La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Suite de la discussion d'une proposition de loi
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de MM. Patrick Vignal, Christophe Castaner, Mmes Yaël Braun-Pivet, Marie-Pierre Rixain, M. Guillaume Gouffier-Cha et plusieurs de leurs collègues pour garantir l'égalité et la liberté dans l'attribution et le choix du nom (n° 4853, 4921).
Cet après-midi, l'Assemblée a commencé la discussion des articles de la proposition de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 44 à l'article 1er .
Monsieur le garde des sceaux, partons avec de bonnes intentions et ne caricaturons pas nos positions respectives. Elles sont respectables, malgré une différence de principe : vous êtes dans une logique individualiste, ce qui n'est pas notre cas, ce qui ne signifie pas que notre logique consisterait à empêcher je ne sais quelle évolution.
Il y a des évolutions nécessaires, qui sont d'ailleurs permises par le droit. Celles qui concernent le nom engagent des procédures lourdes et compliquées ; elles peuvent évoluer mais nous considérons qu'il faut maintenir certaines garanties, notamment celle ayant trait au motif légitime. On ne doit pas pouvoir changer de nom par un simple formulaire, sans un motif légitime.
Vous me direz que c'est l'objet de l'article 1er et de l'article 2 ? Épargnez-nous ça ! Nous sommes au cœur du sujet, et nous avons bien l'intention d'y rester.
La parole est à M. Patrick Vignal, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
L'article 1er ne permet pas de changer de nom de famille, mais simplement d'opter pour un nom d'usage qui s'ajoute, sur les papiers d'identité, au nom de la famille. Actuellement, aucun motif légitime n'est nécessaire pour choisir un nom d'usage : nous n'allons pas rendre la situation plus complexe. Avis défavorable.
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement.
Même avis, pour les mêmes raisons.
L'amendement n° 44 n'est pas adopté.
Monsieur le rapporteur, vous venez de parler de l'ajout d'un nom d'usage, mais ce n'est pas ce qui figure à l'alinéa 4 qui précise que « toute personne majeure peut porter à titre d'usage, le nom de famille du parent qui ne lui a pas transmis le sien par substitution ou adjonction ». Il ne s'agit donc pas de procéder uniquement par adjonction, comme je le propose avec mon amendement, car je ne peux en effet accepter cet alinéa s'il autorise la substitution.
On peut certes comprendre le cas des mères divorcées qui, lorsqu'elles reprennent leur nom de jeune fille, peuvent avoir des difficultés à prouver que leur enfant est bien leur enfant – on l'a évoqué cet après-midi –, mais on doit aussi s'interroger sur la pertinence d'autoriser un changement de nom complet par substitution. Au-delà des mères en difficulté ou des enfants qui souhaitent changer de nom d'usage parce que leur père a été absent, violent ou que sais-je encore, on ne peut passer sous silence le fait qu'effacer le nom d'un parent, dans le nom d'usage puis à l'état civil peut être un enjeu de pouvoir entre deux parents dans le contexte d'une séparation qui se passe très mal. On n'en a pas beaucoup parlé jusqu'à présent, mais l'enfant peut ainsi devenir un outil de vengeance au travers de l'effacement d'une partie de son ascendance. Je ne dis pas que c'est monnaie courante, mais ce n'est pas complètement anodin et cela mérite qu'on en parle.
Ajouter un nom au nom patronymique, ce n'est pas le nier ; supprimer le nom du père, c'est le rayer, le radier. C'est en quelque sorte, diraient les psychanalystes, une manière de meurtre symbolique. Oui, la psychanalyse dit des choses intéressantes sur le nom : il fait partie intégrante de la personnalité dont on hérite, de ce qui nous est transmis.
Nous considérons que la filiation, la transmission sont des choses importantes, et qu'on peut ajouter un nom, sans rayer l'autre.
Défavorable. Pour la substitution, il faut l'accord des deux parents, sans quoi c'est au juge de trancher.
La parole est à Mme Christine Hennion, pour soutenir l'amendement n° 64 .
Je vous propose cet amendement après avoir été interpellée par des personnes portant des noms composés, qui aimeraient pouvoir transmettre à leurs enfants – à titre d'usage voire de manière plus définitive, comme on l'abordera dans un article suivant – leurs deux noms. Au vu cependant de la longueur du nom de chacun des parents, ils souhaiteraient pouvoir scinder ces noms et n'en transmettre qu'une des deux parties. Certains ont déjà adopté cet usage mais j'aimerais savoir quelle solution satisfaisante on peut leur proposer.
Vous visez les cas des noms composés d'origine, séparés par tiret, qui existaient avant 2005. Ces noms composés sont insécables et nous pensons qu'ils doivent le rester.
Cette proposition de loi ne permet que de choisir entre le nom du père et le nom de la mère, soit le nom d'un seul des deux parents. Nous entendons rester sur cette ligne, tandis que votre amendement irait plus loin en permettant de transformer le nom du père ou de la mère, lorsqu'il s'agit d'un nom insécable. Je vous demande donc de retirer votre amendement ou, à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Ma position est la même sur cet amendement, qui porte sur les noms doubles qui existaient avant 2005, c'est-à-dire avant la réforme de la loi Gouzes. Est-ce que M. Ledru-Rollin pourrait décider de s'appeler Ledru ? Est-ce que Mme Dupont de Nemours pourrait décider de ne s'appeler que Dupont ? Non, parce que ce que propose le texte c'est d'utiliser le nom de papa, le nom de maman, dans l'ordre, l'un ou l'autre ou les deux. Il ne propose pas de couper en deux des noms qui existent déjà car ils ne sont pas sécables.
Je vais retirer l'amendement mais, si j'ai bien compris, cela signifie que les parents qui portent des noms comme celui de Ledru-Rollin doivent soit les transmettre tels quels à leurs enfants – ce qui signifie que ce dernier aura quasiment quatre noms –, soit opérer un changement de nom.
Oui, je confirme que cela passe par un changement de nom.
L'amendement n° 64 est retiré.
Nous considérons que le changement de nom est un acte grave, qui exige une période de réflexion. Nous proposons que cette période soit d'une durée d'un an. J'y insiste : cela ne peut se régler par un simple formulaire qu'on remplit et qu'on renvoie le lendemain. Et ce, d'autant plus que votre proposition de loi interdit le droit à l'erreur ; si j'ai bien compris, en effet, on ne peut ainsi modifier son nom qu'une fois dans sa vie – mais M. le rapporteur me le confirmera.
Si on change de nom à 18 ans et qu'on estime plusieurs années plus tard avoir commis une erreur, il ne sera plus possible de la corriger ;…
…d'où l'idée d'instaurer une période de réflexion. Nous parlons d'un geste grave qui ne concerne pas uniquement l'individu qui prend la décision mais sa fratrie, ses parents, sa famille au sens large. Se donner le temps de réfléchir est donc indispensable.
Chers collègues, revenons à l'essentiel : nous parlons du nom d'usage, pas d'un changement du nom de famille.
Aidez-nous donc à faciliter la vie de millions de Français qui ont très envie d'ajouter à leur nom un nom d'usage. Comment peut-on imaginer, au troisième millénaire, qu'une mère de famille soit obligée, quand elle voyage avec ses enfants, d'avoir avec elle son livret de famille ou une attestation de la caisse d'allocations familiales pour prouver qu'elle est bien leur maman ? Avis défavorable.
Avis défavorable.
L'amendement M. Le Fur est intéressant, même si un an n'est peut-être pas la durée de réflexion la plus pertinente pour un changement de nom d'usage.
Cela étant, je voudrais revenir sur ce que j'ai évoqué tout à l'heure, que vous avez passé sous silence, sans répondre à mes questions.
Je vous ai demandé s'il pouvait y avoir des garde-fous en matière de substitution,…
Ce sera au juge de trancher !
…cette nouveauté introduite à l'alinéa 4 de l'article 1er , dont le corollaire est purement et simplement l'effacement du nom précédemment porté.
Simplifier l'adjonction d'un nom ne me semble pas soulever de difficultés particulières, et je ne m'y opposerai pas, mais la substitution doit, quant à elle, être mieux encadrée. Vous n'avez pas répondu aux arguments que j'ai exposés tout à l'heure en disant qu'il pouvait certes y avoir de très nombreux arguments positifs, comme le fait qu'il faut régler les problèmes que rencontre une maman qui vient de divorcer et qui ne porte pas le même nom que son enfant, en voyage ou à l'école, mais vous n'avez pas répondu à propos des séparations…
Non, vous n'avez pas répondu. Vous ne prenez pas en compte, dans les cas de séparations difficiles, l'utilisation que peut faire l'un des parents de cette situation au titre d'une vengeance conjugale ou ex-conjugale, quel que soit le nom que vous voudrez lui donner.
Mme Anne Brugnera s'exclame.
Prenez la parole si vous voulez, mais permettez-moi d'aller jusqu'au bout ! Vous ne prenez pas en compte ces situations et vous ne répondez pas à propos des garde-fous qu'il est nécessaire de poser dans de tels cas.
Le domaine de l'affectif et de l'émotion est le domaine de l'instantané. Or notre collègue Le Fur souligne qu'il s'agit là de choix lourds, qui concernent le nom de famille ou le nom d'usage – car c'est bien du nom d'usage qu'il est question dans l'article 1er . Certaines situations sont vécues de manière douloureuse ou ont un caractère récurrent, et il faut l'entendre, mais la démarche peut aussi, parfois, relever d'une envie, et l'on ne peut fonder le droit sur l'envie. Une de nos collègues, qui n'est plus dans l'hémicycle, disait tout à l'heure que nous étions ici en fonction de notre cœur, mais ce n'est pas de cela qu'il est question : nous sommes ici pour objectiver. Bien sûr que nous recevons des témoignages qui nous touchent, mais notre devoir est de ne pas en parler ici – et c'est cela qui nous différencie.
Notre devoir est de ne pas faire référence aux courriers innombrables que nous recevons – et qui, d'ailleurs, ne sont pas innombrables :…
…il suffit de les compter. Les adjectifs employés sont pathétiques, adolescents. Notre devoir est de dire que, bien sûr, nous nous nourrissons des situations que nous rencontrons, mais qu'ici, nous objectivons les choses car le droit n'a pas d'émotions ni d'affections : il dit les choses.
Je suis désolé de devoir dire cela au garde des sceaux car c'est lui qui devrait me faire la leçon, mais quand je l'entends me dire « Oh là là ! Vous vous rendez compte de ce que j'entends ! Ça me fait pleurer ! », et ainsi de suite, et quand j'entends des ministres qui viennent dans l'hémicycle parler d'émotion, je suis inquiet.
Si c'était vraiment cela qui vous animait, vous n'auriez pas besoin d'en parler, et il faut vraiment que vous ayez besoin d'en parler pour l'étaler ainsi ! Il ne s'agit pas d'en rajouter, mais de dire que, si nous connaissons les situations qui existent et si nous nous en nourrissons, nous sommes ici dans le domaine du droit. Un peu de pudeur, s'il vous plaît !
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur Breton, vous n'êtes pas l'arbitre des élégances : ne me donnez pas de leçons de pudeur ! Examiner un texte sans envisager – et parfois avec émotion – ses conséquences pour nos concitoyens, faire du droit pour le droit, cela n'a pas beaucoup de sens. Les Français jugeront – ce n'est pas plus compliqué que cela. Nous souhaitons débloquer une situation difficile et vous ne voulez pas l'entendre : tant pis pour vous. Chacun jugera. Mais ne me donnez pas de leçons de pudeur ou d'impudeur. Tout cela n'est pas de mise ici et je l'accepte d'autant moins que, je le répète, vous n'êtes pas l'arbitre des élégances. Je me garde bien, quant à moi, de vous donner des leçons de maintien.
Quant à vous, madame Ménard, je me permets de vous dire que vous n'avez pas été attentive – ce qui est rare. En effet, nous avons dit que le changement supposait soit l'accord des parents, soit le recours au juge, et nous avons même précisé que la saisine du juge serait à la charge du parent qui conteste, ce qui me semble assez juste.
Il n'y a donc pas de difficultés en la matière. Je vous ai répondu très précisément : pour la substitution, les deux parents doivent être d'accord et, s'il n'y a pas d'accord, c'est le juge qui tranchera. Voilà pour les garanties que vous appelez de vos vœux : elles sont dans le texte, et nous l'avons déjà dit ou à trois ou quatre reprises. Je pense que vous n'avez pas entendu, ou peut-être n'avons-nous pas été assez clairs.
L'amendement n° 41 n'est pas adopté.
Une fois de plus, cet amendement reflète la même logique : changer de nom, au titre de l'article 1er ou de l'article 2, est un acte grave, qu'il nous faut entourer de garanties. L'une d'elles est que les mineurs ne puissent pas effectuer ce changement avant d'atteindre la majorité. En effet, concrètement, ces mineurs, qui se trouvent souvent au milieu de conflits familiaux entre leur père et leur mère, seront alors confrontés à un nouveau thème de conflits à l'intérieur de leur famille et seront écartelés entre les désirs des uns et des autres. Vous me direz qu'il faut l'accord des deux parents, et que le juge tranchera, mais nous allons alors judiciariser quelque chose qui n'a pas à l'être.
Eh bien, si !
Nous considérons qu'en toute hypothèse, il faut attendre la majorité du jeune pour qu'il puisse choisir sereinement – et j'aurais préféré, à cet égard, que soit instauré un délai de réflexion obligé. Nous ne souhaitons pas qu'il y ait de radiation du nom, mais on peut parfaitement imaginer des ajouts ou des évolutions de celui-ci. En tout état de cause, cela ne peut procéder que de décisions réfléchies d'un majeur.
L'amendement n° 46 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement est défendu, mais je tiens à rebondir sur les propos de M. le garde des sceaux, qui dit que les Français jugeront.
Vous dites : « Eh oui ! » ? C'est ça, votre conception de la loi ? La démagogie, le populisme, l'électoralisme ?
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
C'est pour ça que, sans étude d'impact ni avis du conseil d'État, vous passez une proposition de loi en procédure accélérée ? Pour arriver devant les électeurs en disant : « Coucou ! J'ai reçu des lettres innombrables ! » et en faisant pleurer les gens avec des prénoms, des âges et des situations ? Mais ce n'est pas ça, votre rôle, ici, monsieur le garde des sceaux : c'est de faire le droit.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Tout à fait ! C'est de vous nourrir de ces situations pour dire qu'il y a un problème et pour y répondre.
