Philippe Huppé :
Au sujet non plus du « temps utile », mais de l'utilité du nom, il est fort intéressant de suivre l'habitude des juristes et de se reporter à l'histoire. Rares sont les époques où les fratries partageaient le même nom. En l'occurrence, alors que les familles ont énormément évolué, nos discussions donnent l'impression que nous en sommes restés au XIXe siècle : nous débattons de manière quelque peu alambiquée de l'incidence d'un même nom sur les liens familiaux… Or, jusqu'au XIIe ou au XIIIe siècle, chaque enfant d'un couple pouvait très bien porter un autre nom que ses frères et sœurs : cela ne les empêchait pas d'aller jusqu'à mourir ensemble. La volonté de faire corps était aussi forte qu'aujourd'hui, sinon davantage. Moi-même, je ne porte pas le même nom que les autres membres de ma fratrie : nous ne nous posons pas la question de notre degré de proximité. En France, les noms de famille n'ont commencé à se stabiliser qu'après la Révolution ; auparavant, depuis que le monde est monde, on vivait avec des noms différents et, je le répète, les liens familiaux n'en étaient pas affaiblis !