Intervention de Christophe Euzet

Séance en hémicycle du lundi 6 décembre 2021 à 16h00
Différenciation décentralisation déconcentration et simplification de l'action publique locale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Euzet :

Nous voici saisis d'un texte aussi imposant qu'important qui atteste du fait, s'il en était besoin, que nous travaillons jusqu'aux dernières minutes de la législature, au chevet des collectivités territoriales, en toute indépendance par rapport aux consultations locales électorales, de quelque nature qu'elles soient.

Au chevet des collectivités locales, nous l'avons été durant toute la législature. Dès 2017 en effet, le Président de la République appelait à une nouvelle donne territoriale, insistant sur l'exigence d'un partenariat repensé avec l'État, plus souple, plus efficace.

L'actualité est venue renforcer cette exigence. Je pense à la crise des gilets jaunes, qui a débuté en novembre 2018, à laquelle je n'accorde pas du tout la même valeur historique que celle que lui donnent d'autres collègues puisqu'elle est venue sanctionner durement vingt à vingt-cinq ans d'immobilisme de tous ceux qui avaient déjà subi le verdict des urnes. Il y a eu ensuite une deuxième épreuve : la pandémie de covid, qui perdure, et que certains responsables politiques semblent avoir complètement perdue de vue dans leurs projections pour 2022. Tout cela a mis en relief un besoin fort de collectivités territoriales.

Ce projet de loi, madame la ministre, n'est pas un texte sans racines. Il ne procède pas d'une simple réaction aux événements mais s'intègre dans un vaste processus législatif, vous l'avez opportunément rappelé, et dans une réflexion d'ensemble sur les politiques publiques territoriales qui s'échelonnent sur quatre années et demie : loi « engagement et proximité », loi relative à la simplification des expérimentations locales, loi portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires, loi relative aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace, loi portant réforme de la formation des élus locaux. Il est, on le voit, l'aboutissement d'un ensemble normatif visant à améliorer la vie des collectivités territoriales après des années de traitement ingrat.

Présenté devant le Conseil des ministres le 12 mai 2021, le projet de loi a été considérablement enrichi par le Sénat qui l'a aussi partiellement dénaturé, reconnaissons-le, et passablement alourdi, reconnaissons-le également. Il a retrouvé à nos yeux une cohérence d'ensemble à l'issue de nos travaux en commission. Désormais, il est appelé à se bonifier en séance, ce dont le groupe Agir ensemble se réjouit.

Les modifications substantielles qu'il a connues ont été rendues possibles par la méthode spécifique selon laquelle il a été coconstruit. La concertation a impliqué les élus locaux, les sénateurs, les rapporteurs bien sûr mais aussi les référents dont je fais partie. À cela s'ajoutent les échanges permanents et constructifs que nous avons eus avec le Premier ministre, que je tiens à remercier tout particulièrement ici non seulement pour sa connaissance des territoires, unanimement reconnue, mais également pour son écoute constante, avec Mme Emmanuelle Wargon, ministre chargée du logement, – nous espérons que cela permettra d'améliorer certains dispositifs, notamment celui lié à la SRU, comme cela a été souligné à plusieurs reprises –, et enfin avec vous, madame la ministre. Tout au long de la législature, vous n'avez eu de cesse d'échanger avec les élus.

J'ai d'ailleurs été souvent le témoin de votre implication. En octobre 2018, à Sète, vous veniez déjà prendre le pouls des collectivités territoriales en vous rendant dans le quartier Victor-Hugo qui, depuis, a bénéficié d'un financement du programme Action cœur de ville. Plus tard, lorsque j'ai été rapporteur de la loi créant l'Agence nationale de la cohésion des territoires, j'ai pu mesurer une nouvelle fois votre engagement auprès des collectivités territoriales – je pense à votre soutien à la création des tiers lieux, notamment celui de Sète. Je l'ai apprécié encore et toujours, lorsque nous discutions des conditions d'éligibilité au programme Petites villes de demain ou au programme France très haut débit qui répondent aux préoccupations quotidiennes des élus de territoire avec lesquels vous êtes toujours restée en contact.

Ce projet de loi est un texte de compromis pragmatique : il fait œuvre utile. Soyez-en chaleureusement et vivement remerciée, madame la ministre. Vous avez lancé des concertations, vous avez écouté, vous avez répondu en faisant preuve de réalisme, en manifestant votre souci d'équilibre, en prenant en compte les besoins concrets, sans céder à une quelconque forme de surenchère.

Nous avons souvent entendu que ce texte n'avait rien d'un grand soir, ce qui est sans doute vrai. N'oublions pas qu'il a été élaboré à droit constitutionnel constant. Certains revendiquent un changement plus profond sur lequel les semaines et les mois qui viennent permettront, j'en suis sûr, d'ouvrir un beaucoup plus large débat. Il n'en demeure pas moins un grand texte, à la fois par son volume, par son contenu et par son ambition.

