Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du mercredi 2 juin 2021 à 15h00
Prévention d'actes de terrorisme et renseignement — Article 3

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur :

J'aimerais résumer la situation en posant quatre questions.

Premièrement, ces individus qui sortent de prison sont-ils dangereux ? Oui, sans aucun doute. Ils doivent en tout cas prouver leur non-dangerosité. En effet, ce n'est pas parce qu'ils ont passé un certain nombre d'années en prison qu'ils ont abandonné l'islamisme radical, qu'ils ne font plus preuve d'un prosélytisme forcené et qu'ils ont renoncé à tout passage à l'acte.

Deuxièmement, les MICAS sont-elles utiles ? Certes, nous l'avons dit hier, elles ne constituent pas la panacée, et ce n'est pas parce que, ces dernières années, aucun attentat n'a été le fait d'un individu sortant de prison que cela n'arrivera pas demain, la semaine prochaine ou dans un an. Néanmoins, il est vrai – on l'a constaté – que ces mesures administratives permettent d'analyser certains comportements selon des critères auxquels on ne peut pas recourir en milieu carcéral : la fréquentation des lieux de culte, l'usage des réseaux sociaux, le respect de l'obligation de pointage, les relations personnelles… Il s'agit de déterminer si l'ancien détenu veut réellement se réinsérer ou s'il manifeste encore une volonté forte de commettre un acte terroriste ou d'y contribuer. Les MICAS sont donc importantes et utiles.

Troisièmement, une durée maximale de douze mois est-elle suffisante ? Dix-neuf MICAS sont déjà arrivées à échéance sans que l'on puisse s'assurer que les personnes auparavant surveillées ne sont plus dangereuses. Bien sûr – et M. Ciotti a eu raison de le souligner –, la fin de ces mesures n'empêche pas les services de poursuivre leur surveillance, sans même parler des autres mesures possibles, comme le suivi judiciaire, dont la mise en place est toutefois plus lente que l'entrave administrative, car elle suppose de respecter différentes procédures. Cependant, le Gouvernement – et le Parlement aussi, si j'en crois les propos du rapporteur et le contenu du rapport qui a été remis – pense qu'il est souhaitable d'allonger la durée des MICAS car nous considérons que ce travail de surveillance nécessite au moins deux ans.

Quatrièmement – je m'adresse maintenant à Mme Dumas –, pourquoi le Conseil constitutionnel a-t-il censuré les mesures proposées il y a un an, et pourquoi ne ferait-il pas de même avec celles que nous présentons aujourd'hui ? Tout simplement parce qu'il ne s'agit pas des mêmes textes. Tirant les leçons de la décision du Conseil, qui était motivée par le caractère trop général de la mesure proposée, nous visons une catégorie particulière de détenus, à savoir ceux qui ont été condamnés à au moins cinq ans de prison pour terrorisme. Nous différencions les situations, ce que demande généralement le juge administratif. C'est pourquoi nous pensons que l'allongement à vingt-quatre mois de la durée maximale d'une MICAS est une mesure forte, mais proportionnée, puisqu'elle concernera des personnes d'une dangerosité particulière.

Même s'il est difficile de parler à la place du Conseil constitutionnel quand on n'en est pas membre, je n'ai pas beaucoup de doute sur le fait que les sages prendront en considération l'effort fait par le législateur et par le Gouvernement pour distinguer les situations et prendre des mesures proportionnées.

Je voudrais terminer en rappelant que, d'ici 2023, 133 détenus condamnés pour terrorisme à des peines de plus de cinq ans sortiront de prison, dont certains ont été liés à des actes de terrorisme particulièrement atroces. On peut difficilement penser que leur vie en prison et un an de MICAS auront suffi à coup sûr à en faire de gentils agneaux qui n'ont plus besoin d'être surveillés par personne.

Premièrement, ces détenus sont donc dangereux – ou en tout cas doivent démontrer leur non-dangerosité ; deuxièmement, les MICAS sont utiles – même si ce n'est pas la panacée ; troisièmement, une durée de douze mois s'avère insuffisante dans nombre de cas ; quatrièmement, nous limitons à la catégorie des gens les plus dangereux la possibilité de la prolonger, afin d'éviter ce que le Conseil constitutionnel a considéré la première fois comme une erreur d'appréciation. Dès lors, je ne vois pas pourquoi votre assemblée adopterait ces amendements de suppression des alinéas 6 et 7. Je pense que ce serait vraiment un mauvais coup porté à notre pays.

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