Et votre réponse, c'est de dire que les Français jugeront ? Vous rendez-vous compte de la conception qu'a le Gouvernement de cette question, à quelques semaines des élections ? Cet électoralisme, cette démagogie, ce populisme que vous reprochez à d'autres, c'est cela, votre conception ?
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Nous sommes là pour écrire le droit de l'état-civil, avec exigence. Avec quelle indécence vous avez parlé tout à l'heure de main tremblante, alors que vous n'avez rien d'autre à dire que : « Les Français jugeront » ! Ayez au moins une conception exigeante de vos fonctions ! Mais je crois que c'est trop tard.
Monsieur Breton, à la question de savoir pourquoi les Français n'ont pas envie de retrouver le chemin des urnes, votre intervention nous donne la réponse. Les lois que nous votons prennent du sens lorsqu'elles vont au-devant des demandes justes de nos concitoyens, au plus près de leur vie. C'est pour cela, monsieur Breton, avec des « sachants » comme vous, que nous avons du mal à faire voter les gens.
L'amendement n° 21 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à s'assurer que les enfants d'un même couple porteront le même nom.
Ça n'a pas l'air de vous satisfaire, monsieur le garde des sceaux…
Le texte risque d'affecter des fratries, car des frères et sœurs ne porteront plus le même nom de famille. Or il est important de préserver les fratries et il convient de nous prémunir contre une logique qui pourrait être purement individualiste, tandis que le principe même de la généalogie deviendrait de plus en plus complexe.
Vous nous avez dit qu'il fallait examiner les conséquences du texte pour les citoyens, et j'en suis d'accord, mais la procédure utilisée ne semble pas le permettre – ainsi, un avis du Conseil d'État aurait été souhaitable.
Plus grave, peut-être, est l'attente médiatique dont ce texte fait l'objet et je crains qu'il ne réponde pas aux attentes des citoyens que nous pouvons rencontrer dans nos circonscriptions, car on voit bien qu'il ne couvrira pas tous les cas. Ainsi des noms d'usage, à propos desquels des difficultés se présentent parfois lorsqu'ils ont été donnés avant certaines lois et que des enfants sont nés après que ces lois aient été adoptées : il est parfois difficile d'avoir pour nom d'usage les deux noms du père et de la mère accolés dans le même ordre. Je parle bien des noms d'usage, monsieur le rapporteur : il y a aujourd'hui de vraies difficultés pour harmoniser ces deux noms entre frères et sœurs lorsqu'ils ont été accolés dans un ordre différent.
Il me donne l'occasion d'interroger le rapporteur et le garde des sceaux sur leur conception de la fratrie et de la généalogie.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
J'entends certains dire : « Oh là là ! » Pour vous, ce sont des gros mots, n'est-ce pas ? Mais prenez donc la parole, et dites si, pour vous, les mots de fratrie et de généalogie veulent dire quelque chose – pour nous, c'est le cas. Allez-y ! C'est tout l'intérêt de ce débat.
Nous avons une conception enracinée de la famille, avec la notion de transmission. Il y a, bien sûr, des évolutions et des cas exceptionnels et douloureux auxquels le droit doit apporter une réponse, mais il ne faut pas profiter de ces cas pour déstructurer la famille, comme vous voulez le faire. Voilà cinq ans, et même dix maintenant que, de manière systématique, au vu de l'évolution du système fiscal, la politique familiale a été combattue, et on en voit les résultats en matière de natalité et de droits.
Il est normal qu'il y ait des conceptions différentes : nous considérons, pour notre part, que la famille est la cellule de base de la société,…
…et nous l'assumons. Elle peut avoir des formes diverses, mais nous considérons qu'un enfant qui naît dans une famille n'a pas pour vocation de s'en émanciper, comme vous le dites à longueur d'heures, mais de s'y épanouir.
C'est grave.
Il existe aussi des cas exceptionnels, en effet douloureux, où la responsabilité de la société et même, de manière subsidiaire – mais de manière subsidiaire seulement –, celle de l'État est d'intervenir. Débattons de ces questions.
Les amendements que notre collègue Bazin et moi-même défendons ici ont donc pour objet de vous demander quelle est votre conception de la fratrie et de la généalogie. Quand nous vous disons que vous avez une conception ultralibérale et individualiste, dans laquelle chacun détermine son lien de filiation ou son sexe, et que nous combattons cette vision, l'un n'a pas raison et l'autre tort : je respecte votre position, mais il y a un débat. Levez-vous donc et dites-nous que vous avez la conviction qu'un individu n'est pas déterminé par sa famille et qu'il doit, au contraire, s'en émanciper, s'en affranchir. Nous considérons, quant à nous, que la famille est un lieu d'épanouissement, même s'il existe, exceptionnellement, des situations douloureuses, dans lesquelles l'État doit intervenir. Débattons donc de ces questions. C'est ce à quoi vous invite cet amendement.
Monsieur Bazin, je vous remercie de votre attitude constructive. Recueillir le consentement des enfants de plus de 13 ans pour changer leur nom d'usage est un principe essentiel de prise en considération de la parole de l'enfant. Cela pourrait aboutir à ce que, dans quelques familles, des fratries n'aient pas le même nom, mais cette situation existe déjà en cas de séparation.
Monsieur Breton, j'adresserai une demande au garde des sceaux : contrairement à vous, qui voulez vraiment tout cadenasser, l'association Généalogistes de France, dont nous avons reçu longuement les représentants, peut dématérialiser l'état-civil en outre-mer et souhaiterait le faire au niveau national. Voilà, une demande positive.
Je suis un peu désespéré car tout à l'heure on m'a dit que j'étais impudique, tandis que maintenant on me demande de parler de ma conception de ma famille. Pardonnez-moi, mais cela me regarde. Je suis un homme libre, je n'ai pas à vous révéler cela. Que je sache, vous n'êtes pas mon confesseur, ni mon psychiatre ni même mon psychanalyste.
Pour le reste, les choses sont très simples. Un jour, une femme viendra dans votre permanence pour vous dire ce qu'elle m'a écrit, et d'ailleurs ce sera peut-être la même : « J'ai été violée par mon père et je ne souhaite pas porter son nom », ou bien ; d'une autre : « J'ai des enfants, je les élève seule et c'est compliqué au quotidien. » Que lui répondrez-vous ? Que vous êtes là pour faire le droit, qu'il n'y a pas de place ici pour l'émotion. Quand on vous rappellera que le garde des sceaux a dit que vous rendrez des comptes aux Français, que c'est quand même bien le moins dans une démocratie, vous pousserez des cris d'orfraie. Je vous laisse à vos considérations, car je n'ai pas le goût de l'effort inutile. Je pense que c'est clair et net.
M. Schellenberger qui appartient à votre famille politique a dit à quel point ce texte le touchait, à quel point il était ému. C'est une émotion que vous n'allez pas rejeter d'un revers de la main parce qu'il appartient à votre groupe. Ce n'est pas déshonorant d'être ému quand on est ministre ou législateur. Je le répète, les Français jugeront de votre bonne foi ou de votre mauvaise foi – peut-être diront-ils que c'est nous qui sommes de mauvaise foi. Moi, je veux bien débattre, mais sur des arguments, pas sur des considérations qui n'ont strictement aucun sens.
Sur ces textes sociétaux, chacun est face à sa conscience. J'aimerais bien être une petite souris – mais cela n'arrivera jamais
Sourires
– le jour où cette dame viendra vous voir pour vous demander pourquoi vous n'avez pas voté ce texte, pourquoi vous ne lui avez pas donné un coup de main, pourquoi vous refusez de penser que c'est pour elle une douleur, une croix de porter le nom qu'elle porte, pourquoi vous ne voulez pas qu'elle change de nom alors que celui qu'elle souhaite porter va s'éteindre, pourquoi vous ne voulez pas lui faciliter la tâche quand elle va inscrire ses enfants au judo, à la musique et à l'école. Alors, vous répondrez en droit, et vous aurez bonne mine !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Nous avons encore près soixante-dix amendements à examiner et il est important qu'on puisse en discuter sur le fond. Je veux revenir sur le nom d'usage. Dans une fratrie, les noms du père et de la mère peuvent être accolés, mais pas dans le même ordre…
Lisez donc le texte ! Tout est dans le texte !
Nous vous avons déjà entendus, vous répétez cinquante fois la même chose !
Sur le fond, nous ne sommes pas d'accord, c'est une réalité, mais, monsieur le ministre, ne nous caricaturez pas. Les exemples que vous citez sont toujours caricaturaux .
Protestations sur les bancs du groupe LaREM
Vous parlez d'un père violent, d'un violeur, mais l'amour paternel, l'attention qu'un père peut porter à ses enfants, ça existe aussi. Déjà, avec la procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes, vous avez en partie éliminé les pères,…
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Essayons de dépassionner les débats.
Monsieur Le Fur, nous n'avons jamais incriminé la relation du père et de la mère. Contrairement à ce que vous pensez, nous avons reçu aussi l'association SOS papa et nous recevrons tous les papas parce que nous voulons régler les problèmes. C'est cela l'équité, l'égalité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ne nous faites pas un faux procès en nous expliquant que nous tapons sur les pères. Ce que nous voulons, c'est garantir équité et égalité à la femme capable de donner naissance à un enfant. Comme vous êtes vraiment de mauvaise foi et que vous en êtes encore au téléphone en bakélite et au minitel, j'émets un avis défavorable sur ces amendements et les gens jugeront votre attitude dès demain matin.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, je vous rappelle que dans cette instance nous débattons et que l'expression des différents points de vue est légitime. Ne jetez pas l'anathème les uns sur les autres – personne n'est visé en particulier par mon propos : tout le monde est concerné. Ce texte, comme beaucoup de textes sociétaux, ne suscite pas l'unanimité, monsieur le rapporteur. C'est un fait, admettez-le. Acceptons les positions respectives des uns et des autres ; ce n'est pas le premier texte sur lequel il n'y a pas de convergence. Faisons descendre la pression et poursuivons les débats.
Ce n'est pas un débat, c'est de l'invective !
Je suis inquiet quand j'entends le rapporteur parler de mauvaise foi, et le garde des sceaux dire que sa porte est ouverte aux gens de bonne foi. Qui délivre les brevets de bonne foi ? Le garde des sceaux, qui décide avec qui on peut discuter ? Quelle drôle de conception de la démocratie !
Tout à l'heure, le garde des sceaux évoquait des cas émouvants. Bien sûr que nous les entendons, mais notre devoir est de ne pas en parler ici, notre devoir est de les prendre en considération mais de ne pas en faire des arguments d'autorité.
Ce n'est pas parce que vous invoquez le prénom et l'âge d'une personne que cela doit changer le droit. Vous êtes dans l'émotion, dans l'affection. Or votre devoir, c'est d'entendre les témoignages et, à partir de là, de voir comment il faut modifier le droit, non de dire qu'il n'y a pas lieu de débattre parce que M. Truc et Mme Machin vous ont dit ceci ou cela. Moi aussi, je pourrais citer ici des témoignages, mais je ne l'ai jamais fait. C'est une exigence.
Je suis très inquiet, monsieur le garde des sceaux, quand vous dites que vous gardez pour vous votre conception de la famille.
C'est la mienne !
Mais je ne vous parle pas de la conception que vous avez de votre famille – chacun sa vie et elle est assez compliquée –, mais de votre conception de la famille.
Prenez donc la parole, chère collègue ! Expliquez-nous pourquoi vous dites : « Les familles » !
C'est un vrai sujet politique. Nous considérons que la famille est la cellule de base de la société et que nous devons la défendre. Nous avons une vraie vision sur la famille que nous partageons, tandis que vous gardez la vôtre pour vous. Dès lors, il y a l'État d'un côté et les individus de l'autre.
Même avis.
Vous avez raison, madame la présidente, le débat est tout à fait légitime et il est bien normal qu'il ait lieu ici. Je vais me répéter en disant qu'il s'agit dans cet article du nom d'usage et que ce texte ne dénature en rien les règles de filiation, il ne bouleverse rien.
J'ai entendu tout à l'heure qu'il ne faudrait pas tenir compte de la réalité du terrain, de ce qu'on voit au quotidien, qu'il s'agirait d'exceptions, d'émotion. La réalité, c'est que, de ces cas, il y en a tous les jours, et je peux le dire parce que j'ai été avocate. J'ai reçu très souvent des personnes qui venaient avec ces problèmes-là qui étaient toute leur vie. Nous devons, bien entendu, en tenir compte. Tout à l'heure, lors de la discussion générale, j'ai indiqué que Portalis, le père fondateur du code civil, disait que les lois étaient faites pour les hommes et non les hommes pour les lois.
On n'est pas là pour faire du droit pour faire du droit ou pour se faire plaisir, mais pour répondre à des problèmes concrets. On a le droit d'être en désaccord, mais il ne faut pas dénaturer le débat ; il faut rester concret. La question est de savoir si, oui ou non, on est d'accord pour qu'une mère puisse adjoindre son nom pour que cela facilite sa propre vie et surtout celle de son enfant. Oui, c'est l'enfant qui est au centre de tout cela, et il faut prendre en compte son avis, il faut prendre en compte sa vie. C'est pourquoi je ne comprends pas qu'on dénature ce débat. Il faut en revenir à l'essentiel, c'est-à-dire à ce qu'est un nom d'usage. Un nom d'usage, c'est fait pour faciliter la vie, tout simplement.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
Monsieur Breton, vous faites une diatribe sur la fratrie, la famille. En parlant de cela, je crois que vous vous éloignez de l'objet de l'amendement n° 23 . Si vous voulez être constructif, parlez-nous plutôt de votre amendement. Qu'est-ce que le fondement anthropologique de la société dont il est question dans votre exposé sommaire ? Éclairez-moi plutôt que de parler de quelque chose qui ne concerne pas le présent amendement.
Chère collègue, si à chaque fois qu'un député ne défend pas précisément son amendement ou déborde un peu de son argumentaire, on le mettait à l'amende, on pourrait ouvrir une large cagnotte.
La parole est à Mme Patricia Mirallès.
Je voudrais parler de Marine qui vient d'accoucher, dont le mari va reconnaître l'enfant et qui décide de mettre son seul nom et choisit seul les prénoms, alors qu'avant l'accouchement ce n'est pas ce qui avait été décidé. Je crois que la femme qui porte l'enfant pendant neuf mois, et dont le couple a décidé de ne pas se marier, a le droit de voir son nom apposé à côté de celui de son concubin. C'est une question de logique et de liberté. Et je ne crois pas qu'un enfant qui porte le nom de son père et de sa mère soit malheureux. Ce nom d'usage est le signe de la reconnaissance de ses deux parents.
