Séance en hémicycle du mercredi 2 juin 2021 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • MICAS
  • condamné
  • détenu
  • individu
  • prison
  • renseignement
  • sûreté
  • terrorisme
  • terroriste

La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Suite de la discussion d'un projet de loi

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L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement (4104, 4153, 4185).

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Hier soir, l'Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 106 à l'article 3.

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La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l'amendement n° 106 .

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Pour rappel, cet amendement, auquel nous nous sommes arrêtés hier soir, était précédé d'amendements visant à supprimer la deuxième phrase de l'alinéa 5, qui prévoit que l'interdiction de paraître « tient compte de la vie familiale et professionnelle de la personne ». N'étant pas opposés à ce principe, nous faisons plutôt le choix de tenter d'apporter des garanties supplémentaires.

N'oublions pas, en effet, que la personne placée sous surveillance est déjà astreinte à demeurer au sein d'un périmètre donné. Dès lors qu'une mesure d'interdiction de paraître en certains lieux s'avèrera nécessaire, il appartiendra à l'autorité administrative de respecter la vie familiale et professionnelle des individus concernés, et pas seulement d'en tenir compte.

Tel est l'objet de la modification que nous proposons : le simple fait de tenir compte de la vie familiale et professionnelle n'en garantit pas le respect.

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La parole est à M. Raphaël Gauvain, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.

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Il est défavorable. Nous avions évoqué cette question en commission et l'avons étudiée à nouveau à la suite de nos échanges. Je ne crois pas que le changement de rédaction proposé emporte de véritables conséquences juridiques. Il risquerait en outre d'alourdir le texte.

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La parole est à M. le ministre de l'intérieur, pour donner l'avis du Gouvernement.

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Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Même avis.

L'amendement n° 106 n'est pas adopté.

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Je suis saisi de quatre amendements, n° 148 , 169 , 323 et 124 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements n° 148 , 169 et 323 sont identiques.

La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l'amendement n° 148 .

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La limitation dans le temps de l'interdiction de paraître dans un ou plusieurs lieux déterminés est paradoxale, puisque l'alinéa 5 dispose déjà que la durée de l'interdiction est limitée à celle de l'événement concerné. Dans la rédaction actuelle, si un événement venait à durer plus de trente jours, l'interdiction deviendrait caduque passé ce délai. Il y a là un vide juridique préoccupant, puisqu'il crée potentiellement une situation d'insécurité.

L'amendement vise donc à supprimer la limitation générale de la durée de l'interdiction, laquelle serait alors réellement alignée sur la durée de l'événement.

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La parole est à M. Éric Diard, pour soutenir l'amendement identique n° 169 .

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L'alinéa 5 fixe une limite absolue de trente jours à l'interdiction de paraître. Or certains événements, que j'ai évoqués en commission, excèdent cette durée, même s'ils sont très peu nombreux. Une exposition universelle, par exemple, peut durer plusieurs mois.

J'ai bien entendu les explications que vous avez apportées en commission, monsieur le rapporteur : vous estimez que l'adoption d'un tel amendement irait à l'encontre d'une exigence constitutionnelle. J'estime que nous ne saurions présager ainsi du contrôle susceptible d'être exercé par le Conseil constitutionnel, ce dernier devant aussi prendre en considération l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public – a fortiori lorsqu'il s'agit de prévenir des attaques terroristes.

Enfin, une telle mesure présenterait un caractère d'autant plus exceptionnel que les événements susceptibles d'être concernés du fait de leur durée supérieure à un mois sont très rares. Je propose donc moi aussi de supprimer la limite absolue de trente jours.

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L'amendement n° 323 de Mme Michèle Tabarot est défendu.

La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l'amendement n° 124 .

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Déposé par notre collègue Marine Brenier, il s'inscrit dans la lignée des précédents, en ce qu'il vise à étendre la durée maximale de l'interdiction à six mois, dont deux mois précédant l'événement concerné. Cela me semble constituer une piste intéressante, car, comme notre collègue nous l'a expliqué, une personne projetant un acte terroriste peut effectuer des repérages en amont de la manifestation visée.

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Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

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On touche, là encore, à l'équilibre que nous avions atteint lorsque nous avions adopté la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT) en 2017 et à l'exigence de proportionnalité entre la mesure d'interdiction de paraître et la nécessaire préservation de la liberté d'aller et venir. Je rappelle que la rédaction actuelle du texte s'appuie sur les débats que nous avons eus l'année dernière, mais également sur les décisions du Conseil constitutionnel qui, en 2018, a précisé à deux reprises sa définition de l'équilibre à respecter. Comme nous en avons assez longuement débattu hier, nous craignons, en bouleversant cet équilibre, de nous exposer à ce que l'ensemble du dispositif soit déclaré inconstitutionnel.

J'ajoute que la difficulté opérationnelle à laquelle vous faites référence n'est jamais apparue parmi les informations qui nous ont été remontées du terrain, notamment dans le cadre de l'évaluation de la mise en œuvre de la loi SILT menée par M. Ciotti, la présidente de la commission des lois et moi-même. Pour l'ensemble de ces raisons, j'émets un avis défavorable.

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Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Même avis.

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Je rappelle que la France organisera prochainement deux grands événements sportifs : la Coupe du monde de rugby et les Jeux olympiques de 2024. Même si le cas ne s'est pour l'heure jamais présenté, la durée de ces événements excédera bien trente jours. Il me semble très important d'intégrer cette donnée à notre réflexion.

J'insiste donc sur l'amendement déposé par ma collègue Marine Brenier : sa proposition est bordée dans le temps, puisqu'il ne s'agit pas de supprimer la limite que vous proposez, mais de la porter à six mois, dont deux mois précédant la manifestation concernée. Dans la perspective des grands événements sportifs à venir, nous devrions nous poser cette question.

Les amendements identiques n° 148 , 169 et 323 ne sont pas adoptés.

L'amendement n° 124 n'est pas adopté.

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L'amendement n° 202 de M. Jean-Louis Thiériot est défendu.

L'amendement n° 202 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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Je suis saisi de deux amendements identiques, n° 276 et 342 .

La parole est à M. Thomas Rudigoz, pour soutenir l'amendement n° 276 .

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Déposé par ma collègue Typhanie Degois, il vise à assouplir les modalités de renouvellement de la période initiale d'application des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS).

La durée initiale des MICAS est fixée à six mois et ne peut excéder douze mois. Toutefois, leurs conditions de reconduction sont jugées trop complexes par les services de renseignement. Pour cette raison, très peu de MICAS sont finalement prolongées. Selon le rapport de la commission des lois sur la proposition de loi instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine, en juin 2020, seules quarante-deux MICAS avaient été prolongées au-delà de la période initiale de six mois, et seize au-delà de neuf mois.

Par conséquent, sans affecter la durée maximale des MICAS, mais afin de soutenir les services de renseignement dans l'exercice de leurs missions complexes, il est proposé d'assouplir les conditions de renouvellement de la période initiale des MICAS.

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La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l'amendement identique n° 342 .

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Effectivement, à l'heure actuelle, l'autorité administrative doit, pour renouveler une MICAS au-delà de six mois, s'appuyer sur des éléments nouveaux, différents de ceux qui avaient motivé l'activation de la première mesure de contrôle administratif. Cette exigence réduit naturellement les possibilités de prolongation des MICAS, ce qui n'est pas sans risque. Des individus considérés comme dangereux lorsque la mesure de protection a été prononcée peuvent en effet le rester sans que des faits nouveaux apparaissent.

Du fait de l'état actuel du droit, seules quarante-deux MICAS ont été prolongées au-delà de six mois et seize au-delà de neuf mois. Cette situation nous prive d'une protection qui, dans certains cas, paraît indispensable.

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Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques ?

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Les décisions rendues par le Conseil constitutionnel en 2018 montrent que la présence d'éléments nouveaux ou complémentaires justifiant la prolongation d'une MICAS constitue une exigence constitutionnelle. Encore une fois, si nous voulons que cette loi soit adoptée et déclarée conforme à la Constitution avant le 31 juillet, nous ne pouvons pas, à l'évidence, adopter cet amendement. Il ne servirait à rien de parier sur une hypothétique évolution de jurisprudence : le Conseil constitutionnel a été très clair sur ce point.

Il a d'ailleurs rappelé, dans sa décision du 7 août 2020 sur la loi instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine, que, même en matière judiciaire, le renouvellement de mesures de sûreté suppose de disposer d'éléments nouveaux ou complémentaires. Avis très défavorable.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Même avis.

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J'avoue être quelque peu sidéré par votre argumentation, qui est d'ailleurs récurrente : vous vous abritez en permanence derrière une éventuelle décision du Conseil constitutionnel pour justifier l'immobilisme qui caractérise ce texte. Les MICAS, comme l'a justement souligné le ministre, peuvent être prononcées à l'encontre des personnes sortant de prison, notamment celles présentant les profils les plus dangereux – d'autant que les dispositifs prévus dans la loi issue de la proposition de Yaël Braun-Pivet ont presque tous été censurés, à l'exception de la systématisation du suivi sociojudiciaire des personnes condamnées pour terrorisme, introduite par l'adoption d'un de mes amendements.

Prenons le cas d'espèce d'un terroriste islamiste condamné en 2015 en raison de son appartenance à une filière terroriste : après avoir purgé une peine de cinq à six ans, il fait partie de ceux qui s'apprêtent à sortir de prison. Je rappelle que 110 terroristes islamistes ont été libérés en 2018, contre 71 en 2019 et 45 en 2020. L'administration pénitentiaire prévoit d'en libérer 57 autres en 2021, puis 45 en 2022. À ces 328 terroristes islamistes, on pourrait ajouter – cela mériterait un débat – les 2 212 détenus radicalisés que comptent les prisons françaises.

Une personne identifiée par les services de renseignement pénitentiaire comme très dangereuse au vu de son profil tel qu'il a été évalué en prison ne pourra donc être contrôlée que pendant six mois dans le cadre des MICAS. Même si je sais que nos services continueront heureusement d'être mobilisés par la suite, il me paraît totalement ahurissant que nous nous privions ainsi d'un moyen de protéger notre société. Je regrette l'immobilisme dont vous faites preuve en la matière.

Les amendements identiques n° 276 et 342 ne sont pas adoptés.

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Les amendements n° 203 et 204 de M. Jean-Louis Thiériot sont défendus.

Les amendements n° 203 et 204 , repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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Je suis saisi de quatre amendements, n° 309 , 107 , 216 et 397 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements n° 107 , 216 et 397 sont identiques.

La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l'amendement n° 309 .

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L'article 3 renforce les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, créées à titre expérimental par la loi SILT, et qui se substituaient aux assignations à résidence, dispositif de police administrative propre au régime d'état d'urgence.

Ces mesures sont mises en œuvre par le ministre de l'intérieur – après en avoir informé le procureur national antiterroriste – à l'encontre de « toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics ».

On peut ainsi restreindre les possibilités de déplacement de la personne mise en cause en l'obligeant à demeurer dans un périmètre géographique déterminé ou lui faire obligation de se présenter périodiquement devant les services des forces de l'ordre.

Les auteurs de cet amendement considèrent cependant que le critère proposé – les « raisons sérieuses de penser que le comportement d'une personne constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics » – est peu précis et difficile à contrôler, alors même qu'il permet de justifier d'importantes restrictions de libertés.

C'est la raison pour laquelle nous demandons, par cet amendement, de supprimer les alinéas 6 et 7.

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La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement n° 107 .

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S'agissant des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, nous nous inscrivons dans la logique qui vient d'être défendue par Mme Buffet.

Nous savons qu'il s'agit de mesures préventives, fondées sur la suspicion d'une menace. Dès lors, porter leur durée cumulée à vingt-quatre mois me semble en contradiction avec l'équilibre que prônait à l'instant le rapporteur lorsqu'il nous a rappelé que nous nous trouvions sur un chemin de crête. Le risque constitutionnel que font courir les dispositions des alinéas 6 et 7 est démesuré. Limitons donc cette durée à douze mois ; si nous constatons un réel problème, nous pourrons avoir recours à la voie de la judiciarisation.

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La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement n° 216 .

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Monsieur le président, je tiens d'abord à vous remercier pour les mots que vous avez eus il y a quelques jours pour notre collègue Bénédicte Taurine qui, comme chacun sait, a été violemment poussée par un policier lors d'une manifestation, et ce, alors qu'elle était ceinte de son écharpe tricolore.

J'en viens à cet amendement qui tend à revenir sur l'allongement à vingt-quatre mois de la durée totale cumulée d'une MICAS.

Comme l'a dit notre collègue à l'instant, on nous rebat les oreilles avec la nécessité d'adopter des mesures proportionnées afin d'éloigner tout risque d'inconstitutionnalité. Il se trouve que nous disposons, en l'espèce, d'un avis assez clair du Conseil d'État. Et si ses membres ont fait preuve d'une telle clarté, ce n'est pas pour embêter le Gouvernement – ce n'est d'ailleurs pas leur fonction –, mais bien parce qu'ils s'appuient sur une jurisprudence. Je rappelle en particulier que dans une décision rendue à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité, une QPC, le Conseil avait jugé indispensable de maintenir la durée maximale d'une MICAS dans la limite du raisonnable, soit douze mois au maximum.

En proposant cet allongement à vingt-quatre mois, le Gouvernement est-il prêt à subir la censure du Conseil constitutionnel ? Peut-être sert-il un objectif politique en alimentant le discours selon lequel on ne peut rien faire si on ne change pas la Constitution… Quoi qu'il en soit, il y a là un problème fondamental qui doit nous alerter.

Je conclurai en évoquant la question de fond. Car si nous demandons, à travers la suppression des alinéas 6 et 7, que la durée des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance ne soit pas allongée, vous savez que nous sommes en réalité opposés sur le fond à ces mesures de restriction des libertés fondées sur la dangerosité supposée d'une personne.

Je sais bien que toutes les dispositions de la précédente loi sur le terrorisme n'ont pas été censurées – et je le regrette sans doute –, mais je me demande à quoi peut bien servir le concept de dangerosité dans un État de droit, où seule la présentation de preuves peut en théorie justifier des mesures restrictives ou privatives de liberté.

D'ailleurs, monsieur le ministre, parfois je vous trouve dangereux.

M. Bruno Millienne s'exclame.

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La parole est à Mme Frédérique Dumas, pour soutenir l'amendement n° 397 .

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Ces alinéas me semblent un bon exemple des problèmes que pose une rédaction manquant de rigueur et de précision.

Il existe tout d'abord un risque d'inconstitutionnalité puisque la décision du Conseil constitutionnel était fondée sur une durée de douze mois, et non de vingt-quatre.

On aurait donc pu se contenter de pérenniser un dispositif qui, selon vous, fonctionne – même si les propos tenus sur certains bancs incitent à douter de son efficacité – en maintenant la durée maximale de douze mois, ce qui aurait déjà été une bonne chose. Mais vous faites le choix d'aller plus loin, de surenchérir. Pourquoi, dès lors, ne pas proposer plutôt une expérimentation ?

Par ailleurs, l'article prévoit que « chaque renouvellement de la mesure, d'une durée maximale de trois mois, est subordonné à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires ». Or, pour en avoir discuté avec des professionnels, notamment des procureurs, je sais qu'il est difficile de satisfaire cette condition. Il n'est donc pas sûr que ces dispositions fonctionnent.

J'ajoute que le droit actuel permet de recourir à la judiciarisation pour des personnes susceptibles de commettre un acte terroriste.

Enfin, monsieur le ministre, vous avez vous-même très bien décrit hier les évolutions constatées en matière d'actes de terrorisme, lesquels sont aujourd'hui plutôt endogènes. Les dispositions des alinéas 6 et 7 ne permettront pas de les prévenir.

Nous ne comprenons pas pourquoi vous préférez courir autant de risques plutôt que de pérenniser le dispositif tel qu'il existe dans le droit actuel.

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Nous sommes au cœur du dispositif que nous souhaitons appliquer, à leur sortie de prison, aux détenus condamnés pour motif terroriste. C'est en effet cet angle mort de la lutte antiterroriste qui avait conduit l'an dernier la présidente de la commission à déposer une proposition de loi.

Les détenus dont il est question ont été condamnés pour terrorisme au début de la vague d'attentats, au début des années 2010, et sortiront de prison au cours des trois ou quatre prochaines années. Le problème est qu'il s'agit de sorties de prison dites sèches, c'est-à-dire que, ayant été condamnés pour terrorisme, ces individus n'ont droit à aucun aménagement de peine et ne font l'objet d'aucune mesure de suivi. Les auditions que nous avons menées avaient donc fait ressortir la nécessité de prévoir un dispositif spécifique.

C'est ce dont nous avions discuté ici même l'an dernier. Le dispositif de la proposition de loi, validé par le Conseil d'État et qui avait fait l'objet d'un accord avec le Sénat, était purement judiciaire – il revenait au juge judiciaire de décider de la mise en place de mesures de surveillance et de réhabilitation.

À la suite de la censure du Conseil constitutionnel, nous nous sommes remis au travail. Nous vous proposons donc aujourd'hui un dispositif double, prévoyant d'une part des mesures de suivi judiciaire décidées sous la responsabilité du juge de l'application des peines – nous y reviendrons à l'article 5 –, et d'autre part des mesures de suivi spécifiques laissées à la main du préfet, sous le contrôle du juge administratif, visant les détenus condamnés pour terrorisme lorsqu'ils sortent de prison.

Actuellement, la durée des MICAS ne peut excéder un an. Nous prévoyons de porter à vingt-quatre mois cette durée maximale lorsque les mesures concernent des détenus présentant un risque particulier.

J'ai lu comme vous l'arrêt du Conseil d'État et je connais la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui a indiqué que la durée des MICAS ne pouvait pas dépasser un an. Je suis parfaitement conscient de ce problème.

Néanmoins, l'analyse que nous avons faite en commission des lois, et qui, je pense, est partagée par le Gouvernement, est que cette disposition de l'article 3, dans la mesure où elle concerne une population très spécifique, peut être validée par le Conseil constitutionnel. Vous remarquerez au passage, monsieur Ciotti, que nous faisons preuve d'audace vis-à-vis de ce dernier.

« Oh là là, quel courage ! » sur quelques bancs du groupe LR.

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Vous me rétorquerez que je tiens des propos contradictoires dans la mesure où, depuis hier soir, je dis que nous devons tout faire pour éviter une censure du Conseil constitutionnel en août prochain, censure qui entraînerait la disparition de l'ensemble du dispositif. Mais la grande différence, ici, c'est que nous ne touchons pas au dispositif initial prévu par la loi SILT. Si jamais, par extraordinaire – comme on dit devant les magistrats –, le Conseil constitutionnel devait censurer le texte, seule la mesure d'allongement de la durée de la MICAS serait visée.

Le dispositif me semble équilibré, et en tout cas opérationnel. Il faut dire que nous travaillons à son élaboration avec la présidente de la commission des lois depuis septembre dernier, après la censure du mois d'août. Nous avons procédé à de nombreuses consultations et auditionné bien des services. Il existe une vraie demande concernant un tel dispositif. Il me semble très utile de prendre des mesures de suivi administratif applicables aux détenus condamnés pour terrorisme à leur sortie de prison.

Pour l'ensemble de ces raisons, l'avis est défavorable sur ces amendements de suppression.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

J'aimerais résumer la situation en posant quatre questions.

Premièrement, ces individus qui sortent de prison sont-ils dangereux ? Oui, sans aucun doute. Ils doivent en tout cas prouver leur non-dangerosité. En effet, ce n'est pas parce qu'ils ont passé un certain nombre d'années en prison qu'ils ont abandonné l'islamisme radical, qu'ils ne font plus preuve d'un prosélytisme forcené et qu'ils ont renoncé à tout passage à l'acte.

Deuxièmement, les MICAS sont-elles utiles ? Certes, nous l'avons dit hier, elles ne constituent pas la panacée, et ce n'est pas parce que, ces dernières années, aucun attentat n'a été le fait d'un individu sortant de prison que cela n'arrivera pas demain, la semaine prochaine ou dans un an. Néanmoins, il est vrai – on l'a constaté – que ces mesures administratives permettent d'analyser certains comportements selon des critères auxquels on ne peut pas recourir en milieu carcéral : la fréquentation des lieux de culte, l'usage des réseaux sociaux, le respect de l'obligation de pointage, les relations personnelles… Il s'agit de déterminer si l'ancien détenu veut réellement se réinsérer ou s'il manifeste encore une volonté forte de commettre un acte terroriste ou d'y contribuer. Les MICAS sont donc importantes et utiles.

Troisièmement, une durée maximale de douze mois est-elle suffisante ? Dix-neuf MICAS sont déjà arrivées à échéance sans que l'on puisse s'assurer que les personnes auparavant surveillées ne sont plus dangereuses. Bien sûr – et M. Ciotti a eu raison de le souligner –, la fin de ces mesures n'empêche pas les services de poursuivre leur surveillance, sans même parler des autres mesures possibles, comme le suivi judiciaire, dont la mise en place est toutefois plus lente que l'entrave administrative, car elle suppose de respecter différentes procédures. Cependant, le Gouvernement – et le Parlement aussi, si j'en crois les propos du rapporteur et le contenu du rapport qui a été remis – pense qu'il est souhaitable d'allonger la durée des MICAS car nous considérons que ce travail de surveillance nécessite au moins deux ans.

Quatrièmement – je m'adresse maintenant à Mme Dumas –, pourquoi le Conseil constitutionnel a-t-il censuré les mesures proposées il y a un an, et pourquoi ne ferait-il pas de même avec celles que nous présentons aujourd'hui ? Tout simplement parce qu'il ne s'agit pas des mêmes textes. Tirant les leçons de la décision du Conseil, qui était motivée par le caractère trop général de la mesure proposée, nous visons une catégorie particulière de détenus, à savoir ceux qui ont été condamnés à au moins cinq ans de prison pour terrorisme. Nous différencions les situations, ce que demande généralement le juge administratif. C'est pourquoi nous pensons que l'allongement à vingt-quatre mois de la durée maximale d'une MICAS est une mesure forte, mais proportionnée, puisqu'elle concernera des personnes d'une dangerosité particulière.

Même s'il est difficile de parler à la place du Conseil constitutionnel quand on n'en est pas membre, je n'ai pas beaucoup de doute sur le fait que les sages prendront en considération l'effort fait par le législateur et par le Gouvernement pour distinguer les situations et prendre des mesures proportionnées.

Je voudrais terminer en rappelant que, d'ici 2023, 133 détenus condamnés pour terrorisme à des peines de plus de cinq ans sortiront de prison, dont certains ont été liés à des actes de terrorisme particulièrement atroces. On peut difficilement penser que leur vie en prison et un an de MICAS auront suffi à coup sûr à en faire de gentils agneaux qui n'ont plus besoin d'être surveillés par personne.

Premièrement, ces détenus sont donc dangereux – ou en tout cas doivent démontrer leur non-dangerosité ; deuxièmement, les MICAS sont utiles – même si ce n'est pas la panacée ; troisièmement, une durée de douze mois s'avère insuffisante dans nombre de cas ; quatrièmement, nous limitons à la catégorie des gens les plus dangereux la possibilité de la prolonger, afin d'éviter ce que le Conseil constitutionnel a considéré la première fois comme une erreur d'appréciation. Dès lors, je ne vois pas pourquoi votre assemblée adopterait ces amendements de suppression des alinéas 6 et 7. Je pense que ce serait vraiment un mauvais coup porté à notre pays.

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Je réponds évidemment comme vous à la première question, monsieur le ministre : ces personnes sont dangereuses. Quant à la deuxième question : est-ce que les MICAS sont utiles ? Je réponds pour ma part qu'elles le sont en partie, et certainement dans certains cas – même si on a en effet évoqué des problèmes de périmètre. Mais quand vous dites qu'on a besoin de prolonger leur durée maximale, je ne vois pas du tout ce qui vous permet de conclure ainsi. Vous-même avez reconnu hier – et vous venez encore de le répéter – qu'aucune des personnes concernées n'avait commis un acte en lien avec le terrorisme dans l'année qui avait suivi sa sortie de prison. En inférer qu'il faudrait pouvoir prolonger d'un an les mesures dont elles font l'objet, voilà tout de même un raisonnement assez particulier… En ce cas, pourquoi ne pas porter la durée à trente-six mois,…

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Oui, pourquoi pas ? Faites un amendement !

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…voire à toute la vie s'ils demeurent des récidivistes en puissance ?

M. Ugo Bernalicis applaudit.

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On peut ne pas être d'accord, c'est la démocratie, mais je ne comprends pas qu'on puisse affirmer que la durée de douze mois est trop courte comme si cette conclusion était tirée d'un raisonnement, alors qu'il s'agit seulement d'une conviction personnelle. C'est vous qui pensez que des gens pourraient commettre certains actes alors qu'ils ne les ont pas commis pendant un an.

