferme mais courtois, il a twitté que je respectais davantage Abdelkader Merah que le Parlement français. Voilà un exemple de haine en ligne ! C'est du niveau de… Je devrais dire du caniveau.
Que voulez-vous que je vous dise ? L'extrême droite vient de proposer un amendement sur le droit de la presse qui fait frémir, qui fait peur.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LaREM.
L'amendement n° 300 est retiré.
Il vise à supprimer l'article 5 du projet de loi, qui introduit selon moi des contraintes supplémentaires en matière de détention provisoire. Au-delà de huit mois de détention provisoire, il est prévu d'imposer une motivation spéciale pour qu'elle puisse se poursuivre en lieu et place d'un moyen de surveillance électronique.
Les tragédies que nous avons connues ces dernières semaines le prouvent : la surveillance électronique est parfois inefficace contre les individus les plus violents et les plus dangereux. S'agissant des violences conjugales, par exemple, ce qui empêche les victimes d'aller porter plainte contre leur bourreau, contre celui qui les harcèle ou qui les rackette, c'est souvent la peur des représailles. Contre cela, un dispositif anti-rapprochement ou de surveillance électronique ne peut parfois rien du tout : seule la détention provisoire est réellement efficace. Pourquoi la limiter, quand on sait que la durée passée en détention provisoire est déduite du temps de peine restant à purger ?
Je propose donc d'en rester au régime actuel et de ne pas restreindre un peu plus l'usage de la détention provisoire.
Ça, c'est extraordinaire, comme raisonnement !
La parole est à Mme Constance Le Grip, pour soutenir l'amendement n° 425 .
Je souhaite dire quelques mots pour présenter cet amendement déposé par notre collègue Éric Ciotti et assez largement cosigné par les membres du groupe Les Républicains. Il propose lui aussi de supprimer l'article 5 du présent projet de loi, qui limite la détention provisoire en imposant au juge, au-delà d'un certain délai, de rechercher une autre voie, notamment la détention à domicile ou le placement sous bracelet électronique. Il nous semble que la détention provisoire peut être utile, en particulier pour laisser le temps de rassembler des preuves de culpabilité ou d'innocence.
Nous souhaitons donc en rester au régime actuel et ne pas ajouter des contraintes supplémentaires au dispositif de placement en détention provisoire.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 647 .
C'est un sujet délicat car la détention provisoire est à la fois souvent nécessaire et toujours problématique. Enfermer quelqu'un qui n'a pas été officiellement condamné à l'issue d'un procès équitable, on ne peut nier que c'est une entorse grave à la présomption d'innocence, principe fondamental de notre justice.
Depuis longtemps, le législateur s'est efforcé de réduire le recours à la détention provisoire ; vous, monsieur le ministre, vous allez encore plus loin puisque vous proposez, en matière correctionnelle, de substituer le plus possible l'assignation à résidence sous surveillance électronique à l'incarcération.
Pas du tout !
Ce qui explique le plus souvent le taux élevé de détentions provisoires en France, malgré tous les efforts déployés depuis de longues années pour le faire diminuer, c'est d'abord la longueur des procédures, et c'est peut-être d'abord à cela qu'il faudrait s'attaquer.
Mais je m'y attaque !
Cette longueur des procédures est due à la fois à leur complexité excessive et, il faut bien le dire, au sous-investissement chronique dont souffre notre système judiciaire.
La deuxième explication, c'est évidemment la réalité de la délinquance, dont le volume s'est énormément accru depuis un demi-siècle, ce qui engorge la chaîne pénale. Sa gravité – on ne peut le nier – oblige souvent les magistrats à recourir à l'incarcération des mis en cause. Il faut donc peut-être aussi travailler sur ces aspects.
Essayer de pousser les magistrats à recourir davantage à d'autres mesures que la détention provisoire revient finalement à prendre l'effet pour la cause ; cela ne pourra malheureusement aboutir qu'à un nouvel échec, conduisant à laisser en liberté toujours plus de délinquants multirécidivistes, ce qui ne me semble pas souhaitable. Je pense que nous prenons le problème à l'envers et qu'il faudrait réfléchir autrement.
Je suis défavorable aux amendements de suppression. Je vous rappelle encore une fois – cela a été dit – que la détention provisoire n'est pas une condamnation : c'est une mesure de sûreté concernant une personne présumée innocente. Le texte ne modifie pas les conditions de placement en détention provisoire puisque celles-ci restent exactement les mêmes. Nous nous contentons de limiter à huit mois la détention provisoire ; c'est une durée tout de même assez importante pour une personne présumée innocente et qui sera peut-être innocentée – vous dites que le temps passé en détention provisoire est décompté de la condamnation définitive, mais il y a aussi des gens qui ne sont jamais condamnés et qui ont effectué de la détention provisoire pour rien !
La période de huit mois est donc suffisante et nous partons du principe qu'il faut ensuite basculer sur une assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE). C'est un mécanisme qui fonctionne bien et qui permet de s'assurer que certaines personnes ne se déplacent pas dans certains lieux et restent à la disposition de la justice. On inverse le principe à partir du huitième mois, après la délivrance d'un premier mandat de dépôt de quatre mois, suivi éventuellement d'un renouvellement de quatre mois. Le système me semble totalement équilibré.
De quoi s'agit-il en réalité ? Notre pays est l'un des champions toutes catégories de la détention provisoire. Nous nous plaçons à peu près au même niveau que la Turquie et nous figurons dans ce domaine parmi les cinq derniers État membres du Conseil de l'Europe, qui en compte quarante-sept.
L'idée n'est évidemment pas d'alléger le régime de détention provisoire. J'entends que vous irez peut-être – sans doute – sur votre terrain favori, celui du laxisme. Mais il ne s'agit pas du tout de cela ! Vous savez que la mesure de détention provisoire fait l'objet d'un examen régulier par le juge. Ce que nous proposons, c'est qu'au bout de huit mois, ce dernier ait à motiver les raisons pour lesquelles la solution du bracelet électronique serait rejetée. C'est tout ! Stop et fin.
On ne peut pas se plaindre du nombre de détenus provisoires sans essayer de régler le problème, à moins de trouver merveilleux que la France soit au même niveau que la Turquie et de dire finalement : ne changeons rien. Il ne s'agit pas du tout de peines définitivement prononcées dans le cadre d'un jugement ! Madame Ménard, pardonnez-moi, mais le juge pourra toujours dire, après huit mois, que le bracelet ne doit pas être utilisé. Nous souhaitons simplement que l'on puisse en connaître les raisons, c'est tout.
Je ne veux pas vous faire hurler, mais je rappelle ce qui se trouve dans le code pénal depuis des décennies : en matière de détention provisoire, il est énoncé que la liberté est la règle et la détention, l'exception. On ne peut pas s'asseoir sur tous les principes ! Je sais qu'il est compliqué de dire cela par les temps qui courent, mais c'est la réalité et je veux avoir une approche équilibrée sur ces questions.
Vous savez également, madame Ménard, car vous êtes assidue à l'Assemblée nationale – je vous rends hommage sur ce point –, que nous avons, de façon tout à fait unanime, défendu un texte tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention, et vous l'avez voté. Il y a eu récemment jusqu'à 1 400 détenus qui dormaient au sol, dans des conditions indignes. Qu'on ne me fasse aucun procès : je suis sans doute le ministre qui aura sorti le plus de prisons de terre.
Ces questions doivent toujours être envisagées avec bon sens, sans passion et avec recul. Il y aura demain une seule modification avec cet article : le juge devra dire pourquoi il renonce au bracelet, stop et fin. Quant à la détention provisoire, je ne la renie pas ! Elle est utile et doit contribuer à la manifestation de la vérité. Dans le cas d'un groupe de complices dont l'un est arrêté, on souhaite naturellement que ce dernier ne puisse pas communiquer avec les autres, qui sont toujours en liberté. La détention provisoire s'impose alors comme une évidence, et il n'y a rien d'autre à dire ! Après huit mois, que dira le juge ? Il refusera qu'elle soit levée car le risque de concertation frauduleuse entre le détenu et ses complices, s'ils sont encore en liberté, existera toujours.
Nous disposons simplement de cet outil qu'est le bracelet, qui permet de suivre la personne mise en examen tout en respectant davantage le principe proclamé par le code de procédure pénale – je le dis depuis des décennies –, celui de la liberté. C'est un vrai moyen de surveillance ! Ensuite, quand le détenu remis en liberté comparaît devant le juge du fond – tribunal correctionnel ou cour d'assises –, il peut être placé en détention, sa durée correspondra cette fois au quantum de la peine prononcée. Cela arrive tous les jours dans les juridictions françaises : un homme qui a déjà fait trois mois de détention peut arriver libre mais être condamné à cinq ans de prison et ainsi être immédiatement incarcéré.
D'ailleurs, le système anglo-saxon auquel vous vous êtes tout à l'heure référée, madame Ménard, ne connaît pratiquement pas la détention provisoire. Il est très particulier : il faut payer pour rester en liberté – c'est un système de caution. On ne pourrait pas envisager un tel fonctionnement dans un système comme le nôtre, et fort heureusement ! Vous voyez, quand on considère ces questions avec sérieux – je ne doute pas du vôtre – et de manière objective, on parvient à cette réponse.
Il n'est pas dramatique de demander à un juge de dire pourquoi il n'opte pas pour le bracelet électronique à l'égard d'un prévenu qui a passé huit mois en détention provisoire. Ce n'est pas plus compliqué que cela. On ne peut pas tenir un discours schizophrénique : adopter à l'unanimité une loi contre les conditions de détention indignes et ne pas se poser des questions, notamment quand la France, pays des droits de l'homme, est épinglée dans les médias pour son taux record de détention provisoire – 30 % des personnes détenues en France sont en détention provisoire contre 21 % en Espagne, par exemple.
Ma réforme n'a rien de révolutionnaire en la matière ; je n'ai pas été pris de folie : le juge devra dire pourquoi il ne choisit pas le placement sous bracelet électronique pour un prévenu qui a déjà fait huit mois de détention provisoire. S'il ne le fait pas et en donne les raisons, le choix sera incontestable.
Rappelons que le système de placement sous surveillance électronique, que tous les gouvernements successifs ont essayé de développer depuis une bonne dizaine d'années, concernait 14 000 personnes début avril 2020, ce qui signifie qu'il était déjà en voie d'engorgement à l'époque. Comme n'importe quelle mesure judiciaire contraignante, l'ARSE suppose une logistique et des personnels en nombre suffisant, à la fois pour installer le dispositif et pour surveiller les personnes assignées à résidence. Or ces moyens logistiques sont malheureusement insuffisants. Je me réjouis de l'augmentation des crédits que vous avez obtenue, monsieur le ministre, mais elle ne sera pas suffisante pour y remédier.
Vous avez raison de vous indigner des conditions de détention indignes et de rappeler que nous avons récemment adopté – et je crois en effet que c'était à l'unanimité – un texte visant à les améliorer.
Vous avez raison de vous indigner de la surpopulation carcérale. Mais, monsieur le ministre, quel est le chef d'État qui a promis pendant sa campagne électorale de faire construire 15 000 places de prison en cinq ans ? C'est M. Macron. Où sont ces 15 000 places de prison ?
On y est !
Mais c'est extraordinaire !
Vous citez des chiffres qui comprennent un grand nombre de places encore en cours de construction…
Il y en a qui sont sorties de terre ! Je ne peux pas laisser dire ça !
…et, en réalité, vous en avez construit au maximum 5 000, autrement dit, la promesse de M. Macron n'est pas tenue.
Ce n'est pas vrai !
Votre président de la République n'ayant pas tenu ses engagements en la matière, votre petit couplet sur la surpopulation carcérale me semble inconsidéré et d'assez mauvaise foi.
D'abord, ce n'est pas « mon président de la République », c'est notre président de la République, ne vous en déplaise !
Le groupe GDR s'opposera à ces amendements car la détention provisoire doit répondre à des problèmes de sûreté. Au bout de huit mois de détention provisoire, on peut en effet s'interroger sur le maintien d'une telle mesure et sur la possibilité de la remplacer par une solution alternative.
Cela étant dit, je voudrais enchaîner sur les propos de notre collègue du groupe Les Républicains concernant les violences faites aux femmes. Va-t-on régler ce problème grâce à l'article qui nous est proposé ou à un changement de mentalité ? Pense-t-on qu'un homme violent envers sa femme pose un problème de sûreté quand cette dernière a porté plainte auparavant parce qu'il l'avait frappée ? Peut-on se permettre de le placer sous bracelet électronique ? On estime peut-être trop souvent que les violences familiales ne soulèvent pas de questions de sûreté.
Après tous les drames que nous avons connus, nous devons y réfléchir et admettre que, dans ces cas-là, la détention provisoire est souvent une nécessité.
C'est bien ce que je disais : je faisais référence aux violences conjugales !
Je suis tout à fait d'accord sur ce point !
