Intervention de Sébastien Jumel

Séance en hémicycle du mardi 19 décembre 2017 à 9h30
Questions orales sans débat — Profession d'ivoirier artisan d'art

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Jumel :

Madame la ministre de la culture, la sculpture de l'ivoire est intimement liée à l'histoire de Dieppe, qui possède la deuxième collection d'Europe d'ivoires, avec plus de 2 000 objets conservés au château-musée. L'activité ivoirière, qui s'est développée à partir du XVIe siècle, a fait du port de Dieppe une place portuaire internationale. De la dînette en ivoire remise à Henri IV au couteau en ivoire de mammouth et contenant un fragment de la météorite Gibéon offert au Dieppois Thomas Pesquet, la prestigieuse production dieppoise a essaimé dans tous les hauts lieux du pouvoir. Un atelier dieppois a compté jusqu'à quarante ouvriers au XIXe siècle, âge d'or de la sculpture d'ivoire à Dieppe.

Aujourd'hui, Dieppe compte encore deux ateliers. Les professionnels de la sculpture de l'ivoire – moins de dix en France – sont reconnus artisans d'art par un arrêté ministériel du 24 décembre 2015, eu égard aux qualités et spécificités de ce métier. Ils sont indispensables à la restauration des pièces en ivoire des collections publiques conservées dans nos musées – musée de Dieppe, musée Guimet, musée de Commercy, notamment.

Le 16 août 2016, Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a interdit par décret toute vente d'objet sculpté réalisé à partir de stocks d'ivoire ancien. Légitimement engagé dans la lutte contre le trafic international d'ivoire, le ministère n'a alors pas pris la pleine mesure des conséquences de cette décision, non concertée, sur l'économie du métier d'ivoirier.

Aujourd'hui, les ateliers sont asphyxiés par l'interdiction de vente qui s'impose à eux, alors même qu'ils ne travaillent qu'à partir de stocks d'ivoire anciennement constitués, souvent transmis de génération en génération, et expertisés par la brigade de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction – CITES. Leur travail n'a donc aucune part dans le trafic international d'ivoire, qui entraîne le braconnage des éléphants, ni incidence sur celui-ci.

Depuis 2016, nous avons multiplié les démarches pour sauver les ivoiriers victimes d'une mesure bien intentionnée, mais manifestement mal ciblée. Une modification du 4 mai 2017 apportée au décret a levé l'interdiction pour deux autres professions, les facteurs d'orgue et de piano.

Reste le métier culturel d'ivoirier. Aujourd'hui, madame la ministre, je vous demande ce que vous comptez entreprendre pour sauver le métier d'art d'ivoirier de la disparition certaine à laquelle le condamne le décret du 16 août 2016, en l'état. Cette profession participe pourtant du rayonnement culturel de notre pays : son savoir-faire rare est indispensable à l'entretien des collections publiques d'objets en ivoire.

À ce titre, j'associe à ma question les artisans couteliers de Thiers et de sa région qui travaillent certaines de leurs pièces avec de l'ivoire ancien.

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