C'est d'autant plus dommage de nous proposer un tel dispositif que des mesures judiciaires, auxquelles j'ai dit que j'étais favorable à titre personnel, sont possibles. Arrêtons de tout mélanger : certaines mesures permettront de continuer à suivre ces personnes, mais d'une manière plus conforme aux principes qui fondent notre droit depuis au moins deux siècles. Vous auriez pu proposer une expérimentation de cette prolongation, ce qui aurait été cohérent, au lieu de vous contenter de dire :« C'est comme ça et pas autrement. » Vous avez eu raison de limiter la durée de la prolongation pour des raisons de constitutionnalité, mais pourquoi cette histoire d'un renouvellement de trois mois, « subordonné à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires » ? De nouveaux éléments amènent pratiquement à ouvrir un autre dossier. Sinon, pour le reste, je suis d'accord avec vous.

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Monsieur le ministre, vous avez dit qu'il n'y avait pas eu d'attaques commises par des personnes sorties de prison après leur condamnation pour des faits en lien avec le terrorisme… Oui et non : la semaine dernière, à La Chapelle-sur-Erdre, un individu a blessé grièvement une policière municipale avant de tirer sur des gendarmes. Certes, le parquet national antiterroriste ne s'est pas saisi de cette affaire,…

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…mais il s'agit d'un individu incarcéré pour vol à main armée et qui s'est radicalisé en prison avant de passer à l'acte. Voilà qui m'amène à conclure que si dans ce projet de loi, vous pointez bien les détenus terroristes, vous oubliez les détenus de droit commun qui se sont radicalisés en prison, alors que ces personnes sont très dangereuses et même souvent plus susceptibles de passer à l'acte que les détenus terroristes à la sortie de leur incarcération.

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Vous avez beau habiller le dispositif, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, en disant que seuls certains sortants de prison seront concernés par une durée d'allongement des MICAS pouvant atteindre au total vingt-quatre mois, il n'en demeure pas moins, et c'est le fond de l'affaire, qu'il s'agit d'appliquer une mesure restrictive de liberté à quelqu'un qui n'a pas commis d'infraction. C'est un problème de droit fondamental. Que la personne soit encore dangereuse ou non, qu'elle ait ou non commis des choses irréparables, on ne revient pas sur le passé, pas plus que sur le jugement rendu à titre définitif. Comme l'a dit Frédérique Dumas, posons-nous d'abord la question de savoir si l'alternative est de prononcer des MICAS ou laisser le type dans la nature, sans surveillance, à sa sortie de prison. Bien sûr que non : les services de renseignement font leur travail, c'est-à-dire qu'ils collectent des informations, sans pour autant que cela implique de prendre des mesures restrictives de liberté. Je note d'ailleurs que certains, dans les services de renseignement, jugent cette méthode plus efficace, parce qu'elle évite de faire savoir à l'intéressé qu'il est sous surveillance. Je ne prends pas parti, mais il y a débat.

À la fin, la question que nous, législateurs, devons nous poser, c'est de savoir s'il faut faire prédominer la présomption d'innocence et la liberté comme étant la norme, et donc faire du contraire une exception à appliquer avec des pincettes et dans le respect, entre autres, du principe de proportionnalité – et encore ! rien qu'en disant cela, j'ai l'impression de me faire un peu le défenseur de votre logique, monsieur le ministre, ce qui n'est pas mon intention.

On voit bien que vous allez trop loin, que votre stratégie est de pousser le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel dans leurs retranchements pour les inciter à repousser les limites de l'acceptable. Il y a vingt ans, il aurait été impossible d'avoir ce genre de débat dans l'hémicycle parce que tout le monde se serait dit : « Non, mais ça ne va pas la tête ? On prendrait de telles mesures simplement parce que l'on juge dangereuses les personnes concernées, sans qu'elles aient commis d'infraction caractérisée, sans que l'on dispose du moindre élément de preuve ? » Car si de telles preuves existaient, il suffirait de judiciariser et le problème serait réglé en cinq minutes. Vous êtes dans une fuite en avant liberticide : le but est de rassurer une partie de l'opinion publique, pas de résoudre le problème !

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Tout d'abord, je rappelle que les mesures de sûreté, c'est-à-dire le fait de prendre contre un individu des mesures restrictives de liberté parce qu'on considère, même s'il n'a pas commis un acte répréhensible, qu'il a un comportement dangereux, sont un dispositif qui a été validé par le Conseil constitutionnel comme parfaitement conforme à l'État de droit.

Il est vrai, et je réponds ainsi à notre collègue Frédérique Dumas, que ces mesures doivent être proportionnées : il s'agit donc de trouver un équilibre entre protection des libertés individuelles et nécessité du maintien de l'ordre public. Vous vous demandez, ma chère collègue, pourquoi pas trente-six mois ou davantage encore – des amendements que nous allons examiner vont d'ailleurs en ce sens –, mais la durée proposée est justement le fruit d'une appréciation de ce caractère proportionné.

Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur Bernalicis, on apprécie la dangerosité de quelqu'un en fonction d'éléments objectifs. Cela ne se fait pas au doigt mouillé, mais au vu des rapports des services de renseignement, des observations faites par les surveillants de prison, de l'analyse de son comportement et de ses liens avec certains milieux, etc. En outre, tout cela est contrôlé par le juge ; il ne s'agit pas seulement d'une décision du préfet ou du ministre de l'intérieur.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Le débat est très intéressant, mais je ne crois pas que les arguments qui nous sont opposés soient les bons et, en tout cas, soient convaincants, qu'il s'agisse de ceux de Mme Frédérique Dumas ou de ceux de M. Bernalicis.

Madame Dumas, vous faites semblant de croire que le projet de loi se résume à l'article 3. Mais la partie n'est pas le tout. Le texte, ne l'oublions pas, marche sur deux jambes : il y a une partie consacrée aux actes de terrorisme, avec des mesures administratives applicables aux gens qui ont démontré leur dangerosité, et une autre consacrée au renseignement, pour retirer l'arme de la main avant que celle-ci ne frappe – d'où l'utilisation des algorithmes, l'extension aux URL du recueil des données en temps réel, l'interception des communications satellitaires et l'échange d'informations. Vous aurez ce débat sur les articles concernés. Ne faites pas semblant de croire que c'est dorénavant vingt-quatre mois et puis c'est tout : il y a des mesures complémentaires.

Pourquoi pas trente-six mois, en effet ? Je suis persuadé qu'il y a encore plein de gens très dangereux qu'il serait utile de suivre pendant plus de vingt-quatre mois. Mais il faut bien prendre une mesure proportionnée ; doubler la durée maximale, c'est déjà bien. Et puis je vous rappelle qu'une grande partie des personnes concernées n'étant pas encore sorties de prison, cela peut expliquer l'absence de récidive. Je constate que ma lecture du texte est absolument inverse à la vôtre, madame Dumas : c'est sans doute grâce aux MICAS que les anciens détenus dont nous parlons n'ont pas perpétré d'attentats – je le dis avec toutes les précautions et l'humilité requises, parce que tout peut arriver à tout moment. Il n'y a en tout cas pas de raison qu'elles soient devenues sages au bout de douze mois. Cela n'arrive pas. Si vous en doutez, n'hésitez pas à rencontrer les services de renseignement ou à aller voir ces personnes dans les prisons, et vous constaterez par vous-même que ce n'est pas tout à fait le type de personnalité que vous semblez croire.

Une remarque, au passage, monsieur Diard : si on en vient à remettre en cause la qualification du parquet national antiterroriste, on ne s'en sort plus ! Il y a plus de débat rationnel possible. Si le PNAT ne s'est pas saisi de l'affaire, c'est faute d'éléments prouvant l'acte terroriste, un point c'est tout. Ayons des débats sérieux ; il y a déjà suffisamment d'attentats terroristes pour en fournir la matière.

Monsieur Bernalicis, je crois tout d'abord que M. le rapporteur a raison de souligner que ces mesures sont toujours décidées sous l'autorité du juge. On a en effet l'impression, à vous entendre, qu'elles sont prises par une seule personne et hors de tout contrôle. Vous prétendez, en gros, que l'on va faire comme dans Minority Report : arrêter les gens ou du moins restreindre leurs libertés avant même qu'ils n'aient commis des actes qu'ils ne commettront peut-être jamais. Mais nous parlons de gens qui ont été condamnés à au moins cinq ans de prison pour terrorisme ! Je pense que c'est déjà une première indication sur ce qui peut arriver par la suite.

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Je ne vous souhaite pas d'être condamné un jour, monsieur le ministre !

Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.

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Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Moi non plus, mais il y a un peu de marge, convenez-en.

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Les mesures de sûreté n'ont pas été inventées pour les auteurs d'actes de terrorisme, mais pour les délinquants sexuels !

Protestations sur les bancs du groupe LaREM.

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Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Ce n'est pas en parlant beaucoup que vous ferez oublier que vous êtes le seul membre de votre groupe présent, monsieur Bernalicis. Je note au passage que vous ne teniez pas les mêmes propos lorsqu'il s'agissait de lutter contre la fraude fiscale puisque quand, pendant plus de trois ans, j'ai défendu des mesures en ce sens, vous me disiez que ceux qui ont fraudé une fois frauderont toujours. Je constate donc – c'est l'avantage d'avoir participé à beaucoup de débats parlementaires depuis quatre ans – qu'à vos yeux, les fraudeurs fiscaux ont plus de chances de récidiver que les terroristes…

Mme Blandine Brocard applaudit.

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Ce n'est pas beau de mentir comme ça, monsieur le ministre !

Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

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Mes chers collègues, seul le ministre a la parole. Je vous prie de l'écouter respectueusement, monsieur Bernalicis.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Vous nous reprochez par ailleurs de prendre des mesures de restriction des libertés à l'encontre de personnes qui ont purgé leur peine. Mais l'argument est fallacieux : vous oubliez qu'il existe des précédents que le juge a largement validés sur d'autres sujets que le terrorisme – je pense par exemple à la pédophilie.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Quelqu'un reconnu coupable d'actes pédophiles ne peut-il se voir imposer des mesures de restriction des libertés après sa peine de prison pour éviter qu'il ne recommence ou pour le bien de la société ?

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C'est le juge qui décide au moment de la condamnation !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Il est ainsi inscrit dans un fichier particulier, en l'occurrence le FIJAIS – le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes –, qu'il ne pourra pas être embauché par un élu local à un poste en contact avec des enfants et peut faire l'objet d'interdictions de paraître dans certains endroits. Ne faites donc pas semblant de croire que c'est en tant qu'obsessionnels de la sécurité que nous défendons des mesures de ce type ou que ces dernières concernent des personnes qui, après tout, mériteraient qu'on leur donne une chance. Vous savez bien que nous visons un public très particulier, des personnes pouvant commettre des actes particulièrement atroces. La peine de mort et la prison à vie étant exclues, il faut bien protéger la société en restreignant quelque peu leur liberté, sous le contrôle du juge. J'ose le parallélisme entre les actes de pédophilie et les actes de terrorisme qui exigent, pour le bien de la société, vu l'atrocité des crimes et la personnalité de ceux qui les commettent, certaines restrictions, d'ailleurs partielles, de liberté.

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Il est important de préciser que les personnes dont nous parlons constituent une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics. Je tenais à le rappeler à la suite de l'intervention de notre collègue Éric Diard : si le parquet national antiterroriste ne s'est pas saisi dans l'affaire de La Chapelle-sur-Erdre, cette décision lui appartient et nous n'avons pas à la remettre en cause ,

M. Éric Diard s'exclame

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sans quoi nous sèmerons le trouble dans l'opinion publique – nos concitoyens ne sachant plus exactement qui décide de quoi. Respectons donc la décision du PNAT.

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En outre, j'ai plusieurs interrogations. La durée de mise en œuvre des MICAS pourrait être portée à vingt-quatre mois – M. le ministre nous dit même qu'il ne serait pas hostile à ce qu'elle puisse être fixée à trente-six. Mais que se passera-t-il pendant ces mois supplémentaires ? Qu'est ce qui fait que l'individu va changer d'attitude ? Quelles garanties a-t-on ? Comment les services seront-ils mobilisés ? C'est à toutes ces questions qu'il faut répondre. Après, on peut toujours évoquer trente-six mois et même en rajouter encore, mais cela ne résoudra pas le problème de fond concernant la dangerosité de l'individu. Nous devons y réfléchir et débattre de l'efficacité ou non des mesures de prolongation des MICAS.

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Monsieur le ministre, je me permets de le dire respectueusement : vous avez raison, il existe déjà des dispositions qui permettent d'encadrer les personnes sortant de prison. Les MICAS ne constituent donc pas un dispositif révolutionnaire. Elles sont adaptées à une situation qui, pour vous, nécessite une mesure de cette nature.

Monsieur le rapporteur, j'ai retenu une de vos remarques. Vous avez indiqué qu'en cas de censure du dispositif par le Conseil constitutionnel, nous étions tout de même sûrs de conserver la durée de douze mois. Je ne pense pas qu'il faille légiférer de cette façon, en tentant des choses et en espérant retomber sur ses pieds. Nous devons justifier la durée de vingt-quatre mois, et votre propos laisse à penser que vous ne disposez pas des arguments nécessaires.

Le problème n'est d'ailleurs pas tant la durée que le fait qu'il s'agit d'une décision administrative – qui n'est pas prise par le juge ab initio –, soumise au contrôle a posteriori du juge administratif. La situation n'est pas du tout la même que celle des mesures judiciaires prévues à l'article 5.

Il nous semble que la législation, ce n'est pas un pari ; elle doit être fondée sur des raisons solides. Nombre de députés considèrent que douze mois sont largement suffisants et que des relais doivent être pris au-delà de cette durée – parce qu'il en existe. Enfin, je rejoins la préoccupation exprimée par Mme Buffet : que fait-on pendant ces vingt-quatre mois ? Rassurez-nous sur la question des moyens, c'est le seul argument qui peut fonder la durée que vous proposez.

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Le débat sur les mesures de sûreté qui a été lancé tout à l'heure par notre collègue Bernalicis est un vrai débat démocratique. On invoque souvent l'État de droit en oubliant que le droit évolue et qu'il s'adapte aux contingences ; il n'est pas le même lorsque l'on est confronté à une situation comme celle des attentats du Bataclan ou à une violence plus diffuse.

Les outils doivent évidemment évoluer. Il ne faut pas s'accrocher à un état du droit en considérant qu'il constituerait la fin de l'histoire et qu'à aucun moment le législateur ne pourrait le remettre en cause. La question, c'est de savoir si une législation différente serait également respectueuse de principes que l'on considère éternels.

Par ailleurs, si un individu est fou, l'État ne vous demandera pas votre avis : il peut, pour sa propre sécurité et celle des autres, décider son hospitalisation d'office. Cela existe déjà, on n'attend pas forcément que le déséquilibré ait commis un acte.

S'agissant de la durée de mise en œuvre des MICAS, j'entendais tout à l'heure qu'entre douze et vingt-quatre mois, le danger n'aura pas disparu. Nous devons être d'accord sur les termes : face à des individus potentiellement dangereux, le danger est toujours présent. Les MICAS visent à agir sur le risque, en faisant en sorte que la probabilité que ce danger soit suivi d'effets soit la plus faible possible. Voilà pourquoi je suis favorable à la disposition dont nous parlons. Il est évident que si un individu sorti de prison a une arrière-pensée, par définition, il lui sera plus difficile de masquer pendant vingt-quatre mois sa volonté de commettre un nouvel acte. Pour la gestion du risque, une telle durée est donc préférable.

Nous parlons bien d'individus qui sont toujours dangereux. C'est pour cette raison que je ne suis pas d'accord lorsque vous comparez cette mesure à d'autres peines. On ne parle pas d'agneaux, mais de personnes qui sont très dangereuses pour la société. En commettant un acte ayant entraîné une condamnation, elles ont pris leurs responsabilités et, derrière, il est normal que la société se protège. Oui, nous créons des discriminations au nom de l'utilité commune, c'est un grand principe intangible – comme quoi l'état du droit peut évoluer, et les principes rester les mêmes.

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Je voulais rapidement préciser que nous sommes d'accord avec les MICAS. La seule question qui se pose est de savoir si nous portons leur durée de douze à vingt-quatre mois. Monsieur le rapporteur, vous dites que cette mesure est proportionnée, mais vous n'apportez aucun argument en ce sens. Vous avez vous-même dit qu'aucun ancien détenu n'avait récidivé pendant l'année qui a suivi sa libération. Il n'y a donc pas de proportionnalité dans cette mesure. Enfin, M. le ministre nous dit de regarder l'ensemble du texte. C'est bien parce que nous prenons en considération l'ensemble du texte – nous aborderons un peu plus tard les mesures judiciaires – que nous pensons qu'il n'est pas nécessaire de porter à vingt-quatre mois la durée des MICAS.

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La parole est à Mme la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

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Je voudrais revenir sur l'origine du dispositif que nous vous proposons d'adopter et vous expliquer comment il a été construit. Lorsque, dans le cadre du suivi de la loi SILT, nous avions travaillé avec Éric Ciotti et Raphaël Gauvain, nous nous étions aperçus que la plupart des MICAS – pas toutes, évidemment – étaient prises à l'égard de personnes sortant de prison, et que ces mesures étaient très utiles parce que les individus condamnés pour terrorisme nécessitent, à leur libération, un suivi de la part des services de renseignement pour savoir s'ils présentent ou non une certaine dangerosité. Comme vous le savez, pour renouveler une MICAS, des éléments nouveaux et complémentaires sont nécessaires. La dangerosité doit donc être continue et prouvée pour que les services du ministère de l'intérieur puissent demander la prolongation de sa durée.

L'été dernier, nous avions estimé que ce suivi n'était pas suffisant et qu'il fallait également porter nos efforts sur la réinsertion, d'où la mesure de sûreté judiciaire que j'avais défendue avec Raphaël Gauvain et de nombreux collègues. Largement approuvée, elle a cependant été censurée par le Conseil constitutionnel qui l'a jugée trop contraignante pour la vie privée et familiale de ces individus que nous estimons dangereux et qui nécessitent un suivi.

Le ministre de l'intérieur a parfaitement raison quand il vous dit d'apprécier le texte dans sa globalité : nous avons imaginé un dispositif qui repose sur deux jambes. L'année dernière, nous faisions un peu du deux en un ; la mesure judiciaire permettait à la fois la réinsertion et la sûreté. Pour tenir compte de la censure du Conseil constitutionnel, nous proposons cette fois un dispositif double, comprenant d'une part un volet administratif relatif à la sûreté, avec les MICAS – pointage, déclaration de domicile, etc. – qui peuvent se prolonger jusqu'à vingt-quatre mois uniquement pour les sortants de prison, et, d'autre part, le dispositif de l'article 5, avec des mesures judiciaires de réinsertion.

L'idée, c'est d'avoir des mesures administratives et judiciaires visant les mêmes individus, avec des objectifs différents. Même si, techniquement, il y a des mesures administratives de sûreté d'un côté et des mesures judiciaires de réinsertion de l'autre, notre dispositif, qui vise à assurer la sécurité de nos compatriotes, doit être apprécié globalement. Voilà comment nous l'avons imaginé. Ce que nous vous proposons nous semble normalement susceptible de passer le cap du contrôle de constitutionnalité.

M. Loïc Kervran, rapporteur, applaudit.

L'amendement n° 309 n'est pas adopté.

Les amendements identiques n° 107 , 216 et 397 ne sont pas adoptés.

L'amendement n° 152 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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Je suis saisi de deux amendements, n° 112 et 331 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l'amendement n° 112 .

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Afin de maintenir les principes fondamentaux de l'État de droit, nous proposons que la prolongation au-delà d'une durée de douze mois des mesures de surveillance mises en œuvre par l'autorité administrative soit décidée par le juge judiciaire. En effet, alors que le maintien des MICAS jusqu'à vingt-quatre mois doit être motivé, en l'état actuel du projet de loi, par l'existence d'éléments nouveaux et complémentaires, on peine à comprendre pourquoi de tels éléments ne justifieraient pas l'engagement de poursuites judiciaires. Pour cette raison, l'intervention du juge judiciaire nous semble nécessaire.

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La parole est à Mme Blandine Brocard, pour soutenir l'amendement n° 331 .

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Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, les différentes interventions qui émanent de tous les bancs témoignent d'une certaine difficulté. Depuis hier, vous nous parlez de risque d'inconstitutionnalité. En quelque sorte, cet amendement vous prend à votre propre jeu, puisqu'il vise précisément à assurer la constitutionnalité du dispositif. Contrairement aux amendements précédents, qui supprimaient l'alinéa 7, nous en proposons une nouvelle rédaction.

L'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure, qui définit les conditions dans lesquelles peuvent être décidées les MICAS, concerne – on l'a dit et redit – des personnes qui n'ont pas commis de crime et qui n'ont donc pas forcément été condamnées. Dès lors, il est parfaitement compréhensible que leur application soit strictement encadrée et limitée et que le Conseil constitutionnel ne permette pas que leur durée dépasse douze mois.

Mais l'alinéa 7 de l'article 3 concerne des personnes condamnées pour acte terroriste, éventuellement pour récidive, qui sont sorties de prison depuis moins de six mois et pour lesquelles des faits nouveaux montrent qu'elles ne se sont pas assagies et qu'elles risquent de commettre de nouveaux actes. Nous considérons que le principe de proportionnalité de la loi est valable dans les deux sens : s'il est possible de porter atteinte pour douze mois, au maximum, à certaines libertés fondamentales d'une personne alors qu'elle n'a pas encore commis de crime mais qu'un faisceau d'indices montre qu'elle pourrait passer à l'acte, il est nécessairement possible de prendre des mesures plus longues, avec des contraintes moins lourdes, à l'encontre d'une personne qui a déjà été condamnée pour des actes de terrorisme et pour laquelle on pressent la possibilité d'une récidive.

C'est pourquoi nous vous proposons de détacher cette nouvelle mesure de l'article L. 228-1. Se référer à cet article fait peser le risque d'une inconstitutionnalité, parce qu'il a déjà été jugé que l'application de ses dispositions ne pouvait excéder douze mois, mais aussi parce que les deux conditions supplémentaires nécessaires à la mise en œuvre des MICAS ne semblent pas pertinentes pour une personne qui a déjà été condamnée.

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Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements en discussion commune ?

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L'avis est défavorable sur les deux amendements. S'agissant de l'amendement n° 112 , les MICAS et les éventuelles mesures de contrôle judiciaire sont de nature différente. Les mesures judiciaires concernent les personnes qui ont commis un acte, les mesures de sûreté les individus qui présentent une certaine dangerosité. Mais le droit actuel n'impose pas de choisir l'un ou l'autre : il permet de cumuler les deux. D'ailleurs, des mesures de contrôle judiciaire sont très souvent assorties d'une MICAS.

Concernant l'amendement n° 331 , dont nous avions déjà discuté en commission, je ne fais toujours pas, après un nouvel examen, la même analyse que vous, madame Brocard. Vous souhaitez détacher le prolongement de douze à vingt-quatre mois de l'article L. 228-1 au motif que la première censure du Conseil constitutionnel de 2018 serait intervenue sur la base de l'article L. 228-1. En réalité, ce n'est pas vrai.

Deux décisions du Conseil constitutionnel sont intervenues. La première a été prise, il est vrai, sur le fondement de l'article L. 228-1, tandis que la seconde est intervenue sur la base de l'article L. 228-3. En s'inspirant de l'avis du Conseil d'État, on peut penser que le fait que le Conseil constitutionnel – comme le Conseil d'État – considère que les MICAS ne peuvent s'appliquer au-delà de douze mois constitue un principe général.

Je crains donc qu'en réécrivant ainsi l'alinéa 7, on n'aggrave encore le risque d'inconstitutionnalité attaché à l'extension de douze à vingt-quatre mois de la durée de ces obligations. La rédaction actuelle paraît proportionnée, notamment parce que l'application de la mesure est réservée aux seules personnes condamnées pour terrorisme et sortant de prison.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Si je comprends l'idée de Mme Brocard, M. le rapporteur a bien montré qu'elle fragilise le texte. Je l'invite donc à retirer son amendement ; à défaut, avis défavorable aux deux amendements.

Les amendements n° 112 et 331 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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La parole est à M. Éric Diard, pour soutenir l'amendement n° 171 .

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Son objectif est de supprimer la limitation à vingt-quatre mois de la durée totale cumulée des MICAS, afin de permettre, si nécessaire, d'aller au-delà. Ces mesures pouvant être contestées devant le juge, on peut considérer qu'il y a un équilibre entre, d'une part, l'objectif de préservation de la sécurité publique et de protection contre les attaques terroristes, et, d'autre part, le respect des droits et des libertés des personnes faisant l'objet de ces mesures.

Si la constitutionnalité de cette disposition a été remise en cause lors de son examen en commission, il convient de rappeler la décision du 21 février 2008 du Conseil constitutionnel, saisi de la loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. En effet, dans cette décision, le Conseil constitutionnel a estimé que la rétention de sûreté, appliquée aux personnes incarcérées pour des crimes tels que le meurtre et le viol, était une option parmi d'autres visant à prévenir le passage à l'acte de la personne concernée. Or cette rétention de sûreté est valable pour un an, renouvelable de manière illimitée.

