Intervention de Philippe Gomès

Séance en hémicycle du mardi 19 décembre 2017 à 9h30
Questions orales sans débat — Situation de la jeunesse calédonienne

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gomès :

Monsieur le ministre, comme vous le savez, la Nouvelle-Calédonie est compétente en matière d'enseignement, bien que l'État conserve la compétence concernant la colonne vertébrale : la délivrance des diplômes, les programmes, même si nous avons une capacité d'adaptation, la formation des maîtres, le contrôle pédagogique. L'État continue également à financer l'exercice de la compétence, même si la capacité décisionnelle est désormais dans les mains de la Nouvelle-Calédonie. Le transfert est effectif depuis le 1er janvier 2012 et, dans ce cadre, après plusieurs années de travaux, nous avons adopté ce qu'on appelle le projet éducatif calédonien : faire de l'école de la République une école du pays, une école du destin commun, une école du rétablissement de l'égalité des chances ; et vous savez à quel point cela est nécessaire dans notre pays.

Dans ce projet éducatif, il y a bien sûr un sujet majeur : la lutte contre le décrochage scolaire, qui est un cancer calédonien. Je rappellerai quelques chiffres : 600 jeunes sortent de notre système scolaire avant l'âge de seize ans, sans qualification, sans diplôme ni emploi ; ils sont 400 âgés de seize à dix-huit ans à être dans cette situation. Ce sont donc au total 1 000 décrocheurs scolaires sur 67 000 élèves.

Dans le même temps, faute de structures adaptées, ces jeunes décrocheurs scolaires traînent dans la tribu, le squat, le quartier, le village. Je crois beaucoup aux proverbes de grand-mère ; l'un d'eux disait : « L'oisiveté est mère de tous les vices. » Et, en effet, la délinquance des mineurs est extrêmement importante dans notre pays : pas moins de 2 100 mineurs ont été mis en cause en 2017, et le développement a été exponentiel ces dernières années. Parmi ces mineurs délinquants, 43 % ont moins de quinze ans. En métropole, la délinquance des mineurs représente 20 % de la délinquance de proximité ; chez nous, c'est 60 %. C'est donc un problème majeur en Nouvelle-Calédonie.

Or nous constatons collectivement que nous manquons des outils nécessaires pour le traiter. Parmi ceux-ci, il en est un qui, bien que ne relevant pas de l'éducation nationale, mérite d'être mentionné : l'établissement pour l'insertion dans l'emploi, qui a pu accueillir pendant une période à présent révolue des jeunes dès l'âge de seize ans, leur dispenser une formation en alternance en relation avec des entreprises, avec un encadrement militaire. Ce dispositif a produit certains résultats.

Je pense également à d'autres outils relevant plus particulièrement de l'éducation nationale ou du champ médico-social et éducatif. Les ITEP, instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques, ont pour mission d'accueillir des jeunes au comportement déviant, difficile, ayant de graves difficultés de socialisation. Il en existe 400 en métropole, 7 dans les départements d'outre-mer. Or, s'il y a un endroit de la république où un ITEP doit être implanté, c'est bien en Nouvelle-Calédonie. Nous devons absolument pouvoir disposer d'un tel outil.

De la même manière, les EREA, établissements régionaux d'enseignement adapté, accueillent des jeunes en situation de graves difficultés scolaires ou sociales, ou en rupture scolaire, avec des difficultés d'accès aux apprentissages. Là aussi, on trouve 80 EREA en métropole, et 1 en outre-mer, à Mayotte, me semble-t-il. Là encore, un tel outil nous permettrait, pour une part, de reprendre la main, de redonner une chance à cette population scolaire en situation de rupture qui, hélas, à mesure que les années passent, prend le chemin de Camp Est, la prison calédonienne.

Par conséquent, monsieur le ministre, ma question est la suivante : l'État est-il prêt à nous accompagner, même si beaucoup de ces sujets relèvent aujourd'hui de la compétence de la Nouvelle-Calédonie, dans la création d'outils indispensables pour offrir une nouvelle chance à une jeunesse calédonienne en situation de rupture par rapport au système scolaire ?

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