Votre propos, monsieur le ministre, révèle une logique que vous avez rappelée hier pour la critiquer : éviter au maximum le recours à l'emprisonnement…
Ce n'est pas vrai !
…et notamment à la détention provisoire. Vous habillez cet objectif de considérations vertueuses – moi-même, je ne place pas détention provisoire et condamnation sur le même plan. Actuellement, les prisons françaises comptent quelque 20 000 personnes en détention provisoire et plus de 40 000 condamnés, ce qui fait que le recours à l'emprisonnement est globalement l'un des plus faibles d'Europe.
Mais non ! C'est faux !
Pour les condamnés, le recours à l'incarcération est 50 % plus faible qu'en Grande-Bretagne et bien inférieur à ce qu'il est en Espagne. Nous avons ce débat depuis des années, cette même logique sous-tendait la loi pénitentiaire de 2009 que je n'avais pas votée. Le manque criant de places de détention conduit au recours à des subterfuges…
Qu'avez-vous fait, vous ?
…dont font partie les mesures que vous nous proposez. Faute de construire suffisamment de prisons, nous avons un déficit d'au moins 20 000 ou 30 000 places, ce qui empêche d'apporter une vraie réponse pénale.
Nous en revenons au débat que nous avons eu hier à propos des manifestations de policiers : la défaillance de la réponse pénale n'est pas le fait des magistrats, mais elle est imputable à des contingences matérielles que nous ne pouvons régler que par des subterfuges tels que l'aménagement et la non-exécution des peines. Au lieu de prétendre que 92 % des peines sont exécutées, dites la vérité : ce taux n'est atteint qu'au bout de quatre ans, au vu de vos propres statistiques, monsieur le garde des sceaux.
Cela n'a rien à voir avec l'amendement !
Quand on compte trente violences non crapuleuses par heure, la prison est parfois la seule solution. Il faut avoir le courage…
Mme Brigitte Kuster applaudit.
Je vous ai déjà répondu hier, mais cela n'a évidemment pas suffi car vous vous placez sur le terrain idéologique. Connaissez-vous l'objet des amendements en débat, monsieur le député Ciotti ? Vous n'êtes plus, comme hier, devant l'Assemblée nationale mais dans l'Assemblée nationale.
Il s'agit de supprimer un article prévoyant de demander à un juge – juge d'instruction ou juge des libertés et de la détention – s'il ne serait pas possible de remplacer la détention provisoire par un bracelet électronique pour les prévenus incarcérés depuis huit mois. Le juge peut refuser de le faire, notamment dans le cas d'un mari violent dont il redoute les réactions. Nous voulons seulement que le juge motive sa décision.
D'ailleurs, la confiance repose sur la motivation, sur la connaissance du fonctionnement de la justice et des raisons qui ont poussé un magistrat à prendre telle ou telle décision. Ce n'est pas une révolution copernicienne que d'exiger cela. Plutôt que de débattre de cet article et des amendements tendant à sa suppression, vous développez votre programme.
Quitte à me répéter, monsieur Ciotti, j'indique que « le » Président de la République a promis la construction de places de prison. J'en ai inauguré, car certaines sont d'ores et déjà construites tandis que 7 000 places sont en cours de construction.
J'entends les « y'a qu'à, faut qu'on », mais qu'avez-vous fait ?
Certains critiquent, ce qui est bien normal dans une démocratie, mais voulez-vous que je vous donne la liste des membres de votre famille politique qui refusent l'implantation d'une prison dans leur commune ? Voulez-vous que je vous la livre ? C'est gentil de dire ici « y'a qu'à, faut qu'on », mais je peux vous dire une chose qui nous éloigne – de votre fait – du débat sur ces amendements : la seule recherche de sites pour la construction des 8 000 places à venir…
…représente un travail…titanesque. Il faut faire venir les élus et réaliser les études de faisabilité. Nombre d'élus hurlent ici parce que les prisons ne sont pas construites, mais ils n'en veulent surtout pas chez eux. Ils préfèrent qu'elles soient construites dans la commune d'à côté. Certains élus du Front national ont aussi à dire sur le sujet. Pour dénoncer ce qui ne va pas, vous êtes là, mais pour aider à la construction de prisons, il y a plus personne.
Qu'il faille améliorer les délais en matière d'exécution des peines, je vous l'accorde, je suis même le premier à l'avoir dit. Pour ma part, j'essaie de tenir un discours équilibré et nuancé. Sur les marches de la Chancellerie, l'un de mes tout premiers propos a été de regretter la longueur des délais d'exécution des peines. Nous avons pris des mesures, comme vous le savez.
N'étiez-vous pas au rendez-vous lors de l'adoption de la loi tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention ? Voyez que l'on peut s'entendre quand il est question des grands principes. C'est M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois du Sénat, qui a déposé une proposition de loi et permis son adoption rapide. Le texte que j'avais préparé ayant été considéré comme un cavalier, le président Buffet l'a repris – en le reconnaissant d'ailleurs très loyalement. J'ai approuvé l'initiative et le véhicule législatif qui se présentait. Et vous avez adopté ce texte.
Que dire ? Vous dénoncez des conditions de détention indignes de ce pays, puis vous me critiquez lorsque j'essaie de toucher – à la marge – à la détention provisoire. Répétons-le : il n'est pas révolutionnaire de demander au juge de motiver sa décision de maintenir une personne mise en examen en détention provisoire. Si le juge estime que le prévenu doit rester en détention, il y restera. Vous ne pouvez pas me faire le grief d'avoir fixé une durée limite de détention provisoire : je demande seulement au juge de motiver sa décision. Cela vaut-il une telle levée de bouclier, une telle polémique ? Je ne le crois pas. Nous pouvons tous être d'accord sur une telle mesure. Qu'avons-nous à craindre ?
Comme à votre habitude, monsieur Ciotti, vous reprenez la parole et vous refaites tout le programme. Ce n'est pas le lieu pour en discuter.
C'est pourtant mieux dans l'hémicycle qu'à l'extérieur de l'Assemblée !
Mais ça, c'est de la petite politique ! Êtes-vous d'accord avec cet amendement ? Trouvez-vous anormal qu'un juge motive sa décision ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Il ne faudrait pas que les longs échanges du garde des sceaux avec l'extrême droite finissent en syndrome de Stockholm. La pente est déjà prise si j'en juge d'après la suppression des réductions de peine automatiques, l'une des mesures du programme de Mme Le Pen en 2017. Si le garde des sceaux m'ignore et n'écoute pas mon propos, je ne dois pas m'en offusquer car je ne suis qu'un pauvre parlementaire, comme chacun sait.
Murmures sur les bancs du groupe LaREM.
J'ai réussi à capter votre attention, chers collègues, mais toujours pas celle du garde des sceaux.
Bonjour, monsieur le ministre. Allô, allô ? Monsieur le ministre ?
Monsieur Bernalicis, vous avez deux minutes de temps de parole pour présenter votre amendement.
Nous proposons de ramener de huit à quatre mois, le délai butoir prévu en matière de détention provisoire. Puisqu'il est de bon aloi de citer des exemples concrets, je parlerai de tous ceux qui en ont rajouté et fait des caisses à propos de l'attaque scandaleuse de policiers à Viry-Châtillon et de l'enquête tout aussi scandaleuse qui en a résulté : un jeune est resté quatre ans en prison alors qu'il était innocent.
On invoque toujours la sûreté en cas de doute, mais il faut prendre garde à la détention provisoire. Passer à l'ARSE, c'est peut-être le minimum syndical. Oui, il faudrait durcir drastiquement les conditions de mise en détention provisoire, cause principale de la surpopulation en maison d'arrêt puisque 40 % des détenus y sont placés à ce titre. Si M. le ministre veut bien m'accorder un peu d'attention, je propose donc de réduire encore les délais.
L'amendement n° 142 de M. Erwan Balanant est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
Défavorable.
Dites-le nous, monsieur le ministre, si nous vous dérangeons dans votre dialogue avec l'extrême droite. Nous pouvons vous laisser entre vous, sans aucune difficulté. Enfin, cela peut en poser quelques-unes pour le pays. Vous faites preuve d'un irrespect assez flagrant.
La collègue Cécile Untermaier n'a pas eu la parole lors du débat précédent alors qu'elle l'avait demandée. Le collègue Ciotti a levé la main ensuite et il a pu s'exprimer très tranquillement. J'avais aussi levé la main sans obtenir la parole.
Nous avons des choses à dire sur la construction de places de prison. Par exemple, j'aurais pu vous expliquer qu'il y en a eu davantage de construites sous le précédent gouvernement – socialiste – qu'à l'heure actuelle.
Souffrez que l'on puisse s'exprimer dans l'hémicycle, monsieur le garde des sceaux : c'est le lieu où le débat doit se tenir.
Vous m'avez posé une question. J'ai déposé un amendement de suppression : je suis donc opposé à cette mesure. Vous l'habillez de considérations vertueuses que j'entends et respecte, et qui sont recevables, mais je vous oppose le fait que cette logique s'inscrit dans un cadre plus global. Elle est reprise, depuis des années, par ce gouvernement comme par le précédent, et même du temps où nous étions au pouvoir – j'en conviens et c'est pour cela que je n'avais pas voté la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, non pas en raison des dispositions relatives à l'humanisation des prisons, qui étaient très positives, mais à cause de celles relatives au recours systématique à l'aménagement des peines.
De façon générale, vous voulez, tout comme votre administration et l'administration pénitentiaire, limiter le recours à l'emprisonnement. C'est une erreur.
Ce n'est pas vrai !
La prison, c'est le seul moyen dissuasif pour faire reculer la délinquance et la violence qui augmentent dans notre pays.
Quant aux places de prison, vous en avez construit 1 657 depuis l'arrivée du président Macron. En outre, la construction de la plupart d'entre elles avait été décidée précédemment. Durant son quinquennat, le président Hollande en a construit 1 400 ; le président Sarkozy, 7 000. Il y a un petit écart.
Non, non, non !
Nous n'avons pas tout fait parfaitement, mais je doute qu'en un an, vous parviendrez à le combler.
Vous vous livrez par ailleurs à une mise en cause personnelle des élus locaux. Permettez-moi de rappeler que le maire de Nice et moi-même vous avons écrit pour vous proposer la construction d'une nouvelle prison à Grasse.
Je ne parlais pas de Nice !
C'est vous qui l'avez refusée, ce ne sont pas les élus locaux du département des Alpes-Maritimes !
Vous vous sentez visé, mais je ne vous visais pas !
Cet amendement de mon collègue Acquaviva vise à compléter de manière pertinente la liste des mesures alternatives que l'article 5 entend favoriser.
Il tend ainsi à réaffirmer la place du contrôle judiciaire assorti d'obligations socio-éducatives dans la liste des mesures alternatives à la détention provisoire, afin que le juge des libertés et de la détention (JLD) puisse également l'envisager lorsqu'il examine la situation de la personne.
L'amendement n° 730 de M. David Habib est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Il est défavorable. Si l'assignation à résidence sous surveillance électronique n'est pas possible au bout de huit mois – le juge devra alors motiver sa décision –, le contrôle judiciaire assorti d'une obligation de travailler le sera encore moins.
Même avis.
Je ne comprends pas l'argumentation du rapporteur. Cet amendement est très intéressant. Soit la personne est placée en détention provisoire, nous dites-vous, soit elle est assignée à résidence sous surveillance électronique – comme si le caractère électronique de la surveillance était finalement la meilleure des garanties. Bref, en l'absence de surveillance électronique, il n'y aurait pas de surveillance du tout, et par voie de conséquence, les contrôles judiciaires ne serviraient à rien et ne fonctionneraient pas. Cela aboutit à une logique assez étrange : si vous ne pouvez pas mettre de bracelet, alors vous êtes placé en détention provisoire.
Souvent, le principal critère retenu est l'enquête de faisabilité technique qui vise à déterminer si la personne peut concrètement y être soumise. C'est la raison pour laquelle nombre de magistrats préfèrent placer la personne en détention provisoire dès le premier jour, car l'enquête prend trop de temps et ensuite, on ne revient plus sur le dossier. En attendant que le jugement ait lieu, la personne reste donc en prison, peu importe la durée.
Vous fixez la date limite à huit mois, ce qui, j'en conviens encore une fois, est une petite avancée. Mais on pourrait permettre au juge de prononcer d'autres mesures lorsque, à tête reposée, il reconnaît que la dangerosité a été évaluée trop vite au départ et qu'il a opté à la fois pour la ceinture et les bretelles en plaçant la personne en détention provisoire. D'autres modalités permettent en effet de garder la personne sous la main. Je pense qu'il faut mettre cette boîte à outils à la disposition des magistrats et ne pas rester corsetés dans le caractère électronique de la surveillance.
Je serai brève, car il me semble que les débats doivent rester circonscrits au champ du texte et que nous ne pouvons pas consacrer plusieurs dizaines de minutes, comme cela vient d'être le cas, à discuter avec M. Ciotti ou Mme Ménard sur un amendement alors même qu'ils disparaissent ensuite tandis que pour notre part, nous consacrerons encore un certain temps à l'examen de ce texte.
