Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du mercredi 2 juin 2021 à 15h00
Prévention d'actes de terrorisme et renseignement — Après l'article 3

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur :

Le sujet est déjà assez compliqué, efforçons-nous de ne pas le politiser ! J'ai un peu peur que votre démonstration, monsieur Ciotti, puisse servir en réalité à nous dire, le jour où un attentat terroriste sera commis par un sortant de prison, que vous nous aviez prévenus. J'espère que ce n'est pas dans ce but que vous êtes intervenu !

Je ne parle pas de l'avenir, mais je constate aujourd'hui que les MICAS, comme l'a très bien dit M. le rapporteur, sont, dans certaines circonstances, les mesures les plus efficaces. J'ai évoqué hier le cas de M. Moreau, qui a été rendu public – il y en a d'autres que je ne peux pas rendre publics mais qui ont été constatés par les services de renseignement intérieur : sortant de prison, radicalisé, condamné pour terrorisme, dangereux, il faisait l'objet d'une MICAS et c'est cette mesure qui a permis de le récupérer, si j'ose dire, et d'éviter qu'il ne commette un attentat.

Je le répète, ce n'est pas le seul outil dont nous disposons : la mesure peut être complétée par une judiciarisation de la procédure – Mme Frédérique Dumas n'a pas voulu l'entendre tout à l'heure, mais si l'on s'aperçoit au bout de vingt-quatre mois que la personne est toujours dangereuse, on peut toujours judiciariser. J'ai eu l'occasion de dire tout à l'heure d'une part que la taqiya, ou dissimulation, était pratiquée par une partie des personnes dont nous parlons, et d'autre part que la judiciarisation prend parfois plus de temps que l'entrave administrative ; vingt-quatre mois nous paraissent donc constituer un délai adéquat.

Ensuite, arrêtons de faire comme s'il n'y avait que les mesures de l'article 3 dans ce projet de loi. Il contient de nombreuses mesures complémentaires et Mme la présidente de la commission a évoqué le cheminement – vous le connaissez par cœur puisque vous avez contribué à son élaboration, à la fois en participant aux auditions et en rédigeant un rapport – qui consiste à conjuguer différents types de mesures, administratives et judiciaires mais aussi d'insertion, de protection, de contrôle et de renseignement. C'est l'ensemble de ce secteur de l'action publique qui permet d'éviter les passages à l'acte.

Quant au bracelet électronique – M. le rapporteur l'a très bien dit –, dans le cas de Saint-Étienne-du-Rouvray, il n'a servi à rien, au contraire. Les services de renseignement intérieur, dont vous saluez tous l'activité, ne demandent pas son utilisation, car il semblerait qu'un tel outil conduise à ne pas prendre les mesures humaines de contrôle physique évoquées par M. le rapporteur.

Enfin, alors que nos débats ont jusqu'à présent été de bonne tenue, respectueux des arguments présentés par les uns et les autres, il ne faut pas nous accuser de naïveté – c'est ce que vous faites depuis quelques instants, monsieur Ciotti. Je ne vais pas faire ici le procès qui permettrait de déterminer comment nous en sommes arrivés là, mais avouez que les problèmes ne remontent pas seulement à 2017. Nous pourrions tous faire des procès à l'envi, mais il s'agissait d'autres temps, d'autres mœurs et d'autres gouvernements.

La situation que nous combattons ne date pas d'hier et elle dure depuis longtemps : je venais d'entrer au collège lorsque les attentats de 1995 ont eu lieu. Le terrorisme islamiste a des causes multiples qui sont liées aux relations internationales, à l'immigration, à certaines concentrations de population mais aussi à la grande naïveté de la lutte qui a été menée contre l'islamisme radical, sans parler de la perte d'efficacité des services qui ont eu à subir des changements d'organisation. Si nous en sommes arrivés là, c'est pour de nombreuses raisons. Regardons l'avenir, arrêtons de jeter des anathèmes et évitons de faire de la petite politique, tout le monde s'en portera mieux.

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