Nos débats sont intéressants. J'entends notre collègue dire que nous sommes hermétiques à ce que vivent les gens et que nous sommes froids. Ce que je dis, c'est que les situations individuelles ne sont pas des arguments d'autorité. Il faut les entendre, et elles doivent nourrir notre réflexion. Contrairement à ce que vous croyez, nous en connaissons près de nous, mais nous ne sommes pas là pour partager ces émotions, elles doivent seulement nous nourrir intérieurement. Nous n'avons pas besoin de donner des exemples.
Je suis très inquiet quand j'entends citer des cas, comme ceux de parents qui ont violé des enfants, qui n'ont pas justifié des changements de noms. Et je suis très inquiet du fonctionnement du ministère qui donne des avis défavorables à de tels dossiers. Si j'étais un peu affectif et garde des sceaux, je me dirais que je fais mal mon travail.
Bien sûr, ce qui se passe dans la société, c'est-à-dire les attentes, les besoins et les souffrances, doivent nous nourrir, mais on ne peut pas débattre à coups d'émotion.
Le deuxième point…
L'article 1er concerne bien le nom d'usage ; nous sommes d'accord. Nous avons défendu il y a quelques instants un amendement visant à modifier l'alinéa 4, qui reposait sur une idée très simple que vous refusez d'entendre. Bien sûr, l'adjonction d'un nom de pose aucun problème et nous convenons tous ici de l'importance respective de la mère et du père – il va de soi que les exemples que Mme Mirallès a cités nous choquent tous. La substitution, en revanche, pose problème. Adjoindre est une chose ; substituer en est une autre. Substituer, c'est en quelque sorte nier – et ça n'a donc pas la même valeur. Si nous avions adopté notre amendement visant à supprimer la substitution en ne conservant que l'adjonction, dans un ordre libre, du nom du conjoint qui ne l'a pas transmis à la naissance de l'enfant, alors il n'y aurait plus aucun problème, surtout s'agissant du nom d'usage. Je ne comprends même pas que vous n'ayez pas accepté cet amendement. Il aurait pourtant tout réglé.
L'amendement n° 23 n'est pas adopté.
Contrairement à ce que vient d'affirmer Mme Ménard, le texte distingue entre les deux hypothèses d'adjonction et de substitution. Le rapporteur et le ministre ont rappelé à plusieurs reprises qu'en cas de substitution, l'accord des deux parents est requis ; à défaut d'accord, les parents doivent saisir le juge aux affaires familiales.
Par cet amendement qui ne porte que sur la seule adjonction, je propose que les parents puissent ajouter un nom de manière unilatérale – étant entendu, encore une fois, qu'il s'agit du nom d'usage. Je rappelle, car il semble que cette donnée n'ait pas été comprise par tous, que le nom d'usage n'apparaît pas sur le titre d'état civil mais seulement sur la carte d'identité, où il est mentionné en tant que tel. Il s'agit donc de conserver le nom que l'enfant a reçu à la naissance, auquel est ajouté à titre d'usage le nom du parent qui ne l'a pas transmis. Voilà ce que signifie l'adjonction.
L'adjonction d'un nom d'usage pose parfois problème car il faut obtenir une autorisation qu'on a parfois du mal à trouver et, en cas de refus d'autorisation, le juge doit être saisi. Nous allons donc simplifier la vie des gens – et dans la plupart des cas, la vie des mères – qui pourront adjoindre leur nom à titre d'usage sur la carte d'identité de leur enfant. Ainsi, elles n'auront plus à justifier de leur lien de filiation avec l'enfant dans tous les actes de la vie quotidienne.
Pour encadrer cette possibilité, je propose que le parent qui effectue cette démarche doive prévenir l'autre parent, comme le prévoit déjà le code civil en cas de changement de résidence ; rien de nouveau, donc, dans ce texte. Il ne s'agit que de donner à l'autre parent une information préalable et en temps utile, afin qu'il puisse, le cas échéant, saisir le juge s'il s'oppose à l'adjonction.
En outre, la possibilité d'adjonction est également soumise – selon une règle parfaitement légitime et déjà prévue dans le code civil – au consentement personnel de l'enfant s'il est âgé de plus de treize ans.
J'espère avoir présenté le cadre dans lequel l'adjonction d'un nom d'usage est rendue possible, et je veux croire qu'il emportera l'assentiment unanime de l'Assemblée.
Il vise, comme le précédent, à ouvrir la possibilité, pour le parent qui n'a pas transmis son nom à l'enfant, de l'adjoindre à titre d'usage. Encore une fois, il s'agit de faciliter la vie des mères qui élèvent seules un enfant ayant reçu le nom du père à la naissance, et de restaurer l'égalité parentale dans le choix du nom usité au quotidien.
La parole est à Mme Alexandra Louis, pour soutenir l'amendement n° 74 .
Il s'agit simplement de faciliter l'adjonction par les mères – et parfois les pères – de leur nom, le principe retenu étant celui de l'unilatéralité, étant entendu que si l'autre parent s'y oppose, il aura naturellement la possibilité de saisir le juge aux affaires familiales qui devra trancher.
Comme l'ont expliqué les précédentes oratrices, cet amendement est primordial pour faciliter la vie des parents qui n'ont pas transmis leur nom à leurs enfants à la naissance. Il permettra de remédier à une situation injuste pour les mères, en particulier celles qui élèvent seules leur enfant et qui sont privées de la possibilité de modifier son nom d'usage, faute d'accord du père. En clair, il répare une injustice sans priver l'autre parent de la possibilité de saisir le juge si l'intérêt de l'enfant exige que le nom d'usage ne soit pas modifié.
Je commencerai par faire remarquer que ni le rapporteur ni le ministre n'ont encore fait part de leur vision de la fratrie et de la généalogie.
Ils auront peut-être l'occasion de le faire au cours du débat ; en tout cas nous le souhaitons.
Par ce sous-amendement, nous proposons que l'adjonction d'un nom d'usage se fasse par déclaration devant un officier d'état civil. Cette précision n'étant pas prévue, on ignore encore sous quelle forme se fera l'adjonction. Le sous-amendement permet de limiter les effets de l'absence de formalisme de la procédure.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir le sous-amendement n° 84 .
En effet, si un parent qui n'a pas transmis son nom de famille à la naissance l'adjoint à titre d'usage au nom de son enfant mineur, il me semble qu'un minimum de solennité s'impose lorsque l'enfant a plus de treize ans, puisque son consentement personnel est requis dans tous les cas. Je propose de préciser que l'adjonction se fera par déclaration devant un officier d'état civil.
Un changement de nom, même d'un nom d'usage, n'a rien d'anodin ; c'est un acte fort de la part de la famille, qu'il s'agisse du parent ou de l'enfant de plus de treize ans, puisque son accord est nécessaire. La déclaration devant un officier d'état civil donnera de la solennité à la démarche afin que l'enfant de plus de treize ans prenne conscience de son ampleur.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir le sous-amendement n° 90 .
Je veux bien admettre que l'adjonction d'un nom – souvent celui de la mère – est beaucoup moins grave que la suppression d'un nom.
Il n'empêche que ce n'est pas un acte anodin. Or vous dérogez au principe de la double autorité parentale en permettant qu'une initiative soit prise à titre individuel. Pourtant, la double autorité parentale s'exerce lors de décisions beaucoup moins importantes pour l'enfant, mais vous ne l'exigez pas pour une décision qui, elle, nous semble importante.
Je ne souscris pas aux amendements identiques mais j'ai malgré tout déposé un sous-amendement pour les encadrer – vous êtes majoritaires ; il est donc à craindre qu'ils ne soient adoptés. Quoi qu'il en soit, il nous semble utile que la décision d'adjonction soit prise par les deux parents et qu'un juge intervienne dans un deuxième temps en cas de désaccord ; néanmoins, il faut, dans toute la mesure du possible, obtenir l'accord des deux parents – dans l'hypothèse, bien sûr, où ils sont tous deux dépositaires de l'autorité parentale.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir le sous-amendement n° 91 .
Je crois comprendre des réponses que le ministre a apportées aux précédents amendements qu'au fond, l'article 1er revient à codifier une pratique existante, et qu'il existe déjà un fichier d'état civil recensant les changements de noms d'usage. Dès lors, mon sous-amendement est presque rédactionnel, puisque la déclaration devant un officier d'état civil doit être prévue. Il va donc dans le bon sens, celui de la codification d'une pratique.
Nous attendons avec beaucoup d'intérêt les réponses du rapporteur et du ministre à chacun de ces sous-amendements.
Celui-ci vise à préciser que le nom d'usage ajouté « vaut pour tous les enfants du couple », afin qu'une même fratrie ne porte pas plusieurs noms différents. Vous m'opposerez que ce cas existe déjà ; oui, mais le problème, c'est que vous voulez franchir un pas supplémentaire et le généraliser. On voit bien votre volonté d'individualisation des noms de famille, des noms d'usage. Selon vous, un individu doit s'émanciper de sa famille – vous ne dévoilez d'ailleurs pas la conception que vous avez de la famille car, dites-vous, elle relève de la sphère privée, alors que pour nous, la famille est une question politique dont on doit débattre.
Nous assumons ce débat. Nous assumons aussi une politique familiale digne de ce nom. Au contraire, depuis des années, vous niez la famille et vous niez la politique familiale. Vous refusez d'en débattre car la famille ne serait qu'une question privée : non ! Elle est un objet politique, elle existait même avant la politique. « La famille est plus vieille que l'État » : voilà une très belle phrase. L'État, lui, doit faire avec la famille telle qu'elle est – ou avec « les » familles, pourquoi pas, mais débattons-en ! Cessez de refuser le débat au motif que la question ne concernerait que chaque individu ; débattons-en car la famille est un vrai sujet politique.
En l'occurrence, nous estimons que le nom d'usage doit être partagé par tous les enfants d'un couple ; sinon, ce sera un nom à la carte. Dites-nous quelle est la conception sur laquelle vous fondez ces amendements : souhaitez-vous des noms d'usage différents pour chaque membre d'une même famille, ou préférerons-nous une conception de la famille selon laquelle le nom a un sens ?
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir le sous-amendement n° 86 .
En effet, il me semble important de préserver une harmonie au sein des fratries en se prémunissant contre une logique trop individualiste. L'amendement proposé modifierait le principe de l'unité des noms de famille.
Si, il modifierait ce principe puisque plusieurs enfants d'une même famille, nés du même père et de la même mère, pourraient porter des noms différents.
Allons jusqu'au bout : qu'adviendrait-il si par hasard, le père de famille souhaitait changer de nom ? Ce changement s'appliquerait-il de facto aux enfants mineurs ? Pourraient-ils conserver leur nom initial ? Bref, on aboutirait à un chamboulement complet.
Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit et évitons les caricatures : je ne prétends pas qu'il ne faille pas prendre en considération les situations personnelles douloureuses de certaines femmes, déjà évoquées plusieurs fois ; mais avec cette disposition, on aboutira à des situations dans lesquelles le père, la mère et les enfants qu'ils ont eus ensemble pourront chacun porter des noms différents ! Trouvez-vous cela souhaitable pour l'unité et l'identité familiale ?
Je n'ai pas de réponse toute faite, clés en main, mais je me pose des questions. Or, pour l'instant, nous n'avons pas beaucoup de réponses.
Lisez le texte.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir le sous-amendement n° 88 .
Vous avez une vision très individualiste, libérale-libertaire de la personne.
Rires et exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
L'individu, pour vous, est isolé ; c'est un atome.
Nous, nous considérons que les solidarités existent. Nous considérons que l'homme ou la femme est un être social ; or, le premier élément de la société, c'est la famille. Il ne s'agit pas seulement des liens entre père, mère et enfant, mais de ceux qui existent entre les enfants eux-mêmes. Vous aimez citer des cas particuliers : peut-être vous reviendra-t-il des exemples de fratries ayant survécu à la séparation de la famille, ou à d'autres épreuves, grâce à la solidarité qui les unissait. Ce sont des choses qui comptent. Les frères et sœurs ont des histoires parallèles ; il peut être grave de les dissocier en changeant le nom de l'un mais pas celui de l'autre.
Votre tactique est astucieuse : vous répétez que l'article 1er ne concerne pas le nom inscrit à l'état civil mais le nom d'usage, en laissant entendre qu'il n'y a là rien d'important. Or le nom d'usage compte : c'est lui qui figure sur les documents administratifs, en particulier sur les documents d'identité. Dans cette optique, il convient de préserver ce qui, pour certains, constitue l'ultime refuge de la solidarité, celle des frères et sœurs.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir le sous-amendement n° 93 .
Je précise pour la clarté de nos débats que ce sous-amendement n'est identique ni à ceux qui le précèdent, ni à ceux qui le suivent, bien qu'il concerne comme eux l'alinéa 2 des amendements identiques. En effet, il vise à insérer après la deuxième phrase de celui-ci que « cette adjonction s'applique, le cas échéant, à l'ensemble des enfants du couple ».
Votre objectif est de répondre aux attentes dont vous avez eu connaissance : je vous citerai à mon tour l'exemple d'une maman en souffrance parce que ses enfants, nés du même père, ne portent pas tous le même nom d'usage. Il y a eu un temps où l'ordre des noms était convenu entre les parents, un temps où l'ordre alphabétique prévalait ; revenir en arrière étant impossible, les enfants d'une même fratrie se retrouvent avec des noms d'usage différents. Ne pourrions-nous, par l'intermédiaire de ce texte, rendre au dispositif un peu de simplicité, de cohérence, voire de cohésion ? Notre pays a besoin de cohésion ; les familles en ont besoin. Ce sous-amendement va donc dans la bonne direction.
Ce sous-amendement de bon sens vise à préciser que « cette adjonction est définitive » – ou alors, dites-nous franchement que vous ne la concevez pas comme telle. Nous serons d'ailleurs fort attentifs à vos réponses concernant ces sous-amendements car vos amendements, qui n'ont l'air de rien, soulèvent beaucoup de questions. Le texte lui-même n'a fait l'objet d'aucune étude d'impact, d'aucun avis du Conseil d'État, avant d'être examiné suivant la procédure accélérée. Pour reprendre le terme utilisé tout à l'heure par une collègue, permettez-nous donc de chipoter : c'est notre devoir si nous voulons obtenir des réponses.