M. Ugo Bernalicis et Mme Sandrine Mörch applaudissent.
Nous ne nous contentons pas d'une apparition pour faire le show sur la question des places de prison – je ne parle pas pour vous, madame Ménard, mais pour M. Ciotti. On ne peut pas monopoliser ainsi la parole : d'autres députés sont là et ce système les décourage de rester plus longtemps.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Vous avez pu constater que je m'étais bornée à défendre cet amendement, car il était identique à celui que venait de présenter M. Castellani. Nous pourrions tous nous appliquer cette règle.
Sur le fond, la réponse de M. le rapporteur est insuffisante, car les alternatives à la détention provisoire ont fait l'objet tout au long de ce quinquennat d'une réflexion très intéressante. Il nous paraissait utile que le JLD puisse embrasser l'ensemble des alternatives ouvertes par la loi avant de décider à nouveau du placement en détention provisoire – sujet sur lequel je soutiens les orientations du garde des sceaux.
Les amendements n° 727 de Mme Nathalie Porte et 150 de M. Éric Diard sont défendus.
Il est issu des recommandations de la Fédération nationale Solidarité femmes – je tenais à le préciser. Il vise à permettre au juge des libertés et de la détention de suspendre le droit de visite et d'hébergement de l'enfant mineur dont bénéficie la personne porteuse d'un bracelet anti-rapprochement dès lors que celle-ci ne respecte pas ses obligations.
Comme cela vient d'être exposé, il vise à donner la possibilité au juge des libertés et de la détention de se prononcer sur la suspension du droit de visite et d'hébergement de l'enfant mineur quand un détenu porteur d'un bracelet anti-rapprochement n'a pas respecté les obligations qui lui incombaient.
Nous vous demandons un geste supplémentaire en faveur de la protection des familles, notamment des enfants, lorsqu'un homme, conjoint ou ex-conjoint, n'a pas respecté les obligations imposées par le juge.
Ces amendements sont satisfaits par le droit en vigueur : si la personne viole les obligations qui lui sont imposées, elle sera interpellée et placée en détention. Par ailleurs, le juge pénal pourra prendre en urgence des mesures de suspension du droit de visite et d'hébergement. Ces dispositions existent déjà dans le périmètre du droit en vigueur. Je vous invite donc à retirer vos amendements ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Même avis : c'est satisfait.
Je reviens sur mes propos précédents. C'est satisfait par la loi, monsieur le garde des sceaux, mais le problème reste celui de l'application. J'ai en tête l'exemple très précis d'une femme qui, à la suite des violences commises par son mari, lequel devait porter un bracelet électronique, avait pu reprendre une vie active normale et s'engager dans des associations. Puis, le conjoint a bénéficié à nouveau d'un droit de visite. À partir de ce moment-là, elle s'est enfermée de nouveau, car elle avait peur de ce contact entre son mari et ses enfants au sein du domicile conjugal.
C'est prévu par la loi, certes, et nous en rediscuterons certainement à la suite de la publication du rapport de la mission d'inspection sur l'affaire de Mérignac ; mais nous devons alerter sur l'application de la législation relative aux violences conjugales. Nous avons voté beaucoup de lois sur ce sujet, mais dans les faits, elles peinent à s'imposer.
J'entends ce que vous dites, monsieur le rapporteur. Mais comme vient de le souligner ma collègue, si beaucoup de dispositions existent dans la loi, dans les faits, c'est toujours aux femmes de se terrer pour éviter les hommes dangereux. Cela commence à bien faire !
Monsieur le garde des sceaux, vous avez sans doute beaucoup plus l'habitude que nous de recevoir des victimes de harcèlement et de violences commises par des hommes. Mais pas plus tard qu'il y a une semaine, une femme est arrivée dans ma permanence dans un état de panique totale, comme une bête piégée et traquée. Il n'est plus possible que ce soit en permanence aux femmes de se terrer face aux hommes violents !
Du reste, ils enfreignent les règles. C'est pourquoi l'amendement vise à suspendre le droit de visite dans ce cas. Il n'est pas possible que le droit en vigueur ne soit pas appliqué. C'est compliqué, c'est vrai, et je suis bien d'accord avec vous : nous devons trouver d'autres solutions, et avant tout des solutions éducatives, pour remettre en cause un patriarcat qui n'est plus du tout acceptable dans la société française. C'est une réalité : aujourd'hui, les femmes qui sont victimes des violences des hommes se terrent et sont en état de panique. Nous ne l'acceptons plus : nos amendements sont peut-être redondants par rapport au droit en vigueur, mais nous ne les retirerons pas.
Je suis saisie de deux amendements identiques, n° 414 rectifié et 731 rectifié .
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement n° 414 rectifié .
Il est suggéré par la fédération Citoyens et justice et vise à favoriser le recours aux mesures socio-éducatives afin de prévenir le renouvellement de l'infraction – nous restons dans le même thème.
À ce jour, l'assignation à résidence sous surveillance électronique est un dispositif qui ne permet pas un accompagnement socio-éducatif du prévenu. Aussi proposons-nous d'inscrire spécifiquement dans le texte la possibilité de soumettre celui-ci à des obligations socio-éducatives, afin d'engager un travail pour traiter certains problèmes, notamment grâce à la mobilisation autour du soin ou la prise en charge psychologique.
L'amendement n° 731 rectifié de M. David Habib est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Je vous invite à retirer ces amendements, car ils sont satisfaits. Une personne placée sous surveillance électronique peut très bien être astreinte à des obligations du contrôle judiciaire, notamment celle de travailler.
Même avis.
C'est exact, monsieur le rapporteur, mais vous savez bien que les magistrats recourent très peu à cette option. C'est pourquoi nous proposons d'inscrire spécifiquement cette possibilité dans le projet de loi.
M. Ugo Bernalicis applaudit.
Les amendements identiques n° 414 rectifié et 731 rectifié ne sont pas adoptés.
Je n'ai pas vocation à défendre systématiquement mes amendements, madame la présidente.
Celui-ci, qui est redondant avec le précédent, vise à mettre le juge en situation de réfléchir sur l'ensemble des alternatives possibles au bracelet électronique ou à la détention provisoire.
L'amendement n° 732 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 5 est adopté.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement n° 665 portant article additionnel après l'article 5.
Il vise à modifier le code de procédure pénale afin de prévoir expressément que le placement en détention provisoire ne peut intervenir qu'en dernier ressort, si aucune autre mesure ne peut être prononcée. Par conséquent, il doit être spécialement motivé.
Pour appuyer mon propos, je reprendrai l'argumentaire développé par le garde des sceaux lors de l'examen de l'article précédent et au sujet de l'ensemble de son projet de loi. Il a en effet insisté sur le fait qu'il est très important, nécessaire, déterminant, essentiel, que les décisions de justice soient motivées. C'est la garantie minimale que nous sommes en droit d'attendre lorsqu'il s'agit d'enfermer, de priver de liberté quelqu'un qui est présumé innocent jusqu'à son procès.
Nous nous honorerions de rappeler cet ordre des choses et que la détention provisoire doit bien être l'exception. Dans le cas contraire, nous continuerons de constater que 40 % des personnes en maison d'arrêt sont des prévenus et que nous sommes en situation de surpopulation carcérale. Sans oublier l'épisode du procès de Viry-Châtillon, qui a dû en choquer plus d'un et à plus d'un titre,…
…compte tenu des actes qui ont été commis et de leur traitement judiciaire que l'on peut qualifier de chaotique.
Dans notre système, les décisions privatives de liberté sont fort heureusement toujours motivées. Avis défavorable.
Même avis.
Vous m'avez mal compris, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre. Un instant : je vais me placer de trois quarts, car le ministre risquerait de me voir s'il se tourne vers moi pour m'écouter… L'objet de cet amendement est de motiver le choix de ne pas recourir aux autres mesures que la détention provisoire, et non celui de cette dernière : la logique est donc un peu différente.
Peut-être cette idée vous paraît-elle symbolique, mais les symboles ont leur importance. Le garde des sceaux le disait lui-même tout à l'heure au sujet de l'allongement des peines encourues en cas de violation du secret de l'enquête : il reconnaissait que cette mesure était symbolique, mais importante, en ce qu'elle donnait un objectif et une direction politique. Je souhaiterais donc qu'il me fasse part de ses arguments pour refuser ma proposition et ne m'oppose pas son seul mépris.
Monsieur Bernalicis, veuillez cesser ces provocations. Dans le cas contraire, je devrai à nouveau vous interrompre comme je le fais à l'instant.
Mais qui provoque ici ? Qui manque de respect à qui ? Attention aux mises en cause personnelles !
L'amendement n° 665 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Catherine Pujol, pour soutenir l'amendement n° 259 .
Afin de rétablir l'autorité légitime des forces de l'ordre, cet amendement vise à élargir le recours au placement en détention provisoire des personnes mises en examen pour des faits de violence à leur encontre ou sur un pompier. Le rétablissement de l'autorité de l'État demande de retrouver une juste fermeté lorsque la violence touche les forces de sécurité ou les pompiers et de rappeler que les risques encourus sont très élevés si on les attaque, et ce dès la procédure de mise en examen.
Cet amendement vise ainsi à inverser la logique actuelle du code de procédure pénale, qui prévoit qu'après une mise en examen, la liberté est la règle et la détention l'exception. Dans les cas de violences sur des forces de sécurité, la détention deviendrait la règle et la liberté l'exception, la rédaction proposée permettant de préserver le principe de personnalisation des peines. Il est en effet intolérable que des forces de l'ordre puissent croiser, quasiment à la sortie de leur bureau, leurs agresseurs libres, en attente de leur jugement.
Cette mesure permettrait en outre de réduire les cas de récidive.
Au lendemain de la mobilisation des policiers, cet amendement tend enfin à réaffirmer que l'État se soucie de la protection immédiate des représentants de l'ordre.
Il est défavorable. Je le répète, les personnes en détention provisoire n'ont pas encore été condamnées. Nous aborderons cette question plus tard, mais lorsque des personnes sont condamnées pour des infractions commises à l'encontre des forces de l'ordre, le régime pénitentiaire leur est plus défavorable que celui qui s'applique aux autres détenus. Et nous allons encore durcir le traitement pénal des personnes qui commettent ce type d'infractions. La commission ne peut donc absolument pas donner un avis favorable à cet amendement.
À ce compte-là, nous pourrions aussi envisager la détention provisoire obligatoire des personnes impliquées dans des affaires de détournement de fonds publics et encourant dix ans d'emprisonnement, vous ne croyez pas ? Qu'est-ce que c'est que cette idée d'une détention provisoire automatique pour des personnes présumées innocentes ? Je ne sais pas si vous vous rendez compte que vous nous vendez du vent, madame !
Tout d'abord, une telle mesure serait inconstitutionnelle. Peut-être devriez-vous être plus attentifs à la Constitution, maintenant que vous allez vous incliner sur la tombe du général de Gaulle à Colombey-les-Deux-Églises – alors que votre parti a été vichyste pendant des années. La Constitution de la V
La détention provisoire automatique, c'est l'effondrement de tout ! Mais je sais que vous êtes prêts à toutes les démagogies. Toutes !
Vous êtes prêts à tout pour surfer sur le moment, sur l'air du temps. De la même manière, il y a une demi-heure – je le rappelle pour les personnes qui n'écoutaient pas encore nos débats sur la chaîne parlementaire, LCP –, vous étiez prête à mettre la presse au pas. C'est extraordinairement inquiétant !
J'ai déjà eu l'honneur de le dire à Mme Le Pen, qui vient très rarement à l'Assemblée nationale : on est ce que l'on dit, on dit ce que l'on est.
Détention provisoire automatique ! Laissez-moi vous dire que le système que vous appelez de vos vœux, c'est la disparition du juge ! Nous n'aurions qu'à insérer une petite carte dans un ordinateur et ce serait suffisant ! Ce serait même chouette, car on ferait des économies. Certains ont supprimé 12 000 postes de policiers, là on supprimerait 8 000 juges : l'automaticité de la détention provisoire, ce serait fabuleux !
Rendez-vous compte de ce que cela signifierait ? Rendez-vous compte de l'hérésie qu'une telle mesure représente ? Rendez-vous compte du sens de vos propos ? Vous êtes un véritable danger pour la démocratie !
Mais on a tout banalisé… C'est Hannah Arendt qui parlait de la banalisation du mal. Au fond, aujourd'hui, on a le droit de tout dire, alors que si un truc pareil avait été dit il y a dix ans, on aurait cru devenir fous. Mais là, tout passe tranquillement ! Allez faire ce type de déclarations sur vos chaînes de prédilection ! Que voulez-vous que je vous dise ? Ça me désespère !
