Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du mardi 11 janvier 2022 à 9h00
Questions orales sans débat — Verbalisations sans interpellation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

« Avant, on mettait des coups de matraque à nos enfants ; aujourd'hui, on les matraque à coups d'amendes. » Le 17 octobre 2021, sur l'esplanade de Belleville, ce témoignage d'une mère de famille rejoint celui de beaucoup d'autres : toutes constatent le même procédé, des amendes qui arrivent par La Poste et accusent leur enfant de déversement de liquide insalubre, de tapage, de consommation d'alcool sur la voie publique ou de dépôt de déchets hors des emplacements autorisés, sans que les principaux concernés n'aient été verbalisés. Les chiffres sont vertigineux : 5 000, 10 000, jusqu'à 25 000 euros d'amende. Un endettement insupportable pour des jeunes qui voient leur horizon bouché, mais aussi pour leurs familles, qui se retrouvent prises à la gorge et enfoncées un peu plus dans la précarité. Ce phénomène n'est pas cantonné au nord-est parisien, mais touche bien l'ensemble des habitants et des habitantes des quartiers populaires, et majoritairement des jeunes de moins de 25 ans racisés. C'est ce qu'a pu observer la juriste et sociologue Aline Daillère, qui étudie cette réalité depuis maintenant quatre ans. D'Argenteuil dans le Val d'Oise à Saint-Martin-le-Vinoux dans l'Isère, en passant par Calais dans le Pas-de-Calais, les enquêtes de terrain révèlent les mêmes motifs de verbalisation, profils et méthodes. Au mois de mai 2020, la procureure de la République d'Évry alertait les autorités locales sur ce phénomène, soulignant que « les verbalisations opérées à distance, parfois de façon successive, sans que les contrevenants n'en aient expressément connaissance, sont irrégulières. »

Il y a deux mois, en novembre 2021, j'adressais au ministre de l'intérieur une question écrite sur le non-respect du code de procédure pénale, selon lequel l'avis et le procès-verbal de contravention doivent être dressés en présence de l'auteur de l'infraction. Cette question est restée sans réponse, tout comme celle de mars 2021 portant sur le même procédé appliqué aux amendes lors de la première vague de covid-19 pour non-respect du port du masque ou du confinement. En juin 2020, j'avais posé une question sur le même sujet ; le ministère y a répondu de manière évasive et partielle. Juin 2020, mars 2021, novembre 2021 : quand ces jeunes Françaises et Français, qui voient aujourd'hui leur vie mise entre parenthèses, auront-elles, auront-ils le droit d'obtenir une réponse sur la légalité d'un phénomène qui brise leur avenir ? Pourquoi tant de mépris à l'égard de ces citoyens et citoyennes, habitants et habitantes des quartiers populaires ? Doit-on y voir de l'embarras à justifier une procédure tout simplement illégale ? Il faut que ces discriminations cessent.

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