Intervention de éric Dupond-Moretti

Séance en hémicycle du mercredi 2 juin 2021 à 15h00
Prévention d'actes de terrorisme et renseignement — Article 5

éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice :

Monsieur Meyer Habib, je voudrais vous faire part de mon soutien. Je crains que les mots ne soient dérisoires, tant il est vrai que les insultes antisémites et les saloperies de cette nature, qui auraient dû disparaître depuis très longtemps, sont de plus en plus nombreuses.

Cependant, je vous relis l'extrait de la décision du Conseil constitutionnel du 7 août 2020 : « En quatrième lieu, la mesure ne peut être prononcée qu'en raison de la dangerosité de la personne caractérisée notamment par la probabilité très élevée qu'elle récidive. » Selon vous, la dangerosité commence là où la personne abuse du langage ou de la liberté d'expression, selon le Conseil constitutionnel, là où existe une probabilité très élevée de commettre un nouvel acte terroriste : où placer le curseur ? Voilà toute la question !

Je comprends évidemment la motivation de votre amendement, mais, encore une fois, je refuse de devoir revenir devant vous dans six, sept ou huit mois parce que nous aurions laissé des détenus terroristes, dont on peut penser qu'ils sont encore dangereux, recouvrer la liberté sans suivi judiciaire. À force d'adopter une position maximaliste, vous mettez en péril l'équilibre du texte.

Nous ne sommes pas totalement libres – l'est-on jamais, d'ailleurs ? – car nous ne pouvons pas nous affranchir des règles constitutionnelles, encore moins lorsque le Conseil constitutionnel vient de les préciser. Nous connaissons le périmètre dans lequel nous pouvons évoluer ; nous connaissons l'amendement risqué dont l'adoption nous ferait à nouveau basculer dans la censure : est-ce cela que nous voulons ?

D'habitude, ce sont les députés qui posent des questions au Gouvernement, donc je vous prie de m'excuser d'inverser les rôles : peut-on adopter un dispositif que nous savons intenable ? Je ne conteste pas votre liberté démocratique de considérer ce texte insuffisant : je n'ai pas la même position que vous car son adoption serait mieux que rien et actuellement, nous n'avons rien.

Notre responsabilité est de respecter les indications du Conseil constitutionnel. Celles-ci circonscrivent certes un peu le débat, mais le but est-il de foudroyer ce texte dès à présent ou de le laisser prospérer et s'appliquer pour assurer enfin une surveillance judiciaire des détenus condamnés pour des faits de terrorisme ? Voilà la seule question !

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