Si ce dispositif a été jugé conforme à la Constitution, il n'y a pas de raison que les MICAS, qui consistent en des mesures de contrôle et de surveillance et non en des mesures de rétention, ne puissent pas, elles aussi, être renouvelables au-delà de vingt-quatre mois.

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Défavorable.

La grande différence avec 2008, c'est que, dans le cadre du dispositif que vous avez évoqué, c'était le juge pénal et non le juge administratif qui contrôlait la décision. Comme le suggérait plus tôt un collègue, il faut partir de la jurisprudence la plus récente pour apprécier la position actuelle du Conseil constitutionnel. L'exigence de proportionnalité est très stricte, et si l'on ne fixe pas de limite à la prolongation, le Conseil considérera sûrement que la mesure n'est pas proportionnée.

L'amendement n° 171 , ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.

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La parole est à M. Claude de Ganay, pour soutenir l'amendement n° 237 .

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L'article 3 porte de douze à vingt-quatre mois la durée maximale des MICAS pour les individus condamnés pour des faits de terrorisme, à condition qu'ils aient purgé une peine minimale de prison de cinq ans, ou trois ans en cas de récidive. Si la volonté d'instaurer cette condition de peine minimale est compréhensible, l'état de récidive légale démontre que la personne condamnée est un danger récurrent pour la sécurité des Français, quelle que soit la durée de sa peine privative de liberté. Ainsi, il convient de supprimer cette condition de durée minimale de peine pour les personnes condamnées pour infraction commise en état de récidive légale.

L'amendement n° 237 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l'amendement n° 121 .

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Déposé par notre collègue Marine Brenier, il vise à étendre la prolongation de la durée maximale des MICAS aux personnes condamnées pour apologie du terrorisme, susceptibles de passer à l'acte. C'est une proposition très pertinente.

L'amendement n° 121 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à M. Éric Diard, pour soutenir l'amendement n° 170 .

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Il s'agit d'étendre le dispositif des MICAS aux fameux DCSR, les détenus de droit commun susceptibles de radicalisation. On me dit que certains détenus de droit commun radicalisés en prison font l'objet de MICAS. Si tel est le cas, j'aimerais en connaître le nombre. Je rappelle ce qu'avait souligné le procureur général François Molins : les personnes qui se radicalisent en prison sont malheureusement plus dangereuses en sortant de prison qu'elles ne l'étaient en y entrant. Dans l'événement tragique de la semaine dernière à La Chapelle-sur-Erdre, c'est un détenu radicalisé en prison qui est passé à l'acte. Je souhaiterais qu'on inscrive clairement dans le texte que les détenus de droit commun qui se sont radicalisés en prison font l'objet de MICAS.

L'amendement n° 170 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'amendement n° 6 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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Je suis saisi de plusieurs amendements, n° 205 , 3 , 207 , 4 , 122 et 5 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements n° 4 et 122 sont identiques.

La parole est à M. Jean-Louis Thiériot, pour soutenir l'amendement n° 205 .

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Avant de défendre l'amendement, je veux rappeler deux éléments.

D'abord, nous nous situons dans un État de droit, or l'État de droit, c'est d'abord l'état du droit.

Ensuite, le débat sur la durée du dispositif est dominé par l'interrogation quant à la censure éventuelle du Conseil constitutionnel. Il me semble pourtant qu'en tant que pouvoir politique, nous devons mettre le sujet sur la place publique. Si le Conseil constitutionnel nous censure, ce sera problématique, mais le pouvoir législatif aura au moins tenu le discours de fermeté que le pays attend.

Enfin, n'oublions pas que le juge peut tout à fait s'exprimer dans le cadre d'une mesure administrative puisqu'il peut toujours être saisi. Je rappelle d'ailleurs, pour faire un peu d'humour, que le juge statue non seulement en première instance, mais également en appel, voire en cassation en tant que juge de la décision administrative.

Avec l'amendement n° 205 , nous proposons d'étendre la durée totale des mesures jusqu'à dix ans, en assumant les éventuels risques de censure. Face à un individu radicalisé, l'exigence de sécurité impose de dépasser le délai prévu dans le projet de loi.

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Les amendements n° 3 de M. Emmanuel Maquet et 207 de M. Jean-Louis Thiériot, les amendements identiques n° 4 de M. Emmanuel Maquet et 122 de Mme Marine Brenier, et l'amendement n° 5 de M. Emmanuel Maquet sont défendus.

Quel est l'avis de la commission ?

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Nous en avons longuement débattu. L'ensemble des amendements en discussion visent à étendre la durée initiale de vingt-quatre mois à trois, cinq ou dix ans. La nécessité de respecter le critère de la proportionnalité motive l'avis défavorable.

Les amendements n° 205 , 3 et 207 , repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Les amendements identiques n° 4 et 122 , repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

L'amendement n° 5 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à M. Éric Diard, pour soutenir l'amendement n° 172 .

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Il s'agit d'un amendement de repli qui vise à permettre la prolongation des MICAS au-delà de vingt-quatre mois uniquement avec l'accord d'un juge administratif, ce qui garantit plus encore le respect de la constitutionnalité.

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Avis défavorable. Je ne vois pas en quoi l'accord préalable du juge administratif modifierait l'appréciation de la proportionnalité de la mesure, d'autant que le principe de base du fonctionnement de la juridiction administrative est de faire intervenir le juge a posteriori, une fois que la décision administrative est prise.

L'amendement n° 172 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

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L'amendement n° 154 de M. Fabien Di Filippo, les amendements n° 173 , 175 et 174 de M. Éric Diard, et l'amendement n° 345 de M. Éric Ciotti sont défendus.

Les amendements n° 154 , 173 , 175 , 174 et 345 , repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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Sur l'article 3, je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je suis saisi de deux amendements identiques, n° 252 et 399 .

La parole est à Mme Aude Bono-Vandorme, pour soutenir l'amendement n° 252 .

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Nous proposons d'allonger à six mois la durée des obligations prévues aux 1o à 3o de l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure, le délai de trois mois étant source d'une véritable lourdeur administrative.

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L'amendement n° 399 de M. François Jolivet est défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

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Défavorable. L'évaluation de la loi appliquée depuis 2017 ne montre à aucun moment que la durée prévue représenterait une lourdeur administrative. Au contraire, le système fonctionne très bien avec un renouvellement à trois mois, puis à six mois avec des éléments nouveaux et complémentaires.

Les amendements identiques n° 252 et 399 , repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

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La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir les amendements n° 15 et 16 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.

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Ils proposent d'étendre les obligations déclaratives aux véhicules et aux moyens de communication des personnes concernées par les MICAS. L'amendement n° 15 mentionne ces deux éléments, et l'amendement n° 16 , uniquement les véhicules.

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Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Même avis.

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Même si ce souhait n'est pas remonté, on devrait anticiper ! Les problèmes de communication sont aujourd'hui centraux : il est important de demander à une personne qui fait l'objet de MICAS de déclarer ses lignes téléphoniques et ses véhicules. Je ne comprends pas qu'on fasse preuve d'un tel conservatisme sur ces points. Cela me désole !

Les amendements n° 15 et 16 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l'amendement n° 26 .

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Il s'agit d'empêcher l'expression publique des personnes identifiées comme radicalisées dans un lieu de culte. En l'occurrence, vous l'aurez compris, il s'agit d'interdire les prêches d'imams radicalisés.

L'amendement n° 26 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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L'amendement n° 430 de M. le rapporteur est un amendement de coordination.

L'amendement n° 430 , accepté par le Gouvernement, est adopté.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 90

Nombre de suffrages exprimés 89

Majorité absolue 45

Pour l'adoption 80

Contre 9

L'article 3, amendé, est adopté.

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Sur l'amendement n° 287 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l'amendement n° 287 , portant article additionnel après l'article 3.

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L'article L. 228-3 du code de la sécurité intérieure prévoit la possibilité, dans le cadre d'une MICAS, de placer un individu sous surveillance électronique mobile. Le bracelet électronique permet de surveiller les déplacements de cet individu et de contrôler qu'il reste bien dans le périmètre qui lui est assigné – c'est-à-dire au minimum celui de sa commune, nous en avons débattu hier soir.

Le placement sous surveillance électronique mobile est un outil pertinent, mais nous proposons d'aller plus loin et de renforcer cette surveillance au moyen d'un placement sous surveillance électronique géolocalisée. Autrement dit, nous proposons, par cet amendement, de recourir à un bracelet électronique géolocalisé pour suivre le parcours des individus dont la dangerosité est évaluée comme maximale.

Nous avons évoqué tout à l'heure l'extrême dangerosité de certains sortants de prison. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : entre 2018 et 2022, 2 540 détenus de droit commun radicalisés seront libérés. Je regrette qu'ils ne soient pas pris en compte par le projet de loi. Vous proposez une surveillance prolongée jusqu'à vingt-quatre mois pour les terroristes condamnés, ce dont nous nous félicitons, mais pourquoi ne pas avoir intégré les détenus radicalisés dans le dispositif ? Le problème n'est pas la condamnation dont ils ont fait l'objet, mais la dangerosité qu'ils représentent pour la société à leur sortie de prison. À cet égard, nous prônons l'application du principe de précaution. Ce principe est convoqué sur de nombreux sujets : nous demandons qu'il le soit également en matière de terrorisme. La protection de la société prime sur la protection d'un individu qui présente un danger pour la société. C'est la raison pour laquelle un bracelet électronique géolocalisé nous paraît une réponse adaptée à la lutte contre la menace terroriste.

Applaudissements sur les bancs du groupe LR.

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Cette disposition existe déjà en matière pénale : dans le cadre de l'exécution et de l'aménagement de la peine, le juge pénal peut demander la pose d'un bracelet électronique géolocalisé. En matière administrative, en revanche, dans le cadre d'un dispositif de sûreté et de prévention, l'usage de cet instrument n'est pas possible sur le plan constitutionnel. Nous en revenons au débat ouvert en commission et rouvert hier soir : l'instauration d'une telle mesure ne saurait être envisagée dans le cadre d'un projet de loi ordinaire ; elle exige une réforme constitutionnelle. Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Avis défavorable.

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Je vous ai écouté avec attention, monsieur le rapporteur, tout comme j'ai écouté notre collègue Éric Ciotti. Pensons aux Français qui nous regardent ! Vous étiez convaincant tout à l'heure, monsieur le ministre, lorsque vous avez rappelé que des mesures de prévention s'imposaient pour certains délinquants sexuels, mais nous parlons aujourd'hui de détenus radicalisés, potentiellement très dangereux et qui pourraient passer à l'acte demain. M. Ciotti propose de leur faire porter un bracelet électronique de géolocalisation pour prévenir d'éventuels actes terroristes. Si jamais ces détenus se conduisaient bien et ne commettaient aucune infraction, alors ce bracelet pourrait tout simplement leur être retiré. Et si un juge considère qu'un bracelet électronique géolocalisé est nécessaire, comment le Conseil constitutionnel pourrait-il s'y opposer ?

Si nous sommes réunis aujourd'hui, c'est précisément pour renforcer nos instruments de lutte contre le terrorisme, bien évidemment en préservant les droits fondamentaux, y compris ceux des sortants de prison. L'amendement de M. Ciotti est important. Si demain un détenu radicalisé commet un attentat après sa sortie de prison, nous pourrions bien regretter de ne pas l'avoir adopté. Une fois encore, je vous appelle à bien réfléchir, chers collègues !

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Je suis évidemment opposé à cet amendement et j'interpelle nos collègues qui pensent bien faire en cherchant perpétuellement de nouveaux moyens technologiques de surveillance. Souvenez-vous de notre débat sur les féminicides et les violences conjugales et intrafamiliales : nous réfléchissions alors à un bracelet qui géolocaliserait une personne lorsqu'elle se trouverait dans un lieu qui lui serait interdit. Tel est le principe du bracelet antirapprochement, à distinguer du dispositif de placement sous surveillance électronique mobile, le PSEM, qui repose sur une géolocalisation permanente, en temps réel, et qui est déjà utilisé pour certains crimes, notamment les crimes sexuels et pédophiles.

En acceptant des mesures de sûreté pour les crimes sexuels et la pédophilie, en les considérant comme logiques et normales, nous en venons à les considérer comme logiques et normales pour d'autres matières. Vous les proposez aujourd'hui pour le terrorisme ; demain, vous nous expliquerez que la criminalité organisée les justifie également au motif qu'elle s'attaque aux policiers et qu'elle est source de séparatisme, c'est-à-dire, en quelque sorte, de terrorisme. Puis vous estimerez sans doute nécessaire de généraliser les mesures de sûreté et les délinquants qui encourent des peines supérieures à cinq ans de prison devront également faire l'objet d'une surveillance électronique sophistiquée.

Cette analyse a été théorisée, je n'ai rien inventé : cela s'appelle l'effet cliquet. À la fin, on ne sait plus ce que signifient la dangerosité, l'effectivité des faits, l'État de droit et la présomption d'innocence – tous ces principes du bloc de constitutionnalité auxquels nous sommes, je crois, unanimement attachés.

Nous le redirons lorsque nous examinerons l'article 5 : nous refusons que des mesures privatives de liberté soient prises à l'encontre de personnes qui n'ont pas commis d'infraction.

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C'est aussi simple que cela ! Je tiens par ailleurs à rappeler, par souci de cohérence, que lors de l'examen du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, j'avais défendu un amendement du groupe La France insoumise visant à supprimer les mesures de sûreté dans le code pénal. Nous n'avons visiblement pas la même conception de la matière pénale, de l'État de droit et de la préservation des libertés !

Rires et exclamations sur les bancs du groupe LR.

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Le texte s'intitule « projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement ».

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Or, pour prévenir les attaques terroristes, nous ne pouvons pas faire l'impasse sur les détenus radicalisés en prison. Ces derniers ont malheureusement démontré leur dangerosité dans le passé et représentent un danger imminent pour notre société. Mohammed Merah était un délinquant qui s'était radicalisé en prison, tout comme Michaël Chiolo, l'un des auteurs de l'attentat de la prison de Condé-sur-Sarthe, Chérif Chekatt, qui a perpétré l'attentat de Strasbourg, et Mehdi Nemmouche, l'auteur de l'attentat du Musée juif de Belgique.

Pour prévenir efficacement le terrorisme, nous devons adopter la mesure préconisée par notre collègue Éric Ciotti. À défaut, le projet de loi restera, malheureusement, très insuffisant.

M. Meyer Habib et M. Éric Pauget applaudissent.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 85

Nombre de suffrages exprimés 83

Majorité absolue 42

Pour l'adoption 19

Contre 64

L'amendement n° 287 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l'amendement n° 286 .

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Avant de défendre ce nouvel amendement, permettez-moi de regretter le rejet du précédent, qui proposait une mesure importante. Nous sommes désormais privés de la possibilité de mieux protéger la société.

Monsieur le ministre, vous avez voulu être rassurant tout à l'heure sur le sujet des sortants de prison, mais nous n'avons pas la même interprétation de l'attaque de la Chapelle-sur-Erdre. Je me suis déjà exprimé sur cet événement, mais lorsqu'un individu inscrit au FSPRT, le fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste, commet un acte atroce après s'être radicalisé en prison, la qualification terroriste de l'acte a beau ne pas être retenue, qui peut nier que cet acte prend sa source dans la radicalisation islamiste ? Votre analyse est rassurante, mais elle l'est sans doute trop. Vous prétendez que les sortants de prison ne posent pas de problèmes, mais tous les spécialistes – vous les consultez quotidiennement, monsieur le ministre – pointent cette évidence : les sortants de prison, qu'ils aient été condamnés pour terrorisme ou qu'ils se soient radicalisés en prison, constituent la principale menace en matière de terrorisme. Les représentants du parquet et les patrons des services de renseignement que nous avons entendus lors des auditions n'ont pas dit autre chose.

Bien sûr, nous croisons les doigts et nous formons le vœu qu'aucune nouvelle tragédie ne survienne, mais je redoute, compte tenu du nombre et du profil des sortants de prison, que nous soyons demain confrontés à des drames qui nous obligeront à revoir le dispositif. Je regrette que vous n'ayez pas la volonté d'aller plus loin et de faire bouger les lignes. Vous choisissez la voie du conformisme et de l'immobilisme alors qu'il est indispensable de mieux protéger les Français.

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Quant à l'amendement n° 286 , il propose de supprimer le consentement de la personne lors de son placement sous surveillance électronique mobile. Tel est votre monde de Bisounours : on place une personne dangereuse sous surveillance et on lui demande son consentement ! Que peuvent bien comprendre nos concitoyens ?

Applaudissements sur les bancs du groupe LR.

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…nous avons tous conscience de l'extrême dangerosité des personnes qui vont sortir de prison et nous avons tous l'objectif de mettre en œuvre des mesures opérationnelles, attendues par les services de sécurité.

Vous surestimez l'efficacité du bracelet électronique, cher collègue. Les services nous le disent clairement et nous en avons longuement discuté l'année dernière et cette année en commission : la mesure la plus utile, d'après eux, est le pointage au commissariat.

Vous avez demandé un scrutin public sur l'amendement n° 287 et vous défendez le placement sous surveillance électronique géolocalisée, mais le ministre de l'intérieur a déjà la possibilité, dans le cadre des MICAS, d'exiger le port du bracelet électronique. En outre, combien de personnes concernées par une MICAS depuis 2017 ont-elles fait l'objet d'un placement sous surveillance électronique mobile ? Aucune !

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Non, ce n'est pas une erreur. Ce dispositif n'est tout simplement pas demandé par les services de sécurité. Je prendrai un seul exemple : lors de l'attentat de l'église de Saint-Étienne-du-Rouvray, le terroriste portait un bracelet électronique, qui ne l'a nullement empêché de commettre son crime.

Exclamations sur les bancs du groupe LR.

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Vous avez assisté à toutes les auditions, monsieur Ciotti. Vous savez donc que la mesure la plus utile est le pointage. Les services de sécurité l'expliquent très bien : c'est le contact physique avec la personne – une MICAS prévoit un pointage jusqu'à trois fois par semaine au commissariat – qui leur permet d'évaluer au mieux son état de dangerosité. Vous soutenez qu'un bracelet électronique géolocalisé permettrait de mieux protéger les Français. Nous privilégions, quant à nous, des mesures utiles et opérationnelles, avec l'objectif de protéger les Français le plus efficacement possible contre la menace terroriste. Avis défavorable.

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La parole est à M. le ministre de l'intérieur, pour donner l'avis du Gouvernement.

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Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Monsieur Ciotti, j'ai peu goûté votre intervention : à rebours du débat de qualité que nous avons depuis hier, vous semblez dire, en caricaturant nos propos, que nous sommes naïfs et que nous ne considérons pas les sortants de prison comme dangereux. Nous disons tout le contraire depuis hier, et c'est bien pour cela que nous présentons un projet de loi !

Je me suis contenté de vous exposer des statistiques, comme vous l'avez fait hier s'agissant des étrangers. Pour donner de la force à votre argumentaire, monsieur Ciotti, voici ce que vous avez dit : les six derniers attentats ayant été commis par des personnes étrangères, vous avez établi un lien entre étrangers, radicalisation et terrorisme, et vous en avez conclu qu'il fallait légiférer sur l'immigration.

De la même manière – c'est la raison d'être de ce débat –, je le dis à M. Diard qui m'a tout à l'heure corrigé à propos de l'agression commise à La Chapelle-sur-Erdre, car je ne crois pas qu'il ait participé au débat d'hier soir et qu'il ait entendu le long échange que nous avons eu avec M. Ciotti :…

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Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

…nous pouvons nous appuyer sur d'autres statistiques qui sont tout aussi vraies et incontestables, notamment celle qui montre que les neuf derniers attentats ont été commis par des gens qui n'étaient pas incrits au FSPRT.

Je constate par ailleurs – je ne dis pas que cela n'arrivera pas, mais nous le constatons tous – qu'aucun sortant de prison n'a pour l'instant commis d'attentat terroriste défini comme tel.

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Il faut raisonner en fonction des probabilités !

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Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Il faut accepter la séparation des pouvoirs, même si je sais que certaines familles politiques débattent pour savoir s'il faut maintenir ce principe – et plus généralement l'État de droit – tel qu'on le connaît. Mais je sais que vous êtes tous attachés – c'est le minimum – à ce que ce soit la justice qui se charge de qualifier un acte de terroriste. Vous avez vous-même salué hier, à cette tribune, monsieur Ciotti, la qualité des parquets antiterroristes. Si vous décernez votre satisfecit au procureur Ricard et à l'ensemble des services spécialisés de la magistrature, vous devez le faire s'agissant de toutes les qualifications juridiques qu'ils retiennent, non seulement quand elles vous convainquent mais aussi quand ce n'est pas le cas.

J'insiste : nous constatons collectivement que les sortants de prison condamnés pour terrorisme ou radicalisés n'ont pas commis d'attentat. Je ne dis pas que ça n'arrivera pas dans une heure, ce soir, demain ou après-demain, mais nous faisons tout pour l'éviter ; c'est bien pour cela que nous présentons un tel texte et que nous revenons à plusieurs reprises le défendre à la tribune.

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Mais il faut tenir compte des probabilités !

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Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Le sujet est déjà assez compliqué, efforçons-nous de ne pas le politiser ! J'ai un peu peur que votre démonstration, monsieur Ciotti, puisse servir en réalité à nous dire, le jour où un attentat terroriste sera commis par un sortant de prison, que vous nous aviez prévenus. J'espère que ce n'est pas dans ce but que vous êtes intervenu !

Je ne parle pas de l'avenir, mais je constate aujourd'hui que les MICAS, comme l'a très bien dit M. le rapporteur, sont, dans certaines circonstances, les mesures les plus efficaces. J'ai évoqué hier le cas de M. Moreau, qui a été rendu public – il y en a d'autres que je ne peux pas rendre publics mais qui ont été constatés par les services de renseignement intérieur : sortant de prison, radicalisé, condamné pour terrorisme, dangereux, il faisait l'objet d'une MICAS et c'est cette mesure qui a permis de le récupérer, si j'ose dire, et d'éviter qu'il ne commette un attentat.

Je le répète, ce n'est pas le seul outil dont nous disposons : la mesure peut être complétée par une judiciarisation de la procédure – Mme Frédérique Dumas n'a pas voulu l'entendre tout à l'heure, mais si l'on s'aperçoit au bout de vingt-quatre mois que la personne est toujours dangereuse, on peut toujours judiciariser. J'ai eu l'occasion de dire tout à l'heure d'une part que la taqiya, ou dissimulation, était pratiquée par une partie des personnes dont nous parlons, et d'autre part que la judiciarisation prend parfois plus de temps que l'entrave administrative ; vingt-quatre mois nous paraissent donc constituer un délai adéquat.

Ensuite, arrêtons de faire comme s'il n'y avait que les mesures de l'article 3 dans ce projet de loi. Il contient de nombreuses mesures complémentaires et Mme la présidente de la commission a évoqué le cheminement – vous le connaissez par cœur puisque vous avez contribué à son élaboration, à la fois en participant aux auditions et en rédigeant un rapport – qui consiste à conjuguer différents types de mesures, administratives et judiciaires mais aussi d'insertion, de protection, de contrôle et de renseignement. C'est l'ensemble de ce secteur de l'action publique qui permet d'éviter les passages à l'acte.

Quant au bracelet électronique – M. le rapporteur l'a très bien dit –, dans le cas de Saint-Étienne-du-Rouvray, il n'a servi à rien, au contraire. Les services de renseignement intérieur, dont vous saluez tous l'activité, ne demandent pas son utilisation, car il semblerait qu'un tel outil conduise à ne pas prendre les mesures humaines de contrôle physique évoquées par M. le rapporteur.

Enfin, alors que nos débats ont jusqu'à présent été de bonne tenue, respectueux des arguments présentés par les uns et les autres, il ne faut pas nous accuser de naïveté – c'est ce que vous faites depuis quelques instants, monsieur Ciotti. Je ne vais pas faire ici le procès qui permettrait de déterminer comment nous en sommes arrivés là, mais avouez que les problèmes ne remontent pas seulement à 2017. Nous pourrions tous faire des procès à l'envi, mais il s'agissait d'autres temps, d'autres mœurs et d'autres gouvernements.

La situation que nous combattons ne date pas d'hier et elle dure depuis longtemps : je venais d'entrer au collège lorsque les attentats de 1995 ont eu lieu. Le terrorisme islamiste a des causes multiples qui sont liées aux relations internationales, à l'immigration, à certaines concentrations de population mais aussi à la grande naïveté de la lutte qui a été menée contre l'islamisme radical, sans parler de la perte d'efficacité des services qui ont eu à subir des changements d'organisation. Si nous en sommes arrivés là, c'est pour de nombreuses raisons. Regardons l'avenir, arrêtons de jeter des anathèmes et évitons de faire de la petite politique, tout le monde s'en portera mieux.

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Puisque vous m'avez prise à parti en disant que je n'avais pas vraiment compris vos propos, je voulais préciser que ce n'est pas le cas : j'ai très bien compris qu'il y avait à la fois des mesures administratives et des mesures judiciaires. Ce que j'ai cherché à comprendre tout à l'heure, c'est la raison pour laquelle la durée maximale cumulée des mesures devrait passer de douze à vingt-quatre mois. Je le répète à mes collègues : puisqu'aucune attaque n'a été commise par des personnes sortant de prison – vous venez à nouveau de le dire –, le judiciaire peut très bien prendre le relais au bout de douze mois plutôt que vingt-quatre. On ne peut pas dire tout et son contraire !