Je souhaite revenir sur l'inventaire à la Prévert qui est fait dans cet amendement s'agissant des différentes forces de l'ordre auxquelles il s'adresse. Pour ma part, j'estime que les atteintes aux personnes sont graves quelle que soit la qualité de la victime. Dès lors, pourquoi ne pas ajouter les soignants à la liste des personnes concernées par cet amendement ? Eux aussi sont régulièrement victimes d'agressions, par exemple dans les services d'urgences, ou, pour ce qui concerne les soignants libéraux, lorsqu'ils se déplacent à domicile. Pourquoi ne pas aussi ajouter les professeurs ou les instituteurs ? Bref, ce qui me paraît incompréhensible dans cet amendement, c'est que l'on y dresse un inventaire à la Prévert qui, finalement, exclut tout le monde.
Il est vrai que cet amendement est tout à fait scandaleux, surtout après ce qui s'est passé dans l'affaire de Viry-Châtillon. Celle-ci devrait faire réfléchir absolument tout le monde. Un jeune a passé quatre ans en prison pour rien ! Pas deux semaines, ni trois jours, mais quatre ans ! Et vous voulez en rajouter en enfermant davantage de personnes présumées innocentes ! Oui, la liberté, c'est la norme, la règle, et l'enfermement, c'est l'exception.
L'exception, elle s'est d'ailleurs largement banalisée, monsieur le ministre, vous qui parliez de la banalisation du mal. À cet égard, j'aimerais que vous discutiez des amendements qui vont dans le sens du progrès avec autant d'ardeur que quand vous répondez à l'extrême droite.
Ce serait intéressant pour le débat public. Mais je ne voudrais pas vous déranger dans votre tête-à-tête ! Je ne sais pas s'il s'agit d'une lune de miel : vous ne donnez tout de même pas l'impression d'être sur la même ligne…
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur Bernalicis, veuillez quitter votre coquille de Calimero et en rester à l'amendement.
Les prises de parole sont libres dans cet hémicycle, madame la présidente. Il y a ce qu'on appelle un règlement de l'Assemblée nationale…
Le règlement, vous passez beaucoup de temps à le brandir, mais vous devriez peut-être le lire !
Si vous souhaitez faire mes interventions à ma place, vous n'avez qu'à venir jusqu'ici et prendre le micro ! Souffrez que je m'exprime !
Mêmes mouvements.
L'amendement n° 259 n'est pas adopté.
Je demande une suspension de séance pour que chacun prenne le temps de réfléchir à l'organisation de nos débats.
À la demande du groupe La France insoumise, la séance est donc suspendue pour cinq minutes.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à onze heures vingt-cinq, est reprise à onze heures trente-cinq.
La séance est reprise.
Je vous remercie, monsieur Bernalicis, pour cette oxygénation nécessaire, qui va nous permettre d'examiner ensemble les 485 amendements restants.
Je serai ici jusqu'au dernier amendement, comme d'habitude, et leur nombre ne me fait pas peur. En revanche, si le ministre passe autant de temps à répondre à l'extrême droite, on risque de ne pas s'en sortir. Mais ainsi va la vie.
L'amendement n° 667 vise à supprimer le mandat de dépôt à effet différé. Je l'ai déjà défendu en commission et ai été étrangement surpris par l'argumentation du ministre, qui nous a expliqué que cette disposition était conçue dans l'intérêt de la personne mise en cause – pour lui permettre, par exemple, de dire au revoir à sa famille.
En réalité, il ne s'agit pas du tout de cela, mais de pouvoir incarcérer davantage, puisque le mandat de dépôt à effet différé s'applique aux peines inférieures à un an, sans possibilité d'aménagement de peine.
Lors de nos échanges, nous nous sommes entendu répondre que si nous étions opposés au mandat de dépôt à effet différé, c'est que nous défendions le mandat de dépôt à la barre – comme s'il n'existait rien entre les deux, comme s'il ne pouvait pas ne pas y avoir de mandat de dépôt à la barre et que la personne ne puisse pas sortir libre, avec convocation sous dix jours devant le juge de l'application des peines, ainsi que le permet le code et que cela se pratique aujourd'hui dans bien des cas !
Cela permet d'ailleurs à la droite et à l'extrême droite de mettre le ministère en accusation, en pointant du doigt les peines non exécutées, puisque, quand le mandat de dépôt n'est pas prononcé à la barre, les peines rentrent dans la catégorie des peines non exécutées.
J'ignore si c'est un artifice statistique pour augmenter le taux d'exécution des peines, mais ce que je sais, c'est qu'à situation égale, le mandat de dépôt à effet différé permet d'incarcérer davantage.
Avis défavorable. Nous avons adopté le mandat de dépôt à effet différé dans la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (LPJ). C'est un outil utile, qui fonctionne bien.
Même avis.
J'avais voté contre dans le projet de loi de programmation, et mon groupe avait déposé un amendement de suppression.
Vous dites que c'est une mesure qui fonctionne bien, mais j'aimerais savoir combien de mandats de dépôt à effet différé sont prononcés, car je ne suis pas sûr que le dispositif soit vraiment utilisé par les magistrats et par les juridictions.
Si l'objectif est simplement de laisser le temps au condamné de préparer ses affaires et dire au revoir à sa famille et à ses proches avant d'être convoqué au greffe du service pénitentiaire et d'être incarcéré pour purger sa peine, il est déjà satisfait en l'état actuel du code de procédure pénale, sans qu'il soit besoin d'instaurer un mandat de dépôt à effet différé.
Encore une fois, ce mandat de dépôt à effet différé empêche, à situation égale, de passer par la procédure d'aménagement de peine, et c'est une énorme différence !
Vous pouvez bien vous gargariser sur les aménagements de peine, qui sont une alternative géniale à l'incarcération et la meilleure façon de prévenir la récidive : en l'occurrence, vous adoptez une mesure dont vous vantez les mérites avec des arguments fallacieux !
C'est insupportable, tout comme est très pénible la stratégie du ministre, qui continue à me tourner ostensiblement le dos et à parler à quelqu'un d'autre ! On a compris, monsieur le ministre, que vous étiez en campagne pour les régionales ; mais moi aussi, tout en haut de cet hémicycle, je suis candidat, et pourtant je m'occupe du texte : c'est une nette différence entre nous deux !
L'amendement n° 667 n'est pas adopté.
L'amendement n° 545 de M. le rapporteur est un amendement de coordination.
L'amendement n° 545 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 729 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'agit de rétablir le texte dans sa rédaction initiale et de rendre à l'audience préparatoire criminelle son caractère facultatif.
Si le fait de donner une assise juridique à ces audiences est une bonne chose, l'ensemble des professionnels que nous avons auditionnés ont cependant déclaré qu'ils ne souhaitaient pas qu'elles deviennent obligatoires, car cela pourrait être chronophage et aboutir au résultat inverse de celui recherché.
Nous souhaitons donc qu'il revienne au président de la cour d'assises de juger si l'audience préparatoire criminelle est nécessaire dans l'affaire concernée ou si elle risque de constituer une perte de temps.
En adoptant un amendement présenté par Dimitri Houbron, la commission a acté le principe d'une audience préparatoire obligatoire, selon des modalités de mise en œuvre assez souples, sur lesquelles nous reviendrons tout à l'heure. C'est donc un avis défavorable, car il nous paraît nécessaire de conserver son caractère obligatoire à cette réunion préparatoire, fort utile.
L'amendement n° 499 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
À l'origine, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés proposait que l'audience préparatoire soit facultative et qu'elle ne se tienne que si tout le monde en était d'accord. C'est le principe inverse, défendu par Dimitri Houbron, qui l'a emporté, c'est-à-dire que l'audience se tiendra sauf si toutes les parties intéressées souhaitent qu'elle n'ait pas lieu.
Cet amendement réconcilie en quelque sorte les deux approches, car nous souhaitons être pragmatiques et ne mettre en œuvre que ce qui est nécessaire. Il propose que l'audience puisse se tenir par tout moyen de communication, quel qu'il soit, y compris par téléphone, afin d'éviter des déplacements inutiles et chronophages.
La parole est à M. Dimitri Houbron, pour soutenir l'amendement n° 528 .
Ces amendements entendent répondre à l'engagement pris en commission des lois de faire en sorte que l'audience préparatoire criminelle, bien qu'obligatoire, ne se transforme pas en perte de temps mais en fasse au contraire gagner, en permettant aux parties de s'entendre au préalable sur les témoins à auditionner, pour éviter à certains de traverser la France sans que cela ait d'intérêt pour l'affaire.
Cela étant, nous avons entendu les arguments de nos amis du MODEM, qui plaidaient pour une procédure simple. D'où cet amendement qui maintient le caractère obligatoire de cette audience tout en assouplissant à l'extrême ses modalités d'organisation.
Avis favorable sur ces amendements de compromis qui maintiennent le caractère obligatoire de l'audience préparatoire criminelle tout en autorisant une mise en œuvre très souple par les acteurs du procès d'assises.
Cet amendement vise à prévoir que l'audience préparatoire criminelle devra rechercher un accord non seulement sur la liste des témoins et experts qui seront cités à l'audience et sur leur ordre de déposition, mais également sur les modalités de leur comparution.
L'amendement n° 615 de M. Pierre Vatin est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Avis défavorable : nous voulons de la souplesse non seulement dans la mise en œuvre, mais également dans la détermination du contenu.
L'alinéa 15 de l'article 6 vient renforcer les conditions de majorité à obtenir en cour d'assises pour obtenir la condamnation d'un prévenu. Je propose par cet amendement de maintenir la condition de majorité à six jurés au lieu de sept.
Les amendements n° 429 de M. Éric Ciotti et 529 de M. Dimitri Houbron sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Avis défavorable, mais je laisse M. le ministre s'exprimer sur un sujet qui lui est cher.
En 2011, le pouvoir en place a diminué le nombre des jurés en premier ressort. Pour la première fois de notre histoire, une décision de culpabilité pouvait être prise sans une majorité absolue de jurés. On a ainsi dénaturé la souveraineté populaire, et j'ai souhaité la rétablir.
On pouvait augmenter le nombre des jurés, mais nous savons qu'il est parfois difficile de les réunir. Cela coûte également de l'argent, mais ce n'est pas vraiment le sujet. Je n'ai pas souhaité bouleverser les équilibres qui avaient été trouvés, j'ai souhaité simplement affirmer que cette juridiction est une juridiction populaire, avec une vraie souveraineté populaire. Voilà pour quelle raison j'ai souhaité qu'il y ait une voix de juré de plus : pour rétablir, au fond, la souveraineté populaire telle qu'on l'avait connue dans notre histoire depuis la création de la cour d'assises. Voilà le sens de cette proposition.
Je voudrais vous dire également que j'ai demandé à une commission composée très majoritairement de magistrats, parmi lesquels de grands présidents de cour d'assises, de travailler sur cette question. Je tiens à rendre hommage au président de cette commission, M. Getti, qui a présidé à la destinée des assises de Paris – notamment – durant de nombreuses années. Il nous est apparu normal que la souveraineté populaire ne soit pas un vain mot.
C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité changer les choses. Les changer à la marge car, je le répète, on aurait pu tout modifier et faire revenir des jurés, mais il aurait également fallu des jurés supplémentaires en cause d'appel, pour qu'il y ait une différence. Je n'ai pas voulu m'attaquer à cela. J'ai simplement voulu réaffirmer les choses telles que nous les connaissons. Le fondement de la cour d'assises est de rappeler que c'est le peuple qui juge, le peuple au nom duquel est rendue la justice de notre pays. Vous savez qu'à la fin de toute décision judiciaire, il est écrit que celle-ci est rendue au nom du peuple français. Quand c'est le peuple français qui est aux manettes, si vous me permettez cette familiarité, il est normal qu'il puisse majoritairement s'exprimer. Avis défavorable à ces amendements.
Je voudrais appuyer l'argumentation qui vient d'être développée par M. le garde des sceaux. Je crois que c'est une excellente chose que de rétablir la majorité des jurés dans la décision de culpabilité qui sera rendue. Cette décision doit appartenir aux jurés, sauf à retirer à la cour d'assises son caractère de justice populaire. Il est vrai que jusqu'à maintenant, on pouvait se contenter d'une minorité de jurés s'agissant des décisions de culpabilité, et c'est une bonne chose que de mettre un terme à cette pratique. C'est la raison pour laquelle notre groupe votera contre ces amendements.
Le groupe Socialistes et apparentés apporte son soutien à ce qu'a dit M. le garde des sceaux ; nous voterons contre ces amendements. Permettez-moi cependant d'observer que ce que vous avez exprimé sur la souveraineté populaire justifie notre opposition à la généralisation des cours criminelles. Mais en ce qui concerne cet article, je tiens à dire que nous sommes tout à fait favorables à ce qui est proposé. Les magistrats ne doivent pas le ressentir comme un geste outrageant à leur égard, mais au contraire comme la prise en considération d'une souveraineté populaire aux côtés des magistrats.
M. Ugo Bernalicis applaudit.
La parole est à M. Antoine Savignat, pour soutenir l'amendement n° 364 .