Encore une fois, cette adjonction est-elle définitive, c'est-à-dire excluant toute possibilité de retour en arrière, ou suppose-t-elle de telles possibilités et sous quelles formes, dans quels délais ? Je vois que vous vous concertez : peut-être découvrez-vous seulement l'existence de ces questions… Si vous le souhaitez, nous pouvons suspendre nos travaux pour vous permettre de réfléchir, car, je le répète, nous avons besoin d'éléments de réponse : le sujet n'est pas anodin.
Monsieur le ministre, nous aimerions également des réponses concernant la solidarité – l'ultime solidarité, encore une fois, pour certains – de la fratrie. Vous citez des exemples précis, individuels : j'en ai également en tête et je suis convaincu de n'être pas le seul.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir le sous-amendement n° 92 .
Je crois M. le rapporteur attentif à cette question : après la loi du 23 décembre 1985 et celle du 4 mars 2002, l'adjonction se faisait dans l'ordre choisi par les parents ; depuis celle du 17 mai 2013, il me semble que l'ordre alphabétique prévaut en cas de désaccord. Les séparations créent donc un problème de cohérence des noms d'usage au sein de certaines familles. Très concrètement, le fait que les enfants du même couple ne portent pas le même nom suscite des difficultés, y compris à l'école. Il s'agit donc là d'un calage auquel, si vous n'avez pas de réponse toute prête, la navette fournira une bonne occasion de travailler.
Les amendements identiques prévoient que le parent qui adjoint son nom à celui de l'enfant « en informe préalablement et en temps utile l'autre parent exerçant l'autorité parentale ». Vous admettrez que l'expression « en temps utile » est un peu vague : en temps utile pour lui, pour l'autre parent, pour les enfants concernés ?
Or, surtout concernant ces derniers, l'imprécision en pareille matière peut avoir des conséquences déplorables. Il convient donc de supprimer cette formule : tel est l'objet de ce sous-amendement.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir le sous-amendement n° 94 .
Vous vous situez dans un registre émotionnel, affectif, où chacun décide du moment qui lui convient, alors que vous traitez de données objectives, de réalités. Il vous faut donc préciser votre rédaction : encore une fois, nous attendons avec impatience vos réponses à toutes les questions soulevées par ces sous-amendements.
L'avis de la commission étant favorable aux amendements identiques, quel est-il sur ces sous-amendements ?
En ce qui concerne les sous-amendements n° 81 et identiques : l'emploi du nom d'usage n'est pas confirmé devant un officier d'état civil, mais notifié à l'administration. Lorsqu'il s'agit de l'inscrire sur les papiers d'identité, le mineur de plus de 13 ans doit de toute manière être présent en vue du recueil de ses empreintes digitales : il peut donc confirmer son accord. Avis défavorable.
Pour ce qui est des sous-amendements n° 83 et identiques, qui visent à appliquer le même nom d'usage à tous les enfants d'un couple : nous avons eu ce débat à l'occasion de l'examen de l'amendement n° 11 . L'accord des mineurs de plus de 13 ans serait nécessaire, ce qui rend la chose impossible. Avis défavorable.
Même avis sur le sous-amendement n° 93 , pour la même raison.
J'émets un avis lui aussi défavorable sur les sous-amendements n° 82 et identiques : l'emploi du nom d'usage n'est jamais définitif. Une personne peut souhaiter porter le nom de ses deux parents et se raviser quelques années plus tard.
J'en viens pour finir aux sous-amendements n° 87 et identique : les amendements identiques prévoient que le parent qui demande l'adjonction de son nom à celui de l'enfant en informe l'autre parent « en temps utile », c'est-à-dire qu'il évite de le mettre devant le fait accompli. Cette rédaction inspirée de l'article 373-2 du code civil remplit très bien son office. Avis défavorable.
Très brièvement, je souhaite rassurer tout le monde. Nous entendons régulièrement manifester, depuis le début de l'examen du texte, la volonté de voir les frères et sœurs porter le même nom. Ce n'est d'ailleurs pas le cas dans la réalité : nous l'avons répété sur tous les tons, mais vous ne souhaitez pas l'entendre. Puisque le sujet vous préoccupe à ce point, prenons donc le cas d'une mère de deux enfants qui, n'étant pas nés du même père, ne portent pas le même nom. Grâce à cette proposition de loi, avec l'accord des pères, ou à défaut après intervention du juge, il pourra y avoir substitution du nom d'usage : la fratrie portera un seul nom.
Je dirais presque que cela répond définitivement à toutes vos objections. La famille moderne étant ce qu'elle est,…
…il s'y trouve des enfants qui ne portent pas le même nom : grâce à ce texte, encore une fois, le problème sera résolu, puisque vous y tenez tant. Ne serait-ce que pour cette raison, vous devriez saluer la proposition de loi !
Quant à l'avis du Gouvernement, il est favorable aux amendements identiques et défavorable aux sous-amendements.
Monsieur le garde des sceaux, il ne s'agit pas de nous complaire : le sujet ne se prête pas à la légèreté.
Oh ! Est-ce que je peux encore m'exprimer comme je veux ?
Vous nous jetez un exemple en guise d'os à ronger ; est-ce là votre conception ? Lorsqu'on vous interroge à propos de la nécessité de passer devant un officier d'état civil pour formaliser les choses, lorsqu'on vous demande s'il vaut mieux que tous les enfants d'un couple portent le même nom, si l'adjonction est définitive, si la formule « en temps utile » ne renvoie pas à la subjectivité,…
Vous êtes en train de tout mélanger !
…vous prétendez nous rassurer. Or je persiste à m'inquiéter en vous entendant passer sur ces questions, au motif que l'examen du texte doit être achevé ce soir et qu'il vaudrait mieux nous dépêcher si nous voulons que la séance soit levée à minuit. Alors que nous légiférons sur le nom de famille, vous esquivez les études d'impact, l'avis du Conseil d'État, la navette parlementaire, en d'autres termes tout ce qui permettrait d'aller au fond des choses, au profit d'un bricolage juridique à des fins d'affichage. Il faut avoir l'air moderne ! Nous vous laissons ce souci : être dans le vent, dit-on, est une ambition de feuille morte.
Au sujet non plus du « temps utile », mais de l'utilité du nom, il est fort intéressant de suivre l'habitude des juristes et de se reporter à l'histoire. Rares sont les époques où les fratries partageaient le même nom. En l'occurrence, alors que les familles ont énormément évolué, nos discussions donnent l'impression que nous en sommes restés au XIX
Je suis peu intervenu jusqu'à ce stade, mais tout de même, on ne peut laisser dire n'importe quoi. Au Moyen Âge, les noms de famille n'étaient pas fixés : c'est l'ordonnance de Villers-Cotterêts, en 1539, qui généralise leur mise par écrit en imposant la tenue de registres des baptêmes. Encore une fois, n'être pas d'accord avec nous ne donne pas le droit de soutenir n'importe quoi en matière historique et juridique !
Le sous-amendement n° 93 n'est pas adopté.
L'article 1er , amendé, est adopté.
L'amendement n° 55 , ayant reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement, est retiré.
La parole est à M. Jean-Marc Zulesi, pour soutenir l'amendement n° 62 .
L'amendement, travaillé avec le collectif Georgette Sand, a pour objet d'automatiser le double nom dans la déclaration de naissance.
Je ne suis pas favorable au fait d'imposer le double nom. Cette possibilité existe aujourd'hui : elle est offerte aux Français, qui pourtant ne s'en saisissent pas. Pourquoi la leur imposer ? Le Gouvernement pourrait travailler sur l'organisation d'une campagne d'information sur l'évolution des choix offerts en matière de nom.
Cependant, si la proposition de loi offre des choix, l'amendement fait l'inverse : il supprime un choix en imposant le double nom. J'y suis donc défavorable.
J'entends parfaitement le sens de votre amendement, monsieur le député. Nous l'avons dit : ce texte est une proposition de loi de simplification, d'égalité et de liberté. Le fait d'imposer certaines choses, ou de les ériger en principe, me paraît contraire à l'esprit du texte tel que je l'appréhende et le comprends. Sans doute faudrait-il en revanche mieux informer. Je vous propose le retrait de votre amendement.
L'amendement n° 62 est retiré.
L'article 2 ouvre la procédure simplifiée de changement de nom, par déclaration devant l'officier de l'état civil, aux personnes majeures qui souhaitent substituer ou adjoindre à leur propre nom le nom de famille du parent qui ne leur a pas transmis le sien. Les demandeurs pourraient se contenter d'une déclaration adressée à l'état civil de la mairie, alors qu'il s'agit d'un acte très important : cela ressemble à une simplification poussée à l'extrême. Changer de nom, mes chers collègues, est un acte important qui devrait emporter une certaine solennité. La procédure simplifiée, telle qu'elle est proposée à l'article 2, représente une trop grande menace pour la stabilité de l'état civil ; j'aurais aimé avoir un avis du Conseil d'État sur ce point. C'est pourquoi je vous propose de supprimer l'article.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement n° 25 .
Depuis la fin de l'après-midi, nous jouons un peu au chat et à la souris…
…en n'abordant pas le cœur de la proposition de loi, qui est bien l'article 2. Ce texte instaure un état civil à la carte – je ne vois pas d'autre mot pour le dire – et revient sur une forme d'intangibilité et d'immutabilité des noms, même si le droit actuel offre déjà un certain nombre de possibilités. Si la question sociétale est importante, comme cela a été dit tout à l'heure – je me suis exprimé sur ce sujet –, il me semble qu'au-delà de l'empathie et de la compréhension dont nous devons faire preuve, la réponse apportée à cette question n'est pas la bonne.
Je fais partie de ceux qui auraient préféré que l'on simplifie – pour reprendre votre expression, monsieur le rapporteur – la procédure actuelle devant le ministère de la justice et le Conseil d'État. Cette procédure est parfois longue…
Il est vrai qu'elle est parfois coûteuse, mais pas toujours : le recours à un avocat n'est pas obligatoire et certaines personnes effectuent elles-mêmes la démarche, qui leur revient à un peu plus de 110 euros pour acquitter les frais de publication au Journal officiel. Quoi qu'il en soit, j'entends bien ces arguments et je ne cherche pas à les balayer d'un revers de main. On aurait pu accélérer les procédures, ce qui dépend du ministère. Si ce dernier n'arrive pas à suivre, il faut avant tout qu'il s'interroge sur son propre fonctionnement au lieu de mettre en cause la démarche de celles et ceux qui souhaitent modifier leur nom pour des raisons légitimes que, dans de nombreux cas, l'on peut comprendre. Mais – nous avons là une divergence très forte, chers collègues – il ne faut pas englober les citoyens dans leur universalité.
Ils font ce qu'ils veulent, les citoyens !
Non, ils ne font pas ce qu'ils veulent avec le nom ! L'article 2 instaure une individualisation du nom, alors que celui-ci est aussi un élément collectif et familial. On peut éventuellement changer de prénom. La loi le permet : tant mieux, pour de nombreuses raisons. Le prénom est un élément d'identité très personnel, même s'il est évident que son changement a des conséquences collectives. Mais le nom ne relève pas seulement d'une volonté personnelle. Nous avons là une divergence profonde, que nous ne parviendrons évidemment pas à surmonter ce soir. Le ministre peut souffler. Pour notre part, nous considérons qu'il y a dans une société des éléments collectifs familiaux qui constituent une marque d'appartenance…
Fort bien !
…et que, s'il peut être légitime de vouloir s'y soustraire dans un certain nombre de cas, la société doit aussi avoir un regard sur ces éléments qui la structurent. Voilà, chers collègues, la différence fondamentale et irréconciliable…
…entre nous ce soir sur l'article 2 – je parle bien de cet article. La réponse qui est apportée à des situations douloureuses et compliquées n'est pas la bonne. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de l'article 2.
C'est quoi la bonne réponse, alors ?
Au lieu de se contenter d'une proposition de loi, le Gouvernement aurait pu démontrer sa volonté de parvenir à un texte particulièrement élaboré, ayant fait l'objet d'un avis du Conseil d'État
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM
et d'une étude d'impact. Il y a trois semaines, on ne parlait pas de ce texte. Le père Noël est venu avec sa hotte ! Sur un tel sujet, je considère que nous ne pouvons pas lui faire confiance.
Oui, bravo !
Depuis la réforme du règlement intervenue en 2009, l'avis du Conseil d'État peut être demandé par le rapporteur. Vous auriez pu le demander, monsieur le rapporteur, mais vous ne l'avez pas fait.
C'est une réalité. Que les choses soient claires : on peut changer de nom en droit français. Mais il convient d'y réfléchir – c'est une décision grave –, il faut avoir une bonne raison pour le faire et il faut enfin une garantie par un tiers, un magistrat : tout cela nous semble normal. Peut-être est-ce long et cher.
J'aurais souhaité, monsieur le ministre, que vous nous fassiez des propositions d'amélioration concrètes, puisque vous dites avoir davantage de moyens pour agir dans les palais de justice – même si les magistrats nous ont plutôt tenu le discours inverse lors des audiences solennelles de rentrée des cours.
Si le changement de nom est si important, c'est parce que le nom est un élément de l'identité non pas seulement de la personne, mais de sa filiation ; il fait l'objet d'une transmission. Le nom appartient à l'individu, mais il est sur la place publique, il est en quelque sorte collectif. Au-delà de l'individu, il appartient à sa famille, et c'est légitime. Ne laissons pas l'individu seul !
En outre, c'est bien souvent le nom du père qui sera retiré. C'est d'autant plus grave que, dans notre société, nous assistons parfois, hélas, à la démission des pères. Le nom du père était habituellement donné à l'enfant car, comme l'écrit Hakim El Karoui dans un très bon article, le droit considère traditionnellement que la mère est connue mais que le père n'est que supposé. Affirmer son nom, c'était ainsi reconnaître son rôle. Notre crainte est que le rôle des uns et des autres ne soit nié – peut-être pas toujours, mais de plus en plus souvent. Vous allez nous rassurer et nous dire que ce sont des cas particuliers, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre. Mais derrière les cas particuliers, vous faites modifier le droit, et c'est ce qui nous inquiète.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 63 .
