Intervention de Michel Larive

Séance en hémicycle du jeudi 20 mai 2021 à 9h00
Modernisation des outils et gouvernance de la fondation du patrimoine — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Larive :

Créée il y a plus de vingt ans, la Fondation du patrimoine a pour mission de contribuer à la préservation et à la réhabilitation du patrimoine de notre pays, en particulier dans les territoires ruraux, dont je suis un représentant. Elle est déjà intervenue pour plus de 30 000 projets. En Ariège par exemple, elle a participé notamment à la restauration de l'église de Laroque-d'Olmes, à celle du clocher de Noguès à Lescure ou encore à la réalisation du parc ornithologique du Domaine des oiseaux à Mazères, pour ne citer que quelques projets emblématiques de mon département.

Dans certaines villes de l'Ariège, comme Foix ou Pamiers, certains immeubles, véritables emblèmes du patrimoine ariégeois, sont laissés à l'abandon depuis des décennies faute de moyens pour réaliser les travaux nécessaires. Le coût estimé de la rénovation, lorsque celle-ci est encore possible, atteint aujourd'hui des niveaux insupportables. Il s'agit d'un vrai problème pour de nombreux élus locaux, qui se retrouvent souvent démunis pour enrayer ce phénomène de dégradation du patrimoine.

L'ambition affichée de cette proposition de loi est de moderniser les outils et la gouvernance de la Fondation du patrimoine. Sur le principe, nous y sommes bien entendu favorables, mais le fonctionnement actuel de cet organisme et les mesures proposées par le groupe UDI et indépendants ne nous satisfont guère.

Tout d'abord, nous considérons le principe même de la défiscalisation de l'impôt sur le revenu à hauteur de 50 à 100 % du montant des travaux réalisés par les propriétaires comme contestable. L'extension de cet outil incitatif aux propriétaires d'immeubles habitables situés dans des communes de moins de 20 000 habitants implique un élargissement considérable de l'assiette des propriétaires qui pourront en bénéficier.

Voilà encore une mesure à destination de quelques concitoyens plus fortunés qui pourrait sembler malvenue, surtout dans le contexte actuel, puisqu'elle permettrait aux propriétaires de belles demeures de réaliser leurs travaux aux frais des contribuables. Malheureusement, nous ne pourrons pas voter aujourd'hui contre cette regrettable disposition, la loi de finances rectificative l'ayant déjà introduite dans notre droit.

Dans un autre registre, les propositions du texte en matière de gouvernance du conseil d'administration de la Fondation nous scandalisent réellement. En supprimant la limite d'un tiers des voix pouvant revenir à l'un des représentants d'entreprises privées et en remplaçant la notion de majorité absolue par celle de majorité simple, la proposition de loi ne fera qu'accentuer la mainmise d'entreprises telles que L'Oréal, Sodexo, Vivendi, Crédit agricole ou encore Danone sur l'administration d'une fondation dite d'utilité publique. Nous souhaiterions au contraire que les représentants d'entreprises privées soient minoritaires au sein du conseil d'administration.

Enfin, sous couvert de diversification du type de dons réalisables par les entreprises, le texte pourrait, à nos yeux, ouvrir de nouvelles possibilités d'optimisation fiscale par le biais du mécénat d'entreprise. Or nous pensons que les sommes échappant aujourd'hui à l'impôt constituent déjà une véritable gabegie financière. En effet, à en croire les chiffres publiés par le CEPII, le Centre d'études prospectives et d'informations internationales, environ 36 milliards d'euros sont délocalisés chaque année par des entreprises françaises dans des filiales à l'étranger, soit 1,6 % du PIB. Cela représenterait une perte de 14 milliards d'euros pour l'État.

Le groupe La France insoumise propose de développer une tout autre vision de ce que devrait être la politique de sauvegarde et de restauration du patrimoine de notre pays. Nous pensons qu'il serait nécessaire de créer un organisme entièrement public doté de fonds d'investissement majoritairement publics et d'un modèle de gouvernance permettant une large représentativité de toutes les franges de la société civile.

Si les montants considérables consentis à la défiscalisation revenaient sous forme d'impôts à État, ils permettraient de réaliser les investissements nécessaires là où c'est le plus utile, selon des critères définis de manière transparente et démocratique, et non plus au bon vouloir de l'« expertocratie » actuelle ou d'intérêts privés dissimulés derrière le masque de l'altruisme.

Vous l'avez compris, à l'aune des arguments que je viens de développer, le groupe La France insoumise votera contre cette proposition de loi.

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