Il porte en lui une quadruple volonté. D'abord, celle de stabiliser l'institution intercommunale qui, comme l'a très opportunément rappelé Rémy Rebeyrotte, n'est en aucun cas l'ennemi de la commune. Ensuite, celle de stabiliser les grands équilibres, et notamment, chose peu rappelée sur les bancs de l'hémicycle, les dotations de fonctionnement, après dix années de baisse régulière. Il est aussi animé par la volonté d'accompagner des collectivités territoriales avec bienveillance. Les maires, que nous connaissons bien, savent parfaitement ce qui a été fait à leur endroit depuis près de cinq ans. Enfin, il est guidé par la volonté de faire confiance aux territoires : il s'agit de faciliter la vie des collectivités locales, en simplifiant, en levant freins et blocages, en allégeant les contraintes, en clarifiant.

Les grandes articulations du texte sont connues, je ne les détaillerai pas : introduction du principe de différenciation avec renforcement des expérimentations dans le respect du principe d'égalité, marque d'une souplesse pragmatique, s'il en est ; nouvelle étape de décentralisation étendue au logement, au transport et à la transition écologique, et renforcement d'un pouvoir réglementaire local ; nouvelle étape de déconcentration, avec le renforcement des pouvoirs du préfet dans certains domaines ; volonté enfin de mener cette simplification appelée de leurs vœux par les élus locaux pendant le grand débat.

Au groupe Agir ensemble, nous avons apprécié les évolutions que le texte a connues en commission et nous les avons accompagnées.

Nous saluons le travail de notre collègue Antoine Herth, qu'il s'agisse de l'organisation d'événements sportifs transfrontaliers, de la coopération transfrontalière hospitalière grâce à un amendement adopté à l'unanimité, ce dont nous nous félicitons, ou de l'apprentissage dans les zones frontalières, sujets sur lesquels nous serons appelés à revenir lors de nos débats.

Nous avons souhaité accompagner le plus loin possible la logique qui s'est dégagée au cours des étapes antérieures de la discussion du texte s'agissant du dispositif SRU. Nous sommes favorables au principe de son maintien parce qu'il est généreux, humaniste, fraternel, solidaire. Nous le devons à nos compatriotes. Toutefois, comme nous l'avons dit en commission, nous souhaitons qu'il soit aménagé afin de tenir compte des contraintes locales et d'une approche qualitative.

La systématisation du contrat de mixité sociale est une bonne chose. C'est un pas significatif à nos yeux. Il nous apparaît toutefois essentiel que la qualité soit favorisée, de façon à éviter ce que l'on a souvent appelé la ghettoïsation des logements sociaux. C'est ce que devrait permettre l'amendement que nous défendrons qui propose un aménagement des objectifs triennaux du contrat de mixité sociale à même de garantir une répartition plus harmonieuse et équilibrée des logements sociaux sur le territoire communal.

S'agissant du desserrement des contraintes, les amendements ouvrant une dérogation à l'appréciation du préfet dans les communes carencées de moins de 5 000 habitants nous semblent aller dans le bon sens parce qu'ils se caractérisent par une préoccupation pour les réalités sociales. Il en va de même pour les amendements visant à permettre au préfet d'accorder des dérogations aux communes frappées par des taux élevés d'inconstructibilité. Nous les voterons.

Je défendrai pour ma part un amendement qui, dans le même esprit, autorise le préfet à déroger à l'interdiction portant sur les installations de paillotes dans les espaces remarquables lorsque des spécificités locales peuvent les justifier.

Dans un autre domaine, nous saluons à l'article 31 la réforme de la gouvernance des agences régionales de santé, laquelle s'est révélée trop éloignée des réalités. Nous nous réjouissons de ces dispositions qui vont dans le sens des préconisations formulées par notre collègue Agnès Firmin Le Bodo en juin dernier dans son rapport.

Sur le volet social encore, nous soutiendrons un amendement créant un statut spécifique protecteur pour les salariés vivant avec une personne handicapée ou âgée afin d'améliorer la prise en charge. Ceux qui assument une part élevée de charges que je qualifierais de publiques doivent pouvoir bénéficier de la solidarité nationale.

Notre groupe présentera par ailleurs un amendement relatif à la lutte contre l'artificialisation des sols proposant que la réduction de ce phénomène soit prise en compte dans les objectifs de construction de logements sociaux. D'autres de nos amendements porte sur l'encadrement des loyers ; ainsi, dans les villes où ce dispositif s'applique, nous proposerons que le bail soit systématiquement transmis au préfet et que la collectivité territoriale ait la capacité de sanctionner elle-même le non-respect de la règle, sur délégation du préfet. Nous ferons également des propositions sur les voies ferrées non utilisées, sur les biens sans maître, sur les aires de grand passage, sur les chambres funéraires.

Je tiens à remercier le président de notre groupe, Olivier Becht, qui, comme à l'accoutumée, a mobilisé ses troupes avec sérénité, grâce à sa force de conviction. Il a tenu à ce que nous apportions à ce projet de loi le meilleur de notre capacité collective de contribution. Je remercie également les collaborateurs de notre groupe.

Gageons que la commission mixte paritaire qui se profile sera conclusive – nous avons le sentiment que chacun aura fait sa part de chemin pour trouver un point d'accord. Gageons également que la discussion se déroulera dans des conditions aussi bonnes et aussi sereines que celles qui ont présidé à nos travaux en commission.

Le groupe Agir ensemble votera bien sûr en faveur de ce projet de loi.

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