Je n'ai pas déposé d'amendement de suppression de l'article 1er , qui porte sur le nom d'usage, mais je le fais pour l'article 2 car il porte sur un autre sujet, autrement plus important. Un changement de nom, par adjonction ou substitution, n'a rien d'anodin. En envisageant cette substitution, chers collègues, vous en venez à nier un parent, par la suppression de son nom. Ce sont des mots violents, durs, mais ils décrivent la réalité. Lorsqu'un enfant, mineur ou majeur, décide d'abandonner le nom qu'un parent lui a donné, sa décision risque d'être vécue comme un reniement par le parent qui avait donné son nom. L'impact peut être très violent pour toute la famille, et pas seulement pour ce dernier. Il me semble que l'on sous-estime les effets de cette mesure.
Comme mon collègue Gosselin, j'aurais préféré un assouplissement et une simplification des procédures actuelles de changement de nom plutôt que cette petite révolution qui aura des conséquences importantes sur le long terme. Accorder à tous le droit de changer de nom ne me semble pas souhaitable ; nous en avons déjà discuté, monsieur le rapporteur.
Je suis tout à fait d'accord, pour ma part, pour encadrer certaines situations particulières, que l'on pourrait qualifier : les cas de violence bien sûr, mais aussi d'abus, d'abandon, ainsi que les situations très douloureuses. Mais il ne faut pas cibler toutes les situations, car, le cas échéant, on aboutirait, que vous le vouliez ou non, à un état civil à la carte, ce qui n'est pas souhaitable.
Avis défavorable. L'article 2 ne crée pas un état civil à la carte. La procédure simplifiée ne permet que de choisir de porter le nom de son père, de sa mère ou de ses deux parents. L'article permet à toute personne d'adjoindre le nom du parent qui ne l'a pas transmis. Il permet aussi de rendre hommage à un parent présent ou décédé.
La substitution du nom offrira la possibilité, aux personnes qui souffrent, de ne plus porter le nom d'un parent absent ou violent, de se décharger de ce fardeau. Elle sera aussi bénéfique pour les personnes qui portent un nom ridicule ou déshonorant. Vous imaginez-vous, monsieur Gosselin, porter toute votre vie le nom de votre père, qui fut l'assassin de votre mère ?
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Vous imaginez-vous cela à l'âge de 10 ans, à l'école ? Vous ne le souhaiteriez pas ! Et vous, monsieur Breton, allez-vous me parler d'émotion dans ce cas ?
Ces cas ne sont pas seulement des cas individuels. Ils témoignent malheureusement de ce qui se passe aujourd'hui. Imaginez que l'on vous demande si vous avez un lien de parenté avec l'homme qui a tué une femme ! Voilà pourquoi, monsieur Breton, cette proposition de loi c'est la liberté, le choix, l'égalité ! Elle s'inscrit dans le monde d'aujourd'hui, pas dans votre ancien monde !
L'article 2 ne fait pas peser le poids du choix sur l'enfant ; il simplifie une possibilité qui existe déjà.
Une procédure existe déjà …
…mais elle est longue – elle dure au minimum deux ans –, coûteuse et elle impose de dévoiler l'intime. C'est pourquoi nous voulons la simplifier, en restant strictement dans le cadre familial puisqu'il ne s'agit que de choisir entre le nom du père ou de la mère.
Il y a des failles entre vous.
Pas certain ! D'un bout à l'autre de l'hémicycle, les groupes semblent d'accord, alors que j'ai entendu dire que, dans votre famille politique, certains allaient voter ce texte.
Ce n'est pas du cinéma ! Il y a bien d'autres failles chez vous, mais ce n'est pas le moment d'en parler.
Parfois on ne sait plus trop où vous êtes, mais peu importe.
Pour ma part, je sais pour qui je vais voter, alors que vous, c'est moins sûr !
M. Breton nous explique qu'il n'y a pas place ici pour l'émotion et que je serais impudique. C'est assez curieux. Comme si nous devions nous conduire ici…
C'est ça, comme une espèce d'intelligence artificielle sans cœur. Quant à M. Gosselin, il a joué sur une note un peu différente et parlé d'empathie. Prenez garde à ne pas être impudique à votre tour, monsieur le député ! Quoi qu'il en soit, un nom n'est pas un carcan.
Si vous aviez pris attache avec mes services – ma porte est toujours ouverte, je le redis –, vous auriez pu mesurer combien il est compliqué de changer de patronyme, même quand c'est pour ne plus porter le nom du père qui vous a violé. Non seulement il faut fournir des papiers, mais il faut raconter à l'administration des choses qui sont de l'ordre de l'indicible et dont on n'a pas forcément envie de faire état. Pourquoi ne pas accepter qu'un majeur ait, grâce à ce texte, la liberté de choisir et de se débarrasser d'un patronyme qui le fait souffrir ?
Je le répète : nous sommes pour la plupart heureux et fiers du nom que nous portons. Si les Français déposent 4 000 demandes de changement de nom par an, ce n'est pas ça qui va chambouler l'état civil. Mais cela prend du temps, il faut de l'argent, il faut se justifier, produire des tas de documents. Ne peut-on pas faire simple et laisser à nos compatriotes majeurs la liberté de choisir ? En leur refusant la liberté de mieux vivre, vous êtes en réalité dans la réaction au plus mauvais sens du terme, c'est aussi simple que ça !
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Allez dire ça à ceux qui ont subi des traumatismes et ne veulent plus en entendre parler – il y en a ici, dans ces tribunes !
Ça suffit, ce ne sont pas des effets de manche, c'est insupportable ! Les Français nous regardent.
Ils savent quelle est votre conception de la société, même si, plutôt que de dire les choses franchement, vous la cachez derrière des arguties.
Vous n'osez même pas aborder ce dossier comme vous devriez le faire, en nous exposant de manière franche, claire et nette votre conception totalement éculée de la famille.
Monsieur Le Fur, quand vous étiez aux manettes, on déplorait aux audiences solennelles de rentrée la perte de 140 postes de magistrats : vous ne remplaciez même pas ceux qui partaient à la retraite, alors que sous ce quinquennat nous en avons créé 700 et il y a belle lurette que nous avons dépassé le chiffre de 9 000 magistrats qui figure au programme du parti de M. Chenu. Alors de grâce, monsieur Le Fur, sur ces questions budgétaires,…
…vous feriez mieux d'avoir un peu de mémoire.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Il est impossible d'aborder le sujet qui nous intéresse sans penser aux Françaises et Français qui sont concernés par cette question du nom. S'il existe aujourd'hui des procédures pour changer de nom, elles sont décourageantes. Raconter l'horreur qu'on a vécue, l'absence d'un père fautif, les violences, c'est très difficile, voire impossible pour certains.
Ce que nous proposons n'est évidemment pas un bouleversement de l'état civil. Il s'agit tout simplement de la faculté de prendre le nom du parent qui ne l'a pas transmis. Il n'y a pas de remise en cause de la filiation, d'autant moins que nombre des personnes concernées veulent prendre le nom de la femme qui leur a donné naissance. Il faut aborder ce texte avec beaucoup de pragmatisme et d'humanité et – je crois – un peu moins d'idéologie. Ce qui importe, c'est de penser à tous ces enfants qui ont grandi et qui vivent en portant leur nom comme on porte un fardeau. Ce peut être celui d'un père violent mais aussi celui d'un père qui, simplement, n'a pas joué son rôle, et il faut l'accepter.
Un nom, ce n'est pas qu'une froide information sur un acte d'état civil, c'est aussi une histoire. C'est l'esprit du droit civil selon Portalis que de prendre en compte la pluralité des situations personnelles.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.
Je vous rappelle, monsieur le garde des sceaux, que nos débats portent sur l'état civil et non sur le budget de la justice.
C'est M. Le Fur qui en a parlé !
Gardez donc votre énergie pour défendre le texte.
Vous parlez d'arguties, monsieur le ministre, mais, puisque vous vous êtes rendu compte de la difficulté de changer de nom, pourquoi ne pas proposer une véritable réforme de la procédure de changement de nom…
… élaborée par votre ministère, au lieu de soutenir cette réformette ? Cela me gêne, oui, que sur un sujet aussi important, nous ne disposions pas d'étude d'impact ni d'avis du Conseil d'État : cela me pose réellement problème sur le plan de la sécurité juridique. J'ai l'impression, monsieur le rapporteur, que nous faisons du bricolage, et je vous en veux un peu, ainsi qu'à M. le ministre, de prendre ainsi en otage la souffrance de certains de nos concitoyens pour faire passer une réforme qui n'est pas anodine !
Assumez le changement profond de conception de l'état civil que constitue cette réforme apparemment banale.
Mais non !
Vous avez parfaitement le droit de défendre cette approche, mais ne la dissimulez pas sous des prétextes. Vous ne pouvez pas nier que cet article 2, qui est le cœur du texte, institue un droit individuel au changement de nom, que vous présentez comme un élément important de la liberté individuelle alors qu'il est contraire à notre conception de la société. Cette conception, nous l'assumons totalement.
Nous aussi !
Nous n'avançons pas masqués. Ce n'est pas une conception archaïque de la société, c'est une conception collective, familiale…
Patriarcale !
…opposée, c'est vrai, à une approche individualiste, non seulement du nom de famille, mais de la société dans son ensemble. Sur ce plan, et au-delà de l'empathie que peuvent susciter des cas personnels, nous assumons nos positions et nos divergences sont a priori irréconciliables.
Le garde des sceaux et le rapporteur l'ont dit, une demande de changement de nom, qu'il fallait jusqu'ici justifier, n'aura plus désormais à l'être pour qu'on y fasse droit. Plutôt donc que de corriger une pratique sourde aux cas douloureux, plutôt que de vous interroger, en tant que garde des sceaux, sur le fonctionnement de votre ministère, vous préférez verser dans l'excès inverse en permettant qu'on puisse changer de nom quand on en a envie, sans avoir à présenter la moindre justification. Vous appelez cela la liberté de choisir, mais dans ce cas pourquoi la limiter comme vous le faites ? Comptez-vous proposer dans un prochain texte – il est vrai qu'il ne vous reste plus beaucoup de temps avant la fin du mandat – qu'on puisse changer de nom quand on veut puisque de toute façon nulle justification ne sera plus demandée ?
Le problème est que le nom ne relève pas d'un choix individuel, contrairement à ce qu'affirme votre conception individualiste de la société, conforme à votre logique libérale ou libertaire. Nous en avons une autre conception. Prétendre que l'une est moderne et l'autre archaïque est un argument qui ne vaut rien. Qui peut dire ce qui sera définitivement moderne ? Ce qui compte, c'est d'avoir une vision. Selon la vôtre, le nom doit dépendre de la seule volonté de l'individu.
J'entends bien, mais le principe sera celui de la liberté de choix, limitée pour l'instant, en attendant l'étape suivante – c'est toujours ainsi qu'on procède. La question est celle du choix entre deux visions de la famille, entre une logique de transmission, qui n'exclut pas une attention aux cas les plus douloureux et aménage une possibilité d'y remédier, et une logique de l'individu roi.
Défavorable.
Je vous entends répéter à cor et à cri que notre proposition de loi ferait de la procédure de changement de nom un droit individuel. Dois-je vous rappeler que la procédure de changement de nom est d'ores et déjà un droit parfaitement individuel ?
Qui le souhaite saisit le garde des sceaux de sa demande en justifiant d'un motif légitime. Arrêtez donc de répéter que la proposition de loi rendra ce droit individuel ! Il y a des arguments sur lesquels on peut discuter mais celui-là n'en est pas un, puisque toute personne majeure a déjà la possibilité de solliciter le changement de son nom. La procédure existe. Il s'agit uniquement de la simplifier, comme l'a rappelé Mme Louis, en instaurant la possibilité de porter le nom du parent qui n'a pas transmis le sien à sa naissance et de bénéficier du même choix que ses parents avaient lors de la naissance. Ce droit est individuel, il l'est aujourd'hui et il le restera demain.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Chère collègue, c'est précisément sur ce point que nous divergeons. Vous prétendez vouloir simplifier la procédure qui existe aujourd'hui, alors que vous êtes en train de la supprimer, avec les garde-fous qu'elle comporte, sous prétexte qu'elle prend trop de temps. C'est quand même incroyable ! Pour le reste, il est un argument que je ne supporte pas d'entendre. Vous le savez mieux que tout le monde, monsieur le garde des sceaux, nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes : si votre administration met deux ans à traiter les dossiers, il vous revient d'améliorer son fonctionnement. Utiliser le prétexte de vos propres dysfonctionnements pour changer la loi, c'est tout de même un comble.
L'amendement n° 26 n'est pas adopté.
Comme l'a rappelé notre collègue, la procédure de changement de nom existe déjà. Néanmoins, elle obéit à des règles et est contrôlée par un magistrat. Je veux bien admettre que le système fonctionne médiocrement et qu'il marcherait mieux si des moyens supplémentaires lui étaient alloués.
C'est ce que nous avons entendu, monsieur le garde des sceaux, lors des audiences de rentrée – je n'y peux rien ! Et encore, vous avez de la chance car en raison du contexte sanitaire lié au covid-19, ces audiences n'étaient pas publiques ; nous avons eu droit soit à des visioconférences soit à de simples comptes rendus. Cela s'est passé ainsi dans ma circonscription ! J'avais été invité à y assister, avant qu'on ne me dise de ne pas venir – je risquais de déranger. J'ai tout de même écouté et il est clair qu'ils n'ont plus de moyens. Vous dites que des moyens supplémentaires ont été alloués partout, mais ce n'est pas le cas chez moi. Cela vaut également pour d'autres unités.
Je vais vous rappeler votre budget à vous !
Vous rappellerez ce que vous voudrez. Sont-ce des méthodes démocratiques ? Lorsque les gens s'expriment, vous les sanctionnez. Cela me rappelle d'autres pays, monsieur le garde des sceaux. J'espère que nous ne continuerons pas sur cette voie en France.
Votre politique est on ne peut plus cohérente : vous vous en prenez à une réalité familiale à laquelle nous sommes attachés, qui induit des aspects juridiques et fiscaux. Nous l'avons constaté depuis longtemps à travers la réduction ou la suppression du quotient familial ou encore la mise en cause de la cellule de consommation – donc de la cellule fiscale – que constitue la famille. Telle est votre cohérence. La nôtre est différente : elle s'attache à la transmission et au lien familial. Aidons plutôt les familles, financièrement et juridiquement.
Il n'est pas possible de confier à l'état civil l'appréciation d'un intérêt légitime : d'une part, ce n'est pas son rôle ; d'autre part, cela entraînerait des inégalités de traitement, certains officiers de l'état civil pouvant se montrer plus sévères que d'autres. La simplification doit être la même pour tous. Avis défavorable.
