Nos institutions et le rapport entre l'État et les collectivités territoriales vont forcément faire l'objet dans les mois à venir de propositions sans doute plus ambitieuses que celles du présent projet de loi. Celui-ci a malgré tout pour ambition de traiter un certain nombre de problèmes que rencontrent les élus territoriaux dans des domaines très divers. Comme beaucoup d'entre nous ici, je peux témoigner du fait que ces élus sont en quelque sorte pris de tournis depuis une quinzaine d'années. En 2014, ils ont dû préparer leurs collectivités pour qu'elles s'adaptent à une baisse drastique des dotations qui a profondément bouleversé leur capacité à mener des politiques publiques dans les territoires.
Ensuite, la loi NOTRE – dont certains disent qu'elle n'est pas la leur – a fortement bouleversé l'équilibre des institutions dans les territoires, conduisant à des adaptations institutionnelles entre communes et intercommunalités jusqu'à ces dernières années, voire ces derniers mois : on y est encore, en réalité, tant et si bien que la stabilité est aujourd'hui la première aspiration des élus. Ils ne sont pas forcément partisans du statu quo mais souhaitent que l'on prenne le temps de digérer ce qui s'est passé. Ils souhaitent aussi quelque chose qui manque beaucoup aux responsables publics locaux aujourd'hui : de la lisibilité sur les relations que l'État envisage d'entretenir avec les collectivités. Ils attendent aussi de la cohérence – nos politiques pèchent parfois par manque de cohérence, en France – et du bon sens dans les politiques publiques. La critique principale qui pourrait être adressée aujourd'hui au Gouvernement, c'est de vouloir tout régler de façon systématique et souvent uniforme alors qu'un minimum de souplesse et de bon sens pourrait grandement améliorer les choses, y compris dans la relation entre les collectivités publiques et l'État.
Pour ne pas être trop long, je voudrais évoquer simplement deux des champs couverts par le présent projet de loi. Le premier est celui de la santé. Il s'agit de l'une des préoccupations premières de nos concitoyens et des élus territoriaux qui, d'un côté, sont confrontés à la désertification médicale et, de l'autre, doivent accompagner voire gérer la crise sanitaire depuis le mois de mars 2020. Il faut dire que l'État a fait parfois défaut sur certains sujets, avant de solliciter ensuite fortement les collectivités territoriales pour qu'elles le soutiennent dans la gestion de la crise sanitaire. En témoigne, par exemple, l'engagement des collectivités dans la mise en place et la gestion des centres de vaccination. Cet engagement continue : de nombreuses collectivités sont sollicitées pour faire en sorte que les centres de vaccination soient plus pérennes qu'initialement imaginé et que leur capacité soit maintenue, voire augmentée, tant les besoins augmentent, avec la troisième dose et la perspective de la vaccination des mineurs de plus de 5 ans présentant des comorbidités.
Nous l'avons déjà dit : le groupe UDI-I est favorable à la régionalisation des politiques de santé car la prévalence des pathologies, les questions liées à la présence des médecins et les problèmes hospitaliers ne sont pas les mêmes selon que l'on se trouve dans les Hauts-de-France, en Provence-Alpes-Côte d'Azur ou en Centre-Val de Loire. C'est une évidence de le dire mais, plutôt qu'une politique uniforme à l'échelle du pays, la régionalisation est la réponse à la diversité des enjeux d'un territoire à l'autre. Notre groupe fera des propositions au cours du débat car les avancées contenues dans le texte, revenu du Sénat puis corrigé en commission, nous semblent en retrait de nos ambitions sur ce sujet.
Le deuxième champ que je souhaitais évoquer est celui des politiques de l'eau. Qu'elles relèvent du grand ou du petit cycle, elles constituent également l'une des préoccupations majeures de nos concitoyens et des élus territoriaux – préoccupation immédiate mais aussi de moyen et bien sûr de long terme.
Je commencerai par le grand cycle de l'eau et la gestion des milieux aquatiques. Beaucoup regrettent le transfert de cette politique aux intercommunalités ; je ne crois pas qu'il soit souhaitable de revenir sur ce transfert mais, là encore, une plus grande souplesse de la part de l'administration de l'État serait nécessaire. Il s'agit d'éviter que, dans certains domaines comme la continuité écologique des cours d'eau, une application stricte – et pour tout dire, bête – de la réglementation n'aboutisse à des incongruités. Vouloir que le maire d'une ville de 17 000 habitants du Nord du Loir-et-Cher – que vous connaissez bien, madame la ministre – supprime un miroir d'eau en plein centre-ville, sous prétexte de continuité écologique et avec pour conséquence un abaissement durable, continu et dangereux du niveau de l'eau, me semble être une incongruité ; il faut revenir sur cette décision. Cela ne relève pas uniquement de la loi ou du règlement, mais parfois simplement du bon sens dans l'application de ces derniers.
S'agissant des politiques du petit cycle de l'eau, nous savons tous les deux, madame la ministre, que les élus locaux – nous côtoyons les mêmes – n'étaient pas franchement demandeurs du transfert des politiques d'eau et d'assainissement. Là encore, un peu de pragmatisme et de bon sens sont nécessaires. Il semble difficile de retransférer ce qui a été transféré, tant les politiques sont techniques et tant les transferts de compétences prennent du temps. Même si les possibilités de redélégation offertes sont les bienvenues, les patrimoines des services de l'eau et leurs modes de gestion, qui diffèrent au sein d'un même territoire, ne semblent pas commander que l'on revienne sur les transferts qui ont été opérés.
En revanche, nous souhaitons qu'après 2026, le transfert reste facultatif pour les communautés de communes : cette souplesse serait bienvenue dans la gestion des politiques de l'eau.
Les deux exemples que je viens d'évoquer illustrent la position du groupe UDI et indépendants : nous approuvons plusieurs dispositions du projet de loi, et souhaitons en approfondir certaines – nous soumettrons des propositions au Gouvernement en ce sens, comme nous l'avons fait précédemment.
Pour finir, je tiens à vous remercier, madame la ministre d'avoir adopté, en commission, mon amendement relatif aux chemins ruraux, qui rétablit la disposition de la loi « climat et résilience » : cela permettra de résoudre divers problèmes touchant cet aspect du patrimoine rural auquel nous sommes tous attachés.