Je le dis avec sincérité mais aussi avec gravité, monsieur Brotherson, cette proposition de loi poursuit un objectif honorable au regard des attentes légitimes des Polynésiens. Nous rejoignons votre volonté d'améliorer l'accès à la procédure d'indemnisation des victimes des essais nucléaires en Polynésie française. Des progrès considérables ont, je crois, été accomplis ces dernières années ; ils doivent se poursuivre. Toutefois, il nous semble que les modifications que vous entendez apporter à la loi Morin de 2010 ne permettent pas d'apporter les réponses adéquates en la matière.
Certaines d'entre elles ne disposent pas d'une assise scientifique suffisante, ce qui fragilise leurs fondements même. D'autres remettent en question des critères qui ont contribué à renforcer l'indemnisation des victimes par le passé. Votre texte propose en particulier de supprimer la dose limite de 1 millisievert, alors même que l'introduction de ce seuil d'exposition a permis d'augmenter sensiblement le nombre de dossiers faisant l'objet d'une indemnisation effective, tout en assurant le maintien d'un dispositif opérationnel.
Votre proposition de loi sollicite l'indemnisation des victimes de maladies transgénérationnelles. Les études scientifiques dont nous disposons ne permettent pas d'établir l'existence d'un lien entre l'exposition d'une victime aux rayonnements ionisants et le développement de pathologies par sa descendance. L'expertise collective indépendante menée par l'INSERM, de 2014 à 2021, sur les conséquences des essais nucléaires français en Polynésie française juge que les études disponibles sur les effets transgénérationnels sont non concluantes. Cette position est partagée par l'ensemble des études scientifiques sur le sujet. Je pense notamment aux travaux menés en 2001 par le comité scientifique des Nations unies sur l'étude des effets des radiations ionisantes (UNSCEAR), ainsi qu'au rapport de 2007 de l'IRSN, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, qui concluait qu'aucune maladie ou qu'aucun effet héréditaire induit par un rayonnement ionisant n'avait été démontré dans une population humaine exposée à ces rayonnements.