Avis défavorable. Vous aurez remarqué, madame la présidente, que ce n'est pas moi qui suis revenu sur la question du budget. J'accepte volontiers, monsieur Le Fur, de comparer les chiffres actuels aux vôtres, lorsque vous étiez au pouvoir. Nos débats étant diffusés, je ne peux pas vous laisser induire les gens en erreur. À votre époque, il manquait 140 magistrats et ceux qui partaient à la retraite n'étaient pas remplacés. Nous, nous en avons recruté 700. Et la prochaine promotion de l'École nationale de la magistrature (ENM) sera la plus grande de l'histoire de l'école. Nous pouvons tout comparer : le nombre de greffiers, le budget, les postes de policiers que vous avez supprimés.
Mme Patricia Mirallès applaudit.
Je vous recommande de rester très modeste sur ce terrain, monsieur Le Fur.
Regardez les chiffres dans la loi de finances !
Pour répondre à notre collègue Galliard-Minier, le droit actuel est effectivement un droit individuel ; il n'y a pas de contestation à ce sujet. Mais ce droit individuel est encadré par une procédure, certes, trop longue et trop compliquée,…
…mais qui implique de respecter plusieurs critères et constitue une forme de jurisprudence que nous pourrions peut-être faire évoluer.
Je ne nie pas l'évolution de la société et le regard que l'on porte désormais sur des traumatismes ou sur le ressenti. Je n'ai pas de problème avec cela. Je suis même intervenu il y a peu lors de l'examen de la proposition de loi visant à réhabiliter les militaires « fusillés pour l'exemple » durant la première guerre mondiale, au cours duquel j'ai moi-même laissé parler mes émotions, des émotions qui transpirent parfois plus fortement qu'on ne le voudrait et qui, je le crois profondément, se transmettent de génération en génération – tout au long d'une chaîne.
Toutefois, il y a, entre ce droit individuel encadré et ce que prévoit l'article 2, une différence non de degré, mais de nature. L'article 2 précise que « Toute personne majeure peut […] ». Il s'agit d'un droit individuel total et absolu, pour lequel il n'est plus question d'intérêt légitime : chacun peut, s'il le souhaite, sans même avoir vécu un traumatisme particulier – qui serait respectable et légitime – exercer une fois dans sa vie un droit d'option, qui peut être révocable ou irrévocable selon les cas. Vous défendez ainsi une approche très individualiste du nom ; nous prétendons que le nom n'est pas seulement individuel – même s'il constitue effectivement un élément d'identité de l'individu – mais qu'il appartient à un ensemble plus large caractérisant des fratries, une famille. C'est cela que nous perdrons.
Votre amendement tend à conditionner la demande à la justification d'un motif légitime. Croyez-vous que les personnes changent de nom pour s'amuser ou pour passer le temps ?
Il faut faire confiance aux Français qui peuvent avoir besoin, à un moment de leur vie, de passer à autre chose.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.
Vous dites que le droit existe actuellement et que la procédure est possible. Chers collègues, j'ai été victime d'un père incestueux et j'ai effectué une démarche de changement de nom. Lorsque j'ai déposé plainte, j'ai dû raconter mon histoire à un officier de police judiciaire, puis j'ai dû la répéter devant le médecin légal, puis devant le juge, puis lors de la confrontation et le jour du procès. Pour changer de nom, il faut encore revivre une énième fois son histoire et rédiger ce fameux justificatif d'un motif légal. Arrêtez avec cela ! Faites confiance aux gens. On ne change pas de nom par plaisir.
Je souhaite simplement porter non plus le nom de mon bourreau mais celui de la femme qui a fait de moi celle que je suis aujourd'hui, le nom de ma mère.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
La mère est un membre de la famille : il n'y a donc ni déstructuration ni rupture du lien familial ou de la filiation puisqu'il s'agit de prendre le nom de sa mère ou du deuxième parent. Rien ne justifie d'interdire à un enfant de porter le nom de l'un de ses parents.
Mêmes mouvements.
Ce témoignage illustre la difficulté de ce genre de discussions : nous faisons la loi dans l'intérêt général ; elle est forcément nourrie de situations individuelles, toutes singulières, qui seront considérées comme légitimes par les uns et remises en question par les autres. Cela n'a aucun rapport avec le témoignage qui vient d'être prononcé, mais chacun perçoit les histoires des uns et des autres en fonction de sa propre histoire. Admettez que l'on ne partage pas toujours les mêmes clefs de lecture et que ce qui peut être considéré comme légitime par l'un puisse paraître anormal à l'autre.
Depuis le début de l'examen de ce texte, je n'ai pas tout à fait la même position que certains collègues de mon groupe. J'entends que de nombreuses raisons conduisent à vouloir changer de nom. Mes interventions se concentrent non sur l'adjonction du nom du deuxième parent qui ne me pose aucun problème, y compris en matière d'état civil, et dont je pense qu'elle doit être facilitée, mais sur la substitution. Nous examinerons ultérieurement un amendement intéressant de M. Le Fur à ce sujet.
Entendez toutefois qu'aux motifs tout à fait légitimes de changement de nom, on puisse opposer des histoires abracadabrantesques : des gens débarqueraient le lundi matin pour demander à l'officier d'état civil de changer de nom parce que, le dimanche soir, ils se seraient pris la tête à un volume un peu plus élevé que la normale !
Cela existe aussi et la loi est faite pour protéger parfois les gens d'eux-mêmes, de leurs propres excès et de choix qu'ils pourraient regretter par la suite.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
L'amendement n° 43 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l'amendement n° 61 .
J'ai écouté M. le rapporteur et M. le garde des sceaux et je sais qu'ils partagent les principes que défend cet amendement. Il s'agit d'aller au bout de la logique de la proposition de loi qui offre, selon nous, une véritable liberté quant au choix du nom de famille, en permettant aux enfants devenus majeurs d'inverser l'ordre des noms choisi par leurs parents. Le texte prévoit en effet la substitution ou l'adjonction d'un nom, mais il ne prend pas en considération la possibilité d'inverser les deux noms. Cette disposition, qui figurait dans le premier texte de la proposition de loi, semble largement approuvée. Allons au bout de cette loi, qui est une bonne loi.
Avis favorable. Je vous remercie de cette proposition qui clarifie les choix possibles.
Même avis.
Je profite de cette discussion pour revenir aux situations que nous avons évoquées précédemment. J'entends votre cas, chère collègue Aina Kuric, et je le respecte. Mais nous n'avons pas obtenu de réponse à l'objection formulée par notre collègue Schellenberger concernant ceux qui, sur un coup de tête ou sous la pression de quelqu'un, demanderaient à changer de nom. Cela peut arriver. La loi ne devrait-elle pas les protéger ?
Vous dites qu'il n'est pas besoin d'exprimer un motif légitime, puisque la notion de légitimité est subjective et dépendrait de l'appréciation personnelle. Or vous envisagez l'individu de manière abstraite. Le problème, c'est que celui-ci se situe dans un contexte : il peut être victime de pressions ou demander son changement de nom sous le coup de l'émotion.
Pour un cas semblable au vôtre, chère collègue, il faut simplifier les procédures et réduire les délais. Mais faut-il passer d'un excès à l'autre ? Autoriser un individu à changer de nom uniquement parce qu'il le ressent comme tel, ce n'est pas le protéger. Que prévoyez-vous, monsieur le rapporteur, monsieur le garde des sceaux, dans certaines situations concrètes, pour protéger celui qui agirait sur un coup de tête parce que les choses se sont mal passées un soir, qu'il est fâché et veut changer de nom – dans le cas de pressions, on pourrait toujours dire qu'il y a eu un vice du consentement ? De plus, il n'est possible de recourir à cette procédure qu'une fois. Vous voyez bien que la fonder sur la volonté individuelle ne tient pas. Vous ne protégez pas l'individu.
Je veux tout d'abord saluer le travail de nos collègues du groupe Socialistes et apparentés qui ont permis, sous la précédente législature, l'adoption de la loi de 2016 visant à simplifier la procédure de changement de prénom. J'ai pu en bénéficier en 2017 pour m'appeler enfin Sereine et ajouter ce prénom que je portais de manière usuelle depuis ma naissance à la liste de ceux qui figuraient sur ma carte d'identité – donc ce n'est pas moi qui ai passé mes examens, mais c'est bien moi qui suis dans cet hémicycle à vos côtés !
Pour reprendre l'historique des changements sur le plan du droit, je suis tombée sur un article intitulé « Le droit à devenir soi-même » qui précise qu'en 1794, on a interdit aux fonctionnaires publics de désigner les citoyens autrement que par leur nom et leur prénom – ce qui prouve qu'avant ce n'était pas si évident – et qu'en 1949 et en 1950 le droit a assoupli l'immutabilité du nom. Un article sur la Résistance rappelle d'ailleurs que plusieurs personnes célèbres ont porté un autre nom, à l'instar de Marcel Bloch devenu Marcel Dassault ou de Jacques Chaban-Delmas, bien connu dans notre hémicycle.
Mme Patricia Mirallès applaudit.
Chaque fois qu'on ouvre un droit, on ouvre la possibilité d'un abus. C'est ainsi. Il y aura toujours quelques hurluberlus qui décideront de changer de nom – même si la décision ne doit pas être prise à la légère – et qui le regretteront le lendemain. De même, les parents ont la liberté de choisir le prénom de leur enfant ; figurez-vous que le juge a dû se prononcer sur le prénom Goldorak ! Faut-il pour autant interdire aux parents de choisir le prénom de leur enfant ? Certainement pas !
Quant aux pressions que craint M. Breton, l'article 61-3-1 du code civil prévoit qu'en cas de difficulté – s'il soupçonne par exemple des pressions –, l'officier d'état civil saisit le procureur. Vous défendez une conception assez curieuse. Pour ma part, je considère qu'il faut faire confiance aux Français majeurs : ils sont assez grands pour choisir.
Dans le lot, certains feront le mauvais choix. Je le répète, chaque fois qu'on ouvre un droit, on prend le risque d'un abus de droit. Il en a toujours été ainsi, et cela ne changera pas. Si l'abus de droit, qui est marginal, devient la préoccupation principale, il n'y a plus de droit possible.
Vos leçons, j'en ai ras le bol ! J'ai été trente-six ans avocat, je connais le droit !
L'amendement n° 61 est adopté.
Nous avons déjà eu cette discussion à l'article 1er , mais elle me semble encore plus importante concernant l'article 2. Alors que la modification d'un nom par adjonction ne soulève guère de problème, la modification par substitution est d'un autre ordre. Si, à l'avenir, les Français décidaient massivement de changer de nom – cela pourrait arriver –, quelles en seraient les conséquences sur l'organisation de l'État ? Encore une fois, il aurait mieux valu réformer, améliorer et simplifier les procédures existantes, plutôt qu'instituer une possibilité générale, ouverte à tous, de changer de nom. Ce droit généralisé me paraît aller trop loin.
Enfin, si vous n'autorisez aujourd'hui le changement de nom qu'une fois au cours de la vie, demain, au nom de la fameuse empathie – et ce serait normal –, vous ouvrirez à nouveau cette possibilité. Pourquoi la limiter à une seule fois ? De toute évidence, vous reviendrez sur cette loi. Vous citez le code civil et expliquez qu'en cas de pression, le procureur peut intervenir. Or les pressions ne sont pas nécessairement visibles au premier abord ; elles peuvent être plus diffuses. Une personne qui, sous la pression de son père ou de sa mère, décide de changer de nom de famille par substitution, pourra se rendre compte quelques années plus tard qu'elle a été induite en erreur, par exemple que les griefs ou les abus qu'un de ses parents lui décrivait pour justifier son choix n'étaient pas si graves que cela. Elle pourrait donc le regretter. Je le répète, cette loi n'est qu'une étape, et je crains malheureusement les suivantes.
Je ne reviendrai pas sur les moyens de la justice – même si, qu'on le veuille ou non, une politique est faite non seulement d'objectifs, mais aussi de moyens. M. le ministre nous assure qu'il déploie de grands moyens, mais ce n'est pas ce que nous constatons sur le terrain. Je vous invite d'ailleurs à vous rendre à la maison d'arrêt de Saint-Brieuc – située rue de la liberté – pour constater son état déplorable. Vous n'en êtes pas le seul coupable – je suis le premier à le dire –, mais rien n'a changé depuis votre arrivée.
Tout ça est lié : c'est parce qu'on n'est pas capable d'assurer correctement le droit existant qu'on bricole des solutions comme celle qui nous est proposée, et que l'on casse des principes majeurs.
Allons donc !
J'en veux pour preuve les propos de Sylviane Agacinski, qui vient des rangs de la gauche, me semble-t-il : elle déplore un terrible démontage du droit civil. Or le droit civil, c'est d'abord le droit de la famille. J'en veux également pour preuve les avis des psychanalystes, qui connaissent parfaitement le rôle du père et de la mère – car ces derniers ne sont pas seulement des individus : ils jouent un rôle, qu'il faut assumer, et dont le nom est l'une des composantes. Pierre Legendre, fondateur du Laboratoire européen pour l'étude de la filiation, craint l'avènement d'un sujet roi qui se croira tout permis et fera des choix contraires à ses propres intérêts, qu'il pourra regretter. Pour éviter de tels regrets, il faut une procédure, une obligation de réflexion, un conseil, voire l'intervention d'un magistrat qui jugera de l'intérêt de la démarche au regard de besoins légitimes. Nous ne voulons pas interdire le changement de nom ; nous demandons simplement qu'il soit entouré d'une procédure protectrice.
Nous abordons ici ce qui constitue pour moi le seul point d'achoppement du texte. Le changement de nom d'usage, avec la possibilité pour l'officier d'état civil d'adjoindre un second nom au premier, ne me pose aucune difficulté. En revanche, il me semble délicat que l'officier d'état civil seul puisse substituer le nom d'un parent à celui de l'autre : ce n'est pas une modification simple, mais bien une refonte de l'état civil de l'individu. L'officier d'état civil n'exerce pas nécessairement dans un service organisé, qui prendra acte d'une demande et proposera à la personne de revenir signer les papiers la semaine suivante. Offrir un délai de réflexion serait pourtant une mesure toute simple, utile et que nul ne percevrait comme une maltraitance administrative. Parfois, le rôle de l'officier d'état civil est précaire. Lui-même peut subir des pressions…
…liées ne serait-ce qu'aux conditions d'accueil du public dans la mairie ou à de longues files d'attente. Le sujet ne doit pas être traité à la légère, et tous les demandeurs ne portent pas des histoires personnelles lourdes qui leur feraient mûrement réfléchir leur choix.
