Après avoir discuté du mode de scrutin idéal qu'il faudrait introduire pour les élections législatives, nos collègues du groupe MODEM nous invitent à échanger sur la création du statut de conseiller territorial, donc, in fine, sur l'organisation territoriale de la République. Ce débat est tout aussi intéressant, tant il révèle les profonds désaccords politiques qui subsistent entre nous.
Bien sûr, nous partageons le constat que dresse le texte : les Françaises et les Français éprouvent un désenchantement croissant vis-à-vis de leurs représentants politiques et de leurs institutions. Leur défiance s'exprime par une abstention croissante, laquelle touche désormais tous les scrutins, y compris municipaux, régionaux et départementaux, jusqu'ici plutôt préservés. Cette défiance s'est accrue tout au long du quinquennat, se cristallisant notamment au moment du mouvement des gilets jaunes.
Elle s'exprime aussi par certaines formes de radicalisation et de contestation très dures, qui vont parfois jusqu'aux intimidations verbales, sinon physiques. Rien ne peut justifier les menaces et les violences : le groupe communiste, d'ailleurs, les condamne systématiquement. Mais notre devoir est aussi d'analyser les ressorts de tels comportements et d'entendre qu'ils résultent de l'incapacité de nos institutions démocratiques à produire du commun.
Or c'est ici que nos routes se séparent, car, curieusement, vous cherchez à soigner cette coupure douloureuse en éloignant toujours plus les rives qui séparent les citoyens de celles et ceux qui les représentent. Votre solution est d'aller plus loin encore dans la métropolisation, qui porte une grave responsabilité dans cette situation.
Certes, votre majorité n'est pas seule responsable puisque, depuis une trentaine d'années, bien des textes ont considérablement aggravé la mise en concurrence des territoires. Ces réformes ont provoqué des bouleversements institutionnels considérables, accentuant les inégalités territoriales, tout en remettant en cause les principes constitutionnels d'unité et d'indivisibilité de la République.
Face à des tels séismes, il eût été plus sage d'engager un véritable débat national, mais les différents gouvernements se sont obstinément refusés à toute nouvelle réflexion, préférant précipiter l'examen de réformes élaborées sans concertation et sans vision à long terme. La loi NOTRE et, dans une certaine mesure, le projet de loi 3DS sont exemplaires des dérives qui blessent cruellement notre démocratie.
En prétendant combattre le fameux millefeuille, ces réformes toujours plus « technos » ont rendu notre système local français, déjà contraignant et inopérant, encore plus incompréhensible pour les citoyens. C'est désormais un canard sans tête qui poursuit son chemin : aucun cerveau ne commande plus rien.
C'est pourquoi il faut revenir d'urgence au modèle laissé en héritage par les révolutionnaires de 1789. Nous devons refonder notre démocratie sur les trois piliers fondamentaux de la République : l'État, le département et la commune. Pour cela, il faut mettre fin à la monarchie présidentielle, qui étouffe les Françaises et les Français, qui ont le sentiment d'être réduits au silence, tout au plus consultés lors de grands débats hautains ou à l'occasion des élections présidentielles, sans que jamais ils puissent intervenir autrement dans la vie politique nationale.
Il faut également faire des départements les chevilles ouvrières de la République sociale, ce qui suppose d'en finir avec ces régions et ces intercommunalités inhumaines, géantes, incohérentes d'un point de vue géographique, historique et sociologique.
Il faut enfin conforter la commune comme échelon de base de la souveraineté populaire, avec les moyens que cela implique d'accorder aux municipalités, qui font vivre la cohésion sociale au quotidien, grâce aux services publics et au dévouement des serviteurs de l'intérêt général.
C'est de cette manière que les citoyennes et les citoyens retrouveront confiance dans leurs institutions et leurs élus. Aussi voterons-nous contre cette proposition de résolution, considérant que la création du statut de conseiller territorial n'est qu'une nouvelle gageure technocratique, qui ne pourrait qu'aggraver la crise démocratique.