Dans le même esprit et suivant le même objectif que le dispositif proposé par le Gouvernement, il propose un mode de calcul différent pour renforcer la souveraineté du jury populaire. Nous proposons de ne pas toucher au nombre de six, mais de préciser que la décision doit rassembler au moins quatre jurés. Cela aurait le mérite de rétablir la prépondérance des jurés, puisqu'ils pourraient prendre le dessus sur les magistrats. Quand bien même il n'y aurait pas d'unanimité chez les trois magistrats, les jurés pourraient l'emporter.
Votre système n'est pas possible car la décision est prise à bulletin secret. On ne peut donc pas savoir qui a voté quoi. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 364 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à inverser le prononcé du verdict. L'épilogue d'un procès d'assises peut être un moment assez difficile pour l'accusé et pour la victime, car il est très long et arrive souvent à l'issue d'un procès qui a lui-même été très long.
Dans le système actuel, le président fait d'abord la lecture des textes qui fondent les poursuites, et donc la décision ; c'est parfois très long, et l'usage est de considérer qu'ils sont tenus pour lus, c'est-à-dire que l'on demande aux avocats de renoncer à la lecture de tous les articles. Ensuite, on lit l'énoncé de toutes les questions qui ont été posées à la cour : dans certains procès, dix, vingt, trente ou quarante questions peuvent être énumérées par le président de la cour d'assises. Il faut se dire qu'à ce moment-là, il y a l'accusé dans le box, la victime en face, et que tout le monde est suspendu à l'attente de la décision. Ce n'est qu'au bout de ces longues et longues minutes que le président de la cour d'assises va rendre sa décision. C'est un moment toujours très difficile à appréhender.
L'idée serait de donner la possibilité au président, avec l'accord de l'accusé, d'énoncer le verdict dès le début de son propos.
Si je devais tout dire sur ces moments, il me faudrait des heures, mais je vais me contenter de quelques secondes. C'est sans doute le moment le plus long et le plus mortifère que l'on puisse envisager. La vie des êtres bascule, la vie des victimes et celle des accusés qui, pendant de longues minutes, attendent de savoir ce que sera leur avenir. C'est très lent, la lecture, car on évoque les articles suivant une espèce de cérémonial, je dirais même une liturgie de la cour d'assises, qui est extrêmement pesante. On pourrait la réduire en disant tout de suite quel est le verdict prononcé par la cour d'assises. Les victimes l'attendent.
Une histoire me revient à l'esprit. La cour d'assises énonce qu'elle a répondu négativement à l'ensemble des questions relatives à la culpabilité. Une dame, qui est la mère de l'accusé, ne comprend pas le mot « négativement ». Elle pense que c'est un verdict négatif. Elle tombe dans les pommes. Suspension, non pas de séance, mais d'audience ; il faut la réanimer. Elle découvre ensuite qu'il s'agissait d'un acquittement.
Ce cérémonial est insupportable. On peut dire les choses avec des mots simples, comme on le fait en correctionnelle, où l'on fait venir le prévenu et on lui dit : « Après en avoir délibéré, la cour ou le tribunal a décidé, etc. » C'est cela que je voudrais mettre en place en cour d'assises. Ce n'est pas, là non plus, une révolution, mais pourquoi ne pas faire les choses plus simplement chaque fois qu'on peut le faire ? Avis favorable.
L'amendement n° 544 est adopté.
C'est un amendement de cohérence. Nous avions proposé tout à l'heure de supprimer la capacité de la cour à décerner un mandat de dépôt à effet différé en matière correctionnelle.
C'est incroyable !
Par voie de conséquence, nous proposons de supprimer également cette possibilité en matière criminelle. Je ne sais même pas si elle est très utilisée, car je n'ai toujours pas eu de réponse de la part du garde des sceaux. Il est important de rester dans le cadre prévu par la loi, sans rajouter un nouvel élément permettant d'incarcérer davantage à situation égale.
Encore une fois, je vante les mérites du dispositif que nous avons adopté. Avis défavorable.
Défavorable.
Je comprends les arguments du garde des sceaux et je dois dire que je ne les partage pas. Il a simplement dit qu'il était défavorable à l'amendement, ce qui est bien dommage, car j'aimerais que l'on me dise combien de mandats de dépôt à effet différé ont été décernés depuis que la mesure est en vigueur et à quoi ils ont servi. Concrètement, ils ont pour effet de ne pas permettre au condamné de bénéficier d'un aménagement de peine pour une peine pourtant inférieure à un an. Voilà à quoi va être utilisé le mandat de dépôt à effet différé !
Je le répète, ce n'est pas le mandat de dépôt délivré à la barre, ou rien. Ce n'est pas vrai, ce n'est pas la réalité du fonctionnement des décisions prises à chacune des audiences. Les organisations policières le déplorent parfois, ainsi que l'extrême droite de l'hémicycle, mais ce sont des modalités intéressantes d'exécution de la peine. Celle-ci ne l'est pas, car elle permettra d'incarcérer davantage. Je pensais que ce n'était pas votre objectif politique ; c'est pourtant celui que vous atteignez.
L'amendement n° 666 n'est pas adopté.
L'amendement n° 737 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 6, amendé, est adopté.
Il se fonde sur les articles 98 et 99 du règlement, relatifs à l'examen et au dépôt des amendements.
Je profite de la fin de l'examen de l'article 6 pour demander formellement que l'on revoie l'amendement n° 707 de La France insoumise, qui a été déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution, alors qu'il prévoyait de modifier des dispositions du code de procédure pénale proches du rappel à la loi.
J'aimerais que la même règle soit appliquée à tout le monde. Je ne dis pas qu'il ne faut pas examiner l'amendement du Gouvernement ; cela me ferait grand plaisir d'en discuter, si M. le garde des sceaux daigne répondre. Mais j'aimerais que le nôtre bénéficie d'un traitement égal et que l'on réexamine son irrecevabilité.
L'amendement gouvernemental n° 877 sur le rappel à la loi est similaire à un amendement de M. Pauget. Je prends bonne note de votre question et je vous ferai parvenir une réponse.
L'amendement n° 613 de M. Nicolas Meizonnet, portant article additionnel après l'article 6, est défendu.
L'amendement n° 613 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à expérimenter la présence de jurés populaires dans les tribunaux correctionnels, les tribunaux de police et les tribunaux de commerce, pour élargir le périmètre de la justice auquel les citoyens ont accès afin que la justice soit rendue au nom du peuple français.
Cette histoire vient de loin, puisqu'elle vient de la Révolution française. Il est vrai que sous la période révolutionnaire, ce fut d'abord une mesure de défiance envers les magistrats et le fonctionnement de l'ancien régime. Les jurés étaient aux côtés des magistrats pour s'assurer que la loi soit bien respectée. Nous sommes désormais passés à autre chose, et l'on observe, lorsque les jurés s'impliquent dans un procès, des conséquences tout à fait positives pour eux-mêmes et pour la société, qui en sort grandie collectivement.
Je propose de reprendre l'expérimentation laissée en jachère par le président Sarkozy, qui n'était pas arrivé à l'objectif politique qu'il escomptait. Il espérait en effet que les citoyens jurés aux côtés des magistrats en correctionnelle feraient en sorte que les magistrats soient suffisamment sévères, ce qui est à peu près le contraire de l'objectif visé sous la Révolution française. En réalité, l'histoire profonde et longue est revenue sur le devant de la scène pour le démentir, car que s'est-il passé lors de l'expérimentation de Nicolas Sarkozy ? Les jurés ont été moins sévères que les magistrats en correctionnelle ! Abandon du dispositif, etc.
Ce que je propose, ce n'est pas d'être plus sévère ou moins sévère – ce n'est pas le sujet. Le but est qu'un maximum de nos concitoyens puissent s'impliquer dans l'œuvre de justice de notre pays. C'est là le meilleur moyen de rétablir la confiance dans l'institution judiciaire.
Avis défavorable ; nous avons déjà longuement eu cette discussion en commission.
Même avis.
Je tiendrai bon et continuerai d'argumenter autant que nécessaire. Mon propos trouvera certainement des échos lors de notre discussion sur la généralisation des cours criminelles départementales.
Le titre du projet de loi, quoique présomptueux au vu de son contenu actuel, renvoie à la bonne question : celle de la « confiance dans l'institution judiciaire ». On voit bien que quand nos concitoyens participent activement à l'œuvre de justice, leurs discussions ne sont plus du tout celles du café du commerce.
Je l'avais dit à l'époque : par le fruit du hasard, un de mes proches amis a été tiré au sort pour exercer la fonction de juré au moment où nous examinions le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Il en a été transformé. Toute personne qui a déjà rencontré un ancien juré vous racontera la même expérience – c'est une réalité objective. Il y a là le meilleur moyen de faire progresser la confiance dans la justice.
Certes, encore une fois, cela demande des moyens – il faut établir les listes, organiser le tirage au sort, la procédure est compliquée, tout le monde n'accepte pas d'être désigné et il y a des exceptions à prendre en compte. Je ne dis pas le contraire, mais tout n'est pas toujours simple quand on veut atteindre des objectifs politiques louables.
Si des moyens financiers devaient être alloués, je préférerais qu'ils le soient ici, pour améliorer l'œuvre de justice et l'implication du peuple dans la justice,…
L'amendement n° 668 n'est pas adopté.
Je suis saisie d'un amendement n° 512 tendant à la suppression de l'article 6 bis .
La parole est à M. Pascal Brindeau, pour le soutenir.
Nous avons déjà eu le débat sur la suppression de cet article en commission. Si l'on comprend le souci de simplifier la procédure, la solution est-elle vraiment de diminuer le nombre de renvois aux pôles de l'instruction ? Ne serait-il pas préférable de doter chaque tribunal judiciaire d'un tel pôle ?
On le sait, la collégialité de l'instruction permet parfois d'éviter les erreurs de jugement que peut commettre un juge d'instruction unique. Les grandes erreurs judiciaires qu'a connues notre pays s'expliquent bien par la solitude du juge d'instruction, sans parler des affaires qui restent pendantes des dizaines d'années après le crime.
Vous comprendrez, monsieur Brindeau, que je sois très défavorable à votre amendement, puisque je suis à l'origine de la disposition que vous critiquez aujourd'hui.
L'idéal serait-il que tous les départements, ou en tout cas tous les tribunaux judiciaires, soient dotés d'un pôle de l'instruction ? Ce ne serait pas forcément une bonne chose, car dans certains départements, dont le mien, les affaires criminelles sont trop peu nombreuses pour justifier la présence d'un pôle de l'instruction comptant trois magistrats instructeurs au sein du tribunal judiciaire du chef-lieu. Le dispositif prévu à l'article permet donc d'éviter de renvoyer systématiquement les affaires criminelles qui relèveront demain de la cour criminelle départementale devant le pôle de l'instruction.
La collégialité que les pôles de l'instruction devaient permettre n'a pas fonctionné et lorsque les affaires sont complexes, elles font au mieux l'objet d'une cosaisine. Nous continuerons d'ailleurs à envoyer aux juges du pôle de l'instruction, pour qu'ils s'en cosaisissent, les dossiers qui le méritent, c'est-à-dire ceux qui sortent du cadre ordinaire des affaires criminelles.
Je me félicite de ce dispositif et suis ravi que le garde des sceaux ait suivi ma proposition. Nous gagnerons en proximité judiciaire ; les affaires les plus graves, les affaires criminelles, seront traitées au plus près du lieu où les personnes concernées vivent, du lieu où le crime a été commis.
Bien sûr !
Le dispositif s'inscrit donc bien dans notre souci d'offrir une réponse pénale lisible et qui rétablisse la confiance de nos concitoyens envers l'institution judiciaire. Avis défavorable.
L'amendement n° 512 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Pour ma part, je suis favorable aux pôles de l'instruction. Le vieux débat en la matière, qui a plus de dix ans, a été mené dans la douleur – comme toujours, quand il s'agit de réorganisation, chacun a défendu ses positions. Mais dix ou douze ans après sa création, ce dispositif a plutôt prouvé son utilité et son efficacité, car la collégialité et la cohérence des compétences sont importantes.
Or cet article amènera à revoir tout cela, à faire éclater les pôles de l'instruction. Comme souvent en France, dix ans après avoir pris une mesure, on fait le contraire. De tels allers-retours sont insupportables. Et je ne pense pas que vous mesuriez l'impact de cette disposition adoptée en commission : in fine, 50 %, 60 % voire 80 % des affaires criminelles seront probablement traitées par les tribunaux judiciaires locaux.
Votre but, si j'ai bien compris, est d'éviter que les justiciables, les avocats, etc., n'aient à se déplacer trop loin du lieu où le crime a été commis. On peut le comprendre : il vaut mieux que la justice soit de proximité, plutôt qu'éloignée. Nous pourrions donc aller dans votre sens, mais seulement pour les cas où le département n'est pas doté d'un pôle de l'instruction. Dans les départements disposant de tels pôles, ceux-ci permettent un équilibre plutôt utile – quoique souvent atteint dans la douleur, je le répète – entre les différents tribunaux. Vous devez mesurer l'impact qu'aura la mesure sur la réorganisation des services judiciaires dans tous les départements. À mon avis, celui-ci va vous échapper.
