Intervention de François de Rugy

Séance en hémicycle du lundi 28 juin 2021 à 16h00
Respect des principes de la république — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy, président de la commission spéciale :

En première lecture, plus de cent heures avaient été consacrées par notre commission à l'examen de ce texte, dont plus de cinquante dédiées à des auditions. Celles-ci avaient, je crois, permis à chacune et à chacun de préciser sa vision du texte et des questions qu'il soulève – des questions de principe, comme le souligne d'ailleurs le titre du projet de loi, mais aussi des questions très concrètes, car il s'agit de traduire dans notre droit les principes de la République, tout en tenant compte des évolutions de notre pays.

La nouvelle lecture en commission spéciale a, bien évidemment, été plus rapide – et pas seulement parce que nous avons abordé directement l'examen des articles et des amendements. Je crois qu'au fil du parcours législatif de ce texte, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, chacun a pu exprimer, dans la sérénité et la fermeté de ses convictions, sa vision et ses propositions. Ainsi, aujourd'hui, après le rétablissement en commission des principaux équilibres auxquels nous étions parvenus à l'issue de la première lecture à l'Assemblée nationale – et qui avaient d'ailleurs évolué par rapport à la version initiale du texte –, il y a peu de choses nouvelles à attendre des échanges que nous allons avoir au cours des prochaines séances.

Ce projet de loi se justifie par la menace que fait planer sur notre société un islamisme radical, incarné en deux dérives aussi inacceptables l'une que l'autre. D'une part, le séparatisme vise à diviser la communauté nationale jusqu'à susciter en son sein une sorte de contre-société dont les membres échapperaient à la règle commune ; d'autre part, l'absolutisme prosélyte entend soumettre cette règle commune aux dogmes religieux. Toutefois, si ce texte s'inscrit dans un contexte, celui de cette menace que nous espérons tous circonscrite dans le temps, il a vocation à créer des règles intangibles, pouvant servir demain à écarter d'autres dangers en gestation au sein de la société, ou que nous ne saurions même imaginer aujourd'hui. C'est pourquoi il est heureux qu'il édicte des dispositions de portée générale. La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État ne traite pas spécifiquement de la religion catholique, alors même qu'elle se justifiait par la question des rapports entre celle-ci et la République française ; de même, ce texte ne fait pas référence à l'islamisme, contrairement au souhait plus qu'implicite de la majorité des sénateurs.

La République garantit la liberté de conscience et la libre pratique des cultes. Elle protège et se protège contre les tentations, contre les tentatives. Les droits et les devoirs qu'elle détermine valent pour toutes les croyances ; ses mécanismes de protection jouent contre toutes les formes de pression, de prosélytisme, de séparatisme – reconnaissons qu'il en existe de toutes sortes dans la société française actuelle. Neutralité des agents du service public, y compris lorsque celui-ci est assuré par des entreprises ou des salariés de droit privé ; nouveaux moyens à la disposition de l'État et des collectivités locales pour assurer le respect des valeurs républicaines par les associations subventionnées ; lutte contre la haine en ligne : le texte traite de sujets très concrets, qui dépassent largement le cadre du défi lancé par l'islamisme à la République. Cela démontre bien que ce sont les principes républicains que nous voulons défendre.

Au cours de nos débats, nous avons constaté entre nous des points de convergence assez forts : c'est une bonne chose, car il est indispensable que la défense des principes de la République rassemble largement. Nous avons constaté des différences d'approche, voire des divergences : c'est également une bonne chose, dès lors qu'elles sont exprimées sans outrance ni acrimonie, sans mauvaise foi ni volonté d'entretenir des discours de victimisation qui fracturent inutilement notre société. La République est aussi un lieu de confrontation pacifique entre visions diverses de l'intérêt général.

La nouvelle lecture de ce texte en séance, qui commence aujourd'hui, ne constitue qu'une étape dans l'élaboration de la future loi, mais aussi au sein d'une réflexion et d'une œuvre législative plus vastes, prenant leur source en 1905. Celles-ci nous amènent à préciser et à compléter nos dispositifs à l'aune de l'évolution de la société et des défis qu'elle doit relever – dispositifs qui subsisteront après la promulgation de ce texte, et après nous. La laïcité est une quête jamais achevée, régulièrement attaquée, toujours à défendre et à redéfinir dans la fidélité aux valeurs qui l'inspirent et qui animent la plupart d'entre nous. Je forme le vœu que cette étape, comme la précédente, c'est-à-dire l'examen du projet de loi en commission spéciale, soit franchie dans la clarté concernant nos positions, dans la sérénité des échanges et dans le respect de chacun.

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