Je comprends pourquoi vous voulez passer de douze à vingt-quatre mois, mais vous ne pouvez pas dire que c'est comme ça et pas autrement, ni que cette durée est proportionnée, d'autant que vous écrivez vous-même dans le projet de loi que « chaque renouvellement au-delà d'une durée cumulée de douze mois sera prononcé pour une durée de trois mois et subordonné à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires. » Il s'agit donc bien d'une judiciarisation de la procédure, plus que de mesures purement administratives.

Je voulais ensuite souligner un autre élément s'agissant de l'amendement de notre collègue Ciotti : depuis tout à l'heure, j'entends dire que les détenus se radicalisent en prison. C'est effectivement une réalité, mais dans ce cas, les mesures nous parlons aujourd'hui ne servent à rien ! N'envoyons pas les gens en prison, ou essayons de créer des dispositifs permettant qu'ils ne s'y radicalisent pas ! Parce que les gens se radicalisent en prison, on attendrait leur sortie pour les soumettre à des mesures administratives et les empêcher de passer à l'acte ? On marche sur la tête !

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J'ai écouté M. le rapporteur et M. le ministre et je veux croire que non, ce n'est pas un débat politicien. Personne n'a de solution miracle ; sinon, ça se saurait !

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Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

C'est bien de le dire !

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Monsieur le ministre, je vous ai écouté : il est vrai qu'à Saint-Étienne-du-Rouvray, le bracelet électronique n'a pas empêché l'acte. D'ailleurs, il ne l'empêchera jamais : ce n'est pas parce qu'une personne est géolocalisée qu'elle ne peut pas aller commettre un attentat. Mais je pense en mon âme et conscience que cette mesure peut avoir des bénéfices.

Je vous ai également écouté, monsieur le rapporteur : vous avez dit, et vous avez raison – c'est un argument important –, qu'il est utile qu'un terroriste, repenti ou pas, sortant de prison, doive se présenter périodiquement aux autorités, par exemple trois fois par semaine ; lorsqu'il vient pointer, un contact humain est établi avec lui.

Et après ? Si on a un doute, que fait-on ? Vous savez ce qui manque ? J'en reparlerai tout à l'heure, mais il manque la détention administrative. C'est indispensable ! Elle doit être décidée sous le contrôle d'un juge et du ministre de l'intérieur, dans certains cas très particuliers, lorsqu'on pense que la personne concernée peut être une bombe à retardement. Il nous faut un instrument administratif mobilisable rapidement, immédiatement. Nous sommes là pour essayer d'arrêter les bombes humaines qui nous menacent.

Je vous l'ai déjà expliqué et je le ferai de nouveau : en Israël, la détention administrative a permis de diviser par quinze le nombre d'attentats en quinze ans. Elle est appliquée sous le contrôle du juge et de façon très rigoureuse ; c'est le patron des services compétents qui nous l'a expliqué, à moi et à certains de mes collègues dont M. Ciotti. C'est très important ! Certes, il n'y a pas de solution miracle et le bracelet électronique n'est pas la panacée, mais il a une utilité ; c'est ma conviction.

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Ce débat est important. Nous nous opposons sur certains points, mais nous avons la volonté commune de mieux protéger la société. Je partage votre constat, monsieur le ministre, et l'état des lieux que vous faites. Naturellement, je n'ai jamais dit ni entendu dire – je ne pense pas que vous puissiez prétendre le contraire – que la menace dont nous parlons est arrivée en 2017. Elle existe depuis de nombreuses années et elle a pris une forme nouvelle à partir de 2012, du fait des départs en Syrie, puis une tournure tout à fait dramatique depuis 2015.

Depuis la présidence de Nicolas Sarkozy, qui avait entrepris une réforme pertinente du renseignement en additionnant les forces de nos deux services pour gagner en efficacité, contrairement à la caricature que l'on en fait souvent, tous les gouvernements qui se sont succédé ont contribué à lutter contre cette menace, y compris le gouvernement socialiste sous l'autorité de Manuel Valls et de Bernard Cazeneuve. Nous avons systématiquement voté en faveur des dispositifs de protection proposés, à l'exception de la sortie de l'état d'urgence, dont nous pensons qu'elle a participé à dégrader le niveau de notre sécurité. Mais j'appelle aujourd'hui de mes vœux des mesures beaucoup plus fortes.

La rétention administrative, dont nous parlions tout à l'heure et que notre collègue Meyer Habib vient d'évoquer, s'applique dans certains pays avec efficacité. Vous refusez d'aller sur ce terrain et il faudrait naturellement modifier la Constitution pour atteindre un tel objectif ; personnellement, c'est ce que je souhaite. Mais en l'espèce, grâce au bracelet géolocalisé, nous avons la possibilité d'élever notre degré de protection.

Vous avez évoqué l'attentat qui a frappé le père Hamel à Saint-Étienne-du-Rouvray, en disant que son auteur était placé – je crois que c'est M. le rapporteur ou M. le ministre qui l'a dit – sous surveillance électronique. Mais précisément, ce n'était pas un bracelet géolocalisé !

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Si tel avait été le cas, peut-être l'attentat aurait-il été évité ! Nous voulons instaurer des dispositifs de précaution. Je crois que nous avons tous le même objectif mais je crains que demain, malheureusement rattrapés par une actualité tragique, nous soyons amenés à revenir ici.

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Monsieur le ministre de l'intérieur, vous parlez des détenus terroristes alors que j'évoque pour ma part les détenus de droit commun qui se sont radicalisés en prison.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

J'ai bien compris !

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Je le répète, c'est là que se trouve la faille de ce projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme. Monsieur le garde des sceaux, vous avez bien tenu compte de l'affaire Samuel Paty pour écrire certains articles de la loi contre le séparatisme ! De la même manière, utilisez la terrible affaire de La Chapelle-sur-Erdre pour prendre des dispositions concernant ces détenus de droit commun qui se sont radicalisés et sont passés à l'acte, comme nous l'avons vu !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Je ne veux pas qu'il y ait de malentendu avec M. Diard. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'un sortant de prison condamné pour terrorisme et un autre de droit commun mais radicalisé en prison sont tous les deux dangereux. Nous sommes d'accord, je ne vais pas dire le contraire. L'un est-il plus dangereux que l'autre ? Je ne me hasarderai pas à trancher, mais il y en a un, manifestement, qui a commis un acte terroriste, tandis que l'autre ne l'a pas fait, même s'ils sont l'un et l'autre radicalisés. Vous êtes trop bon connaisseur de ces sujets pour établir un lien absolu – même si ce lien existe, je ne veux pas le sous-estimer – entre radicalisation et passage à l'acte. Le passage à l'acte, c'est tout de même quelque chose de particulier.

Nous distinguons donc ces deux situations. On peut le regretter ou pas, mais tout à l'heure, votre collègue du groupe LR, député de Seine-et-Marne, a dit que vous ne souhaitiez en aucun cas revenir sur l'État de droit et sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Or le Conseil constitutionnel, monsieur Diard, a considéré que les mesures prises étaient trop larges ; il les a censurées.

Et que faisons-nous aujourd'hui ? Nous faisons en sorte que la disposition voulue ne touche que les personnes « ayant fait l'objet d'une condamnation à une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans pour des faits de terrorisme, ou d'une durée supérieure ou égale à trois ans lorsque l'infraction aura été commise en état de récidive légale. » Nous essayons ainsi de viser une situation particulièrement dangereuse, afin de signaler au Conseil constitutionnel que nous avons compris le motif de sa censure et que nous nous efforçons de mieux cibler le public concerné.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Voilà !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Nous faisons donc la loi, mais dans un cadre contraint qui est d'ailleurs celui – j'ai déjà eu l'occasion de le dire hier – d'un projet de loi ordinaire. Par conséquent, ne nous dites pas que nous ignorons les sortants de prison de droit commun radicalisés. Je partage votre avis, mais nous essayons de créer des mesures particulières, adaptées à ceux qui ont été condamnés au minimum à cinq ans de prison pour acte de terrorisme.

Cependant, vous le savez bien, il existe des mesures de suivi ciblant les sortants de prison radicalisés de droit commun, puisque la DGSI et d'autres services les surveillent. Mais nous considérons que la mesure la plus forte, celle qui porte à vingt-quatre mois la durée des obligations pesant sur la personne, doit être ciblée ; elle est d'ailleurs contestée par une partie de l'hémicycle et de l'opinion, comme vous avez pu vous en apercevoir. Je ne veux pas que vous pensiez que nous sommes naïfs ; je veux que vous pensiez que nous sommes efficaces.

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La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

En prison, les radicalisés ne sont pas laissés à l'abandon mais suivis : après une évaluation, ils sont pris en charge.

Ensuite, monsieur Ciotti, vous avez montré lors des débats d'hier – et je le dénonce – à quel point vous souhaitiez être mieux-disant que tous les autres. Vous voulez être monsieur Plus, mais pas celui de Bahlsen.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Il faudrait faire plus que tout ce que nous proposons. En réalité, le monde des Bisounours dont vous parlez, c'est le Conseil constitutionnel de la rue de Montpensier, qui nous impose un certain nombre de choses. Puisque nous sommes aux responsabilités, nous prenons en considération sa décision. Quant à vous, vous ne la prenez pas en considération car vous êtes au-delà de tout. D'un point de vue rhétorique, c'est assez habile. Sachant parfaitement que ces débats sont suivis, vous dites à vos électeurs : je suis là pour vous protéger alors que les autres sont d'affreux laxistes, naïfs et crédules, qui vivent dans le monde des Bisounours et qui ne veulent rien faire.

« Caricature ! » sur les bancs du groupe LR.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Si vous vouliez coconstruire avec nous, vous diriez : le Conseil constitutionnel nous a imposé certaines règles et nous allons ensemble voter pour ce texte. Vous faites de la surenchère car c'est la mode du moment, comme j'ai eu l'occasion de le dire il y a quelques jours lors d'une séance de questions au Gouvernement. C'est à celui qui trouve la plus extraordinaire des mesures. Plutôt que les égrener toutes – vous les connaissez par cœur –, je ne citerai que la plus belle d'entre elles : la cour de sûreté sans appel, proposée par quelqu'un dont on ne sait plus s'il est encore avec vous, s'il est déjà parti ou plutôt retourné, devrais-je dire, d'où il vient.

Vives exclamations sur les bancs du groupe LR.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Votre rhétorique…

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Vous êtes tombé bien bas ! Ce n'est pas digne d'un garde des sceaux !

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S'il vous plaît, laissez le garde des sceaux s'exprimer, lui seul a la parole.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Votre rhétorique habile, quand on s'y attarde un instant…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Quand on s'attarde un instant sur votre rhétorique habile, monsieur Ciotti, on peut la démonter parfaitement. Vous m'avez déjà fait le coup à je ne sais combien de reprises : vous vous emparez d'un sujet et vous vous faites le mieux-disant. Mais nous ne sommes pas aux enchères, ici !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Nous sommes au Parlement et le Conseil constitutionnel n'est pas le monde des Bisounours. Vous pourriez être d'accord avec nous, mais ce n'est pas le cas.

Enfin, le moment venu, je reviendrai sur les chiffres que vous avez cités hier dans votre élan, dans la flamme qui vous emporte parfois : ce ne sont pas les bons.

L'amendement n° 286 n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

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La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l'amendement n° 349 .

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Monsieur le garde des sceaux, nous avions un débat apaisé jusqu'à ce que vous arriviez et que vous y introduisiez la politique. C'est peut-être l'air nouveau de la campagne électorale qui souffle vers vous et vous donne un élan : la nouveauté peut en effet inspirer.

Monsieur le garde des sceaux se lève.

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Restez quelques secondes avec nous, monsieur le garde des sceaux : les chiffres que j'ai cités hier émanent d'un document de la direction de l'administration pénitentiaire – en l'occurrence, ils figurent dans un tableau 39 qui dresse la situation au 10 janvier 2020. Selon ce document, 2 540 détenus terroristes ou radicalisés sont sortis de prison depuis 2018 – 328 détenus condamnés pour terrorisme et 2 212 détenus radicalisés – et il est prévu que 2 022 détenus sortiront en 2020.

Nous pourrons discuter de ce tableau, qui est clair et qui émane de votre administration, même si vous n'étiez pas ministre le 10 janvier 2020. Administration de qualité, la pénitentiaire fournit des statistiques qui se retrouvent dans les tableaux de votre ministère. Tout à l'heure, M. le ministre de l'intérieur a d'ailleurs confirmé ces chiffres qui correspondent à ceux qui ont été cités en commission des lois. Les chiffres sont totalement équivalents. Le tableau en question date de janvier 2020…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mais nous sommes en 2021 !

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Depuis janvier 2020, les données ont peut-être évolué à quelques unités près, mais ce tableau dressait un constat et établissait des prévisions. Pour le reste, monsieur le garde des sceaux, nous sommes pour être mieux-disants en ce qui concerne les précautions à prendre contre le terrorisme.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Au-delà du Conseil constitutionnel !

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Vous revendiquez être moins-disant ? On n'ira jamais assez loin dans la protection des Français.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Dites-le au Conseil constitutionnel !

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En tout cas, c'est ce que nous souhaitons, en dépit des contraintes constitutionnelles.

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Nous sommes cohérents : nous appelons à une modification de la Constitution.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Je n'ai pas été convaincu par M. Ciotti !

Sourires.

L'amendement n° 349 n'est pas adopté.

Suspension et reprise de la séance

La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures.

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La séance est reprise.

L'amendement n° 348 de M. Éric Ciotti est défendu.

L'amendement n° 348 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 419 .

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Il est directement issu des travaux de la mission de contrôle et d'évaluation de la loi SILT, loi en vertu de laquelle une visite domiciliaire – l'ancienne perquisition administrative – ne peut être effectuée qu'en présence de deux témoins si l'occupant des lieux est absent. L'amendement vise à garantir leur anonymat, comme c'est le cas lors de perquisitions judiciaires ; par parallélisme, nous demandons l'extension de cette pratique aux visites domiciliaires.

Cette disposition nous a été suggérée par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris ; pratiquant ces visites depuis plus de deux ans, notamment dans des affaires de terrorisme, il lui est arrivé de ne trouver personne pour se porter témoin car l'anonymat ne pouvait être garanti.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je suis défavorable à cette mesure. En l'absence de l'occupant, le recours à deux témoins doit pouvoir être avéré ; il est donc tout à fait impossible que les témoins en question restent anonymes. Il y va naturellement des droits de la défense, car il faut assurer la régularité de la perquisition. Si les documents mentionnent des témoins anonymes, comment saura-t-on qu'ils existent bien et qu'ils ont effectivement assisté à la perquisition ? Cette garantie essentielle existe depuis toujours en cas de perquisition conduite en l'absence de l'intéressé.

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L'amendement vise à insérer la phrase suivante : « Cette copie préserve, le cas échéant, l'anonymat des témoins mentionnés au troisième alinéa. » Le groupe La République en marche estime que la non-anonymisation des témoins risque de désorienter et peut-être d'empêcher de trouver des témoins. Il votera donc en faveur de l'amendement.

L'amendement n° 419 est adopté.

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La parole est à Mme Cécile Untermaier, première inscrite sur l'article 5.

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Loin du « moins-disant » invoqué par certains, c'est la rationalisation des diverses mesures susceptibles d'être prises qui est proposée. J'ai débattu avec le rapporteur et le ministre de l'intérieur de l'allongement de la durée des MICAS de douze à vingt-quatre mois : je trouve cette mesure excessive, mais j'ai malgré tout voté l'article 3.

L'article 5 crée une mesure de sûreté dont l'objectif est de prévenir la récidive et de garantir la réinsertion sociale. Toutefois, des mesures d'encadrement de la sortie des détenus existent déjà ; ne laissons pas nos concitoyens croire que le juge ne dispose d'aucun moyen pour surveiller les personnes condamnées à leur sortie de prison.

Il reste que ces dispositifs ne sont pas suffisants. Par exemple, le suivi sociojudiciaire que nous avons instauré en 2016 ne peut pas s'appliquer aux individus condamnés avant le 5 juin 2016. Autrement dit, il ne s'appliquera qu'à une trentaine des 163 détenus concernés qui sortiront de prison dans les trois prochaines années.

En toute transparence, je rappelle qu'à titre personnel, je me suis prononcée en faveur de la mesure de sûreté similaire que nous avons adoptée en 2020, estimant qu'il fallait combler le vide juridique entourant les actes de terrorisme commis avant juin 2016. Cependant, le Conseil constitutionnel a opposé l'exigence de proportionnalité des mesures de sûreté avec l'objectif recherché ; nous devons travailler dans cette voie.

Malgré quelques interrogations, je suis, comme d'autres députés du groupe Socialistes et apparentés, favorable à cette mesure de sûreté dès lors qu'elle préserve, de manière fondée et proportionnée, les libertés fondamentales garanties par notre État de droit.

Les mesures prévues par le législateur et mises en œuvres par le juge sont une chose ; leur application et leur contrôle en sont une autre. Nous devons aussi garantir leur effectivité et, pour ce faire, reposer la question des moyens dont disposent les services de police et de gendarmerie, ainsi que la justice, en particulier les services pénitentiaires d'insertion et de probation. Rappelons enfin qu'aucun texte ne pourra nous prémunir totalement contre le risque que l'article 5 tente à bon droit de limiter.

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Avant que ne reprenne le congrès des Républicains entre les ministres au banc du Gouvernement et la droite de l'hémicycle ,

Murmures sur les bancs du groupe LR

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j'aimerais rappeler notre opposition à la mesure de sûreté proposée à l'article 5 – une opposition de fond, et non seulement au manque de proportionnalité.

Nous refusons que soit élargi le champ du concept de dangerosité dans le code de procédure pénale et que des mesures à tout le moins restrictives de liberté puissent être imposées sur ce fondement à des personnes qui n'ont pas commis d'infraction et qui, de surcroît, ont purgé leur peine.

Rappelons que si nous en sommes là, c'est aussi parce que la plupart des personnes condamnées pour des faits de terrorisme achèvent leur peine par une sortie sèche de prison puisque sous le coup de l'émotion, par surenchère sécuritaire – ou, pour dire les choses clairement, sous l'impulsion de la droite –, on a fini par les exclure de tous les dispositifs d'aménagement de peine et autres mesures semblables qui permettent de prévenir la récidive et de préparer la sortie – ou de préparer la sortie et de prévenir la récidive, peu importe, l'objectif est le même. Mais on ne peut tout de même pas, dites-vous alors, lâcher les personnes en question dans la nature : il faut bien en faire quelque chose !

D'une part, elles ne sont pas lâchées dans la nature : nous disposons de moyens de surveillance et de techniques de renseignement qui permettent de les suivre sans prendre des mesures restrictives de liberté. D'autre part, je le répète, il n'est pas possible d'adopter ainsi des mesures qui sont souvent requalifiées en peines par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Eh oui, dans plusieurs contentieux, les mesures de sûreté ont été requalifiées en peines, et pour cause : les obligations telles que celles de l'article 5 finissent par ressembler fortement à une peine !

J'ajoute qu'un suivi sociojudiciaire est déjà possible à la sortie de prison. Laissez donc les juges décider de manière souveraine et ne venez pas en rajouter en visant des personnes qui n'ont pas commis d'infraction !

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Mon amendement à l'article 5 qui visait à créer des centres de rétention administrative a été déclaré irrecevable ; je le regrette car cette mesure est très efficace. Elle permettrait de placer pendant un mois des individus extrêmement dangereux dans des centres de rétention fermés, sur décision du ministre de l'intérieur, et sous contrôle du Conseil d'État puis du juge.

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L'objectif était de mettre hors d'état de nuire – puisque nous traitons de prévention –, pour une période très brève, des terroristes potentiels – cela répond à un grand nombre des questions que nous nous posons – ou d'anciens détenus ayant purgé leur peine.

C'est vrai, on ne peut pas maintenir indéfiniment quelqu'un en prison. Mais si des personnes ayant purgé leur peine présentent un risque terroriste, elles peuvent être de véritables bombes à retardement. Je l'ai déjà dit : en vingt ans, un dispositif de ce type a permis de diviser par quinze le nombre des victimes en Israël. Il faut s'inspirer des bonnes méthodes.

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En février 2020, lors d'une audition à l'Assemblée déjà évoquée par l'un de nos collègues, Jean-François Ricard, le procureur national antiterroriste, déclarait que plus qu'une inquiétude, il nourrissait une vraie peur car, monsieur le garde des sceaux, ce sont des individus extrêmement dangereux, aux convictions intactes, qui vont être remis en liberté ! Hélas, les prisons françaises sont souvent une machine à radicalisation – on l'a vu – plutôt qu'à réinsertion. Je le regrette, mais c'est la triste réalité. À la sortie de prison, nous ne disposons pas d'autre arme que la surveillance et le renseignement : on ne peut pas poster vingt-cinq policiers derrière chaque personne qui sort de prison !

Il ne s'agit pas de détenir qui que ce soit arbitrairement. Un seul principe doit nous guider : le doute doit profiter aux victimes potentielles, à ces Français qui ont payé un terrible prix ces dernières années. Je pense aux 300 morts et aux centaines de familles endeuillées.

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Nous en venons à trois amendements identiques, n° 108 , 210 et 396 , tendant à supprimer l'article 5.

La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l'amendement n° 108 .

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Je vais essayer d'être mesurée. Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à supprimer l'article 5 prévoyant une mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste. Au fond, l'article reprend une disposition de la proposition de loi instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine, disposition que le Conseil constitutionnel a censurée.

Hier, la présidente de la commission des lois a rappelé que le projet de loi avait fait l'objet d'un travail consécutif aux recommandations du Conseil constitutionnel, travail qui a permis de trouver un nouvel équilibre. La mesure de sûreté visant les condamnés pour infractions terroristes s'appliquerait désormais à ceux qui ne bénéficient ni d'un sursis probatoire, ni d'un sursis sociojudiciaire, ni d'une surveillance judiciaire, ni d'une rétention ou d'une surveillance de sûreté. Un tel dispositif n'est pas sans nous interroger – et c'est pour que nous nous posions les bonnes questions que nous présentons cet amendement de suppression.

Tout d'abord, même si des améliorations ont été apportées en réponse aux recommandations du Conseil constitutionnel, le dispositif proposé se fonde de nouveau sur le principe d'une mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion à l'encontre des anciens condamnés pour terrorisme. La distinction entre ce qui relève de la peine et ce qui relève de la mesure de sûreté reste très ténue et, de ce point de vue, discutable.

Les ajouts par rapport au texte précédent ne nous semblent pas suffisants pour garantir le caractère strictement de la mesure ni son efficacité. Le concept même de dangerosité et celui de risque de récidive restent flous. De plus, la condition selon laquelle la mesure en question ne peut être prononcée « qu'après s'être assuré que la personne condamnée a été mise en mesure de bénéficier, pendant l'exécution de sa peine, de mesures de nature à favoriser sa réinsertion », ne manque pas de soulever des questions. L'état actuel des prisons et la grande faiblesse des moyens investis ne sont pas de nature à assurer l'effectivité de ces mesures de réinsertion. La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté l'a confirmé et l'étude d'impact n'aborde même pas le sujet.

En clair, notre amendement de suppression vise à ouvrir une discussion sur le renforcement des conditions permettant de concilier le suivi des personnes avec leur réinsertion et, surtout, de rechercher l'efficacité en évitant les sorties sèches.

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Je ne vous ai pas interrompue, chère collègue – je ne voulais pas être inélégant –, mais je me permets de rappeler que le temps de parole pour la défense d'un amendement est limité, pour tous, à deux minutes.

La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement n° 210 .

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M'étant déjà exprimé sur le sujet, je parlerai moins de deux minutes, d'autant que les ministres au banc s'expriment longuement et qu'il faut bien avancer un peu.

Je m'oppose à la mesure de sûreté proposée, comme je m'y opposais en 2020 lors de l'examen de la proposition de loi, même si cette fois, la décision du Conseil constitutionnel a été prise en considération. Je fais référence à ses exigences en matière de proportionnalité, et au fait que la mesure de sûreté ne puisse pas être prise pour une durée allant jusqu'à dix ans, comme dans la proposition initiale.

Si des efforts étaient à fournir, ils devraient concerner les moyens consacrés à la réinsertion et à la prévention de la récidive. Tout à l'heure, M. Aubert a soulevé un point intéressant : si les individus concernés sont particulièrement dangereux, il faut absolument disposer des moyens de les suivre et de les surveiller pour éviter qu'ils récidivent.

Mais considérons les choses sous un angle froidement rationnel et statistique : le taux de récidive est très faible – j'insiste – parmi les personnes qui sortent de prison après avoir été condamnées pour des actes de terrorisme, en France comme en Belgique, en Angleterre ou ailleurs. Ce n'est ni grâce aux MICAS ni grâce aux mesures de sûreté ; simplement, les études criminologiques montrent que ce type d'infractions conduit en règle générale à un taux de récidive très faible.