Il faudrait donc préciser que la mesure ne concerne pas les tribunaux judiciaires des départements disposant d'un pôle de l'instruction.
Monsieur Woerth, vous souhaitez réserver la dérogation à la saisine des pôles de l'instruction aux seuls départements qui ne sont pas dotés de tels pôles, pour éviter l'éloignement entre le lieu de l'instruction et le lieu où les personnes concernées vivent, le lieu où les faits ont été commis.
Vous visez donc le cas des départements qui comptent à la fois un tribunal judiciaire avec un juge d'instruction et un pôle de l'instruction. Mais il y en a très peu d'exemples.
Et même pour ces cas, le dispositif reste pertinent. En effet, les tribunaux judiciaires comptant un juge d'instruction ont vocation à connaître des affaires criminelles dites simples. Ce n'est que lorsque les faits sont complexes que les affaires continueront à basculer devant le pôle de l'instruction, pour permettre une cosaisine, c'est-à-dire un double regard sur un dossier d'instruction.
Les pôles de l'instruction sont actuellement surchargés. Allégeons-les de quelques dossiers, qui seront confiés aux juridictions et aux juges d'instruction des tribunaux judiciaires dépourvus de tels pôles. D'ailleurs, ces derniers ne demandent que cela, comme on s'en aperçoit lorsqu'on en discute avec eux : ils regrettent de ne pas pouvoir instruire des affaires criminelles très simples, parfois même beaucoup plus simples que les affaires correctionnelles qui impliquent plusieurs coauteurs comme les trafics de drogue, par exemple.
Le système proposé est efficient et permettra de retrouver un équilibre. Il correspond au souhait des magistrats instructeurs,…
Oui, absolument !
…y compris, je peux vous l'assurer, ceux qui travaillent dans les pôles de l'instruction. Ceux-ci sont sous l'eau, car ils doivent traiter de nombreux dossiers : outre les affaires du tribunal judiciaire auquel ils sont rattachés, ils doivent instruire des affaires criminelles très simples, qui pourraient l'être par le tribunal judiciaire voisin. Je suis donc défavorable à l'amendement, malgré sa pertinence intellectuelle.
Et puis, dans les départements comptant à la fois un tribunal judiciaire doté d'un pôle de l'instruction et un autre qui en est dépourvu, nous envisageons – pourquoi pas – de permettre demain à la cour criminelle départementale de siéger au sein des deux. Une affaire qui aurait défrayé la chronique à cause d'une atteinte à l'ordre public importante et qui relèverait de la circonscription d'un tribunal judiciaire dépourvu d'un pôle de l'instruction pourrait alors être instruite puis jugée par celui-ci, dans le cadre de la cour criminelle départementale. Nous gagnerions ainsi en proximité, ce qui est l'un des objectifs de ce texte.
Monsieur Woerth, je comprends parfaitement le sens de votre amendement, qui est très pertinent. Toutefois, il ressort schématiquement de l'expertise menée par mes services auprès des magistrats que les juges des pôles doivent traiter trop d'affaires criminelles, alors que les juges « hors pôles », si vous me permettez l'expression, n'en traitent aucune et s'en plaignent. Je pense notamment aux affaires criminelles simples. Instruire de telles affaires fait aussi partie de la formation du magistrat.
Cette mesure, qui apporte de l'homogénéité, est extrêmement attendue par les magistrats de notre pays. Je suis donc défavorable à votre amendement, même si j'en comprends les raisons.
Je le répète, beaucoup de magistrats souhaitent traiter des affaires criminelles, et c'est bien compréhensible. Outre que je ne suis pas insensible à leur vœu, il sera utile de répartir les affaires criminelles qui ne seront pas renvoyées devant le pôle.
J'entends bien le propos du rapporteur et du ministre. Je tire toutefois des discussions avec les magistrats que je connais – je peux me tromper, n'ayant évidemment pas la vision nationale du garde des sceaux – le sentiment que nous allons vers la dévitalisation des pôles de l'instruction. Les procureurs – puisque la décision sera entre leurs mains, je pense – garderont les dossiers dans les tribunaux judiciaires de leur ressort – la différence entre dossier simple et compliqué n'est pas si évidente. Cela obligera à muter des juges d'instruction des pôles vers les tribunaux judiciaires n'en disposant pas et à revenir à la répartition des affaires antérieure.
J'ai très peur que cela ne conduise, dans un, deux ou trois ans, à un projet assez simple : supprimer les pôles de l'instruction ou créer ici ou là des pôles spécialisés. C'est un danger : vos bonnes intentions pourraient à terme dévitaliser une réforme qui a plutôt montré son efficacité.
L'amendement n° 344 n'est pas adopté.
L'amendement n° 325 est retiré.
L'amendement n° 461 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 6 bis, amendé, est adopté.
Je suis saisie de quatre amendements identiques portant article additionnel après l'article 6 bis , les n° 784, 547, 625 et 816.
La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l'amendement n° 784 , qui fait l'objet de deux sous-amendements.
Cet amendement a pour objet la création d'un ou plusieurs pôles spécialisés dans le traitement des crimes sériels, complexes ou non élucidés. Comme les amendements identiques déposés par plusieurs députés, il va pleinement dans le sens des préconisations du groupe de travail relatif au traitement judiciaire des affaires non élucidées – appelées dans un anglicisme toujours cruel à mes oreilles cold cases –, des crimes sériels et des autres crimes complexes, créé par la direction des affaires criminelles et des grâces en juillet 2019. Le rapport particulièrement riche qui nous a été remis en mars 2021 comporte vingt-six recommandations, dont certaines exigent de modifier la loi.
Il recommande en effet la centralisation des procédures les plus complexes, afin de favoriser le regroupement des affaires, la spécialisation des magistrats et la réalisation d'investigations sur le parcours de vie de l'auteur présumé.
Grâce à la création d'un pôle spécialisé à compétence nationale ou, si cela apparaît nécessaire, de deux ou trois pôles spécialisés, l'institution judiciaire renforcera son efficacité dans l'élucidation des faits d'une particulière gravité. Cette concentration permettra en effet d'opérer des rapprochements entre les procédures complexes disséminées sur le territoire, liées à des faits sériels ou non élucidés, et d'adapter ainsi la carte judiciaire à ce type de criminalité sans limites géographiques.
Cet amendement reprend de façon plus précise et plus adaptée les dispositions qui figurent à ce stade dans l'article 10 du projet de loi. Il rend les choses plus claires : il ne s'agira pas d'une extension des juridictions interrégionales spécialisées (JIRS).
Enfin, cet amendement prévoit que les empreintes génétiques des victimes de ces crimes pourront être inscrites au fichier national des empreintes génétiques, pour qu'elles y soient conservées aux fins de comparaisons ultérieures, notamment en cas de faits sériels. L'affaire Fourniret démontre l'intérêt d'un tel dispositif – plusieurs ADN correspondant à l'une de ses victimes avaient été mis en évidence sur un matelas lui appartenant.
La parole est à Mme Laurence Vichnievsky, pour soutenir l'amendement n° 547 .
Je tiens à remercier le Gouvernement d'avoir repris, en le précisant et en le complétant, l'amendement d'appel que nous avions déposé en commission – même si vous ne l'avez pas cité, monsieur le garde des sceaux. Cet amendement tendait à créer un tel pôle centralisé, sachant que l'on ne s'interdit pas d'envisager la création d'un ou deux pôles supplémentaires.
Je ne reprends pas les points que vous avez développés, monsieur le ministre. Ce pôle permettra d'être plus efficace. Nous avons bien compris, de même que nos concitoyens, que la justice n'était pas bien armée pour traiter des affaires telles que l'affaire Fourniret.
Il y a environ 300 affaires non élucidées en France. L'idée est de pouvoir croiser les fils et regrouper ces procédures, notamment pour rechercher s'il n'y a pas un modus operandi similaire. Cela va évidemment dans le bon sens et devrait permettre d'élucider au moins une partie de ces affaires.
La création de ce pôle doit aussi permettre un meilleur accueil des victimes, ce qui est un paramètre essentiel. Il sera en outre le point d'entrée des demandes d'entraide, les affaires et crimes de ce type ayant souvent, nous le savons bien, des prolongements internationaux.
Je rends hommage à tous les magistrats, greffiers et avocats qui ont travaillé sur cette question. Saisie du sujet par le doyen des juges d'instruction de Paris, j'ai pu, grâce à eux, préparer cet amendement, qui a été retravaillé par le Gouvernement.
La parole est à M. Dimitri Houbron, pour soutenir l'amendement n° 625 .
Je tiens à mon tour à remercier le Gouvernement de traduire, par voie d'amendement, l'ambition formulée par notre collègue Laurence Vichnievsky, que je salue pour son travail sur cette question très spécifique. Le groupe Agir ensemble est ravi de soutenir, aux côtés des autres groupes de la majorité, la création d'un pôle national pour les crimes sériels ; elle nous paraît indispensable dans la société actuelle. Nous nous réjouissons de cette évolution, qui sera inscrite dans ce projet de loi.
Je salue moi aussi le travail réalisé par notre collègue Laurence Vichnievsky, en lien avec les services de la Chancellerie, le garde des sceaux ayant apporté son soutien à ces dispositions.
Je salue également le travail de Mme la juge Sabine Kheris, de sa greffière Valérie Duby et de maîtres Corinne Herrmann et Didier Seban, qui ont su nous faire part, avec beaucoup de conviction et de pugnacité, des difficultés liées au traitement des crimes sériels.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir les sous-amendements n° 858 rectifié et 859 rectifié , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
Favorable.
Je suis favorable à la création de cette juridiction spécialisée, même si elle ne pourra pas, on le sait, résoudre totalement l'équation. Nous l'avons constaté avec la création de la JUNALCO, la juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée, puisque l'effectif est demeuré constant : ils étaient auparavant vingt à Paris ; ils sont désormais treize d'un côté et sept de l'autre. En tout cas, la création d'une juridiction spécialisée, qui permettra de regrouper des affaires au même endroit, ne nous pose pas de difficulté.
Néanmoins, une question de fond se pose : une réorganisation est-elle prévue côté ministère de l'intérieur, afin que l'on dispose d'effectifs dédiés, par exemple d'un office central particulier, en regard de cette nouvelle juridiction spécialisée ? En effet, il faudra bien que les enquêtes soient conduites et les investigations, réalisées. Côté justice, l'idée de recourir à des assistants spécialisés ne nous pose évidemment pas de difficulté. Mais comment les choses vont-elles se passer côté intérieur ? Ira-t-on jusqu'au bout de la logique ? J'aimerais avoir des indications à ce sujet de la part du Gouvernement.
Je relève – ce n'est pas une pique de ma part – que M6 diffusera prochainement une émission consacrée aux crimes sériels non résolus, ces fameux cold cases, à laquelle participeront les ministères de l'intérieur et de la justice. Cela entre-t-il dans le cadre que nous évoquons ? Je souhaiterais à tout le moins qu'il y ait, aux côtés de cette nouvelle juridiction, des services d'enquête adaptés. Un plan de communication peut être utile, notamment pour trouver des témoins, mais je suis un peu surpris par la manière dont les choses sont faites dans cette émission.
Je souhaite dire à mon tour tout le bien que nous pensons de ce dispositif. Au nom du groupe Les Républicains, je remercie Mme Vichnievsky d'avoir mené à bien ce travail et le Gouvernement de l'avoir repris. Si la création de cette nouvelle juridiction permet à des familles de voir l'élucidation de faits jusque-là inexpliqués, inexplicables et incompris, nous ne pourrons bien évidemment que nous réjouir du résultat obtenu.
Les sous-amendements n° 858 rectifié et 859 rectifié , successivement mis aux voix, sont adoptés.
Je suis saisie de quatorze amendements identiques, n° 4 , 22 , 37 , 46 , 123 , 228 , 335 , 358 , 401 , 500 , 617 , 670 , 687 et 813 , tendant à supprimer l'article 7.
Les amendements n° 4 de Mme Emmanuelle Anthoine, 22 de M. Emmanuel Maquet, 37 de M. Fabien Di Filippo et 46 de Mme Marie-George Buffet sont défendus.
La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir l'amendement n° 123 .
L'article 7 nous pose question, sur le fond et sur la forme. En effet, l'instauration des cours criminelles départementales était prévue, par l'article 63 de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, pour une durée expérimentale de trois ans. L'article 63 prévoyait en outre qu'une évaluation serait conduite, à terme, pour permettre au législateur de décider de la généralisation ou non de ces cours criminelles.
