Comme de nombreuses zones rurales, mon territoire, situé au cœur du pays de Caux et du pays de Bray, en Seine-Maritime, souffre d'une offre médicale trop pauvre par rapport aux besoins des habitants. Cet appauvrissement résulte en partie d'une organisation territoriale des soins qui paraissait rationnelle sur le papier, mais qui s'avère totalement incohérente en pratique – outre qu'elle concentre les moyens dans les zones urbaines.
Pour prendre une première illustration, les bassins de vie font l'objet d'un zonage – de zone très sous-dotée à zone dotée – en fonction du nombre de praticiens qui y exercent. Des aides visent à inciter les praticiens à s'installer dans les zones les moins dotées. Or le zonage des kinésithérapeutes est établi pour cinq ans sur la base de données de l'INSEE qui, vieille de plusieurs années, ne reflète pas la réalité. Une demi-décennie, c'est un temps de pause un peu long pour obtenir la photographie fidèle du nombre de professionnels dans un territoire ! Voilà pourquoi un bassin de vie de 15 000 patients, classé en zone intermédiaire, compte un seul kinésithérapeute, dans la commune de Cany-Barville, tandis que la commune de Saint-Valéry-en-Caux, considérée comme déficitaire, en compte huit. Bien évidemment, les nouveaux kinésithérapeutes préfèrent s'installer à Saint-Valéry-en-Caux plutôt qu'à Cany-Barville, afin de bénéficier des aides à l'installation – chacun peut le comprendre.
En guise de deuxième illustration, prenons le schéma régional de santé : tous les cinq ans, il détermine l'offre de soins dans les territoires en fonction des besoins identifiés. Il se trouve que la commune de Néville abrite une structure attractive pour les nouvelles générations de praticiens, la clinique du Caux Littoral, qui a la capacité de recruter des professionnels. Elle s'efforce depuis deux ans d'obtenir le label Hôpital de proximité, mais se heurte systématiquement au refus de l'ARS, au motif que le schéma régional de santé, établi quatre ans auparavant avec des données de l'INSEE vieilles de huit ans, n'avait pas identifié, à l'époque, des besoins de santé dans ce bassin de vie. Il faut donc se rendre à Dieppe, à une heure de voiture de Néville, à Fécamp ou à Yvetot, alors qu'aucun moyen de transport collectif ne le permet. L'ARS explique aux 30 000 habitants du territoire qu'ils n'ont qu'à faire une heure de voiture – s'ils en possèdent une – en cas de besoin !
Certes, l'État injecte 19 milliards d'euros dans plus de 3 000 établissements. Certes, les salaires des professionnels de santé ont augmenté. Certes, la suppression du numerus clausus permet de former plus de 10 000 médecins cette année. Et certes, nous sommes passés de 10 000 à 1 million de téléconsultations par semaine. Mais après le départ de quatre médecins généralistes en 2021, une partie des citoyens du bassin de vie de la Côte d'Albâtre n'ont plus accès à des consultations. Les services ambulanciers sont débordés, tout comme les services de secours.
Quelles solutions sont envisagées pour mieux répartir les professionnels de santé dans les zones rurales ? Des pistes existent, mais elles sont bloquées par un schéma régional de santé qui favorise les métropoles et les centres hospitaliers universitaires (CHU). Que faire pour que la clinique de Néville reçoive le label Hôpital de proximité et serve de base à une future communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) ? Comment comptez-vous assurer l'accès aux soins des habitants des territoires ruraux, en particulier lorsqu'ils n'ont pas de moyen de transport ?