Or, face à un taux de récidive très faible, vous prenez des mesures très fortes, non pas parce que vous les croyez efficaces mais parce que vous souhaitez lancer un message politique au corps social pour le rassurer – et pour vous rassurer vous-même. Je n'y vois aucune rationalité, ou du moins aucune efficacité intrinsèque du dispositif.

De toute façon, nous disposons des moyens qui nous permettraient, si nous le voulions, de surveiller ces personnes, et non de les contraindre par des mesures de sûreté qui prêtent le flanc aux arguments de nos adversaires – les terroristes islamistes, notamment – selon lesquels la France met en cause des personnes au seul motif qu'elles sont suspectes. Je m'arrête là, j'en ai déjà trop dit.

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Vous avez quand même parlé durant deux minutes et dix secondes, soit presque aussi longtemps qu'un ministre !

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C'est parce qu'il n'y a pas de chronomètre !

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La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement n° 396 .

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J'essaierai d'être clair : il faut combattre le terrorisme islamiste par tous les moyens qu'offre la démocratie. C'est un devoir prioritaire. Les auteurs de cet amendement souscrivent à l'application de mesures visant à combattre le terrorisme islamiste. Les choses sont claires et sans nuance.

Néanmoins, ils émettent des réserves sur les dispositions exorbitantes du droit commun qui dépassent souvent l'objectif premier. En effet, la rédaction de l'article relatif aux mesures de sûreté prononcées à l'issue de la peine est trop générale, tout comme celle des dispositions de la loi SILT, pérennisées dans le présent texte, et comme l'étaient antérieurement celles créant le FIJAIT, le fichier des auteurs d'infractions terroristes.

En effet, des individus autres que des terroristes islamistes risquent d'entrer dans le champ d'application de cet article. Les auteurs de l'amendement craignent que ce régime s'avère tout à fait disproportionné s'il venait à s'appliquer à des personnes condamnées pour leur action militante, alors que les dispositions pénales de droit commun auxquelles elles sont soumises sont amplement suffisantes.

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Je n'alourdirai pas le débat car nous avons déjà longuement évoqué ce sujet. Non, monsieur Bernalicis, ce dispositif ne relève pas d'une volonté politique. Nous l'avons créé à la suite des travaux de contrôle et d'évaluation de l'application de la loi SILT que nous avons conduits depuis 2017 et qui ont fait très clairement apparaître un trou dans la raquette de notre législation : les personnes condamnées pour des actes de terrorisme avant 2016 sortiraient de prison de manière sèche, sans qu'aucune mesure de suivi et d'accompagnement sociojudiciaire ne soit prononcée. C'est pourquoi nous instaurons ce dispositif.

Il ne résulte pas d'une simple réflexion que nous aurions menée dans nos bureaux de l'Assemblée nationale mais de nos échanges, notamment avec le parquet antiterroriste. M. Ciotti l'a rappelé : lors de son audition, M. Ricard, le procureur national antiterroriste, nous a dit sans ambiguïté qu'il s'agit de personnes très dangereuses qui suscitent la peur. Lors d'un déplacement à la prison de Fleury-Mérogis avec la présidente de la commission des lois, nous avons dialogué avec les surveillants pénitentiaires qui nous ont également affirmé la même chose.

Mme Cécile Untermaier acquiesce.

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Ces propos sont tenus par les gens du terrain. La dangerosité de ces personnes est avérée. Son appréciation n'est pas nébuleuse, madame Karamanli, mais s'appuie sur des faits, des données objectives.

Mme Marietta Karamanli acquiesce.

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Pour combler ce trou dans la raquette – on utilise beaucoup cette expression mais elle a du sens –, nous devons instaurer des mesures de sûreté. Vous avez raison, elles ne s'appliquent pas aux individus qui, ayant commis une infraction, sont poursuivis devant le juge judiciaire ; elles s'appliquent aux personnes qui sont objectivement dangereuses.

Sans doute n'avons-nous pas le même point de vue politique sur la question, monsieur Bernalicis, mais n'affirmez pas que nous sortons de l'État de droit. Si en août dernier, le Conseil constitutionnel a censuré la loi du 10 août 2020, il a validé la possibilité pour l'État d'instaurer les mesures de sûreté s'appliquant aux individus qui présentent une dangerosité objective ; ce sont ces mesures qui vous sont proposées à l'article 5.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Bien sûr !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je rappellerai les étapes intervenant à la suite de la condamnation. D'abord, les individus condamnés pour des faits terroristes sont transférés en quartier d'évaluation de la radicalisation – QER –, pour une durée pouvant aller jusqu'à seize semaines. Ensuite, ils ne sont pas tous détenus dans les mêmes conditions : les plus dangereux sont placés à l'isolement pour ne pas contaminer les autres.

Puis il y a les quartiers de prise en charge de la radicalisation – QPR – dont nous avons augmenté le nombre, comme celui des QER. Dans les QPR, un processus de déradicalisation est engagé, notamment avec l'intervention d'un psychologue et d'un médiateur du fait religieux.

À un moment, la peine est purgée. Devons-nous alors nous interdire tout contrôle ? N'avons-nous pas affaire à des détenus qui, pour certains d'entre eux, sont encore empreints de leur idéologie mortifère et représentent encore un danger ? À vous entendre, il faudrait ne rien faire !

Le Conseil constitutionnel a d'abord considéré que les dispositions envisagées constituaient des mesures de sûreté et non une peine supplémentaire ; le distinguo est important. Il a censuré le texte que j'ai notamment défendu au Sénat. Nous y revenons après avoir pris en considération ce qu'il nous a clairement indiqué.

Quand je vois qu'à gauche comme à droite, vous êtes hostiles à ce texte – pour des raisons diamétralement opposées –, je me sens tout à fait convaincu que nous sommes sur le juste chemin.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

C'est facile mais c'est vrai. Je l'ai dit tout à l'heure, ici, vous êtes aux enchères ; vous surenchérissez mais vous êtes incapables de signer le chèque – si vous me permettez cette métaphore que je poursuivrai un instant : vous savez parfaitement que vos propositions ne sont pas applicables et que le Conseil constitutionnel nous tirerait de nouveau les oreilles.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je ne préjuge de rien. Nous avons lu la décision du Conseil ; lisez-la aussi ! Mais vous donnez à croire, en usant d'une rhétorique tout à fait singulière – je l'ai dit à ceux qui nous écoutent – que vous êtes ceux qui protègent et nous sommes d'affreux laxistes. Ce qui vous déroute chez moi, c'est que je ne suis pas un idéologue. Si j'avais les moyens de faire plus, je le ferais sans aucun doute ! Mais, à la place qui est la mienne, je me dois de respecter la règle de droit, l'?État de droit et les décisions du Conseil constitutionnel.

M. Ciotti est parti ; je le regrette et j'attendrai qu'il revienne pour lui donner les vrais chiffres – il se trouve en effet qu'est assis juste derrière moi un représentant de l'administration pénitentiaire. Quant au nombre avancé par M. Ciotti, il résulte d'une addition de tous les détenus depuis 2017 – mais au fond, on ne fait jamais assez peur. Je vous donnerai le nombre des détenus terroristes actuellement en prison, les dates de sortie ainsi que le nombre précis des détenus de droit commun qui se sont radicalisés. On est très loin du nombre donné par M. Ciotti. Sans doute le spectre de la peur est-il porteur… Il m'appartient cependant de remettre les choses en place. Nous n'opposerons pas les chiffres de la Chancellerie à ceux de la Chancellerie : ils ne décomptent pas les mêmes choses. Vous comptez tous les détenus qui sont passés par la case prison ; depuis, certains qui ont été libérés n'ont pas récidivé, le ministre de l'intérieur l'a rappelé.

Peut-on s'autoriser à prendre un risque ? Si l'on ne fait rien, après avoir envisagé ce que nous souhaitions faire et que demain, l'un de ces individus commet à nouveau un attentat, qui poussera des cris d'orfraie ? Qui nous regardera ? Les familles ne seront-elles pas en droit de nous dire que nous avons préparé un texte que nous ne pouvons pas appliquer ? Naturellement, ceux qui ne récidiveront pas ne feront pas la une des journaux. Je l'ai souligné hier dans mon discours : les succès sont toujours silencieux. Mais malheureusement, vous savez les uns et les autres vous emparer de notre action, parfois à des fins politiciennes, pour nous faire des reproches que nous ne méritons pas toujours.

Oui, je souhaite que ceux qui sortent soient surveillés, dans le cadre des exigences que le Conseil constitutionnel a rappelées.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je le dis une fois pour toutes – je ne le rappellerai pas deux cents fois : c'est un propos liminaire, à l'orée de l'examen de l'article 5.

À gauche, vous ne proposez rien ; je l'ai indiqué hier, c'est le nihilisme. Il ne faudrait pas suivre des détenus qui ont été condamnés pour terrorisme, selon vous. Nous verrons dans le détail les mesures que nous leur imposerons. À droite, au contraire, vous faites de la surenchère.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Pour vous, il faudrait en imposer plus, en sachant parfaitement que vos propositions ne passeront pas la rampe. Sur ces questions, je demande que nous soyons raisonnables – ensuite, chacun fera ce que sa conscience lui dicte. Ce texte devrait être voté à l'unanimité ; c'est mon sentiment et je regrette qu'il n'en soit pas ainsi.

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On a tout de même le droit d'avoir des opinions !

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Je suis saisi de plusieurs demandes de prises de parole.

M. Benassaya continue de protester.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Il ne manque plus qu'un amendement Bertrand !

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Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, si vous avez envie d'avoir une discussion privée, je vous invite à la poursuivre dehors à l'issue de notre débat.

La parole est à Mme Frédérique Dumas.

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Premièrement, après que des décisions d'inconstitutionnalité ont été rendues sur la loi du 10 avril 2019 visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations, sur la loi du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet et sur la loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés, cela fait du bien de voir que vous vous faites désormais les défenseurs de l'équilibre entre la sécurité et les libertés fondamentales. J'en suis ravie : cela fait quatre ans que nous nous battons pour cela.

Deuxièmement, je suis plutôt favorable aux mesures judiciaires pour toutes les raisons que le garde des sceaux et le rapporteur ont mises en avant. En revanche, cela montre bien à quel point il est absolument inutile et disproportionné de faire passer de douze à vingt-quatre mois la durée des MICAS. Les mesures judiciaires, même basiques, telles que les actions de réinsertion par le travail, sont bien encadrées par le juge et leur prononcé est soumis au respect de certaines conditions, alors même qu'elles favorisent la réinsertion et la radicalisation. L'article 5 précise que de telles mesures judiciaires ne peuvent être prononcées que si la personne condamnée a bénéficié, pendant l'exécution de sa peine, de mesures de nature à favoriser sa réinsertion. Or tel n'est pas le cas s'agissant des MICAS. J'irai dans votre sens sur ce point mais je souhaitais révéler vos contradictions. C'est dommage que vous ayez maintenu le passage de la durée des MICAS de douze à vingt-quatre mois.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Pas du tout !

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Monsieur le garde des sceaux, je vous invite à mener un débat apaisé, à l'instar de celui qui se tient depuis hier soir avec le ministre de l'intérieur. Ici, on fait de la politique, on ne fait pas que des effets de manche. On ne fait pas de la politique avec dédain. Je vous invite à faire preuve d'un peu d'humilité et à nous écouter. N'opposez pas d'un côté les mauvais et les excessifs et de l'autre, les bons ; rien n'est aussi manichéen.

Je voulais revenir sur un chiffre ; j'attends les vôtres. Vous disposez du nombre de détenus terroristes, mais il est difficile d'évaluer le nombre de détenus de droit commun qui se sont radicalisés en prison. Lorsque j'ai présenté le rapport d'information sur les services publics face à la radicalisation, l'administration pénitentiaire m'avait indiqué qu'il y en avait 1 000 tandis que les syndicats pénitentiaires affirmaient qu'il y en avait 1 700. Il est difficile de déterminer finement ce nombre parce que, vous le savez très bien, certains détenus pratiquent la taqiya, la dissimulation. Vous disposez de cette donnée, mais reconnaissez qu'elle n'est pas facile à établir, ce que je concède.

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Il faut d'abord rappeler que l'étude la plus récente sur la récidive des personnes condamnées pour terrorisme est belge et porte sur des actes commis entre 1991 et 2019 ; à ma connaissance, aucune n'a été effectuée en France. Cette étude conclut à un taux de récidive très faible, de l'ordre de 3 %, alors qu'il se situe autour de 30 % pour les condamnés de droit commun. Ce risque ne doit certes pas être pris à la légère, nous en sommes tous d'accord ici, eu égard à la gravité des infractions concernées et au risque élevé qu'il soit attenté à la vie d'autrui. Mais les mesures prises pour le prévenir ne sont pas toujours efficaces. J'insiste particulièrement sur un point sur lequel nous n'avons pas de précision : il s'agit des mesures qui doivent être mises en place en matière de réinsertion et de déradicalisation. Or c'est à cela qu'il faut que le Gouvernement consacre des moyens importants pour agir tant au stade de la prévention qu'à celui de la réparation.

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Le fameux trou dans la raquette que le rapporteur invoque pour justifier ce genre de dispositifs est dû au fait que le législateur a décidé que les personnes condamnées pour infractions terroristes n'étaient pas éligibles aux mesures d'aménagement de peine, d'où ces sorties sèches et cet effet cliquet. Faute d'appliquer les dispositifs de droit commun, qui pourtant fonctionnent, vous réclamez des mesures à l'issue de la peine, évidemment en dehors du cadre judiciaire – c'est tellement plus simple !

Quant à l'argument de la dangerosité, on a entendu quelque chose d'assez extraordinaire : si un condamné pour terrorisme ne manifeste pas la moindre velléité de récidive, ni en parole ni en acte, c'est qu'il est en train d'user de la technique de la taqiya, c'est-à-dire de la dissimulation. Il est donc suspect et dangereux quoi qu'il fasse : voilà la vérité ! Il s'agit en réalité de rassurer le corps social. De ce point de vue, ce qui vient d'être dit des taux de récidive est assez parlant.

Encore une fois, M. le ministre nous fait le coup de l'équilibre, un argument que j'entends depuis quatre ans que je suis ici – mais j'imagine que ça fait bien plus longtemps qu'on nous le sert. C'est ce que vous disiez déjà des dispositions précédentes mais visiblement, elles n'étaient pas assez équilibrées pour le Conseil constitutionnel ! Au regard de l'état du droit, j'ai plutôt l'impression que c'est ma position qui est équilibrée, alors que le Gouvernement est dans la surenchère permanente en matière de mesures restrictives de liberté. Oui, monsieur le ministre, on peut surveiller ces gens sans avoir besoin de ces mesures restrictives de liberté : nos services de renseignement le font tous les jours – j'insiste : tous les jours ! Ils n'ont pas attendu qu'une MICAS soit prononcée ou que vous présentiez un projet de loi pour nous protéger, et c'est heureux !

Les amendements identiques n° 108 , 210 et 396 ne sont pas adoptés.

L'amendement n° 125 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir les amendements n° 306 , 183 , 58 et 55 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.

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Je voudrais, avec cette série d'amendements, revenir au sujet du bracelet électronique géolocalisable, que nous avons abordé tout à l'heure sous l'angle de l'article 3, c'est-à-dire en tant que mesure administrative dont je conçois qu'elle puisse être problématique sur le plan juridique. C'est pourquoi je vous propose un dispositif équilibré, proportionné et à caractère judiciaire.

Je propose qu'à titre expérimental, le juge d'application des peines puisse utiliser l'outil qu'est le bracelet électronique géolocalisable de nouvelle génération, déjà beaucoup utilisé en Allemagne. Il permet non seulement de géolocaliser ceux qui ont été condamnés pour terrorisme et qui ont fait l'objet d'une évaluation établissant clairement qu'ils sont toujours dangereux et qu'ils présentent un risque avéré de récidive, mais aussi de leur interdire l'accès à certains sites.

Tel est l'objet de ces amendements. Je vous demande de ne pas les balayer d'un revers de la main car leur rédaction me semble valable sur le plan juridique et il serait dommage que notre pays n'utilise pas suffisamment cet outil déjà utilisé aux États-Unis et en Allemagne.

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Avis défavorable, non que je balaie ces amendements d'un revers de la main mais les adopter serait porter atteinte à l'équilibre même du dispositif.

La proposition de loi adoptée l'année dernière comportait déjà que l'ensemble des mesures de suivi sociojudiciaire soit placé sous le contrôle du juge judiciaire, mais le Conseil constitutionnel l'a censurée sur ce point. C'est la raison pour laquelle nous proposons ce dispositif plus équilibré où les mesures de suivi, c'est-à-dire le pointage dans la commune et le bracelet électronique à l'échelle du département, relèvent uniquement d'une décision administrative, toujours sous contrôle du juge, administratif cette fois, dans le cadre des MICAS. Les mesures proposées à l'article 5, dont vous considérez qu'elles sont trop limitées, ne relèvent en réalité que du suivi judiciaire. Encore une fois, les mesures de suivi de la personne, telles que le pointage ou le bracelet électronique, relèvent du domaine administratif.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Moi non plus, monsieur le député, je ne balaie pas vos amendements d'un revers de main mais il me semble que leur adoption entraînerait une confusion entre les mesures administratives et les mesures judiciaires. C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à votre proposition d'introduire une mesure de surveillance et de contrôle sans lien avec la finalité de réinsertion de la mesure judiciaire. Il faut absolument distinguer entre les MICAS et cette nouvelle mesure judiciaire, dont l'objectif est distinct. Même si elles sont complémentaires, elles ne doivent pas être confondues – c'est d'ailleurs un des reproches qui nous avaient été adressés. Avis défavorable.

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Je le regrette, monsieur le garde des sceaux, s'agissant effectivement d'une mesure complémentaire. Étant donné le nombre de condamnés pour terrorisme qui vont sortir de prison dans les années à venir, ainsi que, comme l'a rappelé mon collègue Éric Diard, le nombre de détenus de droit commun qui se radicalisent en prison, il y aura un nombre extrêmement élevé d'anciens détenus à surveiller, ce qui, on le sait, demande beaucoup de moyens, notamment humains. Pourquoi se priver d'un outil technologique si on parvient à l'intégrer dans un cadre judiciaire et juridique ? Je répète que l'Allemagne, pays démocratique attaché autant que nous aux libertés fondamentales, l'utilise depuis plusieurs années dans un cadre légal.

Honnêtement, je ne comprends pas la raison de votre opposition, d'autant que notre administration utilise déjà certaines catégories de bracelets électroniques – une quinzaine, m'a-t-on dit. Il en faut beaucoup plus, notamment des bracelets de nouvelle génération qui permettent d'empêcher l'accès à certains lieux. C'est dommage que la France ne se dote pas de ce qui n'est certes pas la panacée, mais qui serait un outil supplémentaire.

Les amendements n° 306 , 183 , 58 et 55 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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Je suis saisi de trois amendements, n° 438 , 238 et 350 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements n° 438 de M. Nicolas Forissier et 238 de M. Claude de Ganay sont défendus.

La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l'amendement n° 350 .

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L'article 5 prévoit que la mesure judiciaire s'applique à partir de peines égales à cinq ans ou à trois ans en cas de de récidive. Ces seuils me paraissent trop élevés pour que cette mesure soit appliquée de façon pertinente, c'est-à-dire le plus fréquemment possible pour prévenir au mieux la menace terroriste. C'est pourquoi je propose d'abaisser ces seuils à trois ans et à un an en cas de récidive.

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L'avis est défavorable. La décision du Conseil constitutionnel nous a obligés à faire des choix. S'agissant notamment du critère de la proportionnalité, nous avançons sur une ligne de crête et si nous voulons que la mesure soit validée par le Conseil constitutionnel, il faut qu'elle soit proportionnée à la dangerosité de l'individu. Or l'un des critères permettant d'apprécier cette dangerosité est la durée de la peine à laquelle il a été condamné. C'est pour cela que nous avons fait le choix du seuil de cinq ans et trois ans en cas de récidive, qui nous paraît équilibré.

J'ajoute qu'en pratique, cela ne concerne que des personnes qui ont été condamnées au début des années 2010 – c'est le fameux « trou dans la raquette ». Depuis 2016, c'est un autre dispositif judiciaire qui s'applique, qui marche très bien et qui permet un suivi sociojudiciaire. Notre « cible », ce sont donc uniquement les personnes qui ont été condamnées avant 2016 et c'est pourquoi nous avons fait ce choix de cinq et trois ans, encore une fois en essayant de respecter au mieux le critère de proportionnalité. Vous aurez l'honnêteté de reconnaître que nous sommes sur la ligne de crête que j'évoquais : pour que ce dispositif soit opérationnel dès l'entrée en vigueur de la loi, début août, il faut conserver cet équilibre.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur Ciotti, vous savez qu'en matière terroriste, la justice est rendue par des magistrats spécialisés – vous-même avez tout à l'heure rendu hommage au parquet national antiterroriste, qui est une création récente mais très efficace. Il ne peut être fait grief à la justice d'être laxiste en matière terroriste, je crois que nous pouvons tous être d'accord là-dessus.

M. Eric Ciotti acquiesce.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Partant de ce constat, on ne peut pas considérer qu'avoir été condamné à une peine de trois ans pour une affaire de terrorisme soit le critère de dangerosité dont nous avons besoin pour mettre ces mesures en œuvre, comme monsieur le rapporteur vient de le rappeler. Je ne sais pas combien de terroristes qualifiés comme tels ont été condamnés à trois ans de prison, sinon pour des infractions mineures, qui sont certes le signe d'une dangerosité idéologique, j'entends bien, mais pas d'une dangerosité criminogène, ce qui est un peu différent. Pour que cet édifice juridique puisse tenir, il faut que nous ayons affaire à un détenu certes condamné pour terrorisme mais dont on peut craindre la dangerosité eu égard au quantum de la peine prononcée.

Nous sommes en effet sur une ligne de crête : cinq, quatre, trois, six ou sept ans, les discussions sur les chiffres sont toujours complexes, ce qui est normal. Déclencher la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion à partir d'une peine de cinq ans – trois ans en cas de récidive – nous paraît juste. L'appréciation de la dangerosité ne repose pas sur le quantum de la peine mais sur la réitération.

Si nous suivions le chemin que vous voulez nous faire prendre, nous mettrions l'édifice en péril. Entendez-le, monsieur Ciotti, je n'ai pas envie de revenir devant vous dans six mois ou un an pour discuter à nouveau de ce projet de loi : l'eau coule sous les ponts et tant que ce texte n'entre pas en vigueur, les terroristes ne sont pas surveillés.

Enfin, je suis extrêmement surpris que les députés de la France insoumise – dont les bancs sont actuellement vides – préfèrent les mesures administratives aux judiciaires : c'est un comble ! En effet, les décisions judiciaires obéissent à des règles comme celles du contradictoire et du réexamen. Sur ce point aussi, le texte est équilibré. Comprenne qui pourra !

L'avis est naturellement défavorable à ces amendements.

Les amendements n° 438 , 238 et 350 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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Je suis saisi de trois amendements identiques, n° 229 , 288 et 324 .

La parole est à M. Meyer Habib, pour soutenir l'amendement n° 229 .

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Il vise à étendre le champ d'application de la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion aux personnes condamnées pour apologie du terrorisme ou provocation à la commission d'actes de terrorisme. Le texte exclut de son périmètre les personnes condamnées sur le fondement des articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du code pénal. Ces deux infractions sont punies de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

De nombreuses personnes mises en cause dans des actions terroristes ont été précédemment condamnées pour apologie du terrorisme. Je m'excuse d'évoquer mon cas, mais je ne serai pas avec vous demain car je dois me rendre à Cusset dans l'Allier parce qu'un islamiste antisémite a appelé à faire couler le sang des Juifs, à les faire saigner et à les massacrer. Il a également dit ceci : « Meyer Habib, il faut le pendre, Meyer Habib, je vous le dis moi, il faut lui tirer dessus. » Je ne veux pas me plaindre, mais il s'agit de mon triste quotidien.

Malheureusement, les parcours terroristes débutent souvent par des délits de droit commun et des apologies du terrorisme, première étape d'un long chemin tragique. Le terroriste qui a lâchement assassiné Stéphanie Monfermé partageait en permanence des contenus djihadistes. Non, il ne s'agit pas d'un simple délit d'expression ; une personne condamnée pour un tel délit a révélé son intention criminelle et doit faire l'objet de mesures de sûreté.

Il ne faut pas exclure a priori cette infraction grave et les personnes qui en sont reconnues coupables du champ d'application de ce projet de loi ; il convient au contraire de se réserver le droit de prononcer à leur encontre des mesures judiciaires de prévention. Entre la radicalisation et le passage à l'acte terroriste, il existe un continuum. Je vous demande donc d'élargir le périmètre du projet de loi : il y va de la sécurité des Français.

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La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l'amendement n° 288 .