Or il apparaît que la durée n'est pas arrivée à son terme. De plus, le Gouvernement n'a pas fourni la fameuse évaluation en question. Dans son avis sur le projet de loi, publié le 14 avril dernier, le Conseil d'État s'est d'ailleurs inquiété que le dispositif des cours criminelles soit généralisé « sans avoir donné lieu à l'évaluation qui était prévue et qui est nécessaire pour permettre au législateur de procéder à cette généralisation en disposant des éléments nécessaires à son appréciation ».
J'en viens au fond. D'après vos explications, monsieur le garde des sceaux, le moindre taux d'appel attesterait que ces cours donnent satisfaction aux parties aux procès. Pourtant, le taux d'appel ne peut traduire un taux de satisfaction. Ainsi, un condamné peut renoncer à l'appel parce qu'il considère que sa condamnation a des chances d'être inférieure à celle qu'il obtiendrait en appel, face à un jury populaire par exemple.
Par ailleurs, la moindre requalification des crimes en délits, notamment pour les infractions sexuelles, ne saurait justifier que l'on renonce aux jurys populaires. Quant à l'accélération des procédures, elle ne peut pas non plus constituer un argument.
La justice est rendue au nom du peuple français. Dès lors, il paraît surprenant d'exclure les jurys populaires, en première instance, de près de 60 % des affaires criminelles.
Cet amendement vise à supprimer l'article 7. D'une part, en prévoyant la généralisation des cours criminelles sans évaluation préalable, il méconnaît les dispositions de l'article 63 de la loi du 23 mars 2019. D'autre part, il tend à réduire le recours aux jurys populaires en première instance.
Je demande moi aussi la suppression de l'article 7, qui vise à généraliser les cours criminelles départementales créées à titre expérimental par l'ancienne garde des sceaux, Nicole Belloubet.
En effet, cette mesure mettra fin à la tradition des jurys populaires dans les cours d'assises. Ces jurys sont pourtant un symbole fort du fait que la justice est rendue au nom du peuple français. Selon moi, le remplacement des jurés par des magistrats professionnels ne fera qu'éloigner un peu plus la justice des citoyens, alors qu'elle en est déjà de plus en plus incomprise. Cela donnera l'image d'une justice assez technocratique, déconnectée du peuple qu'elle est censée représenter.
Je trouve cette mesure d'autant plus incompréhensible qu'elle détonne dans le contexte actuel et par rapport à la politique du Gouvernement et de la majorité, qui multiplient les forums et les conventions citoyennes. On fait participer les citoyens par tirage au sort partout, sauf dans les cours d'assises pour rendre justice, alors que cette tradition remonte à la Révolution.
Il vise, de même, à supprimer l'article 7.
Monsieur le garde des sceaux, vous avez rappelé à plusieurs reprises qu'avant de devenir ministre de la justice, vous étiez très opposé au principe des cours criminelles départementales, mais que vous aviez changé d'avis. Bien évidemment, personne ne peut reprocher à quelqu'un de changer d'avis en tenant compte de l'évolution de la situation.
Convenez cependant que le dispositif des cours criminelles départementales avait été prévu à titre expérimental, pour trois ans et dans un nombre restreint de territoires, et qu'il avait vocation à être évalué dans la durée afin que l'on se prononce sur l'opportunité de le généraliser.
D'après les évaluations réalisées à ce stade et les remontées de terrain, dites-vous, le dispositif donnerait satisfaction sur plusieurs points : le taux d'appel serait moindre ; on éviterait la correctionnalisation de certaines affaires, notamment d'affaires de viol.
Ce qui nous gêne, c'est la précipitation avec laquelle vous entendez le généraliser, sans doute en raison du calendrier d'examen de ce projet de loi, qui est plus global. Sur cette question comme sur d'autres, nous aurions pu prendre le temps nécessaire pour aller au bout de l'expérimentation et en valider les bienfaits, avant d'imaginer sa généralisation et d'en tirer les conséquences pour l'organisation des juridictions, y compris en ce qui concerne les moyens humains – à savoir les magistrats et personnels de justice qu'il conviendrait de mettre à la disposition des cours criminelles départementales.
Un article suivant du projet de loi prévoit d'ailleurs que l'on puisse compléter le dispositif en faisant appel à des magistrats exerçant à titre temporaire, voire à des avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles. On évitera ainsi que la généralisation des cours criminelles départementales ne tourne à une problématique d'organisation et de moyens dans les tribunaux !
Nous ne demandons pas l'arrêt de l'expérimentation, mais nous nous opposons à sa généralisation dès maintenant.
Nous nous opposons nous aussi à la généralisation des cours criminelles départementales. Nous étions d'ailleurs défavorables à l'expérimentation, et nos convictions n'ont pas changé en la matière ; nos arguments demeurent similaires.
Nous sommes favorables à une extension du nombre d'endroits et de moments où le peuple est directement associé, par le biais des jurés, à l'œuvre de justice. Or les cours criminelles départementales réduiront le nombre de procès d'assises. C'est d'ailleurs une partie de leur objectif, qui est double : moins de correctionnalisation et moins de procès d'assises. Ces derniers, montrés du doigt pour leur longueur et le délai d'obtention d'une date d'audience, sont la cible première.
Aucune évaluation n'a cependant été faite concernant la perte des jurés. Ceux qui ne siégeront pas dans les futures assises – qui n'existeront plus – n'ont pas été interrogés. Les anciens jurés n'ont pas non plus été auditionnés aux fins de recueillir leur avis sur une formation de jugement composée de cinq magistrats professionnels. J'ai évoqué tout à l'heure l'histoire de la naissance des jurés sous la Révolution française ; nous avons d'ailleurs conclu qu'il fallait revenir à une vraie souveraineté populaire dans la décision, en passant à une majorité de sept au lieu de six. A contrario, l'article 7 estime que cinq magistrats professionnels, c'est bien suffisant.
Je ne sais pas sur quel pied vous voulez danser : vous êtes parfois pro-jurés, même si vous en voulez moins, et parfois en faveur de magistrats professionnels. Je ne comprends pas la logique, si ce n'est celle de la gestion de flux, que je désapprouve. Si vous voulez mieux gérer les flux, augmentez les moyens et remplissez au maximum l'École nationale de la magistrature : ce serait déjà un bon début !
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement n° 687 .
Je serai très rapide, pour ne pas allonger les débats sur ce sujet, dont nous avons déjà beaucoup discuté en commission des lois. Comme je l'ai dit lors de la présentation de la motion de rejet préalable, de nombreux députés, sur tous les bancs de l'opposition, manifestent leur désaccord avec une généralisation aussi rapide et leur volonté de sauvegarder les cours d'assises, certes réformées et simplifiées, mais toujours avec un jury populaire.
L'expérimentation de la cour criminelle départementale a été votée en 2019, au moment de la LPJ. Je l'ai dit en commission : si cela n'avait pas été une expérimentation, je ne suis pas certain que j'aurais voté en sa faveur, parce que je suis viscéralement attaché à la cour d'assises, comme beaucoup d'entre vous, en particulier les praticiens. J'ai toujours dit que je ne serai pas le fossoyeur de la cour d'assises.
L'expérimentation a été lancée pour essayer de surmonter une difficulté. La situation des cours d'assises est la suivante : treize mois de stock d'affaires et jusqu'à quarante mois de délai pour qu'une affaire soit audiencée. Pendant ce temps, les détentions provisoires sont très longues pour ceux qui sont présumés innocents et les victimes demeurent dans l'attente d'un jugement qui les reconnaîtra dans leur statut de victimes. Parfois, des dossiers qui mériteraient de passer en cour d'assises sont réorientés, par le biais de la correctionnalisation, vers des tribunaux correctionnels parce que c'est plus rapide. Il s'agit très souvent d'affaires de viols. Voilà la situation à laquelle nous avons essayé d'apporter une solution.
L'expérimentation n'est pas aboutie. Factuellement, c'est vrai : nous ne sommes pas arrivés au terme des trois années prévues. M. Brindeau a bien identifié la difficulté : nous avons aujourd'hui un véhicule législatif ; si nous ne prenons pas de décision dans ce cadre, dans un an nous ne pourrons plus orienter les dossiers sortant de l'instruction vers la cour criminelle départementale. Il faut donc trouver une solution d'ici là. Si la cour criminelle départementale est une bonne chose, il faut d'ores et déjà la pérenniser ; sinon, à moins de prolonger l'expérimentation, nous nous retrouverons en difficulté. Il arrive souvent que des expérimentations soient prolongées, mais dans le cas présent, il s'agirait de prolonger, à moyen voire à long terme, une situation qui n'est pas très satisfaisante, puisque pour des faits criminels similaires, nous avons sur le territoire deux traitements judiciaires différents. Nous ne pouvons donc pas nous permettre de poursuivre trop longtemps cette expérimentation qui traite différemment des gens en fonction du lieu où le crime a été commis.
Avec ce texte, nous souhaitons pérenniser la cour criminelle départementale. Nous ne le faisons pas au doigt mouillé, mais sur la base de plusieurs évaluations. J'ai réalisé l'une d'entre elles, en tant que rapporteur d'une mission flash ; j'étais accompagné par Antoine Savignat. Celui-ci pourra s'exprimer à ce sujet, mais il est intéressant de le citer, parce qu'il était farouchement hostile à la cour criminelle départementale lors de l'examen de la LPJ. Après avoir auditionné les acteurs de ces procès dans le cadre de cette mission, il peut désormais dire très objectivement que c'est une procédure pertinente, que cette juridiction a trouvé sa place et qu'elle a vocation à être pérennisée.
Madame Untermaier, monsieur Bernalicis, je reconnais qu'avec Antoine Savignat, nous n'avons pas auditionné tous les avocats ni tous les magistrats de France. Mais nous avons auditionné des avocats qui ont plaidé devant une cour criminelle départementale et des magistrats qui y ont siégé, ce qui me paraît intéressant. J'entends les critiques sur le système que nous voulons pérenniser, mais elles émanent parfois de gens qui n'ont jamais mis les pieds ni siégé dans une cour criminelle départementale. Les a priori sont légitimes, parce qu'on peut être, par principe, viscéralement attaché aux jurys populaires ; mais nous avons essayé de nous forger une conviction à partir de ceux qui ont vécu l'expérience et qui font vivre les cours criminelles départementales. Nous avons même été plus loin que les auditions : nous nous sommes immergés dans des procès de cour criminelle départementale, sur le banc. Nous avons pu voir comment l'accusé et la victime étaient traités, comment le président faisait vivre l'audience et comment les avocats pouvaient assister au mieux leurs clients. Nous nous sommes rendu compte que ce n'était pas une justice au rabais. Ce n'est pas un super-tribunal correctionnel ni une sous-cour d'assises, mais une juridiction à part entière, qui traite des crimes dans un cadre convenu et solennel, en prenant le temps de juger de manière très qualitative.
Avec Antoine Savignat, nous avons noté les bonnes pratiques et les différents points à pérenniser dans le cadre de ce projet de loi. Nous avons fait voter en commission deux principes auxquels nous sommes très attachés pour conserver la qualité de la justice rendue par les cours criminelles départementales. Premièrement, l'oralité des débats. La cour d'assises est un lieu où se tiennent des débats, dans un cadre où l'oralité est le principe. Il faut conserver ce principe devant les cours criminelles départementales, c'est le gage d'une bonne qualité de justice. Nous l'avons inscrit dans le projet de loi : le principe de l'oralité des débats y sera de mise.
Deuxièmement, si l'oralité des débats vit en pratique devant les cours criminelles départementales, c'est parce qu'elles sont présidées par des présidents de cours d'assises. Ces derniers doivent continuer à les présider – c'est là aussi un gage de bonne justice. Voilà ce que nous avons voté en commission.
Je vous ai présenté le bilan qu'Antoine Savignat et moi-même avons tiré de cette expérimentation. Il figure dans notre rapport, sur la base duquel nous avons déposé des amendements et amélioré le texte proposé par le Gouvernement. Le rapport Getti recoupe nos conclusions à 90 %. M. Jean-Pierre Getti n'est pas n'importe qui : c'est un grand président de cour d'assises, désormais magistrat honoraire, rompu à la procédure pénale, aux procédures criminelles et à la cour d'assises. Dans son rapport, il dit avec d'autres professionnels du droit que la cour criminelle départementale fonctionne, rend une justice de très bonne qualité, et présente un intérêt par rapport aux objectifs qui lui ont été assignés.
Les services de la Chancellerie viennent également de publier un rapport, établi par Mme Anne-Marie Gallen, désormais accessible sur le site du ministère de la justice. Ses conclusions sont identiques : les cours criminelles départementales rendent une justice de qualité, efficace dans le service rendu à nos concitoyens. Dans son rapport, Mme Gallen indique que les délais de jugement devant les cours criminelles départementales sont de dix mois, alors qu'ils sont deux à trois fois plus longs devant la cour d'assises ; ce seul point constitue un critère qualitatif que nous devons prendre en considération. Être jugé en dix mois, alors qu'on l'était en vingt, voire trente, devant la cour d'assises, c'est essentiel, pour l'accusé comme pour la victime.
