Intervention de Christophe Euzet

Séance en hémicycle du jeudi 13 janvier 2022 à 15h00
Droit de révocation des élus — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Euzet :

En tant qu'observateur de la vie politique, j'avais critiqué les niches parlementaires à l'époque où elles avaient été instituées. Depuis, j'ai changé de point de vue. Elles permettent en effet aux différents groupes d'endosser un autre rôle : en l'espèce, nous pouvons voir ce que le groupe La France insoumise a en magasin et passer ses propositions au crible de notre analyse critique, quitte à se montrer un peu sévère.

Monsieur le rapporteur, nous ne pouvons que vous suivre s'agissant de l'objectif visé par votre texte : remédier à la perte de confiance des citoyens et lutter contre l'abstention. Nous sommes tous d'accord, il est nécessaire de redynamiser notre système institutionnel. J'ai donc regardé avec intérêt et sérieux les dispositions que vous nous proposez d'adopter. Je vous rassure : je ne vais pas, d'où je suis – j'imagine que, pour certains, je suis un Montagnard du Marais, puisque je siège en haut de l'hémicycle –, ouvrir un débat de constitutionnalistes.

Sans entrer dans les aspects techniques de votre texte, permettez-moi de vous dire qu'il me laisse un peu perplexe. Vous proposez un système de révocation des élus sur initiative populaire qui permettrait, en cours de mandat, de se débarrasser d'un président de la République, d'un parlementaire, député ou sénateur, ou d'un élu local, à l'issue du premier tiers du mandat et avant sa dernière année. Mettons de côté le débat constitutionnel et faisons un peu de politique-fiction. Que se passerait-il si cette disposition entrait en vigueur ? Des battus quelque peu amers commenceraient, dès le lendemain de leur défaite, à rassembler les signatures qui leur permettraient, une fois écoulé le premier tiers du mandat de leur adversaire victorieux, de procéder à son éviction. Dès que cela serait possible, on chercherait à perturber l'agenda de l'élu.

Du côté de l'élu, votre dispositif ne serait pas non plus sans conséquence, reconnaissons-le. Il ferait tout pour essayer de plaire, au point de conduire nécessairement des politiques populistes ; ses choix ne seraient plus déterminés en fonction de l'intérêt public, ni même d'une opinion publique bien pensée, mais par la menace d'une potentielle procédure de révocation.

Une telle proposition n'est donc pas tout à fait sérieuse. Vous vous en défendez, mais vous cherchez en réalité à instituer le mandat impératif, qui contraint l'élu à ne faire que ce pour quoi il a été élu. D'ailleurs, selon quel fondement serait-il possible de révoquer un élu si vous n'instauriez pas, de fait, le mandat impératif ? Pour que votre proposition de loi constitutionnelle soit complète, il aurait donc fallu modifier l'article 27 de la Constitution, selon lequel « tout mandat impératif est nul ».

Exiger de l'élu qu'il ne fasse que ce qu'il a annoncé, c'est l'empêcher d'improviser ou de s'adapter à la réalité du moment. Dans ces conditions, que serait-il advenu durant la crise des gilets jaunes ou celle du covid, qui ne pouvaient être prévues au moment de la campagne électorale ?

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