Intervention de Ugo Bernalicis

Séance en hémicycle du mercredi 2 juin 2021 à 15h00
Prévention d'actes de terrorisme et renseignement — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Vous avez beau habiller le dispositif, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, en disant que seuls certains sortants de prison seront concernés par une durée d'allongement des MICAS pouvant atteindre au total vingt-quatre mois, il n'en demeure pas moins, et c'est le fond de l'affaire, qu'il s'agit d'appliquer une mesure restrictive de liberté à quelqu'un qui n'a pas commis d'infraction. C'est un problème de droit fondamental. Que la personne soit encore dangereuse ou non, qu'elle ait ou non commis des choses irréparables, on ne revient pas sur le passé, pas plus que sur le jugement rendu à titre définitif. Comme l'a dit Frédérique Dumas, posons-nous d'abord la question de savoir si l'alternative est de prononcer des MICAS ou laisser le type dans la nature, sans surveillance, à sa sortie de prison. Bien sûr que non : les services de renseignement font leur travail, c'est-à-dire qu'ils collectent des informations, sans pour autant que cela implique de prendre des mesures restrictives de liberté. Je note d'ailleurs que certains, dans les services de renseignement, jugent cette méthode plus efficace, parce qu'elle évite de faire savoir à l'intéressé qu'il est sous surveillance. Je ne prends pas parti, mais il y a débat.

À la fin, la question que nous, législateurs, devons nous poser, c'est de savoir s'il faut faire prédominer la présomption d'innocence et la liberté comme étant la norme, et donc faire du contraire une exception à appliquer avec des pincettes et dans le respect, entre autres, du principe de proportionnalité – et encore ! rien qu'en disant cela, j'ai l'impression de me faire un peu le défenseur de votre logique, monsieur le ministre, ce qui n'est pas mon intention.

On voit bien que vous allez trop loin, que votre stratégie est de pousser le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel dans leurs retranchements pour les inciter à repousser les limites de l'acceptable. Il y a vingt ans, il aurait été impossible d'avoir ce genre de débat dans l'hémicycle parce que tout le monde se serait dit : « Non, mais ça ne va pas la tête ? On prendrait de telles mesures simplement parce que l'on juge dangereuses les personnes concernées, sans qu'elles aient commis d'infraction caractérisée, sans que l'on dispose du moindre élément de preuve ? » Car si de telles preuves existaient, il suffirait de judiciariser et le problème serait réglé en cinq minutes. Vous êtes dans une fuite en avant liberticide : le but est de rassurer une partie de l'opinion publique, pas de résoudre le problème !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.