Je ne sais pas si « taux de satisfaction » est le vocable adéquat, mais le taux d'appel des arrêts rendus par la cour d'assises est de 32 %, alors que celui des arrêts rendus par une cour criminelle départementale est de 21 %. C'est un élément important qui doit être pris en considération dans notre analyse de ce texte.
Voilà les explications que je voulais vous fournir. La cour d'assises continuera à exister ; elle reste la juridiction des crimes les plus graves, pour lesquels les peines encourues dépassent vingt ans de réclusion criminelle. Lorsqu'il y aura appel d'une décision rendue par une cour criminelle départementale en première instance, c'est la cour d'assises qui l'examinera. Avec le dispositif présenté par le garde des sceaux, relatif à la majorité qualifiée requise pour prononcer la culpabilité entraînant une condamnation pour celui qui comparaît devant la cour d'assises, désormais fixée à sept au lieu de six, on voit bien la volonté d'affirmer encore plus ce que doivent être la cour d'assises et l'expression de la souveraineté populaire.
Mme Laetitia Avia applaudit.
Entre la cour criminelle départementale et la cour d'assises, nous avons dans les pôles criminels un dispositif cohérent et efficient, qui améliorera la qualité de la justice et qui restaurera la confiance, conformément à l'objectif que nous nous sommes assigné.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
M. le rapporteur a été particulièrement complet et je n'ai rien à ajouter.
Un tout petit mot peut-être. Les infractions à la législation sur les stupéfiants qualifiées criminelles ne sont pas jugées par le jury populaire, pas davantage que les infractions terroristes criminelles.
J'avais des craintes à l'encontre de la cour criminelle départementale. Parce que je veux être réaliste et que je ne suis pas ici pour concrétiser ma fantasmagorie d'ancien avocat, je suis contraint de reconnaître son bon fonctionnement. J'ai regardé les choses avec beaucoup d'objectivité, j'ai pris connaissance du rapport parlementaire et de celui de M. Getti – qui est un grand président de cour d'assises –, assisté de nombreux magistrats. L'expérimentation fonctionne depuis septembre 2019 et nous ne pouvons conserver deux systèmes criminels. Il faut homogénéiser, et ce vecteur législatif nous en fournit l'occasion.
Je voudrais vous dire également que le taux d'acquittement est identique – 6 % – dans les cours criminelles départementales et les cours d'assises.
Pour les infractions les plus graves, les Français comparaîtront toujours devant la cour d'assises, et – c'est très important – elle demeurera la juridiction d'appel des cours criminelles départementales.
Je n'ajouterai qu'un point : cette mesure résout le grave problème de la correctionnalisation des viols, très mal ressentie par les victimes. Parfois, disons-le, la juridiction correctionnelle est aussi sévère que l'aurait été la juridiction criminelle. Néanmoins, dire qu'un viol n'en est pas un à cause d'une embolie de la juridiction est une position qui est symboliquement extraordinairement difficile à tenir.
Lors de l'examen de la proposition de loi Billon visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste, nous avons créé de nouveaux crimes, qui seront jugés par les cours départementales. Là encore, il existe un risque d'embolisation.
Dans le cadre de cette juridiction, les délais sont beaucoup, beaucoup plus rapides, ce qui n'est pas rien. La fluidité participe à la proximité. Nos compatriotes ont du mal à comprendre qu'il faille parfois attendre quarante mois une audience de cour d'assises.
Il faut prendre tous ces éléments en considération. Je n'ai pas souhaité démolir, parce que je veux construire. On m'a beaucoup reproché les propos que j'ai tenus ; je ne les renie aucunement. Beaucoup d'avocats également parlementaires ont dit comme moi qu'ils avaient craint un moment la disparition de la cour d'assises. C'est pourquoi je réaffirme son importance, en tant que manifestation de la pleine souveraineté populaire.
J'émets donc un avis défavorable à ces amendements de suppression. Qu'on le veuille ou non, cette juridiction, objectivement, fonctionne bien. L'idée n'est pas de démolir, mais de pérenniser un dispositif qui fonctionne. Voilà pourquoi je souhaite que la cour criminelle départementale soit pérennisée.
J'ai fait partie de ceux qui ont défendu la création des cours criminelles départementales lors de l'examen du projet de loi de programmation et de réforme pour la justice défendu par Mme Belloubet. Un signe favorable a accompagné le lancement de cette expérimentation : beaucoup de juridictions ont demandé à y participer. Le rapport de Stéphane Mazars et Antoine Savignat a confirmé que ces cours constituaient un outil efficace pour juger avec solennité de nombreux crimes punis de quinze ou vingt ans de réclusion criminelle dans des délais raisonnables et acceptables. Cinq magistrats professionnels y siègent. Nous savons désormais que ces juridictions ont rendu des décisions sans doute moins empreintes d'aléas que celles des cours d'assises, et par ailleurs mieux comprises. Le « taux de satisfaction » – même si ce n'est pas le bon vocable – l'illustre.
Une justice de qualité, professionnelle, solennelle, plus rapide, qui répond mieux aux attentes des victimes et évite la correctionnalisation des viols, à laquelle tous les professionnels sont opposés, mais qui était indispensable : notre groupe ne votera pas ces amendements de suppression.
Je maintiens qu'il faudrait augmenter les occasions pour des jurés de s'impliquer dans des procès plutôt que de les réduire. Encore une fois, cela n'a rien à voir avec l'expression d'une confiance ou d'une défiance à l'égard des magistrats : là n'est pas le sujet. Il s'agit de rétablir la confiance dans l'institution judiciaire et de faire en sorte que le plus grand nombre s'y implique.
La cour criminelle départementale se heurtera à des écueils. Tous les retours ne sont pas si positifs ; certains le sont, d'autres moins, je n'entrerai pas dans ce débat. La célérité avec laquelle le ministère de la justice publie un rapport pour défendre l'article 7 laisse penser que le bilan n'est pas si net.
Le rapport de MM. Mazars et Savignat explique qu'une des conditions du bon fonctionnement de la cour criminelle départementale est que le président soit par ailleurs président de cour d'assises. Ce critère garantit la bonne tenue des procès, leur qualité et l'oralité des débats. Mais en généralisant les cours criminelles départementales, donc en réduisant le nombre d'audiences de cours d'assises, vous allez assécher le vivier. Mécaniquement, de nouvelles générations de présidents de cour criminelle départementale n'auront jamais présidé de cour d'assises. Vos garanties sont donc assez maigres et fragiles. En outre, il faut cinq magistrats professionnels pour siéger. On voit bien à la lecture des articles suivants, qui évoquent la présence de magistrats honoraires et temporaires, que vous aurez des difficultés à constituer ces collèges. Pour toutes ces raisons, il me semble plus raisonnable d'en rester au dispositif de la cour d'assises et de lui assigner des moyens supplémentaires.
Il ne s'agit pas de savoir si les cours criminelles départementales sont pertinentes. Le raisonnement qui a prévalu lors de l'examen du projet de loi de programmation et de réforme pour la justice en 2019 est toujours valable : le Parlement, dans son immense sagesse, a alors décidé de mener une expérimentation pendant trois ans, et envisagé de généraliser le dispositif en 2022 si elle s'avérait positive. Au milieu du gué, probablement à la faveur d'un véhicule législatif, on décide de considérer que le retour d'expérience est suffisant et de généraliser les cours criminelles départementales.
J'en reste à l'avis du Conseil État : « Si les auteurs de ces rapports convergent pour constater que les professionnels et les acteurs du procès criminel considèrent que les premiers résultats de l'expérimentation sont positifs, ils estiment manquer de recul pour apprécier de manière probante les effets de l'expérimentation. » Pourquoi généraliser aujourd'hui un dispositif, alors que l'on a décidé il y a dix-huit mois qu'il devait cheminer tranquillement avant d'être pérennisé et généralisé, puisque, d'une certaine manière, il opère une révolution ? Nous considérons qu'il faut d'abord mener l'expérimentation à son terme.
Tout à fait : c'est pourquoi je veux à mon tour vous parler de Stéphane Mazars .
Sourires
Plus sérieusement, à peu près tout a été dit sur le sujet. À la différence du rapporteur, j'étais foncièrement opposé à ce dispositif, car je pensais qu'il entraînerait la mort de la cour d'assises. Comme je l'ai dit en long, en large et en travers lors des débats, j'étais aussi contre son caractère expérimental, car la justice doit être rendue de la même manière sur tout le territoire. Je ne peux donc que me réjouir que cette juridiction ne soit plus expérimentale, mais généralisée, d'autant que tous les retours que nous avons sont très favorables.
Pour les professionnels comme pour les justiciables, il s'agit d'un bon système. Si nous ne légiférons pas aujourd'hui, nous nous retrouverons le bec dans l'eau en mai 2022, comme l'a souligné M. le rapporteur. En effet, nous ne pourrons plus audiencer devant les cours criminelles.
Contrairement à ce qu'affirmait M. Bernalicis, nous n'aurons pas moins d'assises, mais plus de criminels. À mon sens, le simple fait d'échapper au détournement du système qu'était la correctionnalisation des viols, en apportant aux victimes une réponse sous la forme d'une bonne qualification, constitue un élément fondamental en faveur de l'adoption du dispositif.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 57
Nombre de suffrages exprimés 54
Majorité absolue 28
Pour l'adoption 7
Contre 47
Les amendements identiques n° 334 de M. Stéphane Viry, 576 de M. Aurélien Taché, 619 de M. Pierre Vatin et 802 de M. Pierre Morel-À-L'Huissier sont défendus.
L'amendement n° 462 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il est issu d'une réflexion tarnaise : ma collègue Muriel Roques-Etienne a déposé un amendement identique. Certains départements comportent plusieurs tribunaux judiciaires. Lors de l'expérimentation des cours criminelles départementales, nous nous étions demandé s'il serait possible que leurs audiences ne se déroulent pas dans le tribunal où siège la cour d'assises, mais dans d'autres tribunaux judiciaires, afin de concourir à une justice de proximité.
L'expérimentation a montré que ce dispositif contribuera à permettre de juger les gens au plus près de leur juridiction, à quoi il faut ajouter que l'adoption du texte entraînera des progrès dans le domaine de l'instruction. Autoriser les cours criminelles départementales à siéger dans un autre tribunal judiciaire que la cour d'assises favorisera une meilleure répartition de la justice de proximité, notamment dans les départements comme le Tarn – où l'activité pénale du nord et celle du sud sont sensiblement équivalentes. Cela permettra également à la cour d'assises de siéger en même temps que la cour criminelle départementale, pour rendre une justice de proximité, plus efficace.
La parole est à M. Dimitri Houbron, pour soutenir l'amendement n° 530 .
Une nouvelle fois, le groupe Agir ensemble soutient la proposition que nos collègues ont émise lors de l'examen en commission. Il s'agit d'une mesure de bon sens, qui apporte de la souplesse à l'organisation judiciaire en autorisant les cours criminelles départementales à siéger dans d'autres tribunaux judiciaires que les cours d'assises. À nos yeux, cette mesure favorisera la bonne organisation de la justice.
L'amendement n° 817 de Mme Muriel Roques-Etienne est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?
Avis favorable. Deux députés tarnais du groupe LaREM, M. Terlier et Mme Roques-Etienne, sont en effet à l'initiative de cette mesure, puisqu'ils ont rédigé ces amendements identiques. Cette mesure s'inscrit dans le droit fil de la volonté manifestée par le garde des sceaux depuis sa nomination, à savoir rendre la justice plus proche dans nos territoires.
L'exemple du Tarn est criant. Il compte deux tribunaux judiciaires, à Albi et à Castres. La cour d'assises siège à Albi ; on peut très bien imaginer qu'il en aille de même de la cour criminelle départementale, mais on peut aussi envisager qu'elle siège également à Castres. On peut même penser qu'il est plus logique de juger à Castres des affaires qui y ont gravement troublé l'ordre public. Avec le retour de la possibilité de procéder à l'instruction de certaines affaires criminelles dans les territoires dépourvus de pôles de l'instruction, la volonté affichée par le Gouvernement d'assurer les services publics au plus près de nos concitoyens marque des points.
Vive le département du Tarn ! Ces amendements sont le résultat du très beau travail collectif entrepris par M. Jean Terlier, Mme Muriel Roques-Etienne et, bien sûr, M. Dimitri Houbron – n'oublions pas le Nord ! Cette proposition va évidemment dans le bon sens. Je ne puis que donner un avis favorable.
Sur l'article 7, je suis saisie par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Les amendements n° 411 de Mme Sylvia Pinel et 745 de Mme Nathalie Porte, pouvant être soumis à une discussion commune, sont défendus.
L'amendement n° 463 de M. le rapporteur est un amendement de coordination.
L'amendement n° 463 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 747 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 35
Nombre de suffrages exprimés 35
Majorité absolue 18
Pour l'adoption 34
Contre 1
L'article 7, amendé, est adopté.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi et du projet de loi organique pour la confiance dans l'institution judiciaire.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra