Intervention de Christophe Euzet

Séance en hémicycle du jeudi 3 février 2022 à 15h00
Vote par correspondance — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Euzet :

Comme depuis le début de la journée, vous portez à notre connaissance, chers collègues du groupe MODEM, un sujet d'importance majeure. Vous le savez, le groupe Agir ensemble a énormément de respect et de considération pour le débat contradictoire, sachant que nous abordons ici des thématiques sur lesquelles personne n'a raison ou tort : nous avons des avis différents, fondés sur des argumentaires parfois divergents. Ainsi, toute la journée vous avez proposé des mesures, que nous avons d'ailleurs systématiquement soutenues, visant à revivifier la démocratie. Nous partageons la quasi-totalité de vos constats, comme des éléments de médication que vous préconisez.

Cela étant, notre groupe est nettement plus divisé s'agissant de la question qui nous occupe ici et, puisque je vous en ai fait part en commission, vous savez que je fais partie des députés opposés à cette proposition de loi.

Bien sûr, certains parmi nous considèrent que le vote par correspondance faciliterait l'acte de vote et accroîtrait la participation. De ce point de vue, on peut souscrire à l'argumentaire des tenants de ce texte.

Pour ma part, j'estime qu'il s'agit d'une fausse bonne idée et je souhaite développer quelques arguments, dans le respect, je le répète, du débat contradictoire et des idées opposées.

Ce n'est pas parce que cela a déjà été dit que cela a moins de valeur : j'estime, premièrement, que l'acte de vote est un acte solennel. Faire la démarche de se déplacer de son domicile jusqu'à un bureau de vote et demeurer seul dans un isoloir permettent de peser les conséquences pratiques de l'acte que l'on est en train d'accomplir matériellement. De la même manière, le dépouillement public des suffrages accompagne et clôt cette séquence qui, à tous les égards, doit selon moi demeurer tout à fait solennelle.

Si le vote par correspondance a des intérêts – je les ai mentionnés –, j'estime donc que l'on ne peut rester indifférent aux arguments s'opposant à son extension. En effet, la quantité de votes ne fait pas tout : l'expression et la nature du vote doivent être tout autant prises en considération.

Et lorsque je dis que le vote par correspondance priverait le vote de sa solennité, je devrais même dire qu'il le désacraliserait complètement. Au moment le plus fatidique d'une campagne électorale, un électeur encore excité après avoir regardé une émission de télévision se décidera à chaud, sans recul.

À cet égard, il existe en droit espagnol une procédure – la procédure dite d'enfriamiento –, liée à la motion de censure et que nous appliquons en quelque sorte dans notre système, qui consiste à prendre le temps de se refroidir, de se calmer, de s'apaiser avant de voter. En ce qui me concerne, j'apprécie énormément ce moment de calme, à partir du vendredi soir de la dernière semaine de campagne, lors duquel on met les choses en suspens et on laisse les électeurs prendre le temps de peser leur décision.

Je précise d'ailleurs que si nous en venons un jour au vote électronique, qui se trouve en embuscade derrière le vote par correspondance que vous proposez d'instaurer, le vote deviendra même épidermique, incontrôlable, instantané. Nous en arriverions au click and collect de la vie politique, ce qui me paraît présenter les plus grands dangers.

Cependant, il ne s'agit même pas de l'élément le plus périlleux à mes yeux. Nous en avons parlé et M. le rapporteur a apporté des éléments visant à nous rasséréner sur ce point, je fais référence au détournement du caractère individuel du vote, qui est un risque qu'on ne peut écarter. En effet, dans la société dans laquelle nous vivons, le vote par correspondance entraînera immanquablement des votes communautaires,…

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