Nous examinons aujourd'hui le projet de loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante, dont le Sénat a débattu en séance publique le 26 octobre dernier et dont les objectifs et les principales dispositions viennent d'être présentés par M. le ministre délégué.
Évoquer à cette tribune les professions indépendantes, c'est évoquer 2,9 millions de personnes qui maillent notre territoire et y créent de l'activité et de l'emploi. Professions libérales, commerçants ou artisans, les indépendants sont le visage de la France du quotidien : non pas de cette France des acteurs globaux qui déploient leur stratégie à l'échelle du monde, mais de cette France de l'hôtellerie-restauration, des services à la personne, du petit commerce, ou encore de la santé et de l'action sociale – cette France des médecins, des masseurs-kinésithérapeutes, des notaires, des avocats, des architectes ou des vétérinaires. La France des indépendants, c'est la France du travail, de l'engagement et de l'effort, la France de l'entreprenariat et des projets, la France de la transmission des savoir-faire.
Mais c'est également la France des boulangers, restaurateurs, maçons ou ébénistes, dont l'activité parfois fragile fait vivre toute une famille, et qui ne savent que trop bien que, lorsque se lève un vent mauvais, le revers de fortune se transforme presque toujours en drame personnel. Améliorer la situation économique et sociale des indépendants, mieux les protéger et leur permettre de rebondir a donc été une préoccupation constante des pouvoirs publics.
Le régime social des indépendants avait été qualifié par la Cour des comptes, en son temps, de « catastrophe industrielle ». Supprimer la caisse qui gérait le RSI pour adosser celui-ci au régime général afin que tous bénéficient de la même qualité de service et des mêmes droits était une promesse du candidat à la présidence de la République Emmanuel Macron. Cette promesse a été tenue dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. Plus récemment, le Président de la République a présenté, le 16 septembre dernier, un ambitieux plan en faveur des indépendants, composé de vingt mesures articulées selon cinq axes. Après le temps du soutien face à la crise et celui de la relance, ce plan vise à offrir un environnement plus juste, plus simple et plus protecteur à l'ensemble des professionnels concernés.
Le projet de loi qui nous occupe en constitue une déclinaison. Je tiens à rendre hommage à Alain Griset, dont l'engagement au service des indépendants est connu sur tous ces bancs et qui a porté ce projet sur les fonts baptismaux. Je m'en tiendrai, pour ce qui me concerne, à quelques remarques sur l'article 1er du projet de loi, qui constitue le cœur du texte.
Lancer une activité, créer une entreprise, embaucher de nouveaux salariés, c'est toujours prendre un pari sur l'avenir. On peut bien carguer les voiles par gros temps, mais, parfois, viennent les lendemains blafards, ceux de la cessation de paiement, des huissiers, des interdictions et des saisies, avec leur cortège de honte et de drames humains. Protéger le patrimoine personnel en le dissociant du patrimoine professionnel est donc non seulement une exigence de justice, mais aussi la condition du rebond en cas d'échec. Le présent projet de loi, en faisant de cette dissociation un principe ordonné selon la règle de l'utilité, constitue une avancée importante par rapport au mécanisme déclaratif de l'EIRL, dont la complexité explique son faible succès.
Les débats de la commission sur ce point furent denses et riches. Nous reprendrons certainement, dans les heures à venir, nos échanges sur l'équilibre à trouver entre des intérêts également légitimes : ceux des entrepreneurs qui ont besoin de capitaux pour financer leur activité et ceux des banques et organismes de crédit dont les prêts doivent être remboursés.
Nos collègues rapporteurs de la commission spéciale, Jean-Noël Barrot et Marie-Christine Verdier-Jouclas, que je salue et remercie, se sont déjà exprimés en détail sur les autres dispositions de ce texte. Il ne m'apparaît donc pas nécessaire d'y revenir.
La commission a abordé l'examen du projet de loi dans un esprit constructif et transpartisan. Je ne doute pas qu'il en ira de même cet après-midi et ce soir en séance.