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Il vise également à élargir la mesure de protection judiciaire que le projet de loi instaure aux personnes condamnées pour apologie du terrorisme et, plus largement, pour toute infraction à caractère terroriste.

Comment évalue-t-on la dangerosité d'un individu ? Je comprends que le quantum de peine soit le critère retenu, mais il m'apparaît insuffisant. Notre devoir est de resserrer les mailles du filet et de couvrir le plus de cas possible. Le juge conservera sa liberté d'appréciation, mais comment pouvons-nous dire que la personne qu'a évoquée Meyer Habib n'est pas dangereuse ? C'est au juge d'évaluer la dangerosité d'un individu, mais il doit pouvoir le faire à partir d'un spectre le plus large possible tout en respectant l'individualisation des peines : telle est notre responsabilité. Chaque cas est différent et le quantum de peine ne peut à lui seul embrasser l'intégralité de la notion de dangerosité.

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L'amendement n° 324 de Mme Michèle Tabarot est défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

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Nous restons sur le sujet de l'appréciation de la proportionnalité. L'apologie du terrorisme est un délit très grave, mais il s'agit d'un délit d'opinion, qui relève de la loi sur la presse et dont le traitement judiciaire est totalement différent de celui du terrorisme. Il n'est pas possible d'assimiler un tel délit à des délits ou des crimes comme l'association de malfaiteurs à caractère terroriste.

Il faut conserver un dispositif reposant sur l'appréciation de la proportionnalité. Pour évaluer la dangerosité d'un individu, on se fonde sur des éléments objectifs dont l'un, soufflé par le Conseil constitutionnel, est la peine encourue. Nous avons repris ce critère pour le déclenchement de la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion. Voilà pourquoi l'avis est défavorable.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur Meyer Habib, je voudrais vous faire part de mon soutien. Je crains que les mots ne soient dérisoires, tant il est vrai que les insultes antisémites et les saloperies de cette nature, qui auraient dû disparaître depuis très longtemps, sont de plus en plus nombreuses.

Cependant, je vous relis l'extrait de la décision du Conseil constitutionnel du 7 août 2020 : « En quatrième lieu, la mesure ne peut être prononcée qu'en raison de la dangerosité de la personne caractérisée notamment par la probabilité très élevée qu'elle récidive. » Selon vous, la dangerosité commence là où la personne abuse du langage ou de la liberté d'expression, selon le Conseil constitutionnel, là où existe une probabilité très élevée de commettre un nouvel acte terroriste : où placer le curseur ? Voilà toute la question !

Je comprends évidemment la motivation de votre amendement, mais, encore une fois, je refuse de devoir revenir devant vous dans six, sept ou huit mois parce que nous aurions laissé des détenus terroristes, dont on peut penser qu'ils sont encore dangereux, recouvrer la liberté sans suivi judiciaire. À force d'adopter une position maximaliste, vous mettez en péril l'équilibre du texte.

Nous ne sommes pas totalement libres – l'est-on jamais, d'ailleurs ? – car nous ne pouvons pas nous affranchir des règles constitutionnelles, encore moins lorsque le Conseil constitutionnel vient de les préciser. Nous connaissons le périmètre dans lequel nous pouvons évoluer ; nous connaissons l'amendement risqué dont l'adoption nous ferait à nouveau basculer dans la censure : est-ce cela que nous voulons ?

D'habitude, ce sont les députés qui posent des questions au Gouvernement, donc je vous prie de m'excuser d'inverser les rôles : peut-on adopter un dispositif que nous savons intenable ? Je ne conteste pas votre liberté démocratique de considérer ce texte insuffisant : je n'ai pas la même position que vous car son adoption serait mieux que rien et actuellement, nous n'avons rien.

Notre responsabilité est de respecter les indications du Conseil constitutionnel. Celles-ci circonscrivent certes un peu le débat, mais le but est-il de foudroyer ce texte dès à présent ou de le laisser prospérer et s'appliquer pour assurer enfin une surveillance judiciaire des détenus condamnés pour des faits de terrorisme ? Voilà la seule question !

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Sur le fond, nous partageons les mêmes objectifs, monsieur le ministre,…

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ben alors !

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…et les premiers mots de mon intervention dans la discussion générale furent pour dire que nous voterions le texte. Nous sommes favorables à tout ce qui accroît la protection. En outre, je suis d'accord avec votre appréciation sur la sévérité des décisions judiciaires en matière de terrorisme. J'ai rendu hommage au parquet national antiterroriste et je peux en faire tout autant aux magistrats du siège, ceux de l'instruction comme ceux des formations de jugement, qui sont exceptionnels et qui participent à la mission de protection de notre nation.

Sur la forme, nous sommes confrontés à un problème démocratique sur lequel il faudra un jour se pencher. Le pouvoir de légiférer du Parlement est de plus en plus contraint. Depuis le début de l'examen de ce texte, vous réduisez à néant notre liberté d'amendement. Les amendements de tous les groupes de cette assemblée ont été rejetés : je ne sais pas si un seul d'entre eux, à part ceux des rapporteurs, a été approuvé. Votre interprétation de la jurisprudence du Conseil constitutionnel dicte intégralement la rédaction du texte.

En outre, la présidence de l'Assemblée nationale et le service de la séance effectuent désormais, au titre de l'article 45 de la Constitution, un examen très sélectif des amendements déposés : il nous a ainsi été refusé de débattre de la rétention administrative ,

M. Pacôme Rupin proteste

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sujet qui nous semble pourtant lié à l'objet du texte.

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La censure exercée par le Gouvernement et le service de la séance prive le Parlement de toute capacité d'intervention : c'est un vrai problème démocratique.

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Je remercie le garde des sceaux pour ses mots, mais je ne souhaite pas faire de ce sujet une question personnelle même s'il n'est ni normal ni facile que ce genre de choses fasse partie de mon quotidien.

Monsieur le garde des sceaux, vous ne voulez pas revenir devant le Parlement dans six mois pour réexaminer ce texte, mais c'est la troisième fois que nous traitons de cette question depuis le début de la législature et la neuvième depuis ma première élection comme député en 2012 ! Pourquoi ? Les libertés fondamentales sont très importantes et nous ne voulons pas jouer au père Fouettard ni aller trop loin, mais nous avons la conviction – peut-être nous trompons-nous – qu'il ne faut pas reculer devant un amendement qui peut paraître un peu délicat du point de vue du respect de certaines libertés individuelles de terroristes repentis ou autres, mais qui peut éviter des attentats ou sauver quelques vies. Réfléchissons-y !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Oui !

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Tout le monde peut se tromper, y compris les membres du Conseil constitutionnel, institution qui contrôle les lois ! Nous aussi, nous pouvons nous tromper, vous aussi, tout le monde !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Bien sûr !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ces questions ne relèvent d'aucune science exacte.

Le problème, c'est qu'il y a des familles qui pleurent leurs enfants à vie : nous essayons de faire au mieux pour que cela arrive le moins possible. Nous serions heureux de ne pas légiférer s'il n'y avait pas eu d'attentats terroristes, de morts, de sang qui ait coulé dans ce pays. Ce n'est pas le cas. C'est complexe, c'est compliqué ; nous essayons, avec la sensibilité des uns et des autres, de faire avancer les débats. Nous n'avons pas toujours raison – j''imagine que pour vous, c'est la même chose.

J'espère comme vous que ce texte sera voté à l'unanimité. En tout cas, moi, je le voterai sans la moindre hésitation. Mais nous pouvons essayer de le parfaire, et je regrette que, comme l'a dit notre collègue Ciotti, pas un seul amendement de l'opposition – pas un seul ! – n'ait été accepté.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur Ciotti, j'ai soutenu, moi, le texte qui a été censuré peu de temps après avoir été nommé garde des sceaux – je l'ai soutenu au Sénat. Il allait plus loin que celui-ci. Alors, moi aussi, je pourrais vous dire que d'une certaine façon, j'ai été circonscrit dans la façon dont j'envisageais les choses. Je pourrais aussi vous dire : « J'ai été convaincu par les arguments du Conseil constitutionnel. » Mais au fond, peu importe, parce que le Conseil constitutionnel, qu'on le veuille ou non, c'est la conscience de la République, et qu'il faut s'incliner devant sa décision. Ensuite, on en pense individuellement ce que l'on veut, mais collectivement, ici, dans le cœur battant de la démocratie, on est obligé de reconnaître que cette décision est intervenue, point. Il n'y a rien d'autre à dire.

Vous vous plaignez de ce que, au fond, votre parole serait censurée. Mais moi aussi, je pourrais vous dire la même chose. Je ne soutiens pas aujourd'hui le même texte que celui que j'ai soutenu ; entre les deux, il y a une décision du Conseil constitutionnel.

Quand je dis aux syndicats de policiers : « Respectez l'institution judiciaire », c'est parce que, si je suis sévère avec la justice quand il y a des dysfonctionnements, d'un point de vue institutionnel, nous sommes dans la même barque : ces deux institutions sont équivalentes dans leur importance, et l'on ne peut pas taper sur l'une ou sur l'autre. Là, c'est un peu la même chose. Cela me chagrine un peu que vous vous plaigniez ; moi aussi, je pourrais me plaindre, mais je prends acte de cette décision et j'essaie de faire au mieux en tenant compte de la censure qui est intervenue. Voilà le débat. Il ne s'agit pas de vous interdire d'exprimer quoi que ce soit.

Partant de là, monsieur Ciotti, vous proposez un certain nombre d'amendements. Je ne suis pas un censeur dans l'âme, mais si je considère qu'ils franchissent la ligne tracée par le Conseil constitutionnel, il est de mon devoir de vous le dire. C'est ce que j'essaie d'exprimer, et c'est pourquoi le lamento que vous nous avez adressé tout à l'heure est, au fond, un peu inutile : nous savons parfaitement, vous et moi, quelles sont les limites et quel est notre nouveau périmètre. Il est un peu incongru – mais c'est évidemment votre liberté – de vous entendre dire : « On vote le texte » tout en faisant celui qui n'en est pas satisfait et en proposant des choses dont vous savez qu'elles ne peuvent pas être retenues.

M. Philippe Benassaya proteste.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je trouve cela un peu paradoxal.

Vous avez le droit de l'exprimer, et j'ai aussi le droit d'exprimer l'idée qu'il y a là quelque chose de l'ordre de la rhétorique. Vous proposez des choses qui, je pense, ne seront pas avalisées par le Conseil constitutionnel, et j'aimerais, puisque nous sommes dans une forme de coconstruction, ce que je ne conteste pas…

M. Alain Ramadier fait un signe de dénégation.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur le député, vous m'en faites grief, mais la porte de la Chancellerie, comme beaucoup de députés – notamment de chez vous – le savent, est toujours ouverte.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

J'entends bien, mais vous défendez des amendements dont je pense, avec la sincérité qui est la mienne, et qui n'est pas supérieure à la vôtre, qu'ils sont anticonstitutionnels.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je ne veux plus que l'on prenne de risques : je souhaite que le texte soit adopté et qu'il soit efficace très vite. Pouvez-vous l'entendre ? Ce n'est pas un sujet de polémique pour moi. Je vous dis – et je ne peux pas vous dire autre chose, on peut difficilement être plus sincère – que j'ai soutenu un texte différent, que comme vous, j'ai pris connaissance de la décision du Conseil constitutionnel, et que je ne la commenterai pas, parce qu'elle s'impose à nous.

Les amendements identiques n° 229 , 288 et 324 ne sont pas adoptés.

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Je suis saisi de deux amendements, n° 177 et 290 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Éric Diard, pour soutenir l'amendement n° 177 .

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Je voudrais, en préambule, dire à M. le garde des sceaux que nous ne souhaitons pas la censure du texte par le Conseil constitutionnel.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Non.

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Mais que constatons-nous ? Une jurisprudence du Conseil de plus en plus sévère vis-à-vis du législateur, notamment sur les principes fondamentaux. Je ne pense pas, et nous l'avons vu sur des textes précédents, que la censure d'un article entraîne la chute du texte complet. Il fut une époque où l'on disait : « Il faut modifier la Constitution d'une main tremblante ». Nous en sommes maintenant à dire : « Il faut modifier la loi d'une main tremblante. » Vous voyez l'évolution !

Je serai très rapide : l'amendement vise à étendre l'application des mesures judiciaires de réinsertion sociale aux fameux DCSR, lesquels, nous l'avons dit et répété, sont parfois aussi dangereux que les détenus terroristes. Il serait opportun d'étendre le dispositif à ces détenus car, contrairement aux MICAS, la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion créée par cet article est prononcée par le juge judiciaire, qui est le gardien des libertés individuelles. De plus, elle ne pourra être prononcée qu'après l'évaluation de la situation des personnes détenues par la commission pluridisciplinaire pendant au moins six semaines, ce qui est « une garantie permettant in concreto de réserver [ces mesures] aux seules personnes particulièrement dangereuses », selon le Conseil constitutionnel.

Je sais très bien, monsieur le garde des sceaux, que les DCSR sont radicalisés dans les prisons. Il y a eu d'abord l'évaluation des détenus terroristes ; j'aurais préféré le contraire, mais pendant deux ans, l'administration pénitentiaire a évalué les détenus terroristes et il y a un an et demi, l'évaluation des DCSR était encore en cours. J'en profite donc pour vous demander où nous en sommes dans cette évaluation : est-elle terminée ?

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La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l'amendement n° 290 .

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Il est totalement conforme à ce que vient de défendre notre collègue Éric Diard, puisqu'il propose d'étendre la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion aux détenus qui se sont radicalisés en prison, qui sont les plus nombreux. Encore une fois, je considère que ces personnes peuvent présenter des risques aussi importants et aussi graves que des personnes qui ont été condamnées pour terrorisme. Ce n'est pas l'appréciation que vous en faites, et ce n'est peut-être pas non plus celle qu'en fait le Conseil constitutionnel.

Je voudrais revenir sur ce débat institutionnel de fond, car il est important et il faut – ne vous en déplaise, monsieur le garde des sceaux – que vous compreniez notre position.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je comprends tout.

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Nous sommes législateurs, mais nous pouvons également être constituants, et c'est aussi notre liberté d'expression que de dire que nous déplorons avec force l'évolution de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et que nous exprimons notre immense inquiétude car elle va à l'encontre de l'aggravation des menaces qui pèsent sur notre société. Plus les menaces augmentent, plus le Conseil constitutionnel a une approche qui s'oppose à la mise en place de mesures de protection – et ça, c'est un problème démocratique !

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Vous avez dit : « Il faut s'incliner. » Moi, je refuse de m'incliner ici, dans l'hémicycle.

Mme Marietta Karamanli et M. Pacôme Rupin protestent.

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Les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent à tous, mais nous pouvons être constituants.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ce n'est pas sérieux !

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Je réclame, et ce n'est pas d'aujourd'hui – nous le faisions, avec le ministre de l'intérieur, ensemble, dans d'autres lieux, en 2016 –, que le peuple souverain, qui peut aussi être juge de la modification de la Constitution au travers de ses articles 11 et 89, dise : « Cela suffit. » On ne peut pas être contraint alors qu'il s'agit de protéger notre nation et la vie de centaines d'individus. C'est cela, la question ! À terme, nous allons atteindre les limites de cet exercice d'impuissance.

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Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

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Un mot avant de clore le débat : la question que vous posez est légitime. Je ne suis pas le porte-parole du Conseil constitutionnel…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Moi non plus !

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…et le Gouvernement non plus. Seulement, les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent à nous et à l'ensemble des pouvoirs publics.

Protestations sur les bancs du groupe LR.

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C'est tout. Vous étendez le débat à l'idée que le Parlement serait trop bridé. Vous pourriez même aller plus loin en vous interrogeant, par exemple, sur la composition du Conseil constitutionnel – c'est un débat entre juristes qui a vingt ou trente ans.

La seule chose que nous vous disons, c'est qu'aujourd'hui n'est pas le bon moment pour avoir ce débat. Notre objectif – le mien et celui du Gouvernement – est que le projet de loi soit adopté par l'Assemblée nationale et par le Sénat et qu'il soit déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel avant la fin du mois de juillet afin que, quand certaines personnes sortiront de prison le 3 août ou au début de mois de septembre, nos services aient entre les mains un dispositif opérationnel. C'est tout. Nous ne sommes pas soumis au Conseil constitutionnel, mais nous devons respecter l'état du droit actuel afin que la loi puisse être adoptée et effective.

Je reviens à vos amendements…

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…sur lesquels j'émets un avis défavorable, non pas pour des raisons d'ordre constitutionnel, mais parce que la mesure que nous mettons en place, nous l'avons longuement expliqué, concerne uniquement les personnes dont la condamnation pour terrorisme est antérieure à 2016 et pour lesquelles les magistrats nous ont signalé l'existence d'un trou dans la raquette. Mais, monsieur Diard, pour les condamnés de droit commun – pour trafic de stupéfiants, pour vol, etc. – qui se radicalisent en prison, il existe déjà des dispositifs de suivi et d'accompagnement judiciaire très nombreux, et sans doute beaucoup plus performants car leur application est décidée par le juge judiciaire au moment où il prononce la peine, ce qui rend le dispositif plus opérationnel que la simple mesure de sûreté que nous souhaitons mettre en place. Pour toutes ces raisons, je vous demande de retirer vos amendements ; à défaut, avis défavorable.

M. Jean Terlier applaudit.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je suis un peu chagriné par ce que je viens d'entendre. Je comprends bien tout ce que vous dites, mais nous sommes à l'époque des anti-tout, et je pense que cela ne fait pas beaucoup de bien à nos institutions que de critiquer le Conseil constitutionnel comme vous venez de le faire. C'est votre responsabilité, c'est votre choix. Mais, quand je vois qu'on propose une cour de sûreté de l'État sans appel, je me dis : « Heureusement qu'il est là, le Conseil constitutionnel. »

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Quand on propose cinquante ans de rétention d'application immédiate

Exclamations sur les bancs du groupe LR

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

– ce sont vos propositions, si, si, ce sont les propositions des LR –, avec application rétroactive, je me dis : « Ouf, heureusement qu'il y a le Conseil constitutionnel dans ce pays. »

Exclamations sur les bancs du groupe LR.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Cela vous dérange ? C'est tellement surréaliste que vous ne l'assumez même pas !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je le dirai dix fois, cent fois s'il le faut : c'est tellement énorme que cela mérite qu'on y revienne des dizaines de fois.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ah, je comprends que vous ayez honte d'assumer ce truc-là, oui ! Mais c'est comme ça. Alors, vous voyez, je suis content qu'il y ait le Conseil constitutionnel. Comme je l'ai dit tout à l'heure, et l'on ne peut être plus clair : nous aussi, nous étions plus allants.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je me souviens, d'ailleurs : c'était l'un de mes premiers textes, si ce n'est le premier, et j'avais lu dans la presse : « Camouflet infligé au garde des sceaux : le garde des sceaux giflé par le Conseil constitutionnel. » Ah, ça m'a fait mal ! Mais c'est comme ça. Et après, on s'étonne que les gamins n'aient plus de respect ! Pardon, je ne veux pas dire des platitudes,…

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

…mais vous prenez ce texte, pour lequel vous voulez voter…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

…et vous en faites une tribune pour critiquer le Conseil constitutionnel. Formidable ! Il y a des anti-tout, maintenant : les anti-masque, les anti-vax, les anti-ci, les anti-ça, les anti-État, les anti-tout. Mais vous sciez la branche sur laquelle vous serez peut-être assis dans dix ans ! Franchement, j'ai l'impression que ce sont des amendements anti-Conseil constitutionnel.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

C'est pour cela que je vous dis à chaque fois : faisons attention. Si c'est pour faire un boulot qui ne sert à rien… Je n'ai pas envie de me prendre une deuxième gifle, monsieur Ciotti : cela fait toujours bien mal.

Sourires.

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La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour un rappel au règlement.

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Il se fonde à la fois sur l'article 58 – le garde des sceaux s'étant permis de nombreuses mises en causes personnelles à l'encontre de députés du groupe Les Républicains – et sur l'article 100 relatif à l'organisation des débats sur les amendements.

Je le dis le plus tranquillement du monde : le garde des sceaux a répété dix-huit fois les mêmes arguments, alors qu'ils n'ont rien à voir avec le débat sur les amendements. Si vous voulez tenir un congrès du parti Les Républicains, faites-le ailleurs ! Examinons plutôt le texte et avançons un peu ! Que chacun fasse un effort !

Je sais comment cela se terminera : à vingt-trois heures, ce soir, alors qu'il restera encore soixante-dix amendements à examiner, vous demanderez aux parlementaires de restreindre leur temps de parole et de défendre leurs amendements en une minute seulement. L'examen de la fin du texte sera bâclé, pour permettre aux ministres de pavaner, en pleine campagne électorale. C'est insupportable !

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Monsieur Bernalicis, j'ai bien pris note de votre rappel au règlement. Au rythme actuel, il est probable qu'à vingt-trois heures, nous en aurons encore pour un petit moment – peut-être même faudra t-il reprendre nos débats demain !

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Monsieur le garde des sceaux, je ne comprends pas pourquoi vous polémiquez. Réservez vos effets de manche aux marchés du Pas-de-Calais, le week-end !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Pas d'effet de manche, juste des boutons de manchette – comme M. Ciotti, d'ailleurs !

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Nous ne sommes pas contre le Conseil constitutionnel. Simplement, nous constatons – comme beaucoup dans cette assemblée – que sa jurisprudence est de plus en plus sévère vis-à-vis du législateur.

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C'est une évidence ! Vous-même le dites en dehors de cet hémicycle, monsieur le garde des sceaux ! Pourquoi donc poussez-vous des cris d'orfraie ici ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mais oui, la justice est laxiste, le Conseil constitutionnel est sévère et vous, vous êtes parfaits !

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Ce n'est pas pour autant que nous sommes anti-Conseil constitutionnel ! Et puis, par pitié, même si un député a proposé l'instauration d'une cour de sûreté, sans possibilité d'appel, il ne représente pas tous ceux du groupe Les Républicains !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Tout de même, c'est le numéro deux du parti ! Ou alors c'est une erreur de casting ?

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Nous avons été nombreux à considérer que cette proposition était contraire à l'État de droit. Une telle polémique a sa place sur les marchés du Pas-de-Calais, elle n'est pas digne de cet hémicycle !

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Nous souhaitons tous travailler sur le texte lui-même. Ce jeu de ping-pong verbal ne nous intéresse pas.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ah bon ?

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Par ailleurs, je suis choquée que dans cet hémicycle, certains discutent des décisions du Conseil constitutionnel. En vertu de l'indépendance des institutions, nous n'avons pas à discuter des décisions de justice ni de celles du Conseil constitutionnel.

Nous calculons nos risques. M. le garde des sceaux l'admet, il évalue les risques à partir d'une décision du Conseil constitutionnel qui s'impose à nous et dont nous n'avons pas à faire le procès.

Les amendements n° 177 et 290 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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Les amendements n° 178 et 179 de M. Éric Diard sont défendus.

Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements ?

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Défavorable.

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Dans cet instant d'apaisement, alors que tout le monde renonce à son temps de parole, je voudrais tout de même rappeler que les tribunes mettant en cause le Conseil constitutionnel ont été publiées par la présidente de la commission des lois à la suite de la censure de la proposition de loi instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine.

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Il faut le dire ! Comment s'étonner qu'ensuite les députés du groupe Les Républicains déposent de tels amendements, demandant d'aller plus loin et clamant que le Parlement est souverain ?

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La présidente de la commission des lois avait raison !

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Je suis fondamentalement en désaccord avec l'amendement n° 179 de M. Diard, car si elle était adoptée, la disposition qu'il propose serait censurée, et c'est tant mieux – j'aimerais qu'il y ait davantage de censures.

Je prie cependant la majorité de faire attention à ses argumentaires, car ils finissent par prêter le flanc à vos – ou mes – adversaires politiques qui se trouvent du côté opposé de l'hémicycle.

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Je vous remercie d'avoir rattaché votre démonstration à l'amendement n° 179 – j'étais sur le point de vous demander de recentrer votre propos sur le débat, comme vous l'avez vous-même demandé lors de votre rappel au règlement.

Les amendements n° 178 et 179 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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La parole est à M. Philippe Benassaya, pour soutenir l'amendement n° 364 .

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Ce petit amendement tend à préciser que la prise en charge sanitaire, sociale, éducative, psychologique ou psychiatrique destinée à permettre la réinsertion consiste en « des rendez-vous réguliers » visant à s'assurer de l'efficacité des mesures judiciaires de réinsertion et du bon déroulement de la réinsertion de la personne concernée dans la société.

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Votre amendement est déjà satisfait : l'alinéa 5 de l'article prévoit que le juge de l'application des peines peut prononcer une obligation de mettre en place une « prise en charge sanitaire, sociale, éducative, psychologique ou psychiatrique ». C'est dans ce cadre que les « rendez-vous réguliers destinés à suivre l'activité de la personne » seront prévus et organisés. Je vous demande donc de retirer l'amendement ; à défaut, avis défavorable.

L'amendement n° 364 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'amendement n° 127 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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Je suis saisi de trois amendements, n° 291 , 365 et 366 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l'amendement n° 291 .