Dans le cas du changement de nom par substitution, il faut prendre davantage de précautions. La responsabilité ne doit pas reposer sur l'officier d'état civil. Elle doit être confiée pas au garde des sceaux, du moins au procureur de la République du département. Ce ne serait pas compliqué. La procédure pourrait être traitée en deux mois, ce qui serait parfaitement acceptable pour nos concitoyens.
Certains ont d'abord affirmé que la procédure deviendrait individuelle, mais je constate qu'au fil des débats, cet argument a été abandonné. Il a aussi été dit, à tort, que la procédure de changement de nom avec demande auprès du garde des sceaux passait devant un juge. Rappelons qu'il s'agit d'une procédure administrative instruite par les services du ministère de la justice : elle ne passe donc pas devant un juge. C'est précisément ce qui a obligé le Conseil d'État à infléchir sa jurisprudence. Jusqu'en 2014, en raison du caractère administratif de la procédure, le motif affectif n'était pas accepté comme légitime – cela a été rappelé. La condamnation de la Cour européenne des droits de l'homme, précisant que ce motif légitime devait être reçu, a conduit le Conseil d'État à évoluer. Cela ouvre la possibilité pour toute personne de changer de nom sans motif particulier, puisqu'un agent administratif ne peut juger d'un motif affectif.
Venez me voir à la Chancellerie, monsieur Schellenberger, afin que nous travaillions sur le délai d'une semaine ou de dix jours que vous proposez. Cette mesure me paraît intéressante – nous pourrions l'appeler le délai de mise en œuvre. J'entends vos arguments ; vous êtes d'ailleurs très constructif concernant ce texte, ce qui vous distingue de certains autres.
Le ministre distribue les bons et les mauvais points, c'est insultant pour les parlementaires !
Le ministre est doté de quelque capacité de réflexion…
…et fait la différence entre la construction et l'obstruction. Certains veulent construire, d'autres pratiquent une obstruction totale.
Joignez-vous à M. Schellenberger, si vous le souhaitez ! Un délai de réflexion de huit ou dix jours serait intéressant.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
C'est extraordinaire : même quand on fait un pas vers vous, vous n'en voulez pas ! Nous sentons que vous êtes libre sur ce sujet, monsieur Schellenberger ; venez me voir, et nous préparerons une disposition en vue de l'examen du texte par le Sénat.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – M. Raphaël Schellenberger applaudit également.
La parole est à Mme Christine Hennion, pour soutenir l'amendement n° 65 .
Il s'inscrit dans la continuité de l'amendement que j'ai présenté tout à l'heure. Il m'a certes été expliqué qu'il n'était pas possible, à titre d'usage, de scinder les noms doubles. Dans le cas du changement de nom, néanmoins, nous proposons d'aller plus que le texte actuel et d'appliquer une mesure de simplification similaire à celle que nous avons proposée pour le nom d'usage.
Même avis.
Je voudrais revenir sur des questions relatives au changement complet d'état civil que j'ai évoquées dès l'article 1er , quand le débat s'est ouvert sur des considérations plus larges, mais qui concernent bien l'article 2. Si vous pouviez nous répondre et nous éclairer, monsieur le ministre, l'affaire sera classée et l'échange aura été utile. L'article 2 permet à tout un chacun de changer de nom : il s'agira en effet d'un droit individuel, sans aucune condition ; il suffira de le souhaiter pour y procéder, par simple déclaration à l'officier d'état civil. Qu'en sera-t-il des procédures judiciaires engagées contre des individus sous leur ancien nom : citations à comparaître, injonctions de payer, contraventions, etc. ? Les poursuites devront-elles être renouvelées avec le nouveau nom ?
Vous l'avez déjà dit !
Y aura-t-il opposabilité complète ? Ces questions sont importantes : nous ne parlons pas du nom d'usage, mais d'un changement complet d'état civil. Je vous vois hausser les épaules, mais si vous avez une réponse précise, fondée sur le code de procédure pénale, éclairez-nous.
Vous nous dites que votre bureau est ouvert, monsieur le ministre, mais, il m'est souvent arrivé, en tant que rapporteur spécial du budget de la justice, de ne pas recevoir de réponse aux questions que je vous posais.
Quand je vous ai invité, vous n'êtes pas venu.
C'est inexact. Vous m'avez imposé une date et une heure auxquelles je n'étais pas disponible.
Je ne suis pas non plus à votre disposition !
Ne dites donc pas que votre porte est ouverte : ce n'est pas le cas quand on appartient à l'opposition.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Ce n'est pas vrai !
Le projet de loi ne doit pas être prétexte à tout. Alors que le texte qui traite du changement de nom, c'est la troisième fois que l'on évoque le budget mirifique qui fut le vôtre, désastreux qui fut le mien. Et maintenant, les rendez-vous ! Sachez que M. Schellenberger et moi sommes en train d'en fixer un par texto. Demandez-le lui ! M. Le Fur va vous montrer, c'est un spécialiste des SMS, qu'il reçoit jusque sur le banc. Tout le monde s'en souvient. Quant à vous, monsieur Hetzel, je vous ai invité ; vous n'êtes pas venu. Pardon de vous le dire, mais je ne suis pas à votre disposition.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je retire mon amendement, mais je suis disposée à continuer la discussion avec vos services, monsieur le garde des sceaux, car il porte sur une situation assez fréquente.
L'amendement n° 65 est retiré.
Il vise à fixer un délai objectif pour le changement de nom, fixé à six mois suivant l'atteinte de la majorité. Au-delà de cette précision, je voudrais savoir pourquoi vous limitez à une fois la possibilité de changer de nom.
Alors ça !
Vous parlez de libre choix. Mais, si le changement est fondé sur la liberté individuelle, pourquoi une telle contrainte ? Il peut y avoir des possibilités de réconciliation et de pardon ; la vie est aussi faite de cela. Mais comment le justifiez-vous sur le fond ? Aujourd'hui, vous dites : « une fois », mais plus tard, vous considérerez peut-être qu'il faut alléger cette contrainte au nom de la liberté de chacun. Pourquoi restreindre la liberté des gens ? Moi, cette restriction ne me pose aucune difficulté, car je pense qu'on ne change pas de nom impunément.
Nous ne cessons de le dire !
Dont acte. Mais, dans ce cas, dites clairement que la volonté individuelle ne permet pas de faire tout ce qu'on veut et qu'il faut fixer des critères afin d'éviter l'instabilité juridique. Vous voyez que nous pouvons nous accorder. Vous dites : « C'est une loi de liberté » – toujours la liberté ! ; je ne vous reproche pas de vouloir la restreindre, mais il faut vous justifier vis-à-vis des militants de la liberté à tous crins.
Avis défavorable.
Notre collègue Hennion a retiré son amendement n° 65 , mais je n'ai pas retiré mes questions sur les citations à comparaître, ni sur ce que prévoit le code de procédure pénale. Monsieur le garde des sceaux, pouvez-vous nous donner une réponse précise ? L'ambiguïté, si elle existe, sera levée immédiatement. Je ne vois pas pourquoi vous refusez de répondre à une question très simple ; si elle vous paraît alambiquée, levez l'incompréhension par votre explication : si une personne change de nom, qu'advient-il des citations à comparaître, injonctions de payer ou contraventions dont elle peut faire l'objet ?
Nous y avons déjà répondu, et vous n'étiez pas là.
Vous n'y avez pas répondu, monsieur le garde des sceaux, ou alors, j'étais absent pendant ces cinq minutes-là, ce qui n'est vraiment pas de chance. On peut jouer le dédain, mais on peut aussi répéter une explication.
Ce n'est pas du dédain, vous n'étiez pas là ! Les flash-back, il faut les laisser à Claude Lelouch.
L'amendement n° 28 n'est pas adopté.
Il vise à compléter l'alinéa 3 en précisant que tout changement de nom de famille devra faire l'objet d'une publication au Journal officiel afin que tout le monde puisse avoir connaissance de ce changement important. Un changement de nom n'est pas anodin, c'est un acte important qui ne peut pas se faire par une simple déclaration. Vous avez d'ailleurs précisé qu'il ne s'agissait pas vraiment d'une déclaration et que la forme était adaptée.
Néanmoins, monsieur le garde des sceaux, je vous ai moi aussi posé plusieurs questions, notamment sur le cas particulier des doubles noms d'usage placés dans un certain ordre pour l'un des enfants avant la promulgation d'une précédente loi. Vous savez qu'en cas de désaccord, les noms sont désormais placés dans l'ordre alphabétique, alors qu'on pouvait auparavant choisir leur ordre d'un commun accord. Mon collègue Philippe Gosselin vous a posé d'autres questions. Sur ce sujet sérieux qui suscite beaucoup d'attentes – vous hochez la tête, cela veut dire que vous n'êtes pas d'accord –, nous attendons vos réponses.
Monsieur le rapporteur, vous avez l'air à l'écoute. Il est vraiment important que vous nous répondiez. À défaut, nous restons dans l'incertitude. Il s'agit d'un texte important qui va toucher le nom de famille de beaucoup de personnes.
C'est le même amendement. Les questions de notre collègue Bazin restent sans réponse, celles de notre collègue Gosselin aussi, bien que nous ayons essayé d'assister à tous les débats. Je vous ai demandé pourquoi vous limitiez à une fois la possibilité de changement de nom afin que vous nous donniez vos raisons. Je le répète, nous sommes d'accord pour limiter cette liberté ; selon vous, notre vision est archaïque. Mais à quoi ressemble votre vision moderne ? Nous attendons vos réponses.
Défavorable.
Que nous ne soyons pas d'accord sur les fondements du droit au changement est une chose mais, puisque la machine est lancée, donnez-nous au moins une information et permettez-nous d'apporter une forme d'opposabilité. Je rappelle que la constitution d'une société économique de type SARL – société à responsabilité limitée – ou le changement de régime matrimonial donne lieu à une publication dans un journal d'annonces légales pour que l'information soit portée à la connaissance du public. Pour un élément aussi substantiel que le changement d'état civil, il n'y aurait aucune information extérieure ? Cela paraît étonnant.
On va en arriver à une situation pour le moins contradictoire : le changement de nom par la procédure de la Chancellerie, qui deviendra le régime dérogatoire pour changer un nom ridicule ou infamant ou pour relever un nom historique, continuera, elle, de justifier une publication au Journal officiel – alors même que, quand on porte certains noms, on aimerait mieux que ça ne se voit pas trop –, tandis que la procédure qui deviendra le droit commun ne donnera lieu à aucune publication ni d'ailleurs à aucune opposabilité.
Monsieur le garde des sceaux, il y a là un vrai sujet qui mériterait que vous m'envoyiez un petit texto.
Sourires sur les bancs du groupe LR.
Je suis prêt, moi aussi, à rejoindre sous dix jours la Chancellerie, en toute bonne volonté.
Monsieur le garde des sceaux, je vous demande simplement quelques réponses à des questions simples. Vous êtes plus armé que tout autre pour les fournir, vous avez derrière vous cinq ou six experts plus compétents les uns que les autres, et il y a certainement au ministère des gens encore mobilisés à cette heure. Vous devriez être en mesure de nous répondre selon la tradition parlementaire.
Je dis simplement – et tout le monde pourrait en convenir – qu'il faut éviter le coup de tête, la décision un peu précipitée, le coup de colère. Chaque couple, chaque famille connaît des crises qui peuvent durer un peu, mais qui peuvent aussi s'achever par une réconciliation. Il faut donc se donner un délai. Je propose donc que, pour être effectif, le changement de nom soit confirmé auprès de l'officier d'état civil à l'issue d'une période de réflexion d'un an après la demande – mais on peut fixer une autre durée.
En tout état de cause, la réflexion me semble indispensable. Elle l'est d'autant plus que votre propre texte interdit le droit à l'erreur, c'est-à-dire que l'on peut plus changer de nom par la suite. Or il peut y avoir des gens qui se disent : « Je me suis trompé, j'ai nié la paternité de mon père, mais il fait partie de mon existence. » Cela existe aussi.
Pour toutes ces raisons, je défends cet amendement et, monsieur le garde des sceaux, je vous prie de me répondre, car je crois que cette question est à l'esprit de beaucoup de gens.
Défavorable.
Il s'agit d'un sujet important. Nous disons : « Attention, ne faut-il pas prévoir un délai de réflexion ? », et il est surprenant vous rejetiez notre proposition par un simple « défavorable ».
D'un côté, vous nous dites : « Nous voulons un vrai débat », mais lorsque nos amendements posent de véritables questions, vous refusez l'obstacle. Monsieur le garde des sceaux, vous dites en permanence « Je veux débattre. » Mais, lorsque nous voulons débattre avec vous, il n'y a plus personne. Vous êtes dans la polémique en permanence.
Nous avons répondu et vous n'étiez pas là !
Pour quelle raison ne souhaitez-vous pas de délai de réflexion ? C'est très simple, et le fait que vous ne répondiez pas est véritablement une preuve de mépris.
M. Hetzel n'était pas là quand j'ai répondu.
Je voudrais répondre à M. Le Fur, qui a pris, tout à l'heure, l'exemple de l'effacement du nom du père. Je veux vous donner un exemple à mon tour, celui d'un enfant qui n'a pas connu son père et qui porte le nom de sa mère. Il décide de retrouver son père, découvre qui il est et s'aperçoit que c'est une belle personne avec qui il est en train de vivre des moments merveilleux. Ce jeune homme souhaite prendre le nom de son père, parce qu'il a une mère violente. Vous voyez qu'il ne s'agit pas systématiquement d'enlever le nom du père, mais aussi de pouvoir le donner à un enfant qui ne le connaissait pas.
L'amendement n° 40 n'est pas adopté.
Je souhaite profiter de cet amendement pour obtenir une réponse sur le délai de réflexion, lequel mérite plus qu'un simple avis défavorable. Pourquoi ne pas prévoir un délai de réflexion ? Ne dites pas que c'est de l'obstruction ; c'est une proposition. Vous pouvez dire qu'il n'y a pas à réfléchir, que c'est tout vu, mais prenez au moins la peine de nous répondre.
Notre collègue Gosselin a demandé pourquoi les changements de nom sous ce qu'il faudra désormais appeler l'ancien régime – pour les noms ridicules, etc. – feront l'objet d'une publication au Journal officiel et non les autres. Vous qui avez le mot d'égalité à la bouche, vous créez là un traitement inégal. Quelle en est la justification ?
