Pour certains d'entre nous, elles sont inévitables ; elles sont parfois synonymes de vacances, mais pour d'autres, il s'agit d'une corvée. Je ne parle pas de venelles mais bien sûr des autoroutes, que des millions de nos concitoyens empruntent quotidiennement. C'est leur caractère inévitable qui rend notre débat du jour absolument indispensable. La demande de nationalisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes n'est d'ailleurs pas un sujet nouveau, car depuis la cession, en 2005, de l'ensemble des participations publiques détenues par l'État, la rente accumulée, les dividendes distribués aux actionnaires, constituent un véritable scandale d'État ; un scandale d'État que les parlementaires communistes n'ont eu de cesse de dénoncer ces dernières années. Nous avions déposé, dès 2014, une proposition de loi exigeant la renationalisation des sociétés concessionnaires, proposition renouvelée en février 2019 puis défendue en mars de la même année au Sénat par le groupe CRCE – communiste, républicain, citoyen et écologiste.
Il ne surprendra donc personne que nous soyons favorables au vote de ce texte, d'autant que ces dernières années, le front de ceux qui dénoncent ce scandale financier s'est largement et inéluctablement élargi. Même la Cour des comptes et l'Autorité de la concurrence n'en peuvent plus des offrandes de l'État à une poignée de sociétés qui s'arrogent tous les pouvoirs, depuis les modalités des concessions jusqu'aux travaux effectués sur le réseau.
En l'état actuel, vingt concessionnaires, contrôlés majoritairement par trois grands groupes industriels, sont en effet chargés d'exploiter et d'entretenir les 9 200 kilomètres d'autoroutes que compte la France métropolitaine. Si leur privatisation a permis à un petit nombre de développer un business juteux, elle a des conséquences catastrophiques pour l'intérêt général. Elle a asséché le financement des programmes d'infrastructures de transports en les privant des dividendes résultant de l'exploitation des sociétés d'autoroutes. On estime à 37 milliards d'euros la somme qu'auraient pu rapporter à l'État les sociétés d'autoroutes entre 2006 et 2032 ; cela représente 1 à 2 milliards d'euros par an de pertes, et ce sans compensation. De l'autre côté – c'est le revers de la médaille –, la privatisation a offert à des entreprises du BTP – bâtiment et travaux publics – une situation de quasi-monopole, qui leur offre une rente exceptionnelle sur le dos des usagers.
De plus, la hausse des tarifs, que subissent régulièrement ces usagers, ne suit pas les investissements consentis par l'État sur le réseau. Des avenants ont été signés en 2017 ; ils prévoyaient 800 millions d'euros d'investissements, moyennant une hausse de 0,4 % des péages entre 2018 et 2020 et une participation des collectivités territoriales. L'ARAFER a jugé que les « augmentations des tarifs de péages prévues excèdent le juste niveau qu'il serait légitime de faire supporter aux usagers. »
Tandis que l'État se serre la ceinture et finance, les usagers mettent la main à la poche, et ce sont les sociétés d'autoroutes qui s'en mettent plein les poches. En 2019, les sociétés d'autoroutes françaises avaient un chiffre d'affaires annuel de près de 11 milliards d'euros, contre 8 milliards deux ans avant. Et elles distribuent quelque 3 milliards d'euros de dividendes chaque année à leurs actionnaires ! Ces chiffres parlent d'eux-mêmes.
L'argent que ces sociétés ont mis sur la table pour obtenir les concessions est déjà presque remboursé : la rentabilité des contrats sera atteinte dès cette année pour Vinci, Eiffage et leurs filiales, soit dix à quatorze ans avant l'expiration des contrats ! La politique tarifaire n'est en aucun cas guidée par les principes de service public et de service à l'usager, mais bien par une stratégie commerciale de profit maximal.
La seule solution et la seule option viable pour faire cesser une telle dérive, c'est de racheter les contrats de concessions. S'il est difficile, certes, d'estimer le coût d'un tel rachat – au total, une fourchette haute de 50 milliards d'euros est souvent avancée –, depuis des années, nous proposons des solutions de financement et des pistes de réflexion, sur lesquelles je ne reviendrai pas par manque de temps. Elles sont sur la table ! Notre responsabilité de parlementaires, attachés à l'intérêt général, devrait nous inviter à voter ce texte en urgence, plutôt que de persévérer à justifier et à être complices des manipulations financières de ces grands groupes qui coûtent si cher aux Français et à l'État.
C'est ce que fera le groupe GDR et nous vous invitons donc, chers collègues, à faire vôtre cette proposition de loi, que je qualifierais de salutaire.