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C'est un hommage à Mme la présidente de la commission des lois, puisqu'il reprend les dispositions de sa proposition de loi censurées par le Conseil constitutionnel – ce que je regrette, car elles étaient très pertinentes, comme vous l'avez dit vous-même, monsieur le garde des sceaux.

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Cela montre notre faiblesse. Ces dispositions étaient plus importantes et plus protectrices que celles que nous allons adopter.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ce n'est pas ce que j'ai dit !

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Mme la présidente de la commission des lois a pleinement rempli son rôle en rappelant l'importance de l'équilibre des institutions, tel que défendu par Montesquieu. De cela aussi, nous sommes les garants !

Applaudissements sur les bancs du groupe LR.

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La parole est à M. Philippe Benassaya, pour soutenir les amendements n° 365 et 366 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.

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Je ne serai sans doute pas aussi brillant que M. Ciotti… Ces amendements concernent la réinsertion. Le n° 365 vise à permettre d'obliger la personne concernée à signaler ses déplacements à l'étranger au tribunal d'application des peines de Paris, comme le prévoyait initialement la proposition de loi instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine. Cette mesure semble en adéquation avec l'objectif de réinsertion de la personne concernée, tout comme avec celui de prévenir tout passage à l'acte terroriste.

Quant à l'amendement n° 366 , il vise à permettre d'interdire aux personnes visées par des mesures judiciaires de réinsertion la fréquentation de certaines personnes – principalement celles qui les ont aidées à préparer ou à commettre l'infraction – ou de certains lieux – notamment ceux où l'infraction a été préparée ou commise.

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Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements ?

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Il est défavorable à l'amendement n° 291 – M. Ciotti a d'ailleurs lui-même reconnu qu'il reprenait un dispositif censuré par le Conseil constitutionnel.

Quant aux amendements n° 365 et 366 , ils sont satisfaits. L'obligation de signaler ses déplacements à l'étranger est déjà prévue dans le cadre du FIJAIT. L'interdiction de paraître dans un lieu est elle aussi déjà prévue. C'est l'équilibre de notre dispositif : dans le cadre des MICAS, l'autorité préfectorale peut ordonner une telle mesure. Avis défavorable.

Les amendements n° 291 , 365 et 366 , repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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Les amendements n° 249 de Mme Delphine Bagarry et 351 de M. Éric Ciotti sont défendus.

Les amendements n° 249 et 351 , repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement n° 211 .

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Il vise à supprimer les alinéas 10, 12, 13 et 14 de l'article et à vous interpeller sur le recours à la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté pour évaluer la fameuse « dangerosité » avant que d'éventuelles mesures de sûreté ne soient prononcées.

Je vous le demande pour la énième fois : qu'est-ce que la « dangerosité » ? S'agit-il, comme certains le disent, de velléités de repasser à l'acte ? Mais si de telles velléités peuvent être prouvées formellement, grâce à des écrits ou des paroles, elles sont déjà judiciarisables !

Vous visez plutôt une dangerosité supposée et prétendez sonder la profondeur des âmes pour déterminer qu'untel ou unetelle est susceptible de récidiver. C'est un fondement parfaitement flou.

Quels critères objectifs seront utilisés lors de la détention ? Si des éléments objectifs sont présents, il faut judiciariser ; s'ils sont absents, il n'y a pas lieu d'imposer des mesures restrictives de liberté aux personnes concernées. Nous proposons donc de supprimer le recours à la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté.

En outre – et c'est intéressant du point de vue du principe du contradictoire –, les personnes dont la dangerosité sera évaluée par cette commission ne seront pas nécessairement présentes lorsque celle-ci se réunira, alors même qu'il ne s'agit pas de décider de mesures judiciaires.

Je ne suis pas sûr que vous vouliez réellement défendre une telle conception du principe du contradictoire et de l'État de droit. Dans le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, vous défendiez un renforcement de ce principe et affirmiez l'importance de l'« égalité des armes », qui fonde la justice et le caractère déterminant de la procédure. Mais à la fin, vous vous laissez aller, à cause de l'émotion suscitée par des actes ignobles de terrorisme.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avis défavorable. Même si je ne relancerai pas le débat, c'est une différence politique entre nous : vous êtes opposé aux mesures de sûreté et considérez qu'elles ne sont pas conformes à l'État de droit. Nous ne partageons pas cette position – tout comme le Conseil constitutionnel, je vous l'ai déjà dit. Celui-ci a reconnu, dans sa décision du 7 août 2020, la légitimité de telles mesures, déjà en vigueur dans notre droit.

Vous considérez qu'il est impossible, faute d'éléments objectifs, d'appréhender la dangerosité de quelqu'un. Moi, je pense le contraire. La commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté existe déjà, elle a montré son efficacité et ses avis se fondent sur des éléments objectifs. J'assume cette différence politique entre nous. Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quel est l'avis du Gouvernement ? Monsieur le garde des sceaux ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

M. le garde des sceaux est trop occupé par autre chose pour répondre, j'imagine. C'est toujours désagréable, même si l'on finit par s'habituer, malheureusement.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'est un point très important. Je pensais que M. le garde des sceaux aurait eu à cœur de défendre les règles du contradictoire, mais cela ne l'intéresse pas. En tout cas, la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté ne les respecte pas – alors qu'on voit quelles mesures elle peut imposer.

Dans toutes les procédures liées au terrorisme, chacun – qu'il soit membre de la commission ou magistrat – craint de mal faire et sent peser une pression quand il songe que, s'il prend la mauvaise décision, s'il privilégie la liberté et que le justiciable récidive, cela lui retombera dessus. Cela conduit tout le monde, par précaution, à prévoir ceinture et bretelles. C'est une escalade : les mesures privatives de liberté sont souvent prises parce qu'« on ne sait jamais ».

Mais au jeu du « on ne sait jamais », on finit par suspecter de plus en plus de monde.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ah, là !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La République des suspects, je n'en veux pas ! Je n'en veux pas !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Oh, non !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le corollaire de la dangerosité, c'est la suspicion. L'État de droit a ceci de différent qu'il se fonde sur le régime de la preuve – des faits, des actes. C'est cela qui a fait la grandeur de la Révolution de 1789 et de la révolution judiciaire qu'elle a emportée avec elle.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

On peut se dire que l'œuvre n'était pas complètement aboutie, mais lorsqu'on part de rien, on ne peut que faire mieux. Je vous rappelle, pour ceux qui l'auraient oublié, que les jurés populaires des cours d'assises, que l'on vante tant, ont été instaurés par les révolutionnaires afin que la justice soit rendue au nom du peuple français. Nous pouvons les en remercier.

L'amendement n° 211 n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je suis saisi de deux amendements, n° 439 et 180 , pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement n° 439 de M. Nicolas Forissier est défendu.

La parole est à M. Éric Diard, pour soutenir l'amendement n° 180 .

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cet amendement vise à supprimer la limite cumulée des mesures judiciaires de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion. Si l'on se réfère à la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la loi relative à la rétention de sûreté, il n'y a aucune raison de douter de la conformité de cet amendement avec la Constitution. En effet, les mesures judiciaires de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion sont prononcées avec des garanties aussi rigoureuses que la rétention de sûreté, laquelle peut être renouvelée pour un an, et ce de manière illimitée.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avis défavorable. Je n'ai pas du tout la même lecture que vous de la décision du Conseil constitutionnel : celle-ci dit au contraire clairement que les mesures doivent être encadrées, notamment de manière temporelle.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Permettez-moi tout d'abord une remarque. La grandeur de la Révolution, en termes probatoires, j'en doute un peu ! J'occupe de temps en temps le bureau de Danton et j'en ai encore des frayeurs. Mais peu importe.

Monsieur Diard, je suis totalement défavorable à votre amendement, pour les raisons qui ont déjà été explicitées. Compte tenu de la grande sympathie que j'ai pour vous, et que je ne cache pas, je voudrais vous dire que l'on ne dit plus « effets de manche », comme vous l'avez fait à deux reprises, mais « effets de manchette ».

Sourires.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

mais je vous ai demandé tout à l'heure, monsieur le ministre, où nous en étions dans l'évaluation des DCSR. Est-elle terminée ? Tous les DCSR ont-ils été évalués ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

En vous répondant, je vais pouvoir répondre aussi à M. Ciotti – je voulais le faire plus tôt, mais il s'est absenté un court instant. Tous les détenus identifiés comme étant en phase de radicalisation sont désormais pris en charge ; 469 détenus sont écroués pour des faits de terrorisme islamiste. Le terrorisme d'extrême droite existe également dans notre pays. Je n'ai pas les chiffres ; il n'est pas à ce niveau-là, mais il existe tout de même et pointe son nez de plus en plus régulièrement.

Sur ces 469 détenus, 254 sont condamnés définitivement ; 215 sont en détention provisoire et non encore jugés. Parmi ces 254 condamnés, 163 sortiront à la fin de leur peine d'ici 2024. Par ailleurs, 635 détenus de droit commun sont signalés comme radicalisés. Cela soulève, il est vrai, une difficulté que vous avez mentionnée, monsieur Diard.

Une fois leur radicalisation repérée, tous ces détenus sont pris en charge dans les quartiers d'évaluation de la radicalisation. Puis, le cas échéant, après avoir été repérés et évalués, ils font l'objet de conditions particulières de détention. Ils sont également pris en charge dans le cadre de la déradicalisation que j'évoquais précédemment, que nous avons renforcée. S'agissant de la pluridisciplinarité des équipes des QER, je m'en suis expliqué. Nous obtenons des résultats très intéressants.

Il faut néanmoins le dire avec beaucoup d'honnêteté : le risque zéro n'existe évidemment pas, en aucun domaine.

Nous recensons 121 places en QER sur le plan national. Il existe six QER répartis dans trois établissements – Fleury-Mérogis, Osny, Vendin-le-Vieil. Un QER pour femmes – c'est une nouveauté – ouvrira fin 2021 au centre pénitentiaire de Fresnes. Ces six QER correspondent à une capacité d'évaluation annuelle de 234 personnes. Le stock de dossiers est en cours d'évaluation. Ce travail devrait s'achever d'ici la fin de l'année.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Oui. Nous examinons en permanence ce qui se passe dans ce domaine. J'ai également demandé à mes services de conduire avec le PNAT un travail qui porte notamment sur ces questions de déradicalisation et qui devrait s'achever prochainement. Nous ferons à ce sujet des annonces qui me paraissent importantes.

Les amendements n° 439 et 180 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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Sur l'article 5, je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

L'amendement n° 181 de M. Éric Diard est défendu.

L'amendement n° 181 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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L'amendement n° 289 de M. Éric Ciotti est défendu.

L'amendement identique de Mme Le Pen n'est pas défendu…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

L'amendement de… ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Elle n'est jamais là !

L'amendement n° 289 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'amendement n° 325 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Sur l'amendement n° 293 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

L'amendement n° 292 de M. Éric Ciotti est défendu.

L'amendement n° 292 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'amendement n° 60 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l'amendement n° 293 .

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cet amendement propose d'instaurer une rétention de sûreté.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ah !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je connais sans doute par avance, vous m'en excuserez, les arguments qui s'opposeront à cette proposition ; mais vous reconnaîtrez peut-être la constance qui nous anime dans la volonté de la mettre en œuvre.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mais oui !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je formule en effet cette proposition depuis de nombreuses années, depuis que la menace terroriste, qui a emporté 271 de nos concitoyens depuis 2012, a pris dans notre pays le visage tragique que nous lui connaissons.

La rétention de sûreté s'assimile à mon sens au principe de précaution, qui a dans certains domaines une valeur constitutionnelle. Monsieur le garde des sceaux, vous présenterez dans quelques jours le projet de loi constitutionnelle relatif à la préservation de l'environnement. Je souhaiterais que le même principe de précaution s'applique en matière de menace terroriste, en particulier à l'égard de ces bombes humaines qui vont sortir de prison, dont nous connaissons la dangerosité et dont la capacité de réinsertion est malheureusement, de l'aveu même de certains magistrats et spécialistes, quasi nulle.

Ces personnes, qui présenteront systématiquement une dangerosité, doivent être mises à l'abri pour protéger la société – à l'image de ce qui avait été décidé par le président Sarkozy et son gouvernement pour les grands criminels sexuels. C'est pour cela que nous défendons la rétention de sûreté. Il ne s'agit pas d'une peine après la peine – la peine est unique, il faut faire la différence. Nous voulons une mesure de protection définitive de la société. C'est cela, pour nous, la rétention de sûreté, qui est pleinement soutenue par nos concitoyens…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

On ne peut installer, sous peine de poser un problème démocratique, un écart profond, immense, entre ce que veulent les Français et ce dont nous débattons ici. Nous proposons donc la rétention de sûreté pour les terroristes.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avis évidemment défavorable. Vous le savez très bien, ce n'est pas l'objet de ce projet de loi et cette mesure ne s'inscrit même pas dans le texte – vous l'avez vous-même reconnu en présentant votre amendement. Vous savez très bien que son application impliquerait une modification de la Constitution.

Cela nécessite un débat beaucoup plus approfondi et une étude bien plus fouillée, plutôt qu'une simple discussion au détour d'un amendement. Je note, sans même parler de l'État de droit, que d'un point de vue opérationnel, la rétention de sûreté, instaurée dans les années 1970 en Irlande, avait finalement été abandonnée au bout d'un ou deux ans en raison de son échec.

M. le garde des sceaux acquiesce.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Tout d'abord, la rétention de sûreté existe déjà. Je rappelle les dispositions des articles 706-53-13 et suivants du code de procédure pénale. Vous voulez étendre cette mesure – vous voulez tout étendre. Je pense que la réponse vous a été apportée. Un petit obstacle se présente, qui n'est pas superfétatoire : c'est la Constitution. Cela nous distingue, voyez-vous.

Je suis évidemment défavorable à cet amendement, qui s'inscrit à mes yeux dans cette espèce de surenchère que vous nous proposez depuis quelques semaines. Je ne sais pas jusqu'où on osera aller, au fond. Je ne sais pas ce qui va nous, ou plutôt vous arrêter. Le rétablissement de quelque chose, peut-être, dans les mois à venir ? Une surprise ? Je ne sais pas. J'ai déjà égrené les différentes dispositions que vous proposez, qui sont ahurissantes. Je suis totalement défavorable à ce Guantánamo à la française que vous appelez de vos vœux, dont on sait qu'il fonctionne merveilleusement dans d'autres pays qui l'ont abandonné.

Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, vous nous dites que la rétention de sûreté existe déjà. Oui, elle existe déjà, elle a été instaurée en 2008 pour les crimes les plus violents.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je ne vois pas pourquoi, alors qu'elle a été instaurée en 2008, nous ne pourrions pas l'instaurer en matière de terrorisme. J'aimerais que vous m'expliquiez un peu plus quel problème constitutionnel se pose ici. Je ne comprends pas. Vous me dites qu'un obstacle se présente ; en 2008, il n'y avait pas d'obstacle. La rétention de sûreté existe pour les crimes les plus violents : je ne comprends pas pourquoi elle ne pourrait pas s'appliquer aux auteurs d'attentats terroristes.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Elle existe déjà en matière de terrorisme !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je demande simplement des précisions, et je souhaite être convaincu.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Si vous souhaitez être convaincu…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Sur le fond, je reprendrai la même argumentation que M. Diard. Vous dites que la rétention de sûreté existe. Elle a d'ailleurs fait l'objet de deux lois, en 2007 et en 2009.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Après une première censure, le Conseil constitutionnel l'a finalement validée.

Votre second argument, qui me paraît contradictoire avec le premier, consiste à dire que c'est une monstruosité juridique. Ce que le Conseil constitutionnel a validé en 2008 serait donc une monstruosité juridique en 2009 ? Vous êtes dans la rhétorique un peu politicienne – je ne sais pas si c'est l'air de la campagne qui vous souffle ces arguments quelque peu démagogiques.

Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cette mesure existe et figure dans le code pénal.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ça n'a rien à voir !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Elle a son utilité et sa pertinence, que nous revendiquons depuis des années avec constance. Elle a fait l'objet de propositions au plus haut niveau, de la part de personnalités majeures – y compris un ancien président de la République. Je comprends que vous y soyez opposé, mais c'est une approche idéologique et non pas juridique. Nous, nous faisons preuve de pragmatisme pour protéger les Français.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Oui, c'est sûr !

Il est procédé au scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 71

Nombre de suffrages exprimés 69

Majorité absolue 35

Pour l'adoption 8

Contre 61

L'amendement n° 293 n'est pas adopté.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 74

Nombre de suffrages exprimés 73

Majorité absolue 37

Pour l'adoption 69

Contre 4

L'article 5 est adopté.

L'amendement n° 1 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je suis saisi de deux amendements, n° 150 et 268 , pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement n° 150 de M. Fabien Di Filippo est défendu.

La parole est à M. Meyer Habib, pour soutenir l'amendement n° 268 .

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'est un amendement de bon sens, qui vise à interdire à toute personne condamnée pour des actes de terrorisme de diriger ou d'administrer une association cultuelle pendant dix ans. Une mesure semblable existe dans un registre plus morbide, ou disons différent : un individu condamné pour des actes pédophiles ne peut pas travailler avec des enfants ; des manquements à la probité peuvent entraîner une inéligibilité.

Notre ennemi commun, c'est la radicalisation islamique, dont les adeptes veulent peser ; ils sont sortis de prison. Des associations ont été dissoutes, par exemple BarakaCity – dont le fondateur avait alors demandé l'asile politique en Turquie. Il va de soi que la liberté associative est un principe républicain fondamental – personne ne le conteste. Le tout est d'interdire la direction de ces associations à des gens condamnés pour terrorisme. Il faudrait au moins exclure tous ceux qui ont été condamnés pour avoir fait de leur foi le point de départ de la haine et de la destruction de tout ce que nous sommes et de tout ce que nous aimons.

Les amendements n° 150 et 268 , repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je suis saisi de deux amendements, n° 182 et 2 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Éric Diard, pour soutenir l'amendement n° 182 .

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je ne sais pas pourquoi il se trouve dans cette discussion commune, monsieur le président, puisque c'est le même que celui de M. Ciotti sur la rétention de sûreté.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ah !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'en profite pour poursuivre mes questions. Monsieur le ministre, expliquez-moi quel est l'obstacle constitutionnel ! Pourquoi la rétention de sûreté, qui est possible pour les crimes les plus violents, ne le serait-elle pas pour les actes terroristes ? C'est ma seule question. Soit vous dites que c'est normal, que vous ne placez pas au même niveau les actes terroristes et les crimes les plus violents, soit un obstacle constitutionnel a surgi depuis 2008.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mais non !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'amendement n° 2 de M. Emmanuel Maquet est défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je réitère ma question. Je souhaite simplement une réponse.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je vais vous répondre.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, n'y voyez pas de provocation.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'aimerais seulement avoir une réponse, car parfois, vos réponses m'éclairent et me convainquent. Je ne demande qu'à être convaincu !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je ne voudrais pas que vous sortiez d'ici dans la frustration la plus totale, monsieur Diard. L'article 706-53-13 du code de procédure pénale prévoit la rétention de sûreté, y compris pour les terroristes, mais dans l'hypothèse où la condamnation prononcée est supérieure à quinze ans – c'est la raison pour laquelle le Conseil constitutionnel l'avait validée. Pour des peines qui seraient inférieures – cinq ans et trois ans en matière de récidive, s'agissant des seuils qui nous intéressent –, ce n'est pas possible. Regardez le texte et regardez vos propositions. Le premier est constitutionnel et concerne des peines de réclusion criminelle d'au moins quinze ans : vous avez la réponse. Vous avez dit que vous ne demandiez qu'à être convaincu : retirez-vous votre amendement ?

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À moitié seulement. Je ne retire pas l'amendement ,…

Sourires

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Il le retire à moitié !

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…mais je remercie le ministre pour ses explications.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

Les amendements n° 182 et 2 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement n° 208 .

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Il vise à faire en sorte que les décisions de classement en terroriste islamiste, TIS, ou DCSR, les fameux sigles désignant les détenus de droit commun radicalisés, soient prises et expliquées en présence des intéressés. Être classé comme tel en détention emporte des conséquences particulières de gestion pour le détenu concerné : isolement, gestion menottée, interdiction d'activités culturelles ou de réinsertion, etc. La moindre des choses est de donner une explication, au minimum contradictoire, pour que la personne concernée comprenne pourquoi elle subira des mesures particulièrement sécuritaires durant sa détention. Je ne doute pas que le garde des sceaux, très attaché au contradictoire, prête une oreille attentive à cet amendement.

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Avis défavorable, l'amendement étant satisfait. La procédure contradictoire est déjà prévue – cela a dû échapper à votre vigilance – par un décret du 31 décembre 2019.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis.

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Je maintiens l'amendement. Je vérifierai par mes propres moyens.

L'amendement n° 208 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour soutenir l'amendement de suppression n° 310.

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L'article 6 vise à autoriser la communication aux préfets et à certains services de renseignement de données à caractère personnel issues du fichier des personnes faisant l'objet d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement. En l'état actuel du droit, le partage de ces informations est à notre connaissance destiné à l'autorité préfectorale du département d'hospitalisation. Cela nous paraît tout à la fois nécessaire et suffisant, compte tenu notamment des renseignements d'ordre médical et privé dont il est question. Pour cette raison, et dans un souci d'équilibre, nous souhaitons en rester à l'état du droit.

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Avis défavorable. Les derniers attentats commis et les remontées des services montrent que les profils évoluent de plus en plus. Les services de renseignement ont besoin d'avoir accès à ces informations. Nous y reviendrons dans la discussion, le dispositif envisagé est strictement encadré : il ne concerne que les personnes placées d'office ; une limite temporelle de trois ans en amont est prévue ; les informations communiquées sont strictement limitées et concernent uniquement l'identité ; le secret professionnel et le secret médical sont respectés – nous avons retravaillé ces points en commission.

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La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, pour donner l'avis du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté

Même avis, monsieur le président.

L'amendement n° 310 n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Blandine Brocard, pour soutenir l'amendement n° 330 .

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Nous entendons bien vos précautions – j'allais dire tatillonnes – pour ne pas froisser le Conseil constitutionnel. Cet amendement devrait donc pleinement vous satisfaire. Il vise à substituer au mot « grave » les mots « d'une particulière gravité », afin de reprendre très exactement les termes utilisés dans les articles L. 228-1 et suivants du code de la sécurité intérieure, c'est-à-dire la formulation validée par le Conseil constitutionnel pour assurer le fameux caractère proportionné et constitutionnel de la disposition. Je ne doute donc pas que vous y serez particulièrement favorables.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je suis désolé, madame Brocard, mais je suis défavorable à cet amendement et en demande le retrait. À mon sens, l'appréciation de la gravité est suffisamment encadrée pour ne pas entraîner de risque d'inconstitutionnalité.

Debut de section - Permalien
Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté

Même avis. Il nous semble que l'amendement introduirait une exigence supplémentaire.

L'amendement n° 330 n'est pas adopté.

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Je suis saisi de deux amendements, n° 128 et 239 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l'amendement n° 128 .

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Il a été déposé par ma collègue Marine Brenier. Dans le cadre du continuum de sécurité et compte tenu de la place qu'occupent les maires et les communes dans les dispositifs de sécurité, il serait normal de les associer à ce type d'informations.

Les amendements n° 128 et 239 , repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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Je suis saisi de deux amendements identiques, n° 435 et 441 .

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 435 .

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La parole est à M. Jean-François Eliaou, pour soutenir l'amendement n° 441 .

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Il concerne les informations communiquées aux préfets et aux services de renseignement. L'amendement vise à les restreindre aux données d'identification – nom, prénom, etc. – et aux données relatives à la situation administrative – adresse de l'établissement, etc. – de la personne admise en soins psychiatriques sans consentement – j'insiste sur les mots « sans consentement ».

Il s'agit d'assurer l'information des services dès lors qu'un individu est à la fois inscrit au fichier HOPSYWEB – fichier relatif aux personnes ayant fait l'objet d'une mesure de soins sans consentement – et au fichier FSPRT – fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste –, tout en préservant le secret médical. Actuellement, le préfet du lieu d'hospitalisation est informé de l'hospitalisation d'office en soins psychiatriques, mais le préfet du lieu de résidence ne l'est pas. Notre proposition repose sur la conviction que la communication entre les préfets est importante.

Les amendements identiques n° 435 et 441 , acceptés par la commission et le Gouvernement, sont adoptés.

L'article 6, amendé, est adopté.

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La parole est à Mme Frédérique Dumas, pour soutenir l'amendement n° 447 .

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J'en reviens à des arguments que nous sommes nombreux à avoir défendus depuis le début de l'examen du texte. L'amendement vise à préciser que le rapport comportera « un volet consacré aux moyens humains et budgétaires et aux mesures dédiées à l'accompagnement et à la réinsertion des détenus radicalisés ».

Je ne m'étendrai pas, mais la qualité des dispositifs adoptés et les moyens qui leur sont consacrés sont les éléments les plus importants si nous voulons vraiment régler le problème.

Debut de section - Permalien
Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté

Le Gouvernement est défavorable par principe aux demandes de rapport. Avis défavorable.

