Intervention de Michèle de Vaucouleurs

Séance en hémicycle du mercredi 26 janvier 2022 à 15h00
Ratification de l'ordonnance relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant aux plateformes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle de Vaucouleurs :

La commission mixte paritaire réunie le 5 janvier dernier a permis de trouver un accord sur le projet de loi de ratification qui vise à renforcer le cadre juridique et social d'activités dont le développement n'a pas cessé depuis une dizaine d'années. Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés se réjouit de cette issue, au terme d'un travail engagé depuis la loi d'orientation des mobilités il y a trois ans. L'accord trouvé en CMP sur le sujet traduit la volonté du Parlement de consolider la régulation des plateformes et de veiller à la protection des travailleurs qui y ont recours. Je tiens ici à saluer l'implication de notre rapporteure Carole Grandjean sur ce texte important.

La croissance effrénée du recours aux applications de chauffeurs VTC ou de livraisons alimentaires en deux-roues avait quelque peu décontenancé le législateur, les textes en vigueur ne prévoyant pas d'encadrement juridique et social pour cet écosystème créé ex nihilo. Toutefois, depuis 2016, notre pays s'est peu à peu doté d'un arsenal législatif permettant d'instaurer une régulation des plateformes et une protection des travailleurs qui y ont recours. La loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels avait posé le principe de la responsabilité sociale des plateformes à l'égard des travailleurs indépendants. Durant la présente législature, la loi d'orientation des mobilités du 24 décembre 2019 a ouvert à tous les travailleurs indépendants recourant à ces plateformes un droit d'accès à l'ensemble des données concernant leurs activités, et a instauré une charte définissant leurs droits et obligations, ainsi que ceux des plateformes avec lesquelles ils sont en relation.

Le texte vient apporter une pierre de plus à cette construction nécessaire et attendue par l'ensemble des acteurs. Il n'a pas pour objet d'exonérer les requalifications en présomption de salariat lorsque les conditions d'exercice de l'activité professionnelle ne satisfont pas aux critères établissant la nature indépendante du travail, mais à favoriser le dialogue social de façon à garantir des rémunérations et des conditions d'activité à la fois protectrices et respectueuses de l'indépendance des salariés.

En première lecture, la majorité a eu l'occasion d'enrichir le contenu de l'ordonnance en y intégrant de nouveaux gages d'indépendance du travailleur vis-à-vis de la plateforme. Je pense notamment au libre choix de son itinéraire ou du matériel utilisé dans le cadre de la prestation de service.

En accord avec le Sénat, l'ARPE, nouvellement créée, sera chargée de réguler le dialogue social entre les plateformes et les représentants des travailleurs, sans intervenir toutefois sur leurs relations sociales.

Concernant l'habilitation donnée au Gouvernement pour compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social – dans un délai qui, par compromis, a été fixé à neuf mois –, le législateur a souhaité préciser que ce dialogue serait mené dans trois domaines : la fixation du prix des prestations ; le développement des compétences professionnelles et la sécurisation des parcours professionnels ; les mesures visant à améliorer les conditions de travail et la prévention des risques professionnels. En outre, l'ordonnance devra préciser les modalités de recours à l'expertise technologique de l'ARPE.

Ces dispositions, dont l'adoption ne peut que nous réjouir, ont notamment trouvé leur source dans les conclusions de deux rapports d'information parlementaires présentés respectivement devant la commission des affaires sociales du Sénat le 20 mai 2020 et devant la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale le 20 janvier 2021. Elles s'inscrivent par ailleurs dans une dynamique européenne de régulation du secteur à laquelle le Mouvement démocrate est fier de contribuer. En effet, le 16 septembre dernier, notre collègue Sylvie Brunet a présenté devant le Parlement européen un rapport sur les conditions de travail, les droits et la protection sociale des travailleurs des plateformes.

Ce rapport a été suivi d'effets puisque la Commission européenne a présenté le 9 décembre une proposition de directive porteuse de plusieurs avancées à l'échelle de l'Union. Il s'agit, d'une part, de définir des critères permettant d'apprécier la relation de travail de façon à octroyer plus facilement le statut de salarié et la protection sociale associée aux travailleurs des plateformes s'il s'avère que cette relation relève du salariat et, d'autre part, de renforcer la transparence dans l'utilisation des algorithmes et de permettre aux travailleurs de contester les décisions automatisées. Les dispositions que nous examinons aujourd'hui font donc partie intégrante d'une réforme plus globale visant à édifier un socle européen des droits sociaux dont les travailleurs des plateformes ne sauraient être exclus.

Pour les avancées que le texte comporte, mais également pour la volonté dont il procède de bâtir un socle européen de droits sociaux, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés votera en faveur de son adoption.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.