Intervention de Nicole Sanquer

Séance en hémicycle du jeudi 17 juin 2021 à 21h30
Réparation des conséquences des essais nucléaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicole Sanquer :

L'installation du centre d'expérimentation des essais nucléaires, en 1966, restera à jamais une rupture dans l'histoire de la Polynésie française : elle aura changé définitivement la société, l'environnement et l'économie de l'archipel. On comptabilisera 193 essais nucléaires entre 1966 et 1996, qui ont affecté et continuent d'affecter les Polynésiens et les Polynésiennes et leurs enfants dans leur quotidien. Les conséquences des essais nucléaires sont un fait subi par des générations de Polynésiens, mais ont-ils été si propres que le garantissait le général de Gaulle ? Ces questions trouvent au fur et à mesure du temps qui passe ses réponses, et l'État, depuis quelques années, s'est lancé dans un processus de réparation envers les populations victimes des essais, – des essais qui ont permis à la France d'être une puissance nucléaire, mais qui ont aussi laissé des traces en Polynésie.

Aujourd'hui, il appartient à l'État de regarder cette réalité en face et d'accomplir enfin son devoir de réparation. La mise à contribution de la Polynésie française dans la construction de la politique de dissuasion nucléaire a été reconnue à l'article 6-1 de la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française, et cette contribution doit constituer le fondement d'actes forts. Ainsi, sur le plan financier, la création par l'État d'une dotation globale de développement économique (DGDE), affectée à la reconversion économique de notre pays pour un montant de 18 milliards, transformée depuis en trois dotations distinctes, aura été l'acte fort qui a bénéficié à l'ensemble de notre collectivité. À titre personnel, j'ai eu l'occasion, avec d'autres députés et des sénateurs, de participer à la commission prévue à l'article 113 de la loi EROM, commission à l'issue de laquelle nous avons rendu un rapport particulièrement circonstancié : il serait incompréhensible que les préconisations émises alors en restent au stade des vœux pieux.

Le projet de loi qui nous est soumis à présent correspond à l'essence même de notre assemblée : le pouvoir de changer les choses, en l'occurrence en facilitant le droit à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires. Ce débat constitue une occasion de convaincre nos collègues du sacrifice de nos populations, mais cette initiative parlementaire ne vous exempte pas, chers collègues, d'une présence assidue aux travaux qui ont régulièrement lieu sur le sujet, qu'il s'agisse de la commission de l'article 113 ou de la table ronde dite de haut niveau. Cette dernière suscite de si puissants espoirs en Polynésie française que les annonces qui en sortiront devront être à la hauteur.

J'en viens aux articles de la proposition de loi.

Je suis en total accord avec l'article 1er ,qui prévoit la mise en place d'une commission chargée de l'établissement d'un programme de dépollution des atolls, car il s'agit bien de savoir comment nettoyer les terres souillées et comment gérer les déchets pollués. Ces questions fondamentales imposent une réflexion poussée et l'instauration d'une méthode.

L'article 2 présente également de réelles avancées sur la prise en compte des maladies transgénérationnelles radio-induites et en particulier sur le recours des ayants droit.

J'avais déposé trois amendements pour enrichir ce texte, mais deux ont malheureusement été déclarés irrecevables. La mise en place d'un programme pluriannuel pour la recherche, chargé d'examiner la transmission des maladies transgénérationnelles radio-induites – une demande récurrente des associations – ne trouve pourtant pas écho auprès de l'État. Si l'État estime qu'il n'y a pas de transmission, qu'il le prouve en permettant une étude scientifique sur le sujet afin que la vérité soit faite. Et puis pourquoi établir des délais de recours pour les ayants droit ? La réparation du sacrifice des Polynésiens et des Polynésiennes ne doit pas être limitée dans le temps. Mon seul amendement recevable vise à octroyer une médaille honorifique pour les vétérans des essais nucléaires. Vous me répondrez, madame la ministre, qu'il est satisfait par le décret du 29 janvier dernier, mais la médaille de la défense nationale avec agrafe « essais nucléaires » ne répond pas totalement aux demandes des associations. Les travailleurs de Moruroa et Fangataufa réclament une distinction spécifique de reconnaissance de la nation, qui leur ouvrirait une meilleure prise en charge de leurs frais de santé et un meilleur accompagnement des soins au titre de vétérans des essais nucléaires.

Cette proposition de loi traite des victimes des essais nucléaires, et c'est bien légitime. En tant que Polynésienne, je ne peux que soutenir ses dispositions qui faciliteront et accéléreront les démarches des victimes pour l'ouverture de leurs droits à indemnisation, mais je souhaiterais aussi rappeler à l'État que la contribution de la Polynésie française se poursuit, que de nombreux Polynésiens s'engagent dans l'armée française chaque année et sont pourtant victimes d'iniquité de traitement car privés de l'INSMET, l'indemnité d'installation des militaires ultramarins. La Polynésie française a contribué à ce que la France soit une puissance nucléaire et les militaires polynésiens se battent chaque jour dans ses forces armées : faudra-t-il attendre encore longtemps pour que le soldat d'une collectivité du Pacifique soit reconnu comme un vrai soldat français ?

En conclusion, j'indique que notre groupe UDI et indépendants votera en faveur de cette proposition de loi pour que les demandes des Polynésiens et des Polynésiennes soit entendues à l'aube de la table ronde.

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