L'amendement n° 447 n'est pas adopté.

L'article 6 bis est adopté.

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Je suis saisi d'un amendement n° 52 portant article additionnel après l'article 6 bis. La parole est à M. Éric Pauget, pour le soutenir.

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Il vise à établir une peine de cinquante ans de prison pour les crimes terroristes les plus graves. Il s'agit d'une mesure attendue.

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Vous le savez, je suis député des Alpes-Maritimes. L'auteur de l'attentat de Nice, pour prendre son seul exemple, a une vingtaine d'années. S'il prend « perpète », assortie d'une période de sûreté de trente ans, il sortira à 50 ans. Voilà.

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Avis défavorable. Je ne relancerai pas le débat concernant le principe de proportionnalité, notamment celle des délits et des peines. Nous l'avons eu longuement avec le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté

Le débat relatif à l'échelle des peines a eu lieu ici avec le garde des sceaux, à l'occasion de l'examen du projet de loi, mais aussi à plusieurs autres reprises. Avis défavorable.

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Nous avons eu un long débat sur la peine de sûreté, or je vous propose de modifier le quantum des peines. Il s'agit d'une mesure bien différente, qui peut être constitutionnelle.

Debut de section - Permalien
Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté

Nous avons bien compris, mais nous avons déjà eu ce débat lors de l'examen d'autres textes, relatifs notamment aux viols, aux viols commis sur mineurs, aux meurtres. Vous y revenez à propos des actes terroristes. L'échelle des peines a atteint un équilibre ; si on modifie l'une des peines, il faut redéfinir tout le quantum, donc rouvrir le débat pour définir des peines proportionnelles à celles prévues pour les autres crimes ou les crimes de même nature. Il ne me semble pas nécessaire de relancer ce débat.

L'amendement n° 52 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Jean-Michel Jacques, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, inscrit sur l'article.

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L'article 7 de ce projet de loi répond à deux objectifs majeurs. Il s'agit d'abord de préciser à quelles conditions les services peuvent exploiter des renseignements recueillis à d'autres fins, et ensuite de valoriser la coopération entre les services de renseignement pour éviter toute faille.

L'enjeu est donc très important. L'adoption de cet article améliorera l'efficacité de nos services de renseignement. C'est pour nous l'occasion de donner aux femmes et aux hommes qui œuvrent dans l'ombre plus de moyens pour mener à bien leur mission : défendre l'intérêt majeur de la nation, en particulier en prévenant les actes terroristes, qui sont très meurtriers.

Mes chers collègues, l'article 7 prévoit un dispositif précis et très complet ; il respecte l'impérieux équilibre entre sécurité et libertés publiques, auquel je sais que la quasi-totalité de cet hémicycle est attaché. Je vous demande de bien vouloir voter en sa faveur.

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La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l'amendement n° 109 .

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Il vise à soumettre à condition la transmission d'informations entre services. On peut en comprendre le principe, mais elle soulève de délicates questions juridiques, comme l'ont souligné certaines décisions internationales. Il est impératif de renforcer les garanties qui l'accompagnent. Cet amendement vise donc à préciser que la transmission est autorisée si les renseignements « relèvent des intérêts fondamentaux de la Nation ». Nous souhaitons ouvrir le débat et susciter la réflexion du Gouvernement sur la nécessité de faire figurer cette condition dans le texte.

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La parole est à M. Loïc Kervran, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.

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L'article 7 tend à autoriser la transmission de renseignements obtenus par des techniques de renseignement. Ces dernières visent toujours à préserver les intérêts fondamentaux de la nation. Selon moi, votre amendement est satisfait. J'émets donc une demande de retrait ; à défaut, l'avis sera défavorable.

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La parole est à Mme la ministre des armées, pour donner l'avis du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Florence Parly, ministre des armées

Selon les dispositions de l'article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure, les services de renseignement, du premier comme du deuxième cercle, ne peuvent recourir aux techniques mentionnées au titre V du livre VIII que pour recueillir des renseignements relatifs à la défense et à la promotion des intérêts fondamentaux de la nation. Par conséquent, les renseignements collectés et, le cas échéant, transférés à un autre service de renseignement, relèvent nécessairement des intérêts fondamentaux de la nation. Votre amendement est donc satisfait, madame la députée. Il y a lieu de le retirer.

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Nous le maintenons. L'article 7 soulève une difficulté, car il tend à sortir du principe d'individualisation de la surveillance qui prévalait jusqu'ici. La finalité peut être différente de celle qui a justifié le recueil des informations. Nous souhaitons donc que la précision que nous proposons figure dans le texte.

L'amendement n° 109 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour soutenir l'amendement n° 311 .

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Si la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) autorise le recours à une technique de renseignement qui recueille des données potentiellement sensibles, son avis n'est pas contraignant. Ainsi, le Premier ministre peut, s'il le justifie, outrepasser un avis défavorable de la CNCTR. L'autorisation délivrée par cette commission n'est finalement d'aucun poids, alors que les techniques utilisées peuvent être attentatoires aux libertés. L'absence de procédure de recours obligatoire en cas de refus de la CNCTR nous paraît préoccupante. Cet amendement vise à inscrire dans le texte que l'avis de la Commission doit être conforme, afin de rappeler que le recueil de renseignements doit être strictement encadré.

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Avis défavorable. D'abord, c'est au moment d'ouvrir une brèche dans la vie privée qu'un avis conforme est essentiel, or c'est précisément un des grands apports du texte. Dans le cas que nous examinons, la brèche a déjà été ouverte ; il ne me semble donc pas nécessaire de rendre l'avis conforme obligatoire. Ensuite, dans les faits, le Premier ministre ne s'est jamais affranchi d'un avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

Debut de section - Permalien
Florence Parly, ministre des armées

Contrairement à certaines techniques de renseignement, les échanges d'informations entre services échappent totalement au droit de l'Union européenne. En application du droit de l'Union européenne, la Cour de justice européenne et le Conseil d'État imposent des exigences aux prérogatives de la CNCTR, mais celles-ci n'ont pas à être transposées lorsqu'il s'agit d'échanges. Dans sa délibération sur le projet de loi, la CNCTR elle-même n'a pas sollicité que son avis sur les échanges de renseignements soit conforme.

Par ailleurs, l'avis conforme que vous sollicitez serait difficile à concilier avec les prérogatives constitutionnelles du Premier ministre : en tant que responsable de la défense nationale, c'est à lui seul d'autoriser les échanges en cas de changement de finalité, car c'est lui qui « détermine et conduit la politique de la nation ». L'action du Premier ministre ne peut donc pas être entravée par une autre autorité publique. Cela ne fait évidemment pas obstacle à ce que la Commission émette toutes recommandations utiles, voire à ce qu'elle saisisse le Conseil d'État si elle estime que la décision du Premier ministre est irrégulière. Avis défavorable.

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Merci pour ces explications, madame la ministre. Le rapporteur a avancé l'argument pragmatique selon lequel le Premier ministre n'avait encore jamais, dans les faits, contrecarré l'avis de la CNCTR. Dans les faits, nous avons – c'est heureux – un gouvernement républicain. Mais nous ignorons de quoi l'avenir est fait. Étant donné les enjeux relatifs à cette autorisation, je maintiens l'amendement, car ce point me paraît sensible, même si j'entends les explications de Mme la ministre.

L'amendement n° 311 n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Albane Gaillot, pour soutenir l'amendement n° 416 .

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Peut-être cet amendement qui ne va pas jusqu'à demander un avis conforme fera-t-il consensus. J'entends que le Premier ministre ne s'est jamais, dans les faits, affranchi de cet avis ; cependant, la CNCTR, dans sa délibération du 7 avril 2021, tout comme la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), dans son avis du 12 mai 2021, reconnaissent qu'élargir le pouvoir de décision de la CNCTR permettrait à celle-ci de prévenir les atteintes aux libertés individuelles et à la vie privée des citoyens. C'est la raison pour laquelle les deux instances recommandent la saisine de cette commission. Notre amendement demande donc une transmission systématique et immédiate à la CNCTR.

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Avec cet article, nous entendons encadrer assez strictement les échanges d'informations entre services, sans y faire obstacle, car chacun s'accordera sur le fait que cet échange est bénéfique.

Pour parvenir à cet équilibre, nous avons choisi que la transmission à la CNCTR soit systématique quand la finalité des extractions est différente de celle prévue à l'origine, sachant par ailleurs qu'il existe un relevé des opérations qu'elle peut consulter à tout moment. Cela garantit, me semble-t-il, un partage d'informations dans le respect des libertés publiques. Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Florence Parly, ministre des armées

La CNCTR dispose déjà de très larges prérogatives pour ce qui concerne le contrôle des techniques de renseignement. Le projet de loi a été modifié par le Gouvernement, à la suite d'un avis de la CNCTR, afin de prévoir que lorsqu'il y a exploitation pour une finalité autre que celle qui a justifié le recueil, le relevé qui rend compte des opérations d'extraction, de transcription et de transmission est immédiatement communiqué à la CNCTR.

Il serait en revanche totalement contre-productif de prévoir que la Commission se voit systématiquement transmettre en temps réel l'ensemble de tous les relevés d'exploitation. Non seulement cela créerait une lourdeur bureaucratique tout à fait inutile, mais en outre, la CNCTR ne le souhaite pas, pour la simple raison que la loi lui confère déjà un droit d'accès complet, direct et permanent à chacun de ces relevés sur simple demande de sa part. Avis défavorable.

L'amendement n° 416 n'est pas adopté.

L'amendement n° 240 , accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 7, amendé, est adopté.

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La parole est à Mme Albane Gaillot, pour soutenir l'amendement n° 185 , portant article additionnel après l'article 7

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Certains fichiers échappent totalement au contrôle a posteriori de la CNIL. Cet amendement de Paula Forteza propose donc de prévoir un contrôle a posteriori, en association avec la CNCTR, avec, le cas échéant, des aménagements justifiés par la sensibilité de ces fichiers, les conclusions en étant remises aux seuls ministres compétents.

En l'état actuel du droit, les pouvoirs de contrôle général des fichiers reconnu à la CNIL ne s'appliquent pas à certains traitements intéressant la sûreté de l'État ; treize fichiers, parmi lesquels CRISTINA, BIOPEX ou SIREX, sont ainsi concernés. La CNIL s'en est encore alarmée dans ses délibérations relatives au présent projet de loi, et pour cause : il n'y a aucun contrôle a posteriori de ces fichiers permettant de garantir qu'ils sont mis en œuvre dans le respect des textes relatifs à la protection des données personnelles, auxquels ces fichiers sont pourtant soumis. Pour parler concrètement, il est par exemple impossible de savoir si ces fichiers respectent effectivement les prescriptions fixées par les textes réglementaires qui les créent.

Cet amendement vise à corriger cette situation tout en prévoyant un contrôle adapté à leur spécificité, en coopération avec la CNCTR.

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Permettez-moi de revenir sur le contrôle des fichiers de souveraineté.

En amont, d'abord, on a deux tamis principaux : d'une part, le contrôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, d'autre part, celui du groupement interministériel de contrôle, qui pratique une sorte d'orpaillage et s'interpose en quelque sorte entre les données collectées et les services de renseignement pour que ces derniers ne puissent extraire que ce qui concerne directement leur enquête.

Au moment de la création de ces fichiers, ensuite, intervient l'examen par la CNIL et par le Conseil d'État, qui examinent à la fois le type de données, leurs modalités de conservation et d'autres caractéristiques.

À cela s'ajoutent le droit d'accès indirect ainsi que la possibilité de saisine d'une formation spécialisée du Conseil d'État, soit autant de procédures qui dessinent un environnement extrêmement contrôlé.

J'ajoute que votre proposition serait préjudiciable à deux titres aux services de renseignement. En premier lieu, elle porterait atteinte au cloisonnement, qui est un élément essentiel du renseignement ; en second lieu, elle risquerait de remettre en cause le partage d'informations, notamment avec nos partenaires étrangers, qui, lorsqu'ils nous donnent des informations, ne souhaitent pas nécessairement qu'elles soient portées à la connaissance d'autres services que celui avec lequel ils ont traité. Ce sera donc un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Florence Parly, ministre des armées

Certains traitements qui intéressent la sûreté de l'État et dont l'acte réglementaire est dispensé de publication font donc l'objet d'un régime spécifique, celui prévu par la loi du 6 janvier 1978, compte tenu de la sensibilité des données qui sont collectées et de leur finalité en lien avec la protection des intérêts fondamentaux de la nation.

Pour autant, ces fichiers de souveraineté n'échappent pas au droit puisqu'ils font l'objet de formalités préalables à leur création, qui permettent tant à la CNIL qu'au Conseil d'État de se prononcer sur la conformité de leurs conditions de mise en œuvre avec les grands principes de la protection des données.

En pratique, la CNIL rend sur le projet de texte qui autorise le traitement un avis qui permet d'apprécier les caractéristiques du fichier et la conformité de ce fichier à la loi informatique et libertés. La CNIL s'assure ainsi que les catégories de données collectées, la désignation des accédants et des destinataires de ces données ainsi que les éventuelles interconnexions sont adéquates, nécessaires et proportionnées par rapport aux finalités du fichier.

Il est donc inexact de dire que la mise en œuvre de ces fichiers, une fois autorisés dans les conditions que je viens de rappeler, échapperait à tout contrôle, d'abord parce que les modalités de collecte des données conservées dans ces fichiers de souveraineté font l'objet d'un contrôle dédié, au titre de la mise en œuvre des techniques de renseignement, sous l'égide de la CNCTR, ensuite parce que la CNIL est très régulièrement amenée, par des contrôles ciblés effectués sur ces fichiers au sein même des locaux des services de renseignement, à s'assurer de l'existence, de la pertinence et de la proportionnalité des données concernant toute personne qui l'a saisie à cette fin, au titre du droit d'accès indirect. Ce contrôle permet d'obtenir, le cas échéant, l'effacement des données qui auraient été irrégulièrement collectées.

Le régime aménagé pour ces fichiers de souveraineté permet donc bien de concilier les impératifs liés à la sûreté de l'État et le droit des personnes concernées. Dans ces conditions, introduire un pouvoir de contrôle général a posteriori de la CNIL sur ces fichiers n'est ni souhaitable ni nécessaire pour assurer le plein respect des principes de la protection des données à caractère personnel. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement n'y est pas favorable.

L'amendement n° 185 n'est pas adopté.

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La parole est à M. Jean-Michel Jacques, rapporteur pour avis.

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Nos services de renseignement traitent, analysent et exploitent de très nombreuses données afin de contrer les menaces susceptibles de toucher à la sécurité de notre pays – je pense particulièrement à la menace terroriste, qui est très meurtrière.

Pour cela, nos services de renseignement ont besoin d'outils technologiques innovants et performants leur permettant notamment d'isoler les informations d'intérêt. Ainsi, l'intelligence artificielle leur permettra à terme de distinguer les informations qui relèvent du signal et celles qui relèvent du bruit. Il est donc indispensable pour notre pays de soutenir la recherche et le développement dans ce domaine.

C'est tout l'objet de l'article 8, qui permet de conserver les renseignements collectés durant cinq ans afin d'assurer l'entraînement des programmes d'intelligence artificielle en phase de développement. Remporter ce défi technologique est à la portée de notre pays ; renforcer l'efficacité de nos services de renseignement l'est aussi. Soyons donc à la hauteur des enjeux et des attentes de nos concitoyens, et adoptons l'article 8 !

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Je suis saisi de deux amendements de suppression identiques, n° 110 et 358.

La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l'amendement n° 110 .

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L'article 8 soulève de nombreuses questions, d'ailleurs pointées par différents commentaires, qu'il s'agisse de ceux de la CNIL ou d'autres experts.

Il vise à instaurer un régime autonome de conservation des renseignements pour les seuls besoins de la recherche et du développement en matière de capacités techniques de recueil et d'exploitation des renseignements. Pour le dire autrement, nous parlons d'un important stock de données collectées par telle ou telle technique de renseignement afin de permettre aux services d'acquérir des connaissances suffisantes pour développer, améliorer et valider ces capacités.

Nous ne partageons pas cette manière de voir et souhaitons rappeler par cet amendement que la conservation des données pour des travaux de recherche et de développement doit être mieux encadrée et offrir davantage de garanties que celles déjà prévues.

Il apparaît impossible de garantir un cloisonnement parfait dans le traitement des données informatiques, lesquelles peuvent toujours faire l'objet d'un piratage dont les conséquences pour les personnes concernées seraient d'une extrême gravité, eu égard à leur droit au respect de la vie privée, ainsi que l'a rappelé la CEDH à plusieurs reprises, dans différentes décisions.

Nous contestons à cet égard la durée de conservation retenue. Le stockage de données pendant cinq ans nous paraît excessif. Quant au principe même de la conservation massive de données à des fins de recherche et de développement, il est également problématique, en particulier si on se réfère aux décisions de la Cour de justice.

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La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement n° 358 .

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Il y a plusieurs manières de faire passer des idées au travers d'un projet de loi, en faisant en sorte qu'elles semblent s'inscrire de façon évidente dans la suite logique des dispositions qui précèdent. C'est ce qui a été fait dans la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi SILT, où, pour faire passer des mesures exorbitantes du droit commun, on les a assorties d'une clause de revoyure destinée à réexaminer leur pertinence. Évidemment, dans 100 % des cas, les mesures sont pérennisées, sans compter que parfois, on n'attend même pas la fin de l'expérimentation pour les généraliser – je vous renvoie ici aux cours criminelles départementales.

Une autre méthode consiste à faire passer ces mesures au nom des nécessités de la recherche. C'est ainsi que l'état d'urgence sanitaire a permis de légiférer sur la collecte des données de santé, vouées à être conservées dans un fichier commun au nom de la recherche, de l'intérêt public ou d'autres grandes idées.

Nous sommes ici dans ce dernier cas de figure. On invoque la recherche – j'ai notamment entendu dire qu'il s'agissait de travailler sur les bruits parasites qui polluent une bande sonore ! Mais s'il ne s'agit que de cela, je peux créer des bruits parasites avec mon micro et en fournir un enregistrement aux services de renseignement, pour qu'ils s'entraînent à les enlever ! Opérer des mises en situation concrètes, sans pour autant collecter massivement des données, ne me paraît pas si compliqué.

Ce qui risque de se produire, c'est que dans trois ou quatre ans, on se rendra compte, après avoir croisé les fichiers, qu'il y a dans ces données des informations intéressantes sur certains suspects, et l'on voudra y avoir accès, avec tout ce que cela implique de suites administratives, voire judiciaires.

Chacun comprend donc bien comment cette fuite en avant technologique nous mène sur le chemin d'une surveillance généralisée – ici en vertu de l'argument imparable des besoins de la recherche et de l'innovation, qui ne trompe toutefois personne.

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Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques ?

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D'abord, madame Karamanli, les dispositions que nous examinons n'entrent pas dans le champ de la Cour de justice de l'Union européenne, car elles portent sur l'activité des services de renseignement et relèvent donc du domaine régalien.

Mme Marietta Karamanli acquiesce.

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Je reviendrai sur quelques points afin de tenter de vous rassurer et d'expliquer pourquoi nous ne pouvons pas supprimer l'article 8. D'abord, il répond aux besoins des services de renseignement. Le débruitage des enregistrements, auquel M. Bernalicis faisait référence, fait effectivement partie de ces besoins, auxquels on ne saurait répondre sur la seule base des données qu'il se propose de nous fournir…

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Cela ne marchera pas, parce que ces éléments ne sont pas disponibles dans le domaine public. Les enregistrements de conversations à l'intérieur d'une cellule de prison dans laquelle une télévision fonctionnerait une grande partie de la journée, par exemple, ne sont pas des jeux de données qu'on trouve dans la vie de tout un chacun. Le besoin est donc réel.

Deuxième point : l'article prévoit des garanties très fortes, sur lesquelles j'aurai peut-être l'occasion de revenir. D'abord, ces données ne seront pas utilisées à des fins de surveillance. Elles seront traitées uniquement par des agents spécialisés et habilités, qui ne les manieront qu'à des fins de recherche et de développement.

Cet article me semble en outre présenter deux avantages très importants. Le premier concerne la protection des libertés : certains des outils qui seront ainsi développés permettront de cibler beaucoup plus précisément la voix de la personne qui fait l'objet d'une technique de renseignement, donc de l'isoler sans écouter ses codétenus, ses compagnons de voyage – par exemple sur un trajet Paris-Marseille –, etc. Le deuxième avantage, absolument capital, est celui de la souveraineté : grâce à l'exploitation de ces données, nous permettrons aux services de renseignement français de développer leurs propres outils, sans dépendre d'une expertise étrangère.

Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable sur ces amendements tendant à supprimer l'article.

Debut de section - Permalien
Florence Parly, ministre des armées

Je serai brève. Il est un fait indéniable : de plus en plus, l'exploitation des informations obtenues par le biais des techniques de renseignement nécessite, au vu de la masse des données collectées, de recourir à des dispositifs techniques performants.

Quel est notre objectif ? M. le rapporteur vient de l'indiquer : il s'agit d'aider les analystes dans l'exploitation de très grands volumes de données. On peut ne pas vouloir trouver quoi que ce soit d'intéressant, mais si l'on veut trouver des éléments utiles parmi les données collectées grâce aux techniques de renseignement, il faut disposer d'outils fiables. Le rapporteur a évoqué les systèmes de débruitage de bandes sonores, mais on pourrait multiplier les exemples. Je songe ainsi aux logiciels de traduction automatique de langues rares. Ces produits ne se trouvent pas sur étagère. C'est pourquoi nous devons pouvoir entraîner ces outils, en utilisant des données réelles. Ce besoin est avéré.

Par ailleurs, comme l'a souligné Mme Karamanli, le dispositif que nous proposons est entouré de très nombreuses garanties – que je ne listerai pas –, précisément pour éviter tout détournement. C'est pourquoi je suis défavorable aux amendements.

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Je m'efforcerai de ne pas trop tripatouiller le micro, pour ne pas produire de bruits parasites.

Sourires.

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Si vous souhaitez que nous nous rendions dans une prison, que nous allumions la télévision dans une cellule et que je parle pour que vous puissiez m'enregistrer et apprendre à isoler ma voix, faisons-le, je n'y vois aucun problème ! Vous n'avez pas besoin de surveiller les gens et de constituer des bases de données dans lesquelles vous piocherez à loisir. On peut ainsi répondre point par point aux exemples que vous avez cités. Les langues rares ? Demandons au locuteur d'une langue rare de parler et enregistrons-le : vous pourrez essayer d'utiliser les algorithmes de détection vocale pour le traduire en direct.

De quoi parlons-nous, en réalité ? Comptez-vous nous faire croire que vous ne sous-traiterez pas ces travaux de recherche et développement à des entreprises, mais qu'ils seront internalisés au sein de vos services ? Comptez-vous nous faire croire que vous n'aurez pas recours à la société Palantir pour traiter ces données ? J'aimerais obtenir une réponse sur ce point, car nous sommes plusieurs parlementaires à vous avoir interrogés. Nous avions appris par voie de presse, il y a environ un an et demi, que le ministère de l'intérieur s'interrogeait – comme le ministère des armées, sans doute – sur la possibilité de recourir à une solution plus « souveraine », en sollicitant Thales. Jusqu'à présent, toutefois, Palantir reste la norme en matière de traitement de données de masse. Je rappelle d'ailleurs que le ministre de l'intérieur a assuré que nous ne pratiquions pas la pêche au filet pour ratisser le plus large possible.

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Il faut savoir ! Avons-nous recours à ces pratiques, ou non ? En avons-nous besoin ? Comptons-nous le faire ? Accroissons-nous nos efforts de recherche et développement en vue de le faire à l'avenir ? Si tel est le cas, je suis encore plus opposé à ce que vous proposez, d'autant que – je le précise à l'intention de ceux qui l'ignoreraient – le nom « Palantir » fait référence à la boule de cristal qui, dans le Seigneur des anneaux, permet au sorcier Saroumane de savoir tout ce qui se passe sur la Terre du Milieu. Ce n'est clairement pas la plus rassurante des analogies, surtout pour qui sait que cette entreprise travaille avec les services américains. Je n'ai rien contre ces derniers – quoique –, mais je préfère que nous utilisions des solutions souveraines et internalisées.

Vous n'apportez aucune de ces garanties. Même si vous présentez votre dispositif en assurant qu'il ne sera utilisé qu'à des fins de recherche et développement, j'y suis opposé, parce que je vois bien quel sera le coup d'après.

Les amendements identiques n° 110 et 358 ne sont pas adoptés.

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La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Le Président de l'Assemblée nationale a reçu du ministre chargé des relations avec le Parlement une lettre l'informant que la discussion en procédure simplifiée de cinq projets de loi autorisant l'approbation de conventions internationales, qui était initialement prévue demain à neuf heures, aura lieu ce soir à vingt et une heure.

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Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures :

Discussion de cinq projets de loi autorisant l'approbation de conventions internationales,

Suite de la discussion du projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement.

La séance est levée.

La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.

Le directeur des comptes rendus

Serge Ezdra