Encore une fois, nous faisons notre travail. Nous sommes là pour débattre, mais vous, vous ne le voulez pas. Vous ne réalisez pas d'étude d'impact, vous ne soumettez pas le texte pour avis au Conseil d'État, vous choisissez la procédure accélérée, si bien qu'aujourd'hui, vous subissez ces débats, nous le voyons bien. Vous ne répondez même plus, car vous êtes à court d'arguments !
Nous, nous sommes là pour travailler et assumons de chipoter pour aller au fond des choses. Répondez donc à notre question : pourquoi n'autoriser qu'une seule fois le changement de nom ?
Si, pour notre part, nous sommes d'accord avec cette limitation, pourquoi vous, qui concevez le débat en termes de liberté individuelle, faites-vous un tel choix ? Aucune réponse ! Nous voyons bien que vous êtes à court d'argument, que le texte est bâclé,…
…bricolé, qu'il ne repose sur aucun argument de fond, au-delà de l'effet d'affichage sur les aspects émotionnels, affectifs et ainsi de suite – ceux-ci doivent d'ailleurs être pris en compte.
Nous ne vous avons pas beaucoup entendus. Il faudrait énumérer toutes les questions qui sont restées sans réponse et le resteront, puisque vous avez choisi la procédure accélérée. Encore une fois, c'est du bricolage, du bâclage juridique.
Je suis surpris. Certains de nos collègues nous répondent que les débats durent depuis six heures, mais six heures, c'est le minimum quand l'on traite de sujets majeurs comme le changement de nom et la famille ! On ne compte pas ses heures, dans de tels cas ! Ou alors, il vaut mieux changer de métier.
Vos électeurs vous l'imposeront peut-être dans quelques mois, d'ailleurs !
Comme le dit mon excellent collègue ! Monsieur le garde des sceaux, j'espère que vous répondrez sur mon amendement ; vous ne le faites que quand j'évoque les finances
Rires sur les bancs du groupe LR
et quand je cite les propos des chefs de cour. D'ailleurs, par pitié, ne les morigénez pas !
Mêmes mouvements.
Ce sont des gens très bien, qui font leur travail et se contentent de nous dire la vérité, à nous autres parlementaires.
En tout cas, l'amendement n° 42 – si on me laisse m'exprimer, je pourrai le défendre – vise à éviter que l'enfant ne soit pris dans un piège. En effet, en imposant des choix aussi importants aux enfants, on expose à être tiraillés entre le père et la mère, dans des situations souvent conflictuelles. Évitons cela et protégeons l'enfant, conformément à l'un des objectifs inscrits dans notre droit !
Actuellement, les changements de nom effectués sur le fondement de l'article 61 du code civil sont applicables de plein droit aux enfants de moins de 13 ans. Il serait incohérent de ne pas faire de même dans le cadre de la procédure simplifiée. Avis défavorable.
La parole est à Mme Isabelle Santiago, pour soutenir l'amendement n° 60 .
Cet amendement de mon groupe vise à obtenir une précision de M. le rapporteur. Dans le cadre de cette proposition de loi, il importe de préciser quel service de l'état civil sera compétent pour les Français de l'étranger, car, comme nous le savons, les services consulaires ne sont plus dépositaires des actes d'état civil les concernant. C'est désormais le service central d'État civil, à Nantes, qui en est chargé, mais celui-ci ne dispose pas pour autant des compétences d'un officier d'état civil.
Cette question est essentielle pour les Français nés ou vivant à l'étranger ; elle concerne donc un nombre important de personnes.
Avis défavorable. En commission, nous avons autorisé le dépôt de la demande de changement de nom à l'officier de l'état civil du lieu de résidence.
Même avis.
Défavorables !
Je vous remercie. J'entends bien, mais c'est que vous n'avez pas parlé dans le micro, monsieur le rapporteur et que vous portez un masque, de surcroît !
La parole est à Mme Isabelle Santiago.
Nous étions contents car, nous aussi, nous avions entendu que les avis étaient favorables.
Plusieurs ont dû entendre la même chose. C'est un léger problème, il faudrait retirer nos masques !
Sourires.
Plus sérieusement, vous donnez un avis défavorable, mais pourriez-vous préciser quel service sera compétent pour les Français de l'étranger ? Qui gère cela ? Nous souhaiterions une réponse ; notre collègue m'indique que cela n'a pas été précisé lors des travaux en commission.
L'amendement n° 60 n'est pas adopté.
L'article 2, amendé, est adopté.
Sur l'ensemble du projet de loi, je suis saisie par les groupes La République en marche et Agir ensemble d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, je suis saisie de quatre amendements identiques, n° 68 , 69 , 71 et 72 , portant article additionnel après l'article 2.
La parole est à Mme Camille Galliard-Minier, pour soutenir l'amendement n° 68 .
Il vise à faciliter le changement de nom de l'enfant dont un parent s'est vu retirer l'autorité parentale. Un enfant mineur pourrait ainsi ne plus porter le nom de son parent, si celui-ci a été condamné pour des violences exercées sur lui ou sur l'autre parent, notamment en cas de féminicide.
L'article 380-1 du code civil qui serait créé pour cette disposition autonome aurait vocation à s'appliquer devant les juridictions aussi bien civiles que pénales, en cas de retrait total de l'autorité parentale.
Il s'agit simplement, en cas de retrait total de l'autorité parentale, de permettre au juge de décider du changement de nom de l'enfant mineur, avec l'accord de celui-ci, s'il a plus de 13 ans. Nous avons beaucoup travaillé sur la protection des mineurs dans cet hémicycle, avec M. le garde des sceaux, notamment. Cette mesure s'inscrit dans la continuité de celles que nous avons déjà prises pour les enfants victimes de violences psychologiques, physiques, sexuelles – je pense évidemment à l'inceste. Permettons qu'ils n'aient pas à porter le nom de leur bourreau.
Je suis saisie de deux amendements de suppression, n° 14 et 30.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement n° 14 .
L'article 3 vise à modifier l'article 60 du code civil, afin de permettre aux majeurs protégés de changer de prénom sans modalité particulière de représentation. D'une certaine manière, cela revient à effacer le rôle du tuteur.
Je m'interroge sur ce choix. Étant donné l'importance du changement de prénom, il convient de s'assurer que les majeurs protégés le demandent pour des motifs réels et sérieux, ce que le tuteur peut garantir. Si les majeurs visés sont protégés, ce n'est pas pour rien !
Il nous manque une étude d'impact, puisque le Conseil d'État n'a été saisi ni sur l'article 1er , ni sur l'article 2 et pas d'avantage sur l'article 3. Quelles seront les conséquences de cet article ? Je comprends les différents cas que vous avez présentés, mais à aucun moment vous n'avez évoqué celui des majeurs protégés. Peut-être disposez-vous d'informations à les concernant ?
Jusqu'où aller ? Votre choix n'est-il pas risqué ? Le changement de prénom sera définitif ; il sera impossible de revenir sur celui-ci. Ne serait-il donc pas pertinent de surseoir à modifier ce point et de supprimer l'article ?
Je rejoins les arguments de M. Bazin. En l'absence d'étude d'impact, nous ne savons pas combien de majeurs protégés sont concernés. Puisque je ne doute pas que vous remplissez vos fonctions consciencieusement, j'imagine que vous, en revanche, le savez et connaissez l'impact qu'aura votre décision sur leur situation. Il faudrait nous éclairer.
Il est normal que nous nous posions ces questions, à propos d'une disposition qui n'est pas neutre.
Mme Michèle Peyron proteste.
La question des majeurs protégés et celle de leurs relations avec leur représentant sont sensibles et renvoient à des situations concrètes.
Nous ne pouvons pas supprimer d'un trait de plume la disposition concernant ces majeurs, parce que, au nom de la liberté et de l'égalité, il faudrait que tout soit pareil pour tous. Cela ne correspond pas à la réalité des choses. J'imagine donc que vous pourrez nous donner des exemples, des éléments concrets sur l'impact d'un tel article et nous indiquer le nombre de personnes concernées.
Nous prenons une mesure de simplification pour les majeurs protégés ; notre démarche vise à mieux garantir leur autonomie, pour les décisions relatives à la personne. Avis défavorable.
Même avis.
Même si le prénom et le nom, ce n'est pas la même chose, les deux sont inscrits dans l'état civil. Par ailleurs, ce n'est pas le fait de faciliter le changement de prénom des majeurs protégés qui nous dérange, mais le fait que vous souhaitiez le permettre sans l'avis et, le cas échéant, sans la présence du tuteur. Peut-être même que l'officier de l'état civil saisi ne saura pas qu'il s'agit d'un majeur protégé. Cela peut également arriver. Imaginez qu'un majeur protégé fasse cela dans le dos de son tuteur !
Ces informations sont sur l'acte de naissance !
Ce n'est généralement pas le majeur protégé qui gère lui-même ses papiers, mais le tuteur. Si celui-ci n'est pas informé du changement de prénom, il aura des difficultés à gérer le patrimoine, à traiter les demandes d'allocation et ainsi de suite. Certes, de tels imbroglios pourraient peut-être être réglés après quelques mois, mais tout de même !
C'est surprenant : d'un côté, les majeurs protégés sont empêchés, du fait de leur statut légal, de gérer leur patrimoine immobilier ; de l'autre, ils peuvent changer de prénom en toute liberté, sans que leur tuteur intervienne. Pourquoi faire deux poids deux mesures, sur des questions qui sont au moins d'égale importance ?
L'article 3 est adopté.
Sur un sujet aussi important que celui des majeurs protégés, je ne comprends pas votre absence de réponse, monsieur le garde des sceaux.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Protestations de députés du groupe LaREM et de M. le rapporteur.
Le droit en vigueur veut qu'un majeur sous tutelle soit soumis au contrôle de son tuteur pour des actes très élémentaires.
Là, ce n'est pas un acte élémentaire : c'est le changement de son nom ou de son prénom. C'est un acte majeur ! Comme le disait très justement Thibault Bazin à l'instant, dans bien des communes, le majeur protégé est connu par son prénom. Dans la vie sociale, c'est comme ça ; c'est la tradition, en quelque sorte. Je ne comprends pas que pour un majeur protégé sous tutelle, un acte banal comme un petit achat soit soumis à l'autorisation de son tuteur, alors qu'un changement de prénom n'y serait pas soumis. Le tuteur aurait au moins la possibilité de le faire réfléchir aux suites de sa décision. Vraiment, je ne comprends pas ; je ne saisis pas.
Mais c'est insupportable !
La réponse vous a été donnée, monsieur Le Fur, mais vous ne voulez pas l'entendre ! Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. On a parlé d'autonomie : il ne vous a pas échappé que les gens placés sous tutelle ont le droit de se marier.
Il ne vous a pas échappé non plus qu'ils ont bénéficié ces dernières années de davantage de liberté et d'autonomie. Cela touche à l'intime, tant mieux ! Que voulez-vous que je vous dise ? Là encore, c'est une conception qui n'est pas la vôtre. Les gens sous tutelle ont même le droit de vote maintenant !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Merci de répondre, monsieur le garde des sceaux. Mais il faut vraiment insister pour obtenir une réponse.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Vous les connaissez déjà !
Non, nous ne les connaissons pas. Où nous les aurions-nous eues ? Nous examinons un texte bâclé, sur lequel nous prenons néanmoins le temps de poser des questions ; nous avons besoin des réponses.
J'imagine que la mesure concernant les majeurs protégés a été élaborée dans la concertation : quelles associations représentant les majeurs protégés, les tuteurs avez-vous rencontré ? Car j'imagine bien que vous les avez consultées, que vous n'avez pas décidé d'un claquement de doigts. Nous sommes là dans notre rôle de contrôle, ne vous en déplaise.
Je comprends que vous voudriez que ça aille vite et qu'il n'y ait pas de débats, mais ce n'est pas notre conception de la démocratie. Notre conception, c'est le débat, c'est aller au fond des choses, c'est une opposition qui pose des questions et un gouvernement qui donne des réponses ; or celui-ci ne le fait pas, nous insistons, et au bout d'un moment, une réponse partielle est donnée. On reste encore dans l'attente de savoir pourquoi limiter à un seul changement de nom dans une vie. Nous n'avons toujours pas de réponse. Pourquoi une publicité particulière est faite des changements de noms ridicules ?
Oui, monsieur le garde des sceaux, nous continuons à poser des questions, parce qu'elles restent sans réponse. Ne vous en déplaise, c'est notre rôle de les poser. Or nous arrivons à la fin des débats et nous n'avons toujours pas obtenu de réponses.
Et voilà !
Monsieur Breton, l'entrée en vigueur différée est nécessaire pour permettre une bonne prise en compte des états civils. Le garde des sceaux vous l'a dit : pour cette réforme, un document sera publié, afin d'expliquer comment la loi s'appliquera dans les territoires et s'adaptera. Plus qu'une loi, vous êtes invités à voter pour un nouvel état d'esprit, une nouvelle relation dans le couple.
La loi entrera en vigueur en juillet 2022, le temps que nous formions les services de l'état civil ; en effet, certains expliquent encore aux gens qu'on ne peut pas ajouter le nom d'usage ou qu'on ne peut pas inscrire le double nom. La loi Gouzes de 2002 avait fait un pas ; nous ferons preuve de beaucoup de pédagogie. Avis défavorable.
Certaines questions appellent des réponses : indiquez-nous qui vous avez auditionné ! Nous connaissons les associations de handicapés, leurs familles, etc. Pouvez-vous nous préciser cela ? C'est tout ce qu'on vous demande, ce n'est pas très compliqué.
L'amendement n° 31 n'est pas adopté.
L'article 4 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 56
Nombre de suffrages exprimés 54
Majorité absolue 28
Pour l'adoption 49
Contre 5
La proposition de loi est adoptée.
Prochaine séance à neuf heures :
Nouvelle lecture des propositions de loi organique et ordinaire relatives aux lois de financement de la sécurité sociale ;
Six projets de loi autorisant la ratification des conventions internationales suivantes :
Convention contre le trafic d'organes humains ;
Convention fiscale France-Angleterre ;
Accord France-Maurice en matière de défense ;
Accord France-Qatar relatif au statut de leurs forces ;
Convention de coopération judiciaire avec le Mécanisme international pour la Syrie ;
Convention France-Espagne relative à la nationalité.
La séance est levée.
La séance est levée le jeudi 27 janvier